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Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

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par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

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CHAPITRE 3 : L'EXEMPLE FRANÇAIS : ENTRE ATTIRANCE ET RéPULSION

Pourtant terre fertile du 7e art, la France n'a jamais été une bonne élève dans la cour du cinéma fantastique, dominée par les Anglo-Saxons. Alors qu'il y eut un cinéma d'horreur anglais dans les années 1950-60, un cinéma italien dans les décennies suivantes et alors que le cinéma espagnol a de nouveau le vent en poupe depuis 10 ans, les Français restent rares dans cette discipline codifiée et périlleuse, boudée des producteurs et marginalisée par la critique. Or il semble que cela tend à évoluer...

3.1. La faiblesse de la production

Si les frères Lumière ont inventé le cinématographe, les Français s'illustrant dans la production ou la réalisation de films fantastiques sont rares et cela est encore plus remarquable lorsque l'on parle de films d'épouvante ou d'horreur. Dans la première moitié du XXe siècle, il n'y a guère qu'un réalisateur qui se risque dans ce genre cinématographique où prolifèrent pourtant les Américains et les Allemands, il s'agit de Jacques Tourneur. Avec Vaudou (1943), il signe une oeuvre unique mettant en scène des zombies, un an après La Féline (1942). Cependant, peut-on réellement qualifier ces oeuvres de françaises, étant donné que les producteurs sont américains ? Les critères actuels de la nationalité d'un film l'excluraient de la production française. Cet exemple peut néanmoins être retenu comme témoin de cette absence française sur le registre des films d'horreur. L'après-guerre confirme cette absence. Notons également, dans l'immédiat après-guerre la réalisation de deux films difficilement classables : Les diaboliques de Henri-Georges Clouzot (1955) et Les yeux sans visage de Georges Franju (1959), qui est désormais considéré comme un classique du cinéma français. Les implications extra-diégétiques des films de Franju ont été remarquablement analysées par Adam Löwenstein1. Ce n'est que dans les années 1960 qu'apparaît un cinéaste hors pair, prolifique et provocateur ; Jean Rollin. Celui-ci réalise des films mettant en scène horreur et érotisme, comme dans Le viol du vampire (1967) ou La vampire nue (1969), et choque par son obscurantisme. Cette apparition d'un genre difficilement définissable, à rapprocher des films de l'espagnol Jess Franco à la même époque, n'a cependant pas

1 Adam Lowenstein, Shocking Representation, op. cit., Chapitre 1 : Horror without face

marqué au fer rouge l'histoire du cinéma de la façon dont on pourrait l'imaginer, comme l'atteste Christophe Lemaire : « Avant Jean Rollin, le cinéma fantastique/horreur français n'existait quasiment pas ; si fantastique il y avait c'était de façon onirique avec les films de Cocteau ou Franju, qui disposaient d'un background cinématographique important et étaient légitimés par l'institution [Georges Franju fut l'un des cofondateurs de la Cinémathèque Française]. Jean Rollin a toujours été méprisé en tant que cinéaste, jugé mauvais et vulgaire alors que sa position de pionnier devrait, de fait, le faire apparaître dans les annales du cinéma français1 ».

Les deux orphelines vampires de Jean Rollin (1995)

Ensuite, la France fut prise dans la Nouvelle Vague et il n'y eut plus guère de films subversifs par leur contenu horrifique. L'exploitation était bannie en tant qu'intrusion américaine et le cinéma français portait fièrement les couleurs d'un cinéma d'auteur qui ravit toujours son exégèse. Pourtant, depuis une dizaine d'années, de jeunes réalisateurs français tendent à faire parler d'eux dans le domaine du cinéma d'horreur. Jusqu'alors il n'existait pas vraiment de cinéma de genre national à proprement parler, comme il y a un cinéma américain, britannique ou italien à une certaine époque. Néanmoins il semble qu'un genre d' « horreur à la française » soit en train d'émerger. Les réalisateurs du film A l'Intérieur, Julien Maury et Alexandre Bustillo sont représentatifs de cette nouvelle vague de cinéastes audacieux qui souhaitent faire vivre le film de genre français. En 2005, seuls deux films français agréés par le CNC2 étaient des films d'horreur. D'un côté on trouve Silent Hill de Christophe Gans, une coproduction à majorité étrangère (80% canadien, 20% français) et à gros budget (30,27 millions d'euros), de l'autre Ils de David

1 Entretien mené le 24/07/08, annexe n°26, p.66

2 Rapport sur la production cinématographique française - 2005, p. 40

Moreau et Xavier Palud, un film d'initiative française (produits et financés intégralement par des partenaires français) à petit budget (1,4 million d'euros). Ces deux longs- métrages illustrent bien le dualisme hiérarchisé qui caractérise le cinéma d'horreur français depuis quelques années. Une bonne partie des réalisateurs est tournée vers les grosses productions américaines (La Colline a des yeux d'Alexandre Aja ou Gothika de Matthieu Kassovitz). En effet les studios repèrent les talents et leur proposent ensuite des contrats bien plus ambitieux, comme en ont récemment fait l'expérience Xavier Palud et David Moreau, en réalisant en 2007 un remake de The Eye. Mais des premiers films comme Ils ou A l'Intérieur, avec des budgets moindres1, se font également une place, critique et commerciale, au sein d'un marché tourné vers les blockbusters*. En 2007, cette tendance se confirme. « Ceux qui parlent de nouvelle vague du cinéma d'horreur français le font parce qu'effectivement, cette année il y a deux films gores qui sortent : A l'intérieur et Frontières de Xavier Gens [reportée début 2008]. Mais à côté des Etats- Unis, où deux films gore sortent par semaine, ce n'est rien ! »2 . Naturellement, deux films ne pèsent pas lourd dans l'industrie cinématographique mais cela tend à être noté avec intérêt. Si le cinéma horrifique français n'en est qu'à ses balbutiements, la nouvelle génération saura bientôt le faire parler.

En effectuant un relevé des films d'horreur français produits de 2003 à 20073, nous nous apercevons clairement de cette rareté. Au total, il n'y a que 13 films d'horreur produits entièrement ou en partie par la France , sur un volume global de 1086 films français (films d'initiative française et coproductions à majorité étrangère), ce qui représente 1,2 % de ce total sur une période de 5 ans. Si ce score est remarquable par sa faiblesse, notons que cela représente tout de même une évolution positive. Les producteurs restent frileux et n'osent pas se lancer distinctement sur ce créneau. Même Richard Grandpierre, qui a pourtant produit quelques films chocs avec sa société Eskwad (dont Ils et Martyrs), n'affirme pas une passion débordante pour ce genre. «Les producteurs ne prennent plus aucun risque (...) Ils préfèrent s'appuyer sur des franchises, ce qui leur évite un gros travail de promotion, constate avec dépit Julien Magnat, réalisateur de Bloody Mallory. En France, il existe une ligne de démarcation entre film de genre et films d'auteur»4. C'est cette synthèse qu'a tenté Pascal Laugier avec ses films, Saint-Ange puis Martyrs, mais il semble que sa conception plus intellectualisante de l'horreur ait du mal à trouver son public.

1 Même si 800 000 € de publicité ont été dépensés, comme le rappellent Isabelle Régnier et Jean-François Rauger, article Emergence de l'horreur à la française, Le Monde, 13.06.2007, annexe n°8, p.24

2 Interview J. Maury et A. Bustillo par Jean-Nicolas Berniche, mai 2007, annexe n°7, p.21

3 Voir listes des films établie à partir des listes de la production agréée, annexe n°41 ,p.126

4 Article Sang pour sang horreur, par Frédéric Granier, TGV Magazine, 2006, annexe n°1, p.7

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