WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Ethnicité et Management des Staffs locaux dans les ONG internationales au Burundi

( Télécharger le fichier original )
par Christian Munezero
Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) - Master en Développement et Management des Projets 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Sigles et abréviations

CDA: The Collaborative for Development Action

CNDD-FDD : Conseil National pour la Défense de la Démocratie - Front pour la

Défense de la Démocratie

FNL-PALIPEHUTU : Front National de Libération - Parti pour la Libération du Peuple

Hutu

JRS : Jesuit Refugee Service

ONG: Organisation Non Gouvernementale

RESO: Rassemblement Echange et Solutions entre ONG UCAC: Université Catholique d'Afrique Centrale

Introduction générale

Contexte

Au Burundi, treize ans de conflit armé ont vu la diminution de la dimension de l'Etat et la réduction de son efficacité dans plusieurs secteurs. Aussi, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) locales et internationales ont-elles pris le relais pour palier à la fin de « l'Etat providence ». Actuellement, la richesse économique est devenue extrêmement rare, le secteur privé anémié et la création des emplois par celui-ci réduite presque à néant. Parallèlement, le système éducatif continue à déverser, chaque année, des centaines de diplômés sur le marché du travail.

La voie la plus accessible à tous pour acquérir les moyens de consommation semble alors résider dans l'économie populaire, mais l'emploi y est précaire et les revenus faibles. Une autre voie est celle de postuler aux postes de responsabilité dans les institutions républicaines via des réseaux politiques. Mais, devant le nombre limité de ces postes et les risques élevés d'élimination physique liés à l'activité politique au Burundi, la meilleure option qui s'offre au chercheur d'emploi est de se faire embaucher par une ONG internationale.

Le secteur des organisations non gouvernementales au Burundi est régit par la loi du 23 juin 1999 sur les ONG. Aux termes de l'article 27 de ladite loi, les zones et les domaines d'intervention des ONG sont déterminés de commun accord par ces organisations et les départements ministériels concernés, en tenant compte des priorités du Gouvernement. En principe, les ressources des ONG sont orientées vers des programmes dont l'objectif est l'amélioration du niveau de vie des populations. Il s'agit notamment de programmes d'adduction d'eau et d'assainissement, de santé, d'éducation, d'agriculture et d'élevage, des droits de l'homme, de réconciliation des communautés ethniques, etc.

Tel que stipulé dans l'Ordonnance Ministérielle n°660/086/92 du 17 février 1992 relative au personnel des organisations de droit étranger, la main d'oeuvre étrangère ne doit pas dépasser 1/5 des salariés de l'entreprise par catégorie professionnelle. Cette loi s'applique également aux ONG étrangères. Par ailleurs, le secteur associatif et des organisations étrangères se révèle être un des domaines qui créent le plus d'emplois, à court terme. En effet, suite à la signature des Accords d'Arusha et à

l'élection présidentielle de juin 2005, on assiste à la multiplication des projets de développement et des programmes humanitaires financés par les organismes internationaux. De plus, les montants des salaires octroyés aux agents de ces organisations sont largement supérieurs à la moyenne générale des salaires payés dans les entreprises burundaises.

Il s'avère alors que ces organisations constituent des partis de premier choix pour les chercheurs d'emploi. La fonction employeur y occupe ainsi une place importante. Elles contribuent à répondre au problème de l'emploi et servent pour beaucoup, de source privilégiée de revenus financiers, sous forme de rémunération du travail. En effet, une étude menée en 2004 portant sur 33 organisations internationales réunies au sein d'un réseau appelé RESO (Rassemblement, Échanges et Solutions entre ONG) montre que celles-ci ont utilisé un budget de plus de 51 millions de dollars américains au cours de la même année. Sur l'année 2005, les prévisions faisaient état de 60 millions de dollars américains. Ces fonds ont notamment permis la création de 2748 emplois locaux. Le résultat de cet état de choses est que, d'une part, la majeure partie de l'offre de travail (diplômés à la recherche du premier emploi, chômeurs, employés de la fonction publique, salariés des entreprises privées) s'oriente vers ces organisations. D'autre part, ceux qui y ont déjà un emploi élaborent des stratégies de positionnement pour le conserver. Il s'agit alors pour ces derniers, dans la mesure du possible, de limiter les nouvelles entrées dans le secteur afin de ne pas perdre les privilèges acquis.

Dès lors que le travail dans le secteur des ONG internationales devient l'objet de toutes les convoitises, il y a un risque de déplacement ou de reproduction des scénarii conflictuels à caractère identitaire dominant dans la société globale burundaise.

Il est d'usage d'opposer les fonctionnaires de l'Etat aux « gens des ONG »1 pour
qualifier deux mondes radicalement différents, avec comme distinctif principal la
qualité des ressources allouées sous forme de salaires et d'autres avantages. Cela

1 Traduction littérale de l'expression en kirundi : abo mu ma ONG. Elle exprime une impression de distance voire de fossé entre les conditions de vie des salariés des ONG internationales et celles de ceux qui ne le sont pas.

est de nature à rendre particulières les relations professionnelles au sein de ces organisations.

Dans l'imagerie populaire, il est courant de lier promptement les présomptions identitaires fondées sur l'ethnie aux entreprises privées et surtout, à l'administration publique burundaise. Ces allégations ne sont pas dénuées de tout fondement. Effectivement, dans le souci principal de préserver les équilibres et la paix sociale, un nombre important de postes sont attribués, dans l'administration publique, en fonction de l'ascendance ethnique, de l'appartenance aux partis politiques ou alors en fonctions de régions géographiques, du genre et des religions. Mais est-ce pour autant que les ONG internationales constituent un secteur vierge de toute pratique à caractère ethniciste ?

A ce stade, la question qui se pose à nous est celle de savoir si un environnement ethnicisé a une incidence réelle sur la nature des relations professionnelles au sein des staffs locaux des ONG internationales opérant au Burundi ?

Des pistes de réponses peuvent être recherchées dans l'histoire du pays. Au regard de la guerre civile qu'a connu le Burundi depuis 1993, il apparaît avec clarté que le conflit a une coloration identitaire indéniable. En fait, le contexte socio-politique actuel du pays est fortement marqué par le poids de l'histoire. Nous rejoignons ici Maurice KAMTO2, dans son analyse sur l'ethnicité en Afrique. Pour lui, même si la situation actuelle dans beaucoup de pays africains ne peut se réduire à une simple opposition entre des ethnies ou aux seuls effets déstructurants de la colonisation ou de la gestion post-coloniale, elle est assurément le produit d'une trop forte division au sein de la société. C'est le cas de la société burundaise actuelle. Cette division trouve ses fondements sociaux et idéologiques dans la colonisation et son renforcement dès l'indépendance. En d'autres termes, le repliement principalement ethnique constaté en cas de crise trouve ses origines tant dans la construction d'une identité ethnique et sa manipulation que dans l'entretien de ce repliement par l'élite politique et par les communautés.

2 KAMTO Maurice, L'urgence de la pensée, Mandara, Yaoundé, 1993

Pourtant, comme l'écrit André GUICHAOUA3, ce serait une erreur simplificatrice que de prétendre que le Burundi précolonial connaissait une totale unité nationale qui aurait été détruite progressivement à partir de l'arrivée des Européens. « De nombreuses identités traversaient la société burundaise, mettant en oeuvre de nombreux clivages (claniques, régionales et ethniques). Mais en aucun cas ils ne constituaient un facteur déstructurant dans cette société et, pour la plupart, ne concernaient que les seules élites ». Cependant, selon cet auteur, il semble y avoir à cette époque un potentiel de conflit apte à se transformer en un conflit réel « dès lors qu'une nouvelle règle se substituerait à celle de la société coutumière et qu'en même temps se pétrifieraient les rapports entre les ethnies »4. Cette propension va être exploitée par le colonisateur à des fins politiques et économiques, sous couvert d'une volonté de « civiliser » le pays. La politique coloniale va alors structurer la société en fonction de l'appartenance ethnique.

Cette action va cristalliser dans la conscience populaire la différenciation essentiellement sur base ethnique. En conséquence, cette division fondée sur des critères idéologiques va se lester d'une charge sociale, puisque l'appartenance ethnique va, pendant longtemps, déterminer le statut des individus dans la société ainsi que leur accès au pouvoir. Ainsi, dès l'indépendance du pays en 1962, « il s'est créé un mécanisme de rétroaction entre les stratégies sociales autochtones sous- jacentes à la colonisation et l'édification de l'appareil étatique »5. Cela a alors contribué à asseoir une conscience ethnique aiguë dans les deux principales communautés ethniques du Burundi (les Hutu et les Tutsi). Les élections présidentielle et législative de juin 1993 n'ont fait que confirmer le phénomène. L'avortement du processus démocratique déboucha depuis le 21 octobre 1993 sur une guerre civile qui fit, jusqu'en 2000, entre 250 000 et 400 000 victimes, 800 000 exilés et 180 000 déplacés à l'intérieur du pays6.

Au moment où nous avons mené cette étude, les acteurs politiques étaient en pleine
application de l' « Accord d'Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi »

3 GUICHAOUA André, Les crises politiques au Burundi et au Rwanda, Karthala, Lille, 1995

4 LEMARCHAND R., Génocide sélectif au Burundi, Minority Rights Group, Rapport num 20, novembre 1974, p.6, cité par GUICHAOUA André.

5 KAMTO Maurice, Idem.

6 Chiffres officiels publiés en 2000

conclu le 28 août 2000 entre les différentes parties au conflit burundais à Arusha7. Cet accord a aboutit à un cessez le feu signé par le principal mouvement rebelle hutu, alors nommé CNDD-FDD, après plus de dix ans de lutte politique et militaire. Cela a permis l'adoption d'une nouvelle Constitution par référendum le 1er mars 2005 et la tenue peu après des élections législative et présidentielle remportées par l'ancienne rébellion muée quelques temps avant en parti politique. Parmi les chantiers déjà achevés ou en cours de réalisation, il y a la réforme de l'armée et des forces de sécurité, en tenant compte des identités ethniques. Il s'agit de mettre en place une armée composée de 40% de Tutsi en majorité issus de l'ancienne armée régulière, et 60% de Hutu essentiellement issus des rangs de l'ancienne rébellion CNDD-FDD. Le contrôle de l'armée constituait l'un des facteurs les plus importants de la lutte militaire. Toutefois au moment de notre descente sur le terrain, il y avait encore un mouvement rebelle, le FNL-PALIPEHUTU, qui était encore en activité, ce qui signifie que le conflit armé n'était pas entièrement terminé. Par ailleurs la pacification du pays ne signifie nullement la fin du conflit qui peut revêtir plusieurs formes.

Le contexte global reste donc un contexte de conflit latent, parfois ouvert, mettant en scène divers acteurs. Par ailleurs, on constate que la mobilisation de l'identité ethnique est régulière et systématique, dans l'organisation des différents secteurs de la vie du pays. L'identité ethnique semble alors être au centre de la régulation sociale. C'est dans ce contexte que sont amenés à travailler les ONG internationales opérant au Burundi.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand