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Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

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par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

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4.1.2. A la recherche de la peur : la catharsis par la terreur

La peur est un mécanisme physique et physiologique qui provoque des réactions internes et externes, suivant une augmentation subite de la dose d'adrénaline contenue dans le corps humain. Sans rentrer dans les détails anatomiques des mécanismes de ses mécanismes, il semble que ce soit un état inconfortable, qui n'est guère à envier ou même à rechercher. Or à la façon des individus appréciant manèges et autres grand-huit dans les fêtes foraines, les spectateurs des films d'horreur savent à quoi s'attendre et tendent à vouloir renouveler l'expérience dès que l'occasion se présente. Ces films suscitent une réaction instinctive, perçue comme primitive et associée aux résurgences animales chez l'homme. Si elle est intellectuellement dévalorisée -car elle place l'homme en situation de subordination à ses émotions- elle est au contraire recherchée par les aficionados du genre. Là encore, deux degrés d'interprétation sont possibles ; l'une relevant simplement du divertissement pur, comme peuvent l'être les manèges, l'autre

1 Les rapports charnels, même déviants, ne peuvent être réprimandés par aucune loi car relevant de la vie intime, hormis l'exhibitionnisme et la pédophilie

essayant de comprendre les raisons de cet engouement. La dimension cathartique est souvent évoquée lorsque l'on parle de cinéma horrifique. La nécessité d'avoir peur nous rendrait « plus vivant », nous permettrait de nous défouler et de nous décharger de toutes les mauvaises humeurs (prises au sens physique depuis l'Antiquité1) accumulées dans la vie quotidienne. Cette métaphore hydraulique, synonyme des saignées pratiquées justement pour évacuer ces humeurs indésirables, s'incarnerait dans les films d'horreur à travers les flots de sang qui y sont déversés (et ses différentes textures). D'autre part, l'autodérision et la relativisation de la mort à travers des scènes gores entrent à ce titre dans une logique de trivialisation de la mort, rejetant cette angoisse existentielle dans le domaine du ridicule et de l'improbabilité. La démarche de catharsis est alors patente, soit de façon grotesque, soit de façon plus subtile, de manière à faire réfléchir le spectateur sur l'existence et sa fin propre. L'Homme, en tant que seul être doté de la conscience de sa mort, recherche sans cesse les moyens de l'affronter, de tenter de l'éprouver ou au contraire de la nier, ces trois aspects pouvant relever de la catharsis (beaucoup de fans du genre déclarent ne pas pouvoir supporter la vue du vrai sang alors qu'ils adorent les films gores).

Les jeux du cirque, les combats de gladiateurs et les tragédies étaient en effet censées faire éprouver à l'homme des situations et des drames, joués par d'autres, qu'il ne pourrait pas éprouver lui-même, afin de réduire ses pulsions animales en lui permettent de les extérioriser (les applaudissements et hurlements des spectateurs à chaque scène gore lors des projections, notamment dans les festivals témoigne de la même logique)2. Les propos de Jean Chapelain à ce sujet au début du XVIIe siècle paraissent être écrits pour le cinéma, dont le but serait de « proposer à l'esprit, pour le purger de ses passions déréglées, les objets comme vrais et présents. Celui qui regarde [la scène] ne la doit point regarder comme une chose feinte mais véritable3. » Cette vision mêle paradoxalement conséquentialisme et libéralisme, en reconnaissant une influence forte, perçue comme négative dans le fond, mais positive dans sa forme d'expression et ses répercussions. Dès lors les spectateurs de films d'horreur aimeraient jouer à se faire peur afin d'éprouver ce qu'ils craignent réellement, dans une logique téméraire d'affrontement de leurs phobies ? Cette explication peut valoir pour certains, notamment ceux ne s'attachant qu'à la forme de l'horreur -les passionnés accordant en outre une plus

1 Les différentes humeurs étaient en effet associées à des glandes présentes dans le corps (ainsi la mélancolie émanait de l'atrabile), en plus ou moins grande quantité, définissant un équilibre, qui pouvait être perturbé par des facteurs internes ou externes, et que l'on devait donc rétablit par divers remèdes.

2 Par ce biais les hommes politiques fortunés de l'Antiquité contribuaient à la satisfaction du peuple en limitant les potentialités de troubles à l'ordre public. Sur ce point, voir Paul Veyne, Le Pain et le cirque, Sociologie historique d'un pluralisme politique, Paris, Seuil, coll. Points Histoire, 1976

3 In Laurent Jullier, op. cit., p. 68

grande importance au fond. D'ailleurs ces derniers dénoncent souvent les mécanismes de l'horreur facilement provoquée, comme les chocs brusques et autres apparitions subites. Ils y sont même habitués et n'y trouvent plus d'intérêt à moins qu'ils ne soient finement exécutés, de façon à ce que l'on ne puisse pas s'y attendre. Malgré cette idée, il semble que l'horreur ait tout de même quelque chose à voir avec la psychologie collective et celle de chaque individu. Si certains films exploitent des peurs subjectives (comme l'arachnophobie, la claustrophobie), la majorité se concentre sur des peurs hantant l'imaginaire collectif, des tueurs en série aux fantômes. Cependant, il n'y a pas que des spectateurs qui éprouvent peur et dégoût, et cela se ressent lorsque l'on côtoie les fans du genre, qui n'en font pas consommation dans ce but mais dans un but esthétique, en dépassant le côté physique de l'image. Cette démarche de négation des effets médiatiques et de leur dimension cathartique, peut s'interpréter de deux manières : comme de la mauvaise-foi (au sens sartrien, de ne pas l'admettre, avec lâcheté) ou comme une sorte d'intellectualisation du genre, permettant de le légitimer au-delà des critiques qu'il subit pour cette trivialité affichée (et parfois revendiquée, comme dans les films bis). Il semble néanmoins qu'une autre logique soit également à l'oeuvre dans les films d'horreur, et plus particulièrement ceux mettant en scène une grande violence, qu'elle soit de type gore ou psychologique, notamment au regard de leur succès et de leur type d'audience.

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