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L'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun

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par Jean Marcel ILUNGA KATAMBA
Université de Kinshasa - Graduat 2004
  

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B. Par quel chemin se démocratiser : révision constitutionnelle, élaboration d'une nouvelle constitution dans le cadre ou non d'une Conférence Nationale Souveraine ?

Les développements du point précédent démontrent à suffisance que la démocratisation au Cameroun est le résultat d'une dialectique entre deux pôles du système socio-politique camerounais : le pouvoir d'une part et la société civile d'autre part. Il est donc erroné d'attribuer la paternité de la démocratisation à un seul pôle dans ce pays, comme le font les tenants de la démocratisation par le haut et ceux de la démocratisation par le bas((*)122).

L'interaction entre les deux pôles ne s'était pas réalisée sans heurts, les rues s'étant transformées en champ de bataille entre deux blocs formés d'un coté par les manifestants, principaux victimes d'une gestion économique catastrophique et de l'autre par les rangs serrés des forces du maintien de l'ordre. La pomme de discorde entre les deux camps étant le choix du processus par lequel la démocratie devait être importée au Cameroun : une révision constitutionnelle ou l'élaboration d'une nouvelle constitution dans le cadre ou non d'une conférence nationale à la béninoise?

En effet, les formations politiques, après avoir tambouriné aux portes du multipartisme, piaffant d'impatience et sitôt légalisées, réclamaient presque unanimement la conférence nationale, l'amnistie générale et inconditionnelle et le départ du président BIYA du pouvoir. Pour faire pression sur ce dernier, l'opposition avait choisi comme mode d'expression le harcèlement, en déchaînant des manifestations violentes et en expérimentant une diabolique trouvaille : les villes mortes, c'est-à-dire un appel à la population d'observer certains mots d'ordres tels que fermer boutiques, ne pas sortir, ne pas aller au travail, et même l'appel à la désobéissance civique.

L'usage de la répression et le refus de toute discussion sera dans un premier moment la réponse que le gouvernement avait réservé aux revendications sociales. Mais il fallait à tout prix reprendre l'initiative politique afin de relâcher la tension, conseillent au président BIYA ses collaborateurs et ses mentors étrangers. Il ne trouvera pas mieux que la création ou plus exactement la restauration du poste du Premier ministre, par la loi constitutionnelle du 23 avril 1991 portant modification de la constitution du 02 juin 1972((*)123).

Cependant, la révision constitutionnelle ne répondra pas à la demande du changement institutionnel. En effet, la restauration du poste demandé ne remettait pas en cause la place centrale du Président de la République au sein de l'exécutif et du système politique camerounais. Il définit la politique de la nation, que le Premier ministre se contente d'appliquer. Dans ces conditions, le Premier ministre n'apparaît que comme un simple exécutant du chef de l'Etat qui se réserve le dernier mot, la décision ultime susceptible de renverser tout ce que le Premier ministre a promis ou engagé ultérieurement.

Quand on sait encore que le premier Premier ministre SADOU HAYATOU était de la famille présidentielle((*)124), l'opposition ne se retrouvait donc pas dans ce semblant d'ouverture, qui n'était en réalité q'une entrouverture. Pour cette dernière donc, plus qu'une simple modification de quelques articles de la constitution, c'est celle-ci toute entière qui est à revoir, dans le cadre institutionnel d'une conférence nationale souveraine. L'idée n'était pas encore enterrée.

Mais le président Paul BIYA se voulait aussi très ferme dans ses positions et n'entendait point marchander : « Je l'ai dit et je le maintiens, la conférence nationale est sans objet pour le Cameroun », martelait-il le 27 juin 1991 devant l'Assemblée nationale. Il venait ainsi de balayer les dernières illusions et les derniers espoirs auxquels s'accrochait l'opposition.

C'est le lieu et le moment d'appliquer ici la catégorie des processus de démocratisation que le politologue américain HUNTIGTON qualifie de transplacement: « Dans les transplacements, la démocratisation est le produit de l'action conjointe du gouvernement et de l'opposition » ((*)125).

HUNTIGTON note tout d'abord qu'avant qu'il y ait entente entre opposition et pouvoir sur la détermination de la nature de leur futur système politique, les formations politiques de l'opposition ont toujours cru qu'elles seraient « capables de provoquer la chute du gouvernement dans un avenir assez proche. Un tel espoir s'est souvent révélé parfaitement utopique , mais tant que les dirigeants de l'opposition s'y cramponnaient, toute négociation sérieuse avec le gouvernement était impossible »((*)126). C'est ce qui se passe exactement au Cameroun, dont la frange de l'opposition radicale boycotta toutes les consultations menées par le Premier ministre SADOU HAYATOU et n'entendait point marchander sur l'organisation d'une conférence nationale((*)127).

De son coté, « le gouvernement a cru qu'il pourrait contenir et supprimer l'opposition sans avoir à payer pour cela un prix trop élevé »((*)128). Le durcissement de ton du pouvoir et la fermeté de la répression procédait, au Cameroun, de cette rhétorique.

Ce qui n'était alors qu'un vent d'est parti de l'Europe de l'Est devint vite pour le Cameroun un cyclone((*)129), entretenu par des adolescentes désoeuvrés, sans carte de visite ni conviction politique. On comptait des victimes par centaines, à la suite des heurts désormais quotidiens entre les manifestants et les forces de l'ordre. La situation, pensait-on, ne pouvait perdurer, au risque d'entraîner des conséquences fortement préjudiciables pour l'économie du pays et d'effaroucher les investisseurs.

Mais quand est-ce que le transplacement devait avoir lieu ? C'était de toute évidence « lorsque les deux parties ont modifié leur perspective : l'opposition a été contrainte de reconnaître qu'elle n'était pas suffisamment forte pour renverser le gouvernement, lequel s'est avisé que ses adversaires étaient suffisamment puissants pour que le coût du refus de négocier devienne trop élevé : durcissement de la répression aboutissant à une désaffection accrue de certaines couches de la population envers le gouvernement », ayant comme conséquence la perte de la crédibilité du régime sur la scène internationale((*)130). La négociation demeurait donc la seule issue pour sortir de l'impasse, dans un contexte où les concernés faisaient sourde oreille aux nombreux appels au calme du gouvernement et où l'opposition commençait à perdre le contrôle de ses troupes.

En novembre 1991, le pouvoir et l'opposition vont accepter de négocier sur le principe d'élaboration d'une nouvelle constitution, dans le cadre d'une conférence tripartite réunissant les pouvoirs publics, les partis politiques de l'opposition et la société civile. Le 13 novembre, les parties à la conférence signeront un accord sur les modalités techniques de l'élaboration de la nouvelle constitution. L'accord portait déclaration de mise sur pied d'un comité technique chargé d'élaborer un avant-projet de constitution, qui devait revenir pour discussion et approbation dans sa version finale devant une nouvelle conférence tripartite, avant de passer par référendum.

Craignant sans doute l'effet du nouveau départ et de la mise à plat des structures existantes, le Président Paul BIYA, plus soucieux de préserver le pouvoir, délaissera ces accords en organisant des élections législatives et présidentielles anticipées respectivement en mars et octobre 1992, alors même que les accords du 13 novembre 1991 interdisait toute élection avant l'élaboration de la constitution. La décision du président BIYA peut être considérée comme un frein, sinon un détournement du processus démocratique. Mais elle aura au moins atteint le but escompté : conserver à tout prix le pouvoir.

Après sa réélection contestée, les relations du pouvoir avec le monde extérieur sont fortement dégradées. Les alliés du président BIYA lui demandent de faire un geste d'ouverture pour un plaidoyer en sa faveur auprès d'instances et d'organisations internationales, surtout auprès du Commonwealth aux portes de qui le Cameroun frappait : la promesse de l'élaboration d'une nouvelle constitution. C'est ce qu'il fera le 26 novembre 1992 à contrecoeur, en prêtant serment. Le cadre institutionnel de la conférence tripartite étant caduc, il faut de nouveau ouvrir le débat constitutionnel. Le porte-parole du président parle d'un « grand débat national », ce qui fait penser à l'organisation d'une conférence nationale. Il est aussitôt désavoué par son maître qui, le 30 mai 1993 parle plutôt d'un « large débat » dont il prescrit seul les modalités et le déroulement((*)131). Ce qui équivaut bien évidement à une série de manoeuvres tendant à maîtriser la dynamique du changement constitutionnel et institutionnel, de peur de connaître le même sort que MOUSSA TRAORE du Mali, HISSENE HABRE du Tchad qui tombèrent à la suite d'une conférence nationale ou encore DENIS SASSOU NGUESSO du Congo, GNASSINBE EYADEMA du Togo et ALI SEIBOU du Niger qui furent mis entre parenthèses.

Mais à quoi doit aboutir ce « large débat » ? A une révision ou à l'élaboration d'une nouvelle constitution ? Allait-on assister encore une fois à la continuité du présidentialisme du régime BIYA ?

* (122) Sur cette question, voir M.KAMTO, op.cit, p.210-211.

* (123) Le 6 novembre 1982, lorsque Ahmadou AHIDJO démissionne de ses fonctions de Président de la République, c'est son Premier ministre Paul BIYA qui lui succède conformément aux dispositions de la constitution du 2 juin 1972. Par une révision intervenue en date du 4 février 1984, Paul BIYA fera supprimer la fonction de premier ministre, enlevant ainsi l'échelle qui l'avait amené au pouvoir.

* (124) Avant d'être nommé Premier ministre, M. SADOU HAYATOU exerçait la fonction de secrétaire général à la Présidence.

* (125) S.P. HUNTIGTON, op.cit, p.151.

* (126) Idem, p.152.

* (127) Il s'agit du SDF de John FRU NDI, l'UNDP de MAIGARI BELLO BOUBA, l'UPC de Frédérick KODOCK et l'UDC d'ADAMOU NDAM NJOYA.

* (128) S.P. HUNTIGTON, op.cit, p.152.

* (129) « Le vent d'est n'est pas une panacée...au contraire nos planteurs savent que le vent est destructeur, qu'il vienne de l'Est ou de l'Ouest",lançait M.Jean Jacques EKINDI, alors président de la section RDPC (parti présidentiel) du Wouri, lors d'une marche de soutien au régime et d'opposition au multipartisme organisés par le RDPC le 28 Mars 1991.

* (130) S.P. HUNTINGTON, op.cit, p.152.

* (131) Ce large débat comportait trois phases : la phase d'élaboration était confiée à un « comité » d'experts, assisté d'un secrétariat où se déroule le large débat. Les propositions parviennent au secrétariat du comité technique par voie de presse(journaux, télé), mémorandums, projets de constitution, par téléphone ou fax ; La phase de discussion se déroule dans un comité consultatif constitutionnel ouvert aux partis politiques, aux confessions religieuses, à la société civile. La phase d'adoption dépend du seul chef de l'Etat, qui pourra le faire adopter par vote de l'Assemblée nationale ou par référendum.

Les travaux du comité technique s'ouvrirent le 15 décembre 1994. Ils sont marqués par une grande précipitation que l'importance du sujet n'autorise pas. 42 membres sur 57 sont soit du RDPC, soit ses alliés, soit des « hommes du président ». Le président et le rapporteur du comité nommés appartiennent à ce groupe, comme le fort contingent de vieillards depuis longtemps retirés de la vie publique, aux forces physiques et aux facultés intellectuelles diminuées(Voir F.EBOUSSI BOULAGA,op.cit, p187). Le respect du calendrier deviendra la fin, et le contenu un simple moyen. Il est marqué par l'oubli des personnalités importantes, tel que le président de la commission épiscopale et l ` éminent constitutionnaliste Maurice KAMTO.

Mais fort malheuresement, les travaux sont marqués par une déconnexion des « débats » précédents, énervant de ce fait un processus qui devait être continu et dont on avait indiqué les étapes mutuellement liées les unes aux autres. Aussi, pouvait-on observer la disparition pure et simple de l `Avant-projet de 1993, produit de la phase d'élaboration et la proposition faite aux membres du comité consultatif constitutionnel de la constitution de 1972.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe