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L'insertion et le maintien des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail

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par Sandie GRESSE
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Lille 2 - Master 2 professionnel de droit social 2004
  

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PARTIE II

LA SURVENANCE DU HANDICAP AU TRAVAIL :
L'INAPTITUDE PARTIELLE À TRAVAILLER

Dans bon nombre de cas, la reprise du travail avec un handicap après un accident peut rendre le salarié inapte à son poste, mais dans cette hypothèse l'employeur se doit de chercher à le reclasser à un poste pour lequel il serait apte. L'inaptitude à travailler n'est alors que « partielle » et l'employeur se doit d'étudier avec la collaboration de certains acteurs, quels sont les postes pour lesquelles la personne est apte (Chapitre I). L'employeur peut aussi aménager spécialement le poste de travail de la personne « nouvellement handicapée »54. En aucun cas, il n'a le droit de la licencier. Alors, ces aménagements fonctionnent-ils en pratique ? Des mesures pour aménager ces postes de travail et les subventions apportées à l'employeur peuvent aller jusqu'à 80% de montant total des travaux.

Pourtant, malgré ces aides, rares sont les employeurs qui adoptent cette solution d'adaptabilité. Le risque des « licenciements maquillés » et l'absence d'embauche de travailleurs handicapés sont une réalité qui reste bien présente. Pourtant des solutions de maintien dans l'emploi existent (Chapitre II).

54 L'article L.122-32-5 dispose en son troisième alinéa que « les transformations de postes peuvent donner lieu à attribution d'une aide financière de l 'Etat dans les conditions fixées à l'article L.323-9 », L'article L.323-9 concernant les travailleurs handicapés.

CHAPITRE I

LA DETERMINATION DE L'INAPTITUDE PARTIELLE

Il faut l'admettre, les cas où le handicap ne pénalise pas la personne dans l'évolution de son emploi sont rares. En effet, le handicap entraîne la plupart du temps une inaptitude (I). Toutefois, les caractéristiques des populations au travail, marquées par le vieillissement des âges, le contexte législatif et réglementaire, l'évolution des conditions de réalisation du travail ainsi que les pratiques des entreprises en matière de ressources humaines, nous font considérer ces relations non plus exclusivement sous l'angle du statut et de la reconnaissance de travailleur handicapé mais également sous celui, plus large, de l'inaptitude partielle au travail. La personne handicapée n'est-elle pas aujourd'hui celle pour qui l'enjeu majeur est de conserver le plus longtemps possible sa capacité de travailler ? Face à cet élargissement incontournable de la problématique, la question qui se pose est celle de la mobilisation des acteurs susceptibles d'apporter leur expertise. Afin de permettre à la personne « nouvellement handicapée » d'intégrer une entreprise ou de rester en son sein, des acteurs doivent donc travailler en coopération et se mobiliser, que ce soit à l'intérieur de l'entreprise ou bien au niveau institutionnel. (II)

I. Le handicap entraînant une inaptitude

Certes, il arrive que le handicap contracté entraîne une inaptitude à travailler (A) mais celle-ci n'est que partielle dans la majorité des cas. En effet, la personne conserve sa faculté à travailler, même si elle rencontre des restrictions dans ses gestes, postures ou déplacements. Et il appartient à l'employeur de faire en sorte que cette personne reste intégrée au sein de l'entreprise. A travers quelques histoires vécues, nous verrons que c'est de la volonté du chef d'entreprise que cette possibilité existe. Licencier la personne reviendrait pour l'employeur à ne pas respecter l'esprit de la loi, c'est pourquoi souvent il trouve des motifs détournés pour arriver à cette fin. (B)

A. L'inaptitude au poste n'entraîne pas l'inaptitude à l'emploi

Avant toute chose, il convient de rappeler quelques points qui aideront la compréhension des exemples cités par la suite.

Il y a des erreurs à ne pas commettre. En effet, il ne faut pas assimiler « handicap » (notion générale), « invalidité » (notion de droit de la Sécurité sociale), « inaptitude » (notion de droit du travail) et « incapacité » (notion de droit de la responsabilité civile).

Par exemple, l'invalidité diffère de l'inaptitude médicale55 en plusieurs points. Elle est décidée par un médecin de la caisse primaire d'assurance maladie, elle traduit non pas une incapacité du salarié à travailler à son poste, mais une incapacité à travailler de façon générale. Cette décision n'influe pas sur la relation de travail, seule la décision du médecin du travail est susceptible d'avoir des incidences sur cette relation. Enfin, handicap ne veut pas dire nécessairement invalide, une personne pouvant être porteuse d'un handicap sans pour autant être reconnue invalide en vertu du droit de la sécurité sociale.

Ainsi, le processus qui s'opère est le suivant : lorsque le salarié est malade ou victime d'un accident, son médecin traitant va estimer le temps nécessaire à la guérison ou au rétablissement. Lorsque l'arrêt de travail arrive à sa fin, il faut envisager la reprise du salarié à son poste de travail. C'est alors que se pose la question de savoir s'il sera capable de reprendre, si son handicap n'altère pas son état de santé au point qu'il ne puisse plus travailler. La situation la plus fréquente n'est pas cette dernière mais celle dans laquelle le salarié va certes être reconnu handicapé par la COTOREP mais pour autant ne l'empêchera pas de travailler sur tout poste de travail, seuls quelques-uns seront « bannis ».

Dans certaines hypothèses, un salarié peut être déclaré inapte médicalement à son emploi par la médecine du travail et être déclaré apte au travail par la COTOREP. Ces divergences d'appréciation résident entre autres, dans l'existence de deux notions distinctes : la première à trait à l'aptitude au travail et est appréciée par la COTOREP. A ce titre, elle reconnaît le cas échéant, la qualité de travailleur handicapé et la préconisation des mesures relatives à son orientation professionnelle ou sur celles d'un éventuel reclassement56. La seconde notion porte sur l'aptitude au poste de travail et qui ressort de la compétence du médecin du travail57 en charge de la surveillance médicale des salariés d'une entreprise donnée. Cette notion est plus précise que celle d'aptitude au travail dans la mesure

55 l'inaptitude médicale du salarié est une prévision du médecin du travail qui estime que si le salarié revient à son poste, sa santé en pâtira

56 Cf. infra, Chapitre II, Paragraphe II

57 Cf. supra, Partie I, Chapitre I, Paragraphe I

où elle prend en compte à la fois les conditions de travail de l'entreprise et les contraintes du poste auquel le salarié est affecté.

Il est à noter que l'on observe, parfois, que dans certaines régions, les orientations portent majoritairement vers les milieux spécialisés plutôt que vers le milieu ordinaire où la formation et la réadaptation professionnelle sont réduites et en France, selon le rapport Fardeau, on serait en présence d'un système rigide et bureaucratique, loin des préoccupations des personnes handicapées58. Consciente des problèmes posés par ces divergences d'approche et de la gêne que cela entraîne pour les usagers, la COTOREP s'est engagée dans un processus d'homogénéisation de ses méthodes de travail au niveau de chaque siège départemental d'autant plus que certains usagers ont le sentiment à tort ou à raison, d'être les victimes de ces dysfonctionnements. C'est pourquoi la réforme du 11 février 2005 a été initiée en vue d'uniformiser les procédures, en fusionnant notamment les deux sections afin d'avoir une vision globale des problématiques soulevées par le handicap, comme nous l'avons récemment évoqués dans la première partie de ce mémoire.

Au delà de cette procédure de reconnaissance d'une inaptitude à un poste de travail, connaître effectivement le parcours suivi par une personne handicapée pour trouver ou retrouver un emploi permet de mieux comprendre les difficultés de ces demandeurs d'emploi.

C'est au travers de quelques témoignages que nous allons donc voir comment la vie professionnelle59 d'une personne subissant un handicap peut prendre des allures de « batailles quotidiennes ».

Pour commencer, il paraît nécessaire de montrer que le chemin pour accéder à un emploi en milieu ordinaire de travail relève vraiment du parcours du combattant et demande une grande patience et persévérance de la part de la personne handicapée. De nombreux partenaires accompagnent ces personnes dans le cadre des dispositifs départementaux60. C'est au travers le témoignage de Thierry61, 40 ans, que nous allons voir le genre de difficultés rencontrées.

58 Cf. Rapport, 1998, IGF et IGAS

59 car au delà de la vie professionnelle, il est évident que la vie personnelle de la personne est autant voir même plus difficile dans certains aspects et selon les cas.

60 Cf. supra, Partie I, Chapitre I et Infra., Chapitre I, paragraphe I

61 Témoignage recueilli par Marie-Jo GARIN, Secrétaire chez Ohé Prométhée

Thierry vient de fêter ses 40 ans. Victime à l'âge de 14 ans d'un grave accident de la circulation, il raconte le long combat mené contre lui-même et contre les autres pour arriver aujourd'hui à obtenir un poste en milieu ordinaire de travail :

« Le 26 juin 1979: Un jour de mes 14 ans, je prends ma mobylette, je me réveille à l'hôpital un jour de juillet. Je retombe dans le coma. Les médecins, très pessimistes, déclarent à mes parents qu' « il vaut peut-être mieux perdre un fils que de garder un grand infirme ! »

Quelques semaines plus tard, la découverte du fauteuil roulant provoque en moi un déclic : je réagis à la vie, je sens en moi une envie nouvelle de lutter pour vivre, de combattre mon handicap.

Après une rééducation de neuf mois, j'ai déjà fait de nombreux progrès mais tout ce qui touche au langage et à la mobilité est à reconstruire...Le médecin affirme que je ne remarcherai jamais. Cette affirmation me révolte et, même si je ne peux m'exprimer, je fais comprendre à mon kinésithérapeute « je veux et j'arriverai à marcher ». Le premier pas, c'est la victoire.

Fin 1980: Je retrouve l'usage de mes jambes et, en septembre 1981, je suis admis à l'A.P.F (Association des Paralysés de France). J'y resterai cinq années durant lesquelles non seulement je réapprends le langage mais aussi je reçois une formation : maths, comptabilité, droit, histoire, informatique. Je parviens à acquérir un niveau d'employé de bureau.

Fin 1985: Je participe à l'ouverture du C.A.T (Centre d'Aide par le Travail) l'Armarine à Beaurepaire. Aide-économe, je suis chargé de la gestion manuelle des stocks et de l'inventaire.

En 1991 : Je participe à une formation de 6 mois à l'IFRIS, dont un mois de stage pratique. Premier contact avec le monde de l'entreprise où je suis intégré en tant qu'opérateur dans un cabinet comptable.

Juillet 1992: Le cabinet me propose mon premier contrat de travail : six mois à 24 heures par semaine en tant qu'opérateur de saisie. Pour moi, c'est déjà une victoire, même si je ne suis pas complètement satisfait.

Juin 1993 : Je me vois proposer un contrat de cinq mois chez un huissier de justice. Malheureusement, ce contrat prend fin et malgré les nombreux courriers que j'adresse, les portes de l'emploi restent interminablement fermées. Je décide alors de changer de méthode et de me mettre directement dans les entreprises pour présenter ma candidature et les informer sur les mesures qui peuvent être mises en place pour mon embauche.

Avril 1995 : Enfin l'aboutissement de mes efforts. Avec le soutien d'Ohé Prométhée, j'obtiens un poste d'opérateur de saisie dans le transport où je suis chargé de scanneriser les disques de camions. Intégré au sein de l'équipe, je sais que mon rôle est important. Il aura fallu tout ce temps pour qu'enfin on me donne ma chance et qu'on me laisse le droit au travail. »

Les projets de Thierry ne s'arrêtent pas là pour autant...Publier un livre sur sa vie, fonder une famille et continuer à se battre pour acquérir à chaque instant l'estime et le respect des autres. Vivre intensément, tout simplement...

Heureusement, certains employeurs demeurent moins obtus. En effet, lorsque le handicap survient au cours de son emploi, nous allons voir grâce à ces quelques témoignages que le salarié peut être maintenu à un poste et garder par conséquent un emploi, qui plus est souvent adapté à ses désirs.

Voici un témoignage illustrant cette situation et qu'il ne serait pas trop de développer.

PORTRAIT CROISE ENTRE SOPHIE MANUELIAN, POTIERE, PARAPLEGIQUE
ET SON EMPLOYEUR PHILIPPE DURIEZ

Sophie est devenue paraplégique suite à un accident de moto survenu en octobre 2001.

Auparavant, elle était potière et travaillait depuis 1996 dans l'atelier de Philippe DURIEZ , son employeur. Il et venu la voir une semaine après l'accident et lorsqu'elle lui a dit qu'il allait être obligé de trouver quelqu'un d'autre, il lui a répondu qu'il trouverait en effet quelqu'un mais seulement jusqu'à son retour.

« Ce qu'il a dit, et ce qu'il a fait pour moi, c'est énorme, parce que la poterie pour moi, c'est un métier, mais aussi une passion »

Philippe DURIEZ a tenu sa promesse et a adapté son poste avec l'aide de l'AGEFIPH afin que Sophie puisse continuer à travailler.

Témoignage de Philippe, son employeur :

« Je crois que lorsque j'ai proposé à Sophie de la garder, je n'avais pas conscience de ce que cela allait représenter comme charge de travail supplémentaire. Aménager son poste de travail, les démarches administratives...mais de toutes façons la question de faire autrement ne s'est jamais posée. Sophie est une battante et surtout une très bonne professionnelle, j'avais donc aussi intérêt à la garder ; de plus, je suis céramiste, je ne suis pas là que pour faire du profit, je suis aussi là pour faire des choses intéressantes, et garder Sophie quelles que soient les difficultés allait dans ce sens. Si c'était à refaire, je le referais. »

Au travers de ce dernier témoignage, on le remarque bien, même si Sophie a certes un champ d'aptitude restreint pour travailler toutefois, avec quelques aménagements, le maintien de son poste est possible. Que ce soit l'employeur (avec les aides et la bonne prestation de travail du salarié) ou la salariée, les deux y ont gagné.

Pourtant, ce genre de situation ne se rencontre pas tous les jours malheureusement. En effet, certains employeurs utilisent les ficelles du système juridique pour se « débarrasser » d'un salarié devenu handicapé et qui devient à ses yeux alors un poids pour l'entreprise.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite