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Paule Bellonie du Chaillu

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par Simplice OKOYE ELINGOU
Université Omar Bongo du Gabon - Maîtrise 2007
  

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Section 3. Les structures de production économiques (agriculture, pêche, chasse, cueillette)

La forêt constitue le lieu par excellence où les populations villageoises tirent l'essentiel de leurs ressources à la fois dans le domaine alimentaire que dans celui de la production des biens et des services. La chasse, la pêche, la cueillette et l'agriculture s'y déroulent. Autrefois, le gibier occupait la place de choix dans l'alimentation des populations, ce qui a naturellement poussé les populations à faire preuve d'une grande ingéniosité dans l'art de la chasse. La connaissance des animaux faciles à pister et donc à piéger constitue le savoir indispensable dont l'acquisition et la maîtrise assurent le succès des villageois. La pose des pièges dans nos sociétés traditionnelles obéissait à des techniques appropriées. Les matériaux utilisés sont du bois, du bambou, de la liane. Le piège à poser est fonction du type de gibier. D'une manière générale, autrefois, la confection se faisait donc avec des végétaux. Ce qui n'est pas le cas de nos jours. En effet, les Occidentaux ont introduit le fil de fer et le fusil, avec toutes les conséquences que l'on imaginer non seulement sur la symbolique mais aussi sur la capture systématique des animaux.

L'approvisionnement en viande de brousse constitue l'activité principale des hommes adultes. La chasse individuelle se pratique d'avantage sur des espaces privés appartenant au segment de lignage du chasseur. Aujourd'hui avec l'introduction du fusil qui a occasionné nombre d'accident de chasse, les populations optent préférentiellement pour la chasse individuelle. Par contre la chasse collective, quant à elle, se fait surtout sur des espaces qui sont connus par l'ensemble de la communauté villageoise et concerne en priorité les petits gibiers. De nombreuses techniques permettent de capturer une large gamme de gibier.

Elle peut être individuelle ou collective. Ces techniques de chasse utilisées vont de la chasse au filet à la pose de pièges. La chasse au filet est souvent l'occasion de rassembler toute une partie du village ainsi que toute la parentale qui gravite autour. Au

cours de celle-ci, les chasseurs entourent une partie de la forêt de leurs filets tendus les uns à la suite des autres. Du côté opposé du filet, sur une distance plus ou moins longue, les chiens sont lâchés et dirigés vers les filets. Les animaux ainsi piégés sortent de leur « cachette » et dans leur fuite s'accrochent aux filets tendus à cet effet.

Si la chasse au filet et les techniques de pièges sont toujours à l'oeuvre, force est de constater que l'introduction du fusil, notamment le type calibre 12, a donné un nouveau visage à la chasse. En effet, la chasse collective est le lieu de reproduction des rapports sociaux, la socialisation des jeunes, le raffermissement des liens et de la socialisation du lignage. Elle a aujourd'hui pris une autre envergure avec l'arrivée du fusil. Elle s'individualise d'avantage, transforme les rapports sociaux et bouleverse les espaces cynégétiques dans le voisinage immédiat du village. Si l'économie des populations forestière était communautaire il y a de cela plusieurs décennies, celle-ci semble devenir individuelle à cause des phénomènes relatifs au coût de la vie. Mais, les temps ont changé, on sait depuis que l'homme du village s'est subitement transformé dans ses comportements quotidiens, à cause des relations qu'il a forgées avec l'homme de la ville.

La capacité destructive du fusil, le besoin de rentabilité d'investissement (car l'achat d'un fusil en constitue un pour un villageois) foule au pied les interdits relatifs à l'exploitation des écosystèmes caractérisé par un temps de « repos » encore appelé jachère.

« Le fusil par lequel le chasseur éprouve sa maîtrise sur la nature, insouciant d'en détruire l'objet même, a conduit à une dissolution des encadrements communautaires » 22, car « pour ces villageois qui n'ont ni économie, ni accès à l'épargne, le gibier reste une activité des plus rentable »23.

L'activité de pêche, principalement féminine, peut par occasion se pratiquer avec des hommes. Elle se déroule souvent dans des marigots et des rivières. Les nasses et corbeilles sont les principaux objets de pêche chez le peuple Massango. La technique consiste à barrer un bout de rivière pour un temps très limité ; à l'aide de terre ou claies végétales et en vider l'eau. Une fois l'eau vidée survient la capture du poisson tout en se gardant de capturer les tous petits pour assurer la reproduction de l'espèce.

Les hommes pratiquaient la pêche avec hameçon fabriquée avec des piquants de porc épique. La pêche peut se dérouler dans le voisinage du village ou contraint les villageois à aller camper aux abords de la Wano ou dans les anciens villages. Ce campement associe l'ensemble des membres valides du lignage. Les activités vont de la

22 Pourier 1989, 191, cité par Ludovic Mba Nzeng, in Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme, p. 172.

23 Revue de l'IRSH, vol. 6, n° 6, juin 1999-janvier 2000.

pêche pratiquée par les deux sexes à la chasse, en passant par une intense activité agricole qui à lieu pendant la grande saison sèche. Le campement est le lieu où s'organise une grande activité de collecte dans des lieux laissés en jachère quelques années.

En matière de collecte, les habitants des villages tirent une gamme de produit divers qui vont des lianes à eau (Cissus dinklagei vitaceae) aux légumes et fruits. En effet, la forêt des régions équatoriales est un milieu diversifié à l'extrême où l'on trouve des milliers d'espèces. Les habitants de notre village d'étude qui, au quotidien, vivent dans cet environnement, ont développé des stratégies alimentaires qui sont ainsi très variées en fonction de leur histoire. Car chaque peuple à son alimentation, comme disait le professeur Donatien Mavougou Bongo « ... les habitudes alimentaires ne sont pas les même, elles varient d'un village à un autre ; quand bien même les aliments peuvent être les mêmes. » 24 Si les principaux arbres

fruitiers cultivés aux abords des villages sont exotiques, à l'acception du palmier à huile : très cultivé à Issala pour la fabrication du vin de palme. Les populations pratiquent de l'agriculture de subsistance. Ainsi, les travaux champêtres sont donc l'activité principale.

Toutefois, ces populations attachent du prix à la préservation de l'écosystème forestier. Si bien que les activités de débroussage, d'abattage et de brûlis se font de façon rationnelle. Plusieurs essences sont conservées jalousement car mettent à la disposition de ces même populations une gamme non négligeable de fruits locaux lors de la cueillette tels : le noisetier, (Coulas educis), le manguier sauvage (Irvingia gabonensis), les raisins du Gabon (Trichoscypha abut). A cela s'ajoute les avocatiers, atangatiers, manguiers etc.

D'autre part, le sous-bois de forêt fournit aux populations des aliments issus des plantes spontanées. C'est le cas des variétés d'ignames de champions. La cueillette dans les villages concerne également les produits animaux, généralement les invertébrés, mais aussi certains vertébrés que l'on capture à main nue comme le pangolin, la tortue. Dans les villages, les populations recherchent également les chenilles du palmier à huile) : bien prisées par les Massango. Si la cueillette des aliments végétaux est une activité féminine à laquelle s'ajoute le ramassage saisonnier des chenilles, en revanche, la récolte du miel sauvage des abeilles dans les troncs d'arbres creux, est traditionnellement réservée aux hommes. Ces derniers grâce à leur bravoure, doivent escalader un arbre à vingt ou trente mètres de hauteur, pour atteindre la cavité du tronc dans laquelle se trouve une ruche.

24 Professeur Donatien Mavougou Bongo : émission Invité, TV+ du mardi 18 septembre 2007.

A Issala, les populations pratiquent l'élevage domestique constitué de poules, cabris, moutons qui servent surtout à construire un patrimoine dont une partie est souvent consommée lors des cérémonies tels : mariage, retrait de deuil, retrouvaille, visite parentale ou réception des hôtes. Ce patrimoine intervient également comme cadeaux offerts à des invités de marque ou comme « monnaie » pour corroborer du Chaillu dans L'Afrique sauvage25.

Les différentes activités économiques constituent ce que l'on appelle « richesse de surface ». Si elle vise toute l'exploitation de la nature, ces activités ont pour finalité commune l'alimentation des hommes. Car les populations rurales ont toujours été cultivatrices. Précisons que les activités agricoles villageoises n'ont qu'un faible impact sur l'économie gabonaise. En effet, le secteur agricole n'est pas encore développé dans notre pays. Aux difficultés financières s'ajoutent les difficultés d'ordre physique (relief, climat, sol, végétation). À ce titre, le pays souffre d'un sous peuplement évident : la densité n'atteint pas 5 habitants au kilomètre carré. En dehors des centres urbains, la population est dissimulée le long des actes routiers facilité par la politique du regroupement des villages.

Ainsi, la croissance urbaine n'a fait qu'accélérer le processus de désertification des campagnes. La population rurale a été aspirée par la côte (Libreville, Port-Gentil), ainsi que le sud est (Moanda, Mounana), à la recherche des meilleures conditions de vie. Nos villages sont donc entièrement peuplés par les tous petits et les vieux qui n'ont plus la force de travail. Cette situation, à notre avis, entraîne un net déficit des classes actives et partant, d'une grande diminution es surfaces cultivées. En conséquence, les populations, en raison du poids de l'âge, fréquente de moins en moins des anciennes zones d'exploitation où les récoltes sont abondantes. Ils font du surplace. Dès lors, la durée de la jachère est écourtée pour faciliter le travail de l'abattage. Ce qui précipite l'appauvrissement des sols. On assiste à la régression des cultures exigeantes telles que la banane Plantin, au profit du manioc plus rustique, mais de qualité nutritive moindre.

Le problème des débouchés n'est pas en reste. Il vient assombrir d'avantage ce bilan. En effet, les voies de communication sont très déficientes, décevantes et regrettables, dans la mesure où ce que l'on appelle routes nationales sont en piteux états, et donc impraticables en saison de pluies (bourbiers permanents, ponts coupés, cf. photo n°),

25 Paul du Chaillu. L'Afrique Sauvage, Libreville, Luto, 2002,411 p

ne permettent pas tout écoulement normal des produits agricoles vers les centres de consommation. Ainsi, « le monde rural est fixé dans une quasi autarcie », comme le pensait déjà Monique Minko.

Photo 10 - L'état des routes nationales prise entre Mbigou-Lébamba

Cliché de Sébastien Moungomo, 15 décembre 2006

Photo 10bis - L'état des routes nationales prise entre Mbigou-Lébamba

Cliché de Clotaire Moukegni Sika, 15 décembre 2006

Toute fois, le système traditionnel de production, basé sur le fonctionnement des exploitations familiales repose sur une stricte division du travail. Les hommes ont traditionnellement en charge la chasse, la pêche, le débroussage et l'abattage des forêts.

Aux femmes, par contre, reviennent les taches ménagères : défrichage, sarclage, planter, récolter les villageois pratiquent la culture itinérante sur brûlis. La grande saison sèche est généralement propice à l'abattage des champs, au brûlis. Les cendres favorisent une culture sans labour pratiquée par la culture villageoise. En général, les campagnes gabonaises ne nourrissent pas suffisamment ces villes. C'est pourquoi l'Etat gabonais dépense plusieurs milliards de francs cfa pour l'importation alimentaire.

La nouvelle politique agricole qui se fixe des objectifs constructifs ne se limite que sur le papier. Ainsi, l'autosuffisance alimentaire tant clamée, susceptible de freiner l'exode rural et de favoriser le développement n'est, à notre avis, que illusoire.

