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L'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun

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par Jean Marcel ILUNGA KATAMBA
Université de Kinshasa - Graduat 2004
  

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CHAPITRE 1

ANALYSE INSTITUTIONNELLE DU SYSTEME POLITIQUE CAMEROUNAIS

Durant la période baptisée de « transition démocratique au Cameroun », que se passe-t-il effectivement ? Les faits et événements qui s'y déroulent confortent-ils la thèse d'une transition vers la démocratie ? Ou peut-on affirmer avec le philosophe camerounais Fabien EBOUSSI BOULAGA que la démocratie n'a été que de transit dans son pays ? Mieux, s'agit-il d'une démocratie virtuelle, de façade, ou d'une démocratie réelle ? 

L'analytique institutionnelle du système politique camerounais permet de trouver une réponse à ces diverses préoccupations. En effet, notons avec Fabien EBOUSSI BOULAGA que « c'est la lutte des groupes et des organisations pour maintenir de vielles règles de vie commune ou pour y introduire de modifications ou en imposer de nouvelles » qui donne un sens aux faits et événements qui se déroulent durant la transition que l'on baptise de démocratique((*)108). Un ensemble de règles compose un cadre stable en fonction duquel se mesure ce qui arrive. Il est précisément fait d'institutions. Par institutions, on peut entendre «  un système public de règles qui définit des fonctions et des positions avec leurs droits et leurs devoirs, leurs pouvoirs et leurs immunités. D'après ces règles, certaines actions sont autorisées, d'autres sont interdites ; en cas d'infraction, elles prévoient des peines, des mesures de protection »((*)109).

L'analytique institutionnelle vise donc la construction des institutions de base qui, sous la pression des différents groupes organisés, déterminent la manière dont se répartissent les droits et les devoirs, les charges et les avantages tirés de la coopération sociale((*)110). Elles délimitent ainsi le « lieu » stable où se déroule la destinée des individus avec « leurs perspectives de vie, ce qu'ils peuvent s'attendre à être, ainsi que leurs chances de réussite((*)111).

Dans les démocraties, cette structure institutionnelle comprend la constitution politique et les principales structures sociales((*)112).

La période envisagée pour cette analytique institutionnelle est celle qui va de l'année 1990 aux récentes élections présidentielles du 11 octobre 2004. La dite analytique exige que l'on commence avant tout par appréhender la dynamique de la lutte des groupes et organisations autour da la question d'une tabula rasa ou d'un statu quo institutionnel et constitutionnel ainsi que l'issue de la lutte, avant d'évaluer le résultat du processus en cours au Cameroun à la lumière du cadre théorique et institutionnel universel que doit avoir tout Etat qui s'estime démocratique.

SECTION 1. SITUATION INSTITUTIONNELLE ET CONSTITUTIONNELLE DU CAMEROUN DEPUIS 1990

L'année 1990 correspond à la délimitation temporelle que nous avons adoptée dans l'introduction de notre travail. Elle coïncide avec la montée en puissance d'une « « société civile » qui, déçue de ses espérances démocratiques, écoeurée par l'incurie de la bureaucratie gouvernante, mais sans doute aussi galvanisée par les expériences étrangères de rupture d'avec les régimes autoritaires, entendait sortir de l'impasse politique et de l'ornière économique dans lesquelles le pays s'enfonçait chaque jour un peu plus »((*)113).

Et la réponse satisfaisante que ces demandes sociales attendait du pouvoir était l'élaboration d'une nouvelle constitution et non le ravalement de celle qui fut taillée sur mesure par le Chef d'un parti unique. L'inadéquation de l'offre à la demande de changement institutionnel et avant tout constitutionnel est la clé de l'interprétation de la stagnation politique de la période que nous envisageons.

De tous les faits et événements relatifs à l'action des acteurs sociaux et à la réaction du pouvoir, une date retient notre attention : le 18 janvier 1996. Aboutissement ou détournement du processus démocratique ? L'analyse de la situation institutionnelle et constitutionnelle du Cameroun se fera en deux temps : avant et après cette date.

§1. SITUATION INSTITUTIONNELLE ET CONSTITUTIONNELLE D'AVANT 1996

L'analyse de la situation institutionnelle et constitutionnelle du Cameroun entre 1990 et 1996 nous amène à répondre à deux questions : Le pourquoi - l'analyse des causes- et le comment - l'analyse des processus, c'est-à-dire des façons dont les leaders politiques et le peuple camerounais cherchaient à mettre fin à l'autoritarisme du régime hérité d'Ahmadou AHIDJO.

A. Contexte global de la démocratisation au Cameroun

Il s'agit ici de rechercher les causes qui ont été déterminantes dans la volonté des acteurs sociaux et politiques camerounais d'introduire la démocratie dans l'organisation et le fonctionnement de leurs institutions politiques. Une distinction doit de ce fait être établi entre les causes lointaines et les causes immédiates, les premières balisant le terrain et les secondes mettant en branle le mouvement qui produit les effets qui nous intéressent.

La remarque de Michelet selon lequel on ne peut prétendre comprendre l'actuel si l'on ne s'en tient qu'au présent a lieu d'être appliqué. Un petit saut en arrière, au-delà même de la limite temporelle que nous nous sommes assigné, s'avère indispensable dans la détermination des causes lointaines.

En effet, dès son accession à la Présidence de la République le 6 novembre 1982 suite à la démission d'Ahmadou AHIDJO, on décèle une intention, dans le chef de Paul BIYA, de rompre avec la continuité en démocratisant le Cameroun, comme le témoignent ses discours. Le président Paul BIYA voulait ainsi se présenter comme « l'homme qui a apporté à son pays la démocratie.... », ce qui ne faisait que confirmer sa tare atavique héritée de l'autoritarisme de son prédécesseur, où tout était donné, offert au peuple par la seule volonté et la grâce d'un père tutélaire. « Milla en coupe du monde (de football) c'était une idée de moi », pouvait-on entendre révélé avec jouissance Paul Biya((*)114). C'est ce que le constitutionnaliste camerounais Maurice KAMTO qualifie de « complexe de géniteur tendant à s'attribuer avec fatuité tout acte porteur de fruit((*)115).

Force est de relever cependant que cette intention démocratique n'était que discursive et n'avait été concrétisée par aucune action claire. Toutefois, ce que le président Paul BIYA ignorait, c'est que par ses idées et discours, il venait de faire le lit de la démocratie et il ne suffisait plus que la société civile, alors en voie de formation, s'organisant principalement autour du barreau, de l'épiscopat catholique et de l'intelligentsia , vienne s'endormir. Comme le constate Maurice KAMTO, « l'oeuvre doctrinale du Président de la République a fait le lit de la démocratie au Cameroun. Elle a préparé et nourri la contestation politique. La société civile se l'est appropriée et, prenant le président au mot, elle en a fait le référentiel majeur de ses principales revendications »((*)116).

Nous sommes donc à l'année 1990. L'environnement international, suite à l'implosion de l'URSS, à la dislocation du bloc socialiste et à la chute du mur de Berlin, offre un cadre propice pour la démocratisation des régimes autoritaires, désormais aux abois. Quant à l'environnement interne, il est caractérisé par une construction « néo-patrimoniale du pouvoir »((*)117) , ainsi que « la politique du ventre »((*)118) le tout ayant créé une crise économique sans précédent. Cette dernière s'analyse en un déclin des capacités redistributives de l'Etat, affectant au premier chef les couches moyennes menacées par la fermeture d'entreprises publiques et les compressions du personnel dans la fonction publique, mais aussi la paysannerie dont les cours des produits de rente sont en chute libre. Incapable de juguler la crise économique ainsi créée, le pouvoir va recourir à l'expertise des bailleurs de fonds multilatéraux(BIRD,FMI) et/ou bilatéraux(Caisse française de développement). Or, tel que préconisé par le FMI et la BIRD, « grands prêtres » du rite libéral((*)119), l'ajustement apparaît comme une gestion d'une situation inextricable aux effets sociaux néfastes, engendrant des tensions sociales qui seront transposées sur le terrain politique.

« La subversion par le haut » du chef de l'Etat comme cause lointaine, l'environnement interne et international comme cause immédiate, voilà trois séries de faits qui vont concourir ensemble et qui seront déterminants dans la volonté subversive de la société civile d'arracher de force cette démocratie dont elle s'était lassé que le haut la leur octroie.

Au plan strictement politique, la poussée subversive de la société civile commence avec l'affaire YONDO Black. Ancien bâtonnier de l'ordre des avocats, Me YONDO MANDENGUE Black est arrêté, le 19 février 1990, avec neuf de ses acolytes pour « tenu des réunions clandestines, confection et diffusion des tracts hostiles au régime, outrageants à l'endroit du Président de le République et incitants à la révolte » ((*)120). Le 27 mars 1990, le bâtonnier, Me Bernard MUNA, convoque une session extraordinaire de l'ordre à Douala, où il y aura une grande affluence et au cours de laquelle une véritable plaidoirie en faveur de la démocratie et des droits de l'homme fut développé, signant de ce fait l'acte de divorce avec le pouvoir. Lorsque s'ouvre le procès le 30 mars 1990 au tribunal militaire de Yaoundé, on ne peut donc s'étonner que les plaidoiries de la défense soient en grande partie bâties sur les idées de Paul BIYA. Le 26 mai 1990, une manifestation en l'occasion du lancement du SDF est réprimée par les forces de l'ordre à Bamenda, causant six morts dont cinq tués par balles. Le même jour à l'université de Yaoundé, près de trois cents étudiants seront arrêtés au cours d'une rafle violente, accusés injustement d'avoir chanté l'hymne national du Nigeria voisin dont ils ignoraient le moindre couplet, lors d'une marche de soutien au nouveau parti du Chairman John FRU NDI, le SDF.

Face à cette poussée, le pouvoir légalisera le multipartisme au cours d'une session parlementaire - dite des libertés - en Novembre / Décembre 1990((*)121). Cet aménagement de l'espace juridico-politique permet à une opposition légale de se constituer. Aussitôt légalisée, elle réclame d'entrée de jeu la convocation d'une conférence nationale souveraine à la béninoise. C'est alors qu'apparaît la question du comment de la démocratisation.

* (108) voir F.EBOUSSI BOULAGA, op.cit,p.7.

* (109) J.RAWLS, Théorie de la justice, Paris, Seuil, 1987, p.86.

* (110) F.EBOUSSI BOULAGA, op.cit,p.8.

* (111) J.RAWLS, op.cit, p.33.

* (112) F.EBOUSSI BOULAGA, op.cit, p.8.

* (113) M.Kamto, « Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme politique au Cameroun »,in G.Conac,op.cit, p.209.

* (114) M. KAMTO, op.cit, p.214 note 2.

* (115) Idem, p.211.

* (116) Ibidem, p.214.

* (117) Sur la gestion néo-patrimoniale de l'Etat en Afrique, l'on consultera J.-F.MEDARD, « L'Etat patrimonialisé », in Politique africaine n°39, septembre 1990, pp.25-36.

* (118) Sur la politique du ventre, lire J.-F.BAYART, l'Etat en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 1989.

* (119) F.CONSTANTIN et B.CONTAMIN, « Perspectives africaines et bouleversements internationaux », in Politique africaine n° 39, septembre 1990, p.64.

* (120) Alors que le mis en cause n'aurait été trouvé qu'en possession d'un document intitulé « coordination nationale pour la démocratie et le multipartisme ». Voir M.D.EBOLO, « L'implication... », op.cit, p.25 note XLVII.

* (121) Parmi ces lois de décembre 1990 doit être mentionné la loi n°90/46 abrogeant l'ordonnance n°62/OF/18 du 12 mars 1962 portant répression de la subversion.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry