WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le Conflit au Darfour

( Télécharger le fichier original )
par Mawuse Vormawor
Université Mohammed V, Soussi, Rabat - Licence 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2. LES CAUSES DU CONFLIT ACTUEL

Le conflit au Darfour surgit dans l'actualité alors que prenait fin la longue guerre qui opposait depuis 1982, la rébellion sudiste du Sudan People's Liberation Army/Movement (SPLA/M) de John Garang et le pouvoir central de Khartoum, dirigé depuis 1989 par Omar El-Béchir.

Selon Jean Nanga 17(*) « Une fois de plus, pour les médias dominants, il s'agit d'une guerre ethnique : d'un côté, les Zaghawa et les Massalit, organisés au sein de la Sudan Liberation Army (SLA), appuyés par le Justice and Equality Movement (JEM), de l'autre les miliciens Janjawid, soutenus par l'armée gouvernementale. Une aubaine pour la presse à sensation, car le conflit opposerait des Noirs dans le rôle de victimes et des Arabes, donc de musulmans, dans celui de bourreaux » Dans le même ordre d'idée, Marc Lavergne18(*) un spécialiste du Soudan au Centre National de la Recherche Scientifique(France), considère que le conflit ne serait pas racial mais que le problème majeur de ce pays vient de gouvernements médiocres qui se sont succédé depuis l'indépendance. « Ceux-là même qui ont ignoré les provinces périphériques de la capitale, dont le Darfour, et qui instrumentalisent aujourd'hui des miliciens à des fins économiques» observe -t-il.

Si la guerre entre le gouvernement et le SPLA était assimilé à une guerre entre le Nord arabo-musulmans et le sud chrétien et animiste, la guerre sanglante aux racines complexes qui a lieu au Darfour est d'une autre nature en raison de la multiplicité des protagonistes et d'autre part parce que la population est aussi bien arabe musulman et noire. Le conflit au Darfour est une crise aux causes et origines opaques, une tentative d'éclairage repose donc sur plusieurs facteurs qui s'imbriquent les unes les autres. Certes le conflit actuel au Darfour met en jeu des éléments se rattachant à des identités ethniques et raciales mais ceux-ci ne sont-ils que des facteurs aggravants et non déclencheurs? Nous allons donc dans cette sous section essayer d'aborder les causes considérés directes ou déclencheurs du drame actuel.

Depuis le mois de février 2003, une guerre civile ravage la province occidentale du Soudan, le Darfour, l'une de causes avancées par les forces rebelles est la question du sous-développement de la région. Le sous développement de cette province délaissé par les gouvernements successifs depuis l'indépendance provoque colère et frustration de la population civile créant des nombreuses rancoeurs. Du fait que ces gouvernements n'ont jamais cherché à développer le Darfour, à y créer des emplois ou y construire des routes, ils se sont ainsi aliéné une population qui n'était pas contre eux à l'origine. Au début des années 1990, les Darfouriens ne s'étaient que quelques-uns à s'engager dans la contestation du pouvoir central de Khartoum. Il s'ait essentiellement des étudiants du Darfour qui, en vivant à Khartoum, se rendent compte de la marginalisation de leur région.

En Mai 2000, dans les banlieues du Khartoum un ouvrage mystérieux fait du bruit, il s'agit du fameux « livre noir ». Malgré que sa diffusion soit interdite19(*) par le pouvoir central, l'abandon de ses copies devant plusieurs mosquées assure cela. L'auteur ou les auteurs20(*) recense/recensent les différents aspects de la présence de Darfouriens21(*) dans l'appareil d'État et entend ainsi démontrer la marginalité de cette région et la domination de Nordistes dans l'appareil étatique.

La marginalisation de la région du Darfour n'est pas seulement d'ordre socio-économique mais existe aussi (comme le démontre les tableaux ci-dessous) au niveau des représentations politique. Nous tentons de démontrer à travers les tableaux ci-dessous comment le défaut d'une représentation équitable des régions au niveau de l'attribution des postes ministériels est directement responsable pour la marginalisation des régions périphériques du Khartoum ; une marginalisation qui est aujourd'hui dénoncer comme l'un de facteur déclencheur du conflit au Darfour. Pour le besoin de ces tableaux, nous avons regroupés en cinq régions les états fédérés soudanais à savoir ;

· La Région Orientale : l'état du Gadharif, l'état du Kasala et l'état de la Mer Rouge.

· La Région du Nord : l'état du Fleuve Nile et l'état du Nord

· La Région Centrale : l'état du Gezira, l'état du Sinnar, l'état du Blue Nile, l'état du White Nile et l'état du Khartoum

· La Région du Sud : l'état du Bahr Alghazal, l'état de l'Upper Nile et l'état Equatorial etc.

· La Région Occidentale : l'état Darfour et l'état Kordofan

Le tableau A ci-dessous démontre la représentation des régions dans les différents gouvernements qui se sont succédé de 1954 au 1964. Le Soudan est de l'année 1954 jusqu'à l'année 1957 gouverné par le Parti démocratique unioniste et le parti Oumma qui remportent la majorité des sièges législatives avec à leur tête le Sheikh Alazhari. Les élections législatives de 1958 donnent la majorité au parti Oumma, toutefois le gouvernement formé par Khaleel est renversé après une révolte de l'armé. Le Général Ibrahim Abboud dirige les affaires du pays de 1958 au 1964, date à laquelle il démissionne de son poste.

A. Tableau de la répartition régionale des postes ministériels de 1954 à 1964

Postes Ministériels 1954 - 1964.Région Nombre Overall %1 La région Orientale 1 1.4%2 La région du Nord 58 79%3 La région Centrale 2 2.8%4 La région du Sud 12 16%5 La région occidentale 0 0%

 
 
 
 
 
 
 
 

Source ; The black book disponible sur < http://www.sudanjem.com/>

B Tableau de la répartition régionale des postes ministériels de 1964 à 1969

Postes Ministériels 1964 - 1969

Région Nombre %

1 La région Orientale 2 2.05%

2 La région du Nord 55 67.9%

3 La région Centrale 5 6.2%

4 La région du Sud 14 17.3%

5 La région Occidentale 5 6.2%

Source ; The black book disponible sur < http://www.sudanjem.com/>

C  Tableau de la répartition régionale des postes ministériels entre 1969 et 1985

Postes Ministériels 1969-1985

Région Nombre %

1 La région Orientale 4 3.5%

2 La région du Nord 79 68.7%

3 La région Centrale 19 16.5%

4 La région du Sud 9 7.8 %

5 La région Occidentale 4 3.5%

Source ; The black book disponible sur < http://www.sudanjem.com/>

Le gouvernement du maréchal Nimeiry arrivé au pouvoir en 1969 a été caractérisé par des instabilités internes fréquentes qui déboucheront sur des fréquents remaniements de son cabinet accumulant un total de 115 ministres. Le tableau C ci-dessus démontre la représentation des cinq régions dans son cabinet. Parmi les 115 ministres qui ont servis dans son gouvernement, seuls 31.3% d'entre eux ne provient pas de la région du Nord.

E. La Population soudanaise en 1986

Région Population %1 La région Oriental 2,212,779 11.8%2 La région du Nord 1,016,406 5.4%3 La région Centrale 4,958,038 26.5%4 La région du Sud 4, 407,450 23.7%5 La région Occidentale 6, 072,872 32.6%Total18, 667,545 100%

 
 
 
 
 
 
 
 

Source ; The black book, disponible sur < http://www.sudanjem.com/>

F. . La Population soudanaise en 1993

Région Population %1 La région Oriental 3,051,958 12.2%2 La région du Nord 1,291,620 5.3%3 La région Centrale 8,829,367 35.4%4 La région du Sud 2, 845,480 11.4%5 La région Occidentale 7, 912,285 31,7%Total 24, 940,703 100%

 
 
 
 
 
 
 
 

Source ; The black book, disponible sur < http://www.sudanjem.com/>

Nous pouvons constater à travers l'étude les tableaux A, B, C, D l'hégémonie de la région du Nord dans la représentation ministériels du pays. Ce qui est encore plus perturbant est le fait que selon les tableaux E et F les nordistes que constituent que 6% de la population du soudan. La majorité de la population vont donc pour longtemps être soumis aux caprices de la minorité nordiste.

La marginalisation de la région du Soudan est certes l'une des causes déclencheuses du conflit actuel au Darfour, mais ne voyons-nous pas un effort d'instrumentalisation de cette question de marginalisation par ces mouvements rebelles pour avancer leurs ambitions politiques et mercantiles ? S'il s'avère aujourd'hui évident que le Darfour soit sous-développé, cette situation ne serait pas du tout différente de celle de toutes les autres parties du pays à l'exception de la région du Nord. Dans son article intitulé Darfur in perspective, David reprend les propos de Ghazi Suleiman22(*) un activiste humanitaire soudanais, qui estime que le conflit au Darfour n'aurait rien avoir avec la marginalisation ou encore la répartition inéquitable des richesses mais que ce conflit n'est que le fruit d'une lutte entre le « Sudanese Islamic movement », le « Popular Congress Party » (l'opposition) d'une part, qui cherche à s'accaparer le pouvoir et d'autre part le parti en pouvoir le « National Congress » soucieux de se maintenir au pouvoir.

Hoile évalue dans son ouvrage que le gouvernement de Béchir serait le seul à vraiment s'intéresser à la question du sous-développement dans la région depuis l'accession du pays à l'indépendance. Il appuie cet argument sur certaines données chiffrées à la base desquelles nous avons construit le tableau ci-dessous ;

Tableau démontrant quelques initiatives de développement entrepris par le gouvernement de Béchir dans la région du Darfour depuis 1989.

AVANT 1989 EN 2003

Les Structures

Nombre

 

Les Structures

Nombre

Les Ecoles Primaires

241

 

Les Ecoles Primaires

786

Les Lycées

16

 

Les Lycées

250

Les Universités

0

 

Les Universités

3

Les Hôpitaux

3

 

Les Hôpitaux

23

Les centres de santé

20

 

Les centres de santé

44

Les Aéroports

0

 

Les Aéroports

3

Les Aérodromes

0

 

Les Aérodromes

3

Si les rebelles avaient avancé en 2003 que le conflit sanglant au Darfour n'était qu'un corollaire logique de la politique de marginalisation menés par Khartoum depuis l'indépendance du pays, les attaques fréquentes que ces groupes rebelles ont menés sur des nombreux sites des projets de développement, des hôpitaux, des écoles etc. nous conduisent aujourd'hui à remettre en cause cette argument.

Si le drame actuel au Darfour ne peut se résumer à un conflit opposant les noirs dans le rôle des victimes et des arabes dans celui des « bourreaux » elle ne peut non plus être résumé à la marginalisation de la région du Darfour. Selon une étude publiée tout récemment par le Programme des Nations Unies pour l'Environnement(UNEP)23(*) le conflit au Darfour pourrait avoir pour cause directe la crise environnementale que traverse pendant deux décennies la région du Darfour ainsi que toutes les autres régions du pays.

Ce rapport lie le conflit du Darfour à la crise environnementale que la sécheresse a provoqué dans la région. La dégradation de l'environnement, dans un contexte de grande précarité de ressources, et d'absence de politiques de développement agricole, conduit aujourd'hui dans la bande sahélienne à des conflits pour l'usage et l'appropriation du sol de plus en plus meurtriers et insolubles. Comme l'ensemble du Sahel, le Darfour est victime d'une situation de déséquilibre entre la population et les ressources ; la surexploitation des sols cultivables et le surpâturage dans une zone semi-aride comme le Sahel est l'une des causes majeures de la désertification, aussi la pression de la nécessité, les pratiques culturales se font de plus en plus au détriment de la qualité des sols.Il est ainsi évident que pour pouvoir trouver une solution durable aux conflits et édifier la paix au Soudan, l'investissement dans la gestion et la régénération des ressources naturelles demeure indispensable.

C'est d'ailleurs dans cet ordre d'idée que Achim Steiner, Secrétaire-général adjoint des Nations Unies et Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l'environnement, observe que «  Il est néanmoins clair que la manière dont l'environnement sera réhabilité et géré au Soudan aura une très forte incidence sur cet avenir et sera déterminante en ce qui concerne le maintien de la paix. La tragédie du Soudan n'est pas seulement la tragédie d'un pays d'Afrique, c'est une fenêtre sur le reste du monde qui met en évidence la manière dont des problèmes tels l'épuisement incontrôlé des ressources naturelles, comme les sols et les forêts, conjugués à des impacts comme les changements climatiques, peuvent déstabiliser les communautés, voire même des nations entières ».24(*)

Liés à cette question de désertification est aussi le problème de l'explosion démographique que connait la région du Darfour. La population du Darfour est passée de 300 milles en 1900 à 3millions en 198625(*). Aujourd'hui la population du Darfour s'élève à environ 7,9 millions d'habitants. Lavergne dans un article26(*) observe que « Du fait de la croissance démographique des dernières décennies, le sol est désormais cultivé année après année sans périodes de repos. La jachère n'est respectée qu'en année de sécheresse, lorsque les pluies ne sont pas suffisantes pour permettre une récolte, ce qui n'assure pas une véritable régénération du sol ». La terre n'arrive plus à supporter la population civile, et si ce problème n'est pas remédier le plus tôt possible, nous risquons de revoir des grandes famines comme a été le cas en 1985.

* 17NANGA Jean, Les enjeux du conflit meurtrier .Voir http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=1865.

Publié le 15 novembre 2004. Consulté le 15.03.2008

* 18Voir Wikipédia l'encyclopédie libre. Guerre civile au Darfour. Disponible sur «  http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_civile_au_Darfour ». Consulté le 15.03.2008

* 19 Évidemment disponible sur le site Internet du MEJ, http://www.sudanjem.com/.Format PDF .Consulté le 03.05.2008

* 20 Les auteurs qui s'auto désignent <<des chercheurs en quête de la vérité et de la justice>> demeurent toujours inconnus.

* 21 Le livre contient au total 200 tableaux dénonçant la main mise sur l'Etat et la politique soudanaise de trois grandes tribus du nord du Soudan, Cheiquir, Djaalin et Danagla.

* 22 Voir HOILE David. Darfur in perspective. Disponible sur << http://darfurinformation.com/darfur-in-perspective/default.asp>> Format PDF. p. 6, Consulté le 15.03.2008

* 23 Disponible sur « http://sudanreport.unep.ch/UNEP_Sudan.pdf »

* 24 L'évaluation du programme des nations unies pour l'environnement, qui a été demandée par le nouveau gouvernement d'union nationale et le gouvernement du Sud-Soudan et réalisée en collaboration avec eux, fait un grand nombre de recommandations diverses. Parmi celles-ci figurent l'investissement dans la gestion environnementale, y compris des mesures d'adaptation au climat ; le renforcement des capacités des gouvernements national et local dans le domaine de l'environnement et l'intégration des facteurs environnementaux dans tous les projets d'aide et de développement des Nations Unies.  », constate l'étude du PNUE. Voir La crise du Darfour est aussi une crise environnementale. Disponible sur  http://www.fmes-france.net/article.php3?id_article=694. Consulté le 15.03.2008

* 25 LAVERGNE Marc Darfour : éléments pour l'analyse d'une guerre civile en milieu sahélien. Disponible sur http://www.marc-lavergne.com/travaux/caf/darfour%20Afrique%20contemporaine.pdf. Consulté le 15.03.2008

* 26 Id.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille