WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'identité de la démocratie américaine

( Télécharger le fichier original )
par Catherine MARAS
UPMF Grenoble - Master 1 philosophie 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

IV- PISTES PRINCIPALES DU DEVELOPPEMENT

Depuis toujours, l'Amérique s'est donnée comme principe d'assurer la promotion de certaines valeurs, dont la démocratie et la liberté, demandant à l'ensemble des Etats de respecter de tels principes, mais respecte t-elle, elle-même ces principes ? Ce problème fera l'objet d'une première piste de notre développement. Si l'Amérique pense pouvoir exporter ses valeurs démocratiques, c'est parce qu'elle se sent investie d'une mission religieuse, c'est pourquoi nous aborderons la question de la religion et de ses effets sur la société américaine comme deuxième piste du développement.

POLITIQUE AMERICAINE, POLITIQUE DE LA CONTRADICTION

« Rien n'est plus important que l'Amérique reste séparée des systèmes européens, et en établisse un original. Notre situation, nos objectifs, nos intérêts sont différents. Il doit en être de même pour les principes de notre politique. Tout engagement avec cette région du monde doit être évitée si nous voulons que la paix et la justice soient les (objectifs caractéristiques) de la société américaine.18(*)»

Dès le départ, le souci de créer un état nouveau poussa les fondateurs des Etats-Unis, tel Jefferson ici dans son discours prononcé en 1820, à limiter les contacts avec les Etats européens considérés comme décadents. Or l'histoire des relations internationales, nous prouve que cette promesse de ne pas s'engager dans les affaires européennes, n'a pas été tenue. Ainsi, en 1917, les Etats-Unis aux côtés de la France et de la Grande Bretagne entrent en guerre. Certes, la guerre terminée, les Etats-Unis se replièrent à nouveau sur leurs propres intérêts, mais la destruction par l'aviation japonaise, en novembre 1941, de la flotte américaine du Pacifique ( Pearl Harbor) permit à Franklin D. Roosevelt de mettre toute l'Amérique derrière lui pour une nouvelle guerre, une guerre perçue comme la lutte entre les forces du Bien ( les démocraties alliées) et celles du Mal (les fascismes de l'Axe). Après la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis menèrent de nombreuses guerres : la guerre de Corée en 1950, la guerre de Cuba en 1959, la guerre du Vietnam en 1961, etc. Finalement en matière de politique étrangère, les Etats-Unis sont passées d'une position dite « isolationniste » à une position dite « interventionniste ». Autrement dit, au lieu de s'isoler du monde, d'éviter tout engagement dans les affaires mondiales, la politique américaine s'est engagée de manière permanente dans les affaires du monde, contredisant ainsi la politique de « non engagement » (Non-entanglement) que prônait George Washington, Jefferson ou encore Monroe. Mais parmi ces interventions, il y a deux attitudes, pourrait-on dire, diamétralement opposées : l'attitude dite « réaliste » et celle dite « idéaliste ». Les grands spécialistes de la politique étrangère des Etats-Unis, ont représenté par exemple, les actions du Président Théodore Roosevelt comme « réalistes », et celles de Woodrow Wilson comme étant « idéalistes ». Mais quelle est la différence entre ces deux attitudes? Tous deux sont intervenus dans le monde, ont mené une guerre, mais aucun des deux n'avait le même objectif. Ainsi, pour le réaliste Théodore Roosevelt, que les interventions soient d'ordre économique, politique ou militaire, le but était de pratiquer une politique de puissance, afin de défendre les intérêts du pays par tous les moyens, par la force si besoin ; on pouvait qualifier son attitude comme étant égoïste puisqu'elle ne servait que l'intérêt particulier des Américains. Alors que pour l'idéaliste, Woodrow Wilson, l'objectif était de mener une politique extérieure morale, afin d'apporter la sécurité et la paix dans le monde, de propager le modèle américain, perçu comme étant le meilleur modèle démocratique du monde. Ces deux attitudes sont devenues avec le temps, deux courants de pensée en matière de politique étrangère américaine. Aujourd'hui les présidents n'appliquent plus l'isolationnisme, il en va de la position même des Etats-Unis comme première puissance économique et militaire ; ils adoptent donc soit une position idéaliste, soit une position réaliste. Mais pour les antiaméricains, quelque soit la position adoptée, la politique étrangère américaine est impériale, motivée uniquement par l'économie, le commerce, autrement dit l'argent ; fondée sur un pouvoir illégitime et abusif, dont l'intention est d'exploiter ou de dominer le monde.

Or, peut-on dire de la politique américaine qu'elle soit impériale ? L'impérialisme désignerait, selon Thierry Ménissier, « la tendance à constituer un empire, c'est-à-dire à conquérir des territoires et à les priver d'autonomie au profit du pouvoir central »20(*). Au regard de cette définition, on pourrait dire que les Etats-Unis ont connu une phase d'impérialisme, au tournant du 20ème siècle, avec l'annexion pendant plusieurs années de quelques îles aux dépens de l'Espagne (notamment les Philippines), mais cette phase d'impérialisme n'a durée que très peu de temps et est complètement désuète de nos jours. Néanmoins, la position idéaliste de certains présidents américains, comme celle de Wilson, celle de John F. Kennedy ou encore celle de George W. Bush de nos jours, n'est-elle pas impériale ? En effet vouloir étendre son pouvoir, son modèle sur des territoires d'autres Etats et ceux parfois malgré eux, n'est-ce pas une volonté impérialiste ? Selon Justin Vaïsse :

« C'est dans sa quête de maintien de l'ordre mondial que l'Amérique se manifeste le plus comme "empire informel", lorsqu'elle garantit l'environnement de sécurité de l'espace-monde, défend - par des stationnements de troupe permanents et acceptés - des pays menacés (Corée du Sud, Taiwan...), assure la sécurité des lignes de communication et des échanges, etc. Ceci implique d'intervenir de temps à autres, voire d'occuper de manière temporaire des territoires à pacifier (Somalie, Kosovo, Iraq...). Mais à l'inverse des empires du passé, l'Amérique ne conquiert pas de territoires de manière permanente et s'efforce généralement d'apporter la démocratie et la prospérité aux pays qu'elle occupe ou qu'elle libère : Japon, Allemagne, Corée, Iraq, etc. »21(*).

Autrement dit, selon Vaïsse, la politique étrangère des Etats-Unis peut être considérée comme impériale, mais c'est un impérialisme qui n'est pas de type colonial, car l'objectif des Etats-Unis n'est pas de contrôler les Etats dans lesquels ils interviennent, leur objectif n'est pas de confisquer la souveraineté d'un Etat ; leur expansionnisme qu'il soit économique, militaire voire culturel ne repose pas sur la fondation de colonies. Dès lors, on pourrait considérer les Etats-Unis comme un « empire démocratique », c'est-à-dire une grande puissance qui intervient dans le monde non pas dans un but colonial, mais afin d'apporter la démocratie et la prospérité comme ce fut le cas pour le Japon ou encore l'Allemagne, sans qu'elle vise pour autant à l'édification d'un empire, c'est-à-dire d'un Royaume ou d'une nation.

Néanmoins n'est-il pas paradoxale que l'Amérique recourt à la guerre, comme ce fut le cas au Vietnam ou encore en Irak,  afin d'exporter les valeurs démocratiques?

Pour un iréniste, utiliser le mal telle que la force par exemple au service du bien n'a pas de sens. Pour un iréniste, seuls les moyens bons doivent servir les bonnes fins. Autrement dit, si l'objectif d'un état démocratique est d'apporter la paix ou la liberté elle devra le faire sans recourir à la force. A contrario, un belliciste considèrera que la violence et la guerre, peuvent être au service de la paix. Autrement dit pour un esprit belliciste, il ne serait pas paradoxale que la démocratie américaine face la guerre contre une dictature. Ainsi ce ne n'est pas la non-violence, ni les vertus du dialogue qui ont triomphé du nazisme, mais bien la guerre comme force au service du droit. Mais si cette force utilisée par les Américains devenait une menace pour les droits de l'homme, devra t-on considérer cette guerre comme étant « juste » parce qu'elle a pour but d'aider une population soumise à la dictature ? Pour un conséquentialiste, tout repose sur les conséquences de l'accomplissement de l'action et non pas sur la nature de l'action elle-même. Autrement dit, si violer les droits de quelques hommes pouvait permettre de protéger et de garantir les droits d'un plus grand nombre, alors il agirait en conséquence : il préféra par exemple tuer un homme et sauver dix, plutôt que de ne pas tuer cet homme aux risques d'en perdre dix. Alors que le déontologiste, ne se préoccupera pas des conséquences, la nature de l'acte sera suffisante pour pouvoir dire si l'action est juste ou non, car certaines actions sont blâmables ou condamnables par leur nature elle-même. Pour un déontologiste, à partir du moment où cette guerre met en péril des vies humaines, elle ne peut être juste. Finalement, si l'on ne recourt qu'au raisonnement moral pour résoudre ce problème, on ne pourra pas y répondre à moins d'y prendre parti. En revanche du point de vue de la légalité, c'est-à-dire des lois non morales mais juridiques, on ne pourra pas blâmer le pouvoir politique d'avoir user de la force pour avoir fait respecter les lois par exemple ou pour avoir fait maintenir l'ordre dans la société. Donc, d'un point de vue strictement juridique le gouvernement a le pouvoir d'utiliser la violence : la violence de la loi par exemple, pour incarcérer un individu ayant transgressé les lois ; ou encore la violence de l'armée, afin de protéger la Nation d'une éventuelle attaque. Mais cette violence du pouvoir est-elle légale si elle porte atteinte au droit de l'homme? Bien que la Déclaration universelle des droits de l'homme, texte contenant une liste de droits reconnus au profit des individus en général (le droit à la vie, l'interdiction de la torture, l'égalité devant la loi, le droit à la sûreté de la personne, l'interdiction de l'esclavage et d'autres droits et libertés), ne soit qu'une résolution adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies et qu'elle n'ait aucune valeur normative, autrement dit qu'elle n'ait qu'une valeur symbolique, n'engageant pas juridiquement les Etats qui ne la respectent pas ; ces différents droits proclamés par cette Déclaration font partis souvent d'autre instrument telle que la Déclaration des droits aux Etats-Unis, qui est obligatoire parce que faisant partie de la Constitution des Etats-Unis. En d'autres termes, le gouvernement américain ne peut violer les droits de l'homme parce qu'il porterait atteinte aux droits fondamentaux de l'individu que la Constitution américaine reconnaît et protège. Or dans le cadre de « la guerre contre le terrorisme » par exemple, le gouvernement américain a bafoué les droits de l'homme notamment pour avoir autorisé la détention de prisonniers dans des conditions épouvantables22(*) : tout contact avec le monde extérieur, ainsi que quelque statut légal que ce soit leurs étaient refusés, des traitements cruels, inhumains et dégradants leurs ont été infligés (ce qui est contraire au traitement des prisonniers de guerre prévu par la Convention de Genève). Par conséquent, même si cette guerre peut sembler juste pour les bellicistes, on ne peut considérer les actions accomplies durant cette guerre comme étant légales. En effet, un acte ou une organisation sont dit légaux quand ils obéissent à une loi instituée et reconnue ; or certains actes durant cette guerre23(*), comme ceux dont nous venons de citer, n'obéissent pas aux règles internationales. D'après Amnesty International dans son rapport intitulé : le paradoxe Américain, les atteintes aux droits de l'homme seraient également observables au sein de la société américaine. Des policiers, des gardiens, et des fonctionnaires des services de l'immigration, transgresseraient régulièrement les directives et les lois nationales ainsi que les normes internationales. En effet, des policiers assènent et blessent par balles des individus qui ne représentent aucune menace, parfois même de simples passants. « De nombreux suspects sont morts après avoir été maîtrisés, brutalisés et contraints de se mettre à plat ventre. La plupart sont décédés après avoir eu les chevilles et les poignés ligotés derrière le dos ». Et, poursuit Amnesty, « la grande majorité des victimes appartiennent aux minorités ethniques, alors que la plupart des policiers sont de race blanche ». On maltraite, on torture aussi dans les postes de police. Le manque de données fiables et de contrôles, la « loi du silence » fait que la plupart des coupables ne sont pas sanctionnés. Tous ces actes sont accomplis bien que les traités internationaux, ainsi que la législation civile et pénale américaine, tant au niveau fédéral qu'étatique, énoncent clairement des garanties visant à préserver le bien être physique et psychologique des personnes privées de libertés24(*). La peine de mort peut être aussi considérée comme une pratique antidémocratique, surtout lorsque l'on sait qu'aux Etats-Unis jusqu'à tout récemment ( mars 2005), des mineurs se faisaient exécuter25(*).Certes les Etats-Unis, avec cette restriction du champ d'application de la peine de mort pour les mineurs, ont fait une avancée par rapport aux droits humains, mais de l'autre côté ils refusent toujours de ratifier la Convention Internationale des droits de l'enfant, sachant que 192 pays l'ont ratifiée26(*). Finalement ces quelques exemples, permettent de tirer la conclusion que beaucoup de normes visant les droits de l'homme ont été bafouées par le pouvoir politique américain : soit à cause de sa négligence dans les affaires internes, soit à cause d'un usage illégitime du droit dans les affaires externes. Il semble donc paradoxal, que les Etats-Unis, puissent vouloir exporter les valeurs démocratiques, alors qu'ils ne les respectent pas eux-mêmes.

Certes depuis la fondation des Etats-Unis jusqu'à nos jours, les comportements ont évolué : il y a à peine deux cent cinquante ans27(*), presque tous les Afro-américains étaient des esclaves ; il y a à peine cinquante ans la ségrégation raciale dans les écoles publiques était la norme dans la majorité du pays, elle était autorisée ou exigée par la loi dans vingt quatre États28(*). Aujourd'hui, l'Amérique garantit à tous, c'est-à-dire autant aux Amérindiens, aux Hispaniques, aux Asiatiques ou encore aux Noirs29(*), les mêmes droits et les mêmes devoirs civils et politiques30(*). Le gouvernement Bush, malgré les critiques que nous pouvons faire en ce qui concerne sa politique étrangère, est le plus ouvert aux minorités ethniques, que n'a jamais été jusque là un gouvernement américain. En effet parmi les membres du gouvernement ont compte plusieurs individus d'appartenances ethniques différentes, dont Colin Powell, premier Afro-américain à occuper le poste de secrétaire d'Etat aux affaires étrangères durant le premier mandat du Président ; Condolezza Rice première femme noire Conseillère à la sécurité nationale ; Ealine Chao, première femme asiatique membre du gouvernement américain, etc. Certes, malgré l'évolution des moeurs, les inégalités socio-économiques existent toujours, mais ces inégalités n'existent pas qu'aux Etats-Unis, elles existent dans toutes les sociétés démocratiques, et elles ne sont pas forcément antinomiques avec la démocratie.  D'après Tocqueville, la suppression de l'inégalité de richesse est impossible, il existera toujours des riches et des pauvres, une égalité absolue selon Tocqueville ne serait même pas souhaitable. En effet, bien que l'égalité soit considérée comme une valeur essentielle, trop d'égalité nuirait à la société, parce qu'elle effacerait toute diversité de sentiment et toute disposition à l'action. Aussi, selon Tocqueville, chaque pas vers l'égalité rapprocherait les citoyens vers le despotisme, car lorsqu'il y a égalité entre les individus, tous les pouvoirs publics sont entre les mains du souverain, le pouvoir central s'accroît, l'existence individuelle s'affaiblit et devient subordonnée ; les individus s'en remettent au pouvoir collectif et naît alors une servitude consentie où s'ouvre la voie à un despotisme prévoyant et doux31(*). Rawls ira jusqu'à dire, dans sa théorie de justice, que les inégalités sont justes, tant qu'elles suscitent un surcroît de richesses et qu'elles améliorent le sort des plus démunis : « l'enrichissement des plus riches permet de maintenir le pouvoir d'achat des plus pauvres ». Cela ne signifie pas pour autant, que les individus pauvres sont condamnés à rester pauvres ; selon Rawls les inégalités sociales et économiques doivent être organisées dans des conditions d'égalité des chances, ce qui donc autorise la discrimination positive en faveur de certaines personnes. En effet, pour qu'il y ait une égalité des chances, il faut atténuer au maximum les éventuelles différences pour le plus grand profit des plus désavantagés, car la société écrit Rawls doit être une entreprise de coopération et non de compétition. C'est pourquoi, pour répondre aux effets des discriminations raciales et de la grande pauvreté, le gouvernement américain a développé une politique de compensation, sous le nom d''affirmative action permettant aux minorités Noirs de bénéficier d'un certain nombre de droits (non contractuels) leur permettant d'intégrer par exemple les universités, l'administration, ou encore la politique32(*). Ainsi, à la discrimination négative succéda la discrimination positive ; aux inégalités, une juste inégalité permettant en quelque sorte, à des groupes économiquement et culturellement désavantagés de bénéficier d'une véritable égalité des chances où personne n'est désavantagé en raison de sa condition sociale. Néanmoins cette théorie de justice sociale, que nous propose Rawls, satisfait-elle réellement à l'exigence de justice de la démocratie ? Selon Kymilcka, la théorie de justice de Rawls est satisfaisante dans la mesure où elle vise à compenser les inégalités non méritées, c'est-à-dire celles qui n'ont pas de pertinence morale dans la mesure où elles sont le fruit de circonstances qui échappent au contrôle des individus, comme par exemple les origines sociales ou ethniques. Toutefois, sa théorie n'est pas suffisante, car Rawls ne prévoit pas, écrit Kymlicka, de compenser les handicaps naturels et ne distingue pas clairement «  les inégalités qui découlent de choix différents, de celles qui découlent de circonstances différentes »33(*). De plus, concernant la discrimination positive, bien qu'elle ait diminué progressivement la discrimination raciale, cette mesure est de plus en plus contestée de nos jours ; parce que non seulement elle a accentué les rivalités interethniques (jalousie, ressentiment)34(*), mais elle n'a pas éliminé les inégalités, elle n'a fait que dissimuler la gravité de l'état. En effet la discrimination raciale, ethnique existe toujours car derrière l'affrontement entre les riches et les pauvres, il y a d'abord un affrontement entre les Blancs et les Noirs, entre la culture dominante Wasp (White Anglo-Saxon protestant)  et les cultures minoritaires35(*) . Aussi, la démocratie américaine ne peut durablement s'accommoder d'une discrimination positive, car cette mesure revient à accorder des privilèges, ce qui est contraire à l'idée même d'égalité des droits. La solution selon Kymlicka, serait que les Etats-Unis acceptent la conception multiculturaliste, qui propose de mettre en oeuvre un processus de reconnaissance institutionnel des différences pour qu'elles puissent être politiquement représentées.

«  la diversité des conditions de vie et des expériences ; des hommes et des femmes, des anglophones et des hispanophones, des Blancs et des Noirs, des immigrants et des peuples indigènes, des personnes handicapées et des personnes qui ne le sont pas, des riches et des pauvres ; débouche sur des intérêts différents et parfois opposés, et les intérêts des groupes moins nombreux et plus pauvres pourraient ne pas être représentés dans le cadre du système majoritaire. Aussi, pourquoi ne pas mettre en place des structures représentatives permettant l'expression adéquate des intérêts de ces minorités36(*). »

Kymlicka défend ici une nouvelle conception du statut et des droits des minorités culturelles, visant à garantir pour chaque citoyen que justice lui soit rendue. Mais, en exaltant plus le pluribus  que le unum , ce multiculturalisme met à mal le modèle américain d'intégration, autrement dit l'image du melting-pot, du creuset dans lequel tout se mêle et tout se fond37(*). Néanmoins, selon Kymilcka, « il est désormais plus possible (pour peu que cela le fût jamais) d'éliminer ce sentiment d'identité distincte qui est la base du désir exprimé par ces groupes de former leurs propres sociétés nationales38(*). »

Finalement, le rêve de Martin Luther King, celui qu'il a prononcé le 28 août 1963, celui où il dit «  J'ai fait un rêve. (...) Je rêve qu'un jour mes quatre gosses vivront dans une nation où ils seront jugés non d'après la couleur de leur peau, mais d'après la réalité de leur caractère », n'est pas pour autant devenu réalité. Certes un an après son discours, les Etats-Unis ont adopté le Civil Rights Act, mais cette loi malheureusement n'a pas suffi à mettre fin aux inégalités socioculturelles.

Par conséquent, et nous terminerons cette partie sur ce constat, l'Amérique est bien démocratique dans ses principes, mais pas toujours dans ses pratiques. La politique américaine, autant sur le plan interne qu'externe, autrement dit autant au sein de la société américaine qu'en dehors de sa nation, contredit par ses actions, ses pratiques, l'idée d'égalité et de liberté qui est pourtant inscrite et garantit par la Constitution des Etats-Unis.

* * *

De même qu'il y a aux Etats-Unis une pluralité de cultures, il y a une pluralité de religions. Ainsi il n'y a pas un seul vrai dogme, une seule vraie religion, mais une pluralité de religions qui se valent. En effet par le biais de l'immigration,  des gens du monde entier ont afflué aux États-Unis afin d'acquérir la nationalité américaine. Aussi, ils ont apporté avec eux les traditions religieuses du monde entier : islamiques, hindoues, bouddhistes, sikhs, africaines et afro caraïbes, etc.39(*)Mais quelle place la religion tient-elle aux Etats-Unis ?

* 18 Le discours en langue originale, "Nothing is so important as that America shall separate herself from the systems of Europe, and establish one of her own. Our circumstances, our pursuits, our interests, are distinct. The principles of our policy should be so also. All entanglements with that quarter of the globe should be avoided if we mean that peace and justice shall be the polar stars of the American societies.19" -Thomas Jefferson to J. Correa de Serra, 1820.

* 20 MENISSIER, T., «  Empire et Impérialisme », Eléments de philosophie politique, Paris, Ellipses-Marketing, 2005.

* 21 Contribution à L'empire américain?, sous la direction de Michel Wieviorka, Balland, 2004 (intervention de Justin Vaïsse aux Entretiens d'Auxerre, samedi 22 novembre 2003).

* 22 Cf. Rapport publié par Amnesty International le 13 mai 2005, intitulé Guantánamo and beyond : The continuing pursuit of unchecked executive power.

* 23 La guerre en Irak relève un certain nombre de contradictions que nous évoquerons à la page 28 de ce projet.

* 24 Aux termes du PIDCP ( pacte international des droits civils et politiques) et de la convention contre la torture, le gouvernement est tenu de veiller à ce que nul soit victime d'actes de torture, notamment de viol, ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ( art 7 du PIDCP). Il doit également faire en sorte que les personnes privées de libertés soient traitées avec humanité et respect pour la dignité de la personne humaine ( art 10 du PIDCP).

* 25 LESER, E., « la Cour suprême des Etats-Unis abolit la peine de mort pour les mineurs », Le Monde, 3 mars 2005.

* 26 On peut retrouver la listes des pays signataires de cette convention sur : www.droitsenfants.com

* 27 1865 : abolition de l'esclavage.

* 28 Arrêt Brown : En mai 1954, par sa décision historique dans l'affaire Brown contre la Commission scolaire de Topeka, petite ville du Kansas, la Cour suprême des États-Unis a décrété que la ségrégation dans les établissements d'enseignement public était anticonstitutionnelle. L'affaire doit son nom à Oliver Brown, un Afro-américain, qui s'est pourvu devant les tribunaux lorsque sa fille Linda, âgée de sept ans, s'est vu refuser l'admission dans une école élémentaire fréquentée exclusivement par des Blancs.

* 29 Chacun de ces grands ensembles d'ethnies regroupe plusieurs sous-groupes.

* 30 Cf. Civil rights act (la loi sur les droits civiques).

* 31 « Je vois, écrit Tocqueville, une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme [...]. Au-dessus de ceux-la s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. II est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. [...] il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation a n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. » 

TOCQUEVILLE, A., De la Démocratie en Amérique, Paris, Garnier Flammarion, 1981, II, 4ème partie, chap.VI.

* 32 Aux Etats-Unis, on est passé du principe de color Blindness (indifférence à la couleur de peau) au principe de color consciouness (prise en compte de la couleur de peau) qui justifie l'utilisation des mesures telles que les quotas pour corriger des discriminations avérées.

* 33 KYMLICKA, W., Les théories de la justice : une introduction, Paris, la Découverte, 2003, p.101.

* 34 Les étudiants blancs mécontents des statuts privilégiés des minorités (qui ont parfois un diplôme inférieur et ont néanmoins plus de droits) se réunissent en comités pour revendiquer une certaine parité. Le CCRI

( California Cvil Rights Acts Initiative) désire supprimer les critères ethniques dans l'administration et à l'université.

* 35 Selon Kymlicka, La citoyenneté multiculturelle : une théorie libérale du droit des minorités, il y aurait aux Etats-Unis deux grands modèles de minorités culturelles : les « minorités nationales », qui souhaitent se maintenir comme sociétés distinctes, parallèles à la culture majoritaire, et exigeant leur autonomie sous une forme ou sous une autre afin d'assurer leur survie en tant que société distincte (tels que les Amérindiens, les Portoricains, les Polynésiens d'Hawaï, etc.) ; et les « groupes ethniques » qui souhaitent s'intégrer à la société dans son ensemble et être accepté comme membres à part entière. Ces groupes ne constituent pas des «  nations » et ne résident pas sur leur terre d'origine.

* 36 KYMLICKA, W., La citoyenneté multiculturelle, une théorie libérale du droit des minorités, traduit par P. Savidan, Paris, La découverte, 2001, p.198.

* 37 De nos jours l'image qui qualifierait le mieux la société américaine, serait le salad bowl, image possible du multiculturalisme où les minorités ethniques seraient des feuilles de salades juxtaposées, cohabitant avec plus ou moins de concorde.

* 38 KYMLICKA, W., ibid., p.261

* 39 Lors du recensement national de 1990, on comptait respectivement : 140 millions de Protestants, 62 millions de Catholiques, 5 millions de Juifs.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe