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Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

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par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

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2.2.5. Les torture-fl icks et autres porn-flicks

Une nouvelle génération de films a vu le jour depuis quelques années, appelés porn-flick ou torture-flick, empruntant tant au post-slasher, qu'au gore et au thriller. Ce cinéma, avec des titres comme Saw de James Wan, Hostel d'Eli Roth ou Captivity de Roland Joffé met en scène des individus, souvent jeunes (moins adolescents toutefois que dans les slashers), en proie à des tueurs sadiques qui leur infligent des tortures

1 Même la saga Saw, pourtant censée représenter le stéréotype du film d'horreur contemporain met en scène, certes de façon marginale, au sein du schéma narratif, une enquête policière, tout comme Blood Feast.

2 Dans Scream 2, c'est le policier, Dewey, qui se révèle être le tueur masqué, dans Massacre à la Tronçonneuse, le grade de shérif est usurpé par un membre de la famille de Leatherface

toujours plus inventives dans une logique de jeu, et donc de violence supposée gratuite. La saga Saw (qui compte six longs-métrages et dont le dernier devrait sortir à l'automne 2009) en est un bon exemple1. A chaque volet, de nouvelles tortures sont présentes, l'histoire se résumant aux nouveaux stratagèmes que le tueur a imaginé pour mettre à l'épreuve ses victimes, qui, selon lui, ne méritent pas de vivre. Cette vision en a choqué plus d'un, prétendant que ce scénario évoquait la barbarie nazie. La violence distillée dans ces films, n'étant contrebalancée par aucun aspect d'ordre moral ou éthique2, suscite systématiquement de la part de la commission de classification une interdiction aux moins de 16 ans, souvent assortie d'un avertissement. Pour Jean-Nicolas Berniche, ces films ne sont que des produits prêts à consommer et ont perdu leur dimension subversive au profit d'une standardisation et d'une approche purement provocatrice dans un but uniquement marketing : « La nouvelle vague s'est saisie de l'héritage gore de ses aînés mais a laissé de côté le principe même du film d'horreur dans lequel l'image ne prime pas toujours3. » C'est ce qu'il appelle « le syndrome Saw » : des films où le scénario n'est qu'un prétexte à un défoulement de tortures gores filmées en plein champ.

Saw 3 de Daren Lynn Bousman (2004)

Néanmoins, il convient de relativiser quelque peu le discours sur cette violence dite gratuite. Ce genre de scénarii exploite les peurs actuelles : celle de l'étranger et de la frontière (Hostel est censé se dérouler en Slovaquie, Frontière(s) de Xavier Gens met en scène une famille psychopathe vivant aux confins de la France et de la Belgique), celle de la gratuité de la violence inspirée des faits divers quotidiens ou encore celle de la banalité et de l'humanité du visage de la violence (les tueurs apparaissent souvent en tant

1 Jigsaw, un malade atteint d'un cancer, soumet ses victimes à des épreuves par lesquelles, en éprouvant la souffrance à travers le sacrifice de quelque chose (souvent une partie de leur corps ou la vie de quelqu'un d'autre), elles conquièrent leur droit à continuer de vivre - tandis que lui est condamné à mourir.

2 Il n'y a pas de dénonciation de cette violence subie, qui peut dès lors apparaître comme une apologie, mais nous avons vu plus haut que l'un n'entraîne pas nécessairement l'autre

3 Article Une petite histoire de l'horreur, le cinéma qui fait peur, octobre 2007, annexe n°9, p.25

que personnes tout à fait « normales », finis les psychopathes masqués ou déformés). Le succès de ce genre de cinéma1 renvoie au voyeurisme patent de nos sociétés surmédiatisées, où la télé-réalité façonne le regard et donne à voir les détails les plus personnels de la vie d'autrui en tant que consommation normalisée d'images. Cependant, le principal reproche fait à ce genre de films est de ne pas aller plus loin dans l'exploitation du thème abordé : « Très (trop ?) malin, l'éprouvant Hostel se révèle un film d'horreur hardcore, ultraefficace mais qui explore trop peu son sujet. (...) La quête du plaisir se finit toujours mal, semble nous dire Eli Roth, une morale vaguement réac et un peu facile compte-tenu du potentiel de l'histoire et de ses résonances contemporaines2. » De plus, pour certains, comme le réalisateur Michael Haneke, ce déferlement de violence sur nos écrans est à dénoncer en tant qu'illustration d'une curiosité malsaine. C'est ce constat qui l'a motivé à retourner à l'identique une version de Funny Games pour le marché américain3. Le réalisateur y place le spectateur face à ses tentations de voyeur à plusieurs reprises, distillant une atmosphère lourde par de longs silences et la quasi- absence de musique, l'un des acteurs interpellant directement l'audience (questionnant par là ses motivations) en brisant la « règle du quatrième mur » c'est-à-dire la barrière de l'écran. Enfin, le fait que beaucoup de ces films engendrent des suites, à la manière des slashers des années 1980-90, est un reproche supplémentaire de la part de ceux qui souhaitent dénoncer cette pure consommation cinématographique de la violence.

Cependant tous les films d'horreur produits ces dernières années ne peuvent pas être inclus dans cette mouvance. Des longs-métrages tels que Isolation de Billy O'Brien, La maison des mille morts de Rob Zombie ou encore Wolf Creek de Greg Mc Lean, qui a inspiré Boulevard de la Mort de Quentin Tarantino, relève d'une toute autre vision. Un certain type de cinéma gore, affilié aux évolutions ultérieures, est cependant toujours à l'oeuvre dans le cinéma d'horreur et conserve sa dimension fantastique, notamment en mettant en oeuvre des créatures surnaturelles (zombies, monstres, fantômes,...). Une autre partie, évoluant vers un réalisme toujours plus prégnant, figuré par les torture-flicks et les thrillers tend plutôt vers le genre policier et/ou documentaire. D'autre part, il semble que les genres se mêlent plus qu'avant, le cinéma ultra codifié semblant plus rapidement en perte de vitesse, poussé par un comportement peut-être plus consumériste.

1 Saw avait attiré en France 493 000 spectateurs, Saw II avait totalisé 668 000 entrées, le troisième ayant attiré plus de 738 000 personnes dans les salles françaises et le quatrième 295 000. Source CBO- Box Office

2 Article Une époque fantastique, par Alexis Bernier in Libération du 1er février 2006, annexe n°2, p.12

3 Avec des acteurs anglo-saxons, la version originale autrichienne de 1997 n'ayant été que peu diffusée aux Etats-Unis, le marché étant peu friand des versions étrangères sous-titrées.

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