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L'Inde un enjeu cognitif et réflexif. Etude des voyageurs de l'Inde et des populations diasporiques indiennes

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par Anthony GOREAU
Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 - DEA 2004
  

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2) Cosmopolis ou claustropolis ?

Les différents groupes constitutifs de la diaspora indienne apparaissent fermés dans une logique communautaire formant une couche isolante et hermétique maintenant l'identité et rejetant le plus possible les contacts culturels avec la France.

En illustrant ce chapitre par le quartier de la Chapelle, lieu privilégié d'un entre-soi communautaire, on remarquera que les tamouls ont développés des stratégies d'appropriation de l'espace publique, collectif et en ont transformé les usages, suscitant parfois des réactions de nature diverses.

Cet entre-soi communautaire se veut le prolongement matériel d'une territorialisation qui au départ était symbolique ; territorialisation qui se fait par la construction d'une identité, d'une sorte de moi collectif.

Ainsi se pose la question en terme de cohabitation entre majorité et minorité mais aussi en terme de transformation de la nature de l'espace publique, de discontinuité, de frontières socales-urbaines. De quelle nature sont les interactions qui découlent de cette confrontation entre population majoritaire et population minoritaire ? Quelles implications génère le marquage de l'espace publique par une dissémination de signes identitaires tamouls ?

D'ordinaire, le champ culturel des diasporas est abordé selon trois axes méthodologiques : la continuité pure et parfaite, la créolisation et l'aliénation.

Dans notre étude, le contact entre l'ici et l'ailleurs ne donne pas lieu à une créolisation mais, il est plutôt le composé complexe d'aliénation et de continuité.

Continuité pure et parfaite dans l'ici de l'ailleurs, visible notamment par cet entre-soi communautaire, offrant une image cosmopolite à l'ici et, aliénation dans le contexte d'une France républicaine et laïque (bien sûr le terme est un peu fort car ce processus ne va pas jusqu'à l'impossibilité de s'approprier pour les migrants indiens son histoire d'origine et la revendiquer) où se pose de façon renouvelée la question de l'immigration et d'une certaine manière celle de la ségrégation.

C'est en ces termes que se définie la ville de Paris : cosmopolis ou claustropolis.

L'adjectif cosmopolite, du grec kosmopolitès, « citoyen du monde » confère à la ville de Paris l'image d'un village globale, d'une citoyenneté mondiale à l'image du village planétaire de Mac Luhan. D'ailleurs, la mairie de Paris joue de cette présence communautaire et bâtie même des itinéraires nommés « invitation au voyage, entre Afrique et Asie »102(*). En réalité il s'agit d'une balade entre l'église Saint Bernard et la Chapelle, entre quartier « africain » et quartier « indien ».

TEXTE 1 : Itinéraire de balade de la mairie de Paris :

« Face au théâtre des Bouffes du Nord, le quartier indien prend naissance rue du Faubourg Saint-Denis. Sri lankais et Indiens y déambulent en sari pour faire leurs achats d'épices et de vidéocassettes. Entre restaurants tandoori et brasseries moules frites, la gare du Nord offre un contraste surprenant avec ses statues XIX e, son architecture de verrières et de métal, sa partie récemment rénovée pour l'Eurostar [...] Au n°43 commence le passage Brady qui se prolonge au-delà du boulevard de Strasbourg. Ici débuta le commerce des premiers émigrés indiens. Le mythe est toujours là sous les verrières qui abritent épiceries et restaurants. A la sortie du passage, la rue du Faubourg-Saint-Denis mène à la porte du même nom : elle marquait la limite du Paris d'autrefois et termine notre voyage d'aujourd'hui dans le Paris d'ailleurs. Le 5 septembre aura lieu le défilé du dieu Ganesh pour la neuvième année. Devant son char tiré à travers les rues, les participants offriront à la divinité, fleurs, noix de coco et pâtisseries colorées... »

Source : mairie de Paris, www.paris.fr, itinéraire, « invitation au voyage ». 2004

Cet itinéraire se propose comme la rencontre entre diverses cultures diverse « civilisations » (suivant les propos usités par le site Internet).

La singularité du quartier de la Chapelle attire et suscite de la curiosité. Si la majorité des clients sont des Indiens et des Sri-lankais, il semble que cet entre-soi réponde à des impératifs commerciaux qui pourraient l'éloigner de son caractère spécifiquement « ethnique ».

En effet, c'est aussi un lieu fort pour les voyageurs de l'Inde, en quête de repères et de symboles qui peuvent puiser ici un certain ressourcement empreint de nostalgie, mais dans une moindre mesure, il semble que français et touristes de passage fassent de ce quartier une utilisation « exotique » (la clientèle n'est ici élargit que par la volonté de certain impétueux de se confronter à l'altérité). Mais, pour certains, l'attraction vient moins de l'exotisme que de l'extrême avantage des prix.

Bien sûr cette caractéristique est évidente pour la restauration qui balaie une clientèle plus large, mais on observe un attrait touristique de ce quartier ; il apparaît dans plusieurs guides sur Paris ; c'est aussi un endroit « branché », à la mode pour la bourgeoisie parisienne.

En réalité, cet entre-soi communautaire permet d'alimenter l'imagologie de l'Inde.

Mais, cet entre-soi est aussi l'illustration d'une privatisation de l'espace publique. Privatisation qui prend toute son ampleur lors des fêtes et principalement du défilé de Ganesh qui a lieu tous les ans au mois de septembre, où la communauté tamoule s'accapare trottoirs, rues, et places publiques.

C'est essentiellement cet événement qui cristallise les critiques. D'ailleurs, une partie de la cinquième édition du défilé en septembre 2000 avait été interdite (voir annexe 3) par le maire du dixième arrondissement, alimentant la polémique entre les différentes mouvances politiques (ici entre Parti socialiste et Verts).

L'espace public est souvent défini comme un des espaces possibles de la pratique sociale des individus. C'est un agencement qui permet la coprésence des acteurs sociaux sortis de leur cadre domestique, mais surtout accessible à tous et empreint d'anonymat. Il suppose donc une séparation de sociabilités entre l'intime, soi-même, et autrui, par de multiples sas et seuils. Ce sont ces seuils qui sont remis en cause par cet entre-soi communautaire (qui soulève l'opposition société d'individus/société communautaire), l'espace publique devenant le support de l'élaboration des sociabilités intimes. Ce manque de « mélange » ne remplit donc pas une des conditions sine qua non de l'espace public : l'accessibilité et tombe ainsi dans une sorte de privatisation. Privatisation qui toutefois lors des défilés de Ganesh rend compte d'une forme de publicisation de l'intime, de la sphère privée.

Cet entre-soi détermine-t-il alors ce que certains appellent un espace « priblique » : une zone tampon où s'expriment à la fois l'individuation et la socialisation ?

L'affirmation de cet entre-soi communautaire institue, en quelque sorte, comme étrangers les usagers n'appartenant pas à la communauté tamoule. Il s'instaure donc une certaine ségrégation sur fond de frontière communautaire voir même « ethnique ». La construction d'une aire marquée par une faible diversité sociale donne une image de claustopolis à la ville de Paris.

Bien sûr il ne s'agit pas d'une ségrégation spatiale à la manière des condominos fechados brésiliens ou des gatted communities, alimentées par un cynisme social par une volonté obsidionale, ni même d'un ghetto ; mais la séparation est bien réelle et d'autant plus forte que les groupes s'y « opposant » n'ont pas les mêmes usages du quartier de la Chapelle. En effet, les migrants indiens y investissent des éléments identitaires, des référents culturels mais n'y vivent pas (en grande majorité), il s'agit d'un lieu de sociabilité, de coprésence communautaire alors que d'autres, « la population locale »103(*), y investi tout un mode de vie.

Cette ségrégation est d'autant plus prégnante qu'elle se spatialise : l'ailleurs est borné, les rues et les faubourgs deviennent les garants de cette délimitation. A cela s'ajoutent des discontinuités d'ordre social, en terme de richesses. Les migrants indiens occupent la plupart du temps des emplois faiblement rémunérés (du fait notamment de la faible maîtrise de la langue française).

Il s'agit donc plus que d'un entre-soi communautaire mais d'une extra-territorialisation qui reprend les lignes de fractures (culturelles, économiques...) entre la France et l'Inde.

* 102 www.paris.fr

* 103 Ternisien, X. polémique à Paris au sujet d'une célébration hindoue. In : Le Monde, 12 septembre 2000.

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