Ainsi, qu'il s'agisse de la chasse, de la pêche ou de l'agriculture, la communauté villageoise organise ses activités sur le model de la jachère. A ce sujet, Jean Emile Mbot

disait «... comme on le voit, il s'agit bien d'une exploitation qui, obéissant aux saisons, s'explique à l'environnement de façon cyclique. Les même développements doivent s'appliquer évidement pour la forêt nourricière, réservoir de fruit de toutes sortes, et réserve écologique des produits animaux comestibles de façon saisonnière. »26

En somme, les populations des villages entretenaient des rapports d'interdépendances avec leur environnement, car la forêt se présentait à leurs yeux non seulement comme source inépuisable de protéines végétales naturelle, du départ de tout procédé d'apprivoisement des espèces, tant animales que végétales pour une agriculture à vocation sédentaire.

Mais 150 ans plus tard, les comportements et pratiques semblent avoir subi l'influence de la culture occidentale. En réalité, il s'agit d'une véritable mutation dans les modes culturaux pour ne parler que des cultures. Jean Emile Mbot en abordant la question relative au projet de regroupement de village initié par Jean Hilaire Aubame (parlementaire gabonais), fait une analyse diachronique de la gestion par les villageois de leur environnement et montre les dysfonctionnements que peut occasionner un tel projet lorsqu'il ne prend pas en compte le savoir faire des populations. Il affirme en substance :

« Les anciens villages avants le regroupement, pratiquaient la jachère et se soumettaient à un mode d'exploitation parcimonieuse de l'environnement, où la notion de recyclage était usée, c'est-à-dire qu'à l'exploitation succédait le repos pour une nouvelle mise en exploitation »27.

26 Jean Emil Mbot : « Les formes traditionnelles de gestion de l'écosystème », in Cahier Gabonais d'Anthropologie, n°1 Université Omar Bongo, Libreville.

27 Jean Emil Mbot : « Les formes traditionnelles de gestion de l'écosystème », in Cahier Gabonais d'Anthropologie, n°1 Université Omar Bongo, Libreville.

Or, à quoi assiste t-on aujourd'hui ? Les comportements de gestion des écosystèmes qui étaient sous-tendus par des corpus de prescriptions et des interdits étaient de véritables expressions formalisées et codifiées où la société traduisait ses rapports avec l'environnement. Ceux-ci ont fait place à des comportements de prédation exacerbés par l'appât du gain qui est devenu l'objectif principal poursuivit par chacun.

Autrement dit, tout le monde est aujourd'hui en situation de campeur permanant tant dans son propre village que partout ailleurs. On ne tient plus désormais compte de la parcimonie qui était le leitmotiv de la génération de nos arrières grand parents. « Chacun se comporte comme si le temps avait suspendu son vol, comme si les instants vécus étaient les derniers ».28 On passe du coup ainsi de l'exploitation parcimonieuse dont le souci était la préservation des espèces et du milieu garantissant de facto aux générations future des ressources nécessaires pour leur épanouissement, à une exploitation totale et sauvage qui n'a de règle que l'appât du gain d'aujourd'hui et de maintenant.

Les interdits qui existaient en matière de gestion de l'environnement ont été mis de coté, alors que dit Jean Emile Mbot du temps de nos pères : « [...] domaine par domaine, qu'il s'agissent de la gestion des eaux, des forêts, des sols de l'espace habité comme de l'espace exploité, des

centaines d'interdits dictent à la société les conduites à tenir dans ses rapports avec l'environnement ».

28 Ludovic Mba Nzeng :(Les formes de gestion de l'écosystème au village Mbenga (Weleu-Ntem).), in Revue Gabonais des Sciences de l'Homme, Lutto, Université Omar Bongo, Libreville, N°5, 2004,33 1pages.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery