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Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

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par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

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4.2.2. Les avatars subculturels de la communauté

Avec les différents courants à l'oeuvre dans le cinéma d'horreur, ses acteurs, réalisateurs et producteurs fétiches, ses genres et sous-genres en constante évolution, ses implications économiques et sociales et ses cercles initiatiques, on peut tendre à voir dans la pratique de ces fans une forte dimension culturelle, au sens anthropologique, en tant qu'ensemble de connaissances et modèles de comportement propres à définir une identité commune propre à un groupe particulier. Les films de genre, comme les films d'horreur, sont des sortes de fétiches qui supposent l'existence d'une tribu qui leur est attachée : « Le fétiche rend prévisible la conduite des personnes qu'il fascine, et ce mécanisme effraye ceux qu'il n'affecte pas. »2 . Par sa dimension rebelle vis-à-vis de la culture légitime, les films d'horreur comportent en eux-mêmes un caractère subculturel important, notamment à travers la subversion que représente l'identification puis le rejet de la culture parentale. Cette caractéristique essentielle est le centre de tout mouvement de ce type pour Phil Cohen3. En ce sens, le cinéma d'horreur est représentatif des subcultures spectaculaires, qui, selon Lévi-Strauss, « expriment des contenus interdits (la conscience de classe, de la différence) à travers des formes interdites (transgressions des codes de comportements, de la loi) »4. D'autre part, la différenciation exprimée dans les mouvements subculturels, passe souvent par la stigmatisation de la censure et une attitude de victimisation. Ainsi, au cinéma, chaque polémique autour d'une sortie d'un film ayant récolté une interdiction élevée, et a fortiori au moins de 18 ans, comme a failli l'être

1 Il réaffirmait sa confession aux organisateurs du 1 5e festival du film fantastique de Gérardmer, vidéo disponible sur le site www.gerardmer-fantasticart.com

2 Laurent Jullier,op. cit., p. 154

3 «the `latent function' of subculture was (...) to express and resolve, albeit magically, the contradictions which remain hidden or unresolved in the parent culture» in Phil Cohen, Subcultural conflict and working class community 1972 University of Birmingham

4 The elementary structures of kinship, London, Eyre&Spottiswood, 1969,cité par Dick Hebdige op. cit. p.91.

Martyrs en juin 2008, provoque une levée de boucliers de la part des défenseurs du genre incriminé. Cette attitude est décrite par Dick Hebdige comme une manifestation caractéristique : «As a symbolic violation of the social order, such movements will continue to attract attention, to provoke censure 1».

Une forte dimension de partage, de soutien et d'entraide est à l'oeuvre dans la communauté des fans du genre, qui se caractérise par des pratiques amateurs (le nombre insensé de courts-métrages réalisés en catimini l'atteste), qui seront étudiées plus loin. Le visionnage de films en groupes plus ou moins grands (petits comités domestiques ou grands festivals) est essentiel. Cette habitude induit la constitution de communautés d'interprétation2, qui peuvent s'affronter ou se rassembler, mais dialoguent les unes avec ou contre les autres. Une autre caractéristique du mouvement subculturel est l'intégration (« the commodity form of the incorporation »3) décrite par Hebdige comme la récupération des avatars de la subculture par la production de masse afin de les transformer en bien d'usage (il fait ici référence à la mode punk récupérée par Vivienne Westwood et la consommation qu'en font les femmes fortunées, dans l'optique « shock is chic »). Or à partir du moment où cette intégration s'effectue, de subculture il n'y a plus puisqu'elle se trouve diluée dans la culture de masse. Cette récupération permet en outre de distinguer une contre-culture d'une subculture, comme le souligne Anna Camaiti : « unlike countercultures, they can avoid being comprehended and mastered by the dominant culture4 ». Car l'essentiel dans les mouvements subculturels est, non de s'édifier en modèle contre la culture légitime mais de s'affirmer en parallèle, comme une alternative, l'un pouvant profiter de l'autre. Cependant, malgré toutes ces implications subculturelles exprimées tant au sein des films eux-mêmes que parmi l'attitude des spectateurs, on remarque l'absence de style vestimentaire cohérent permettant de bien identifier ses aficionados. Or l'importance centrale accordée au style vestimentaire (« the meaning of style »), qui n'est guère patente dans ce mouvement cinéphile, ne pourrait permettre de qualifier celui-ci de subculture, au sens où le sociologue anglais l'entend. En effet, à la différence des tribus musicales, il semble que l'impossibilité de vivre sa passion à travers tous les aspects de la vie sociale (à la différence des professionnels du milieu, des journalistes aux réalisateurs) soit un élément qui tend à éloigner la communauté des

1 Dick Hebdige, Subculture, The meaning of style, Routledge, 1979 p.19

2 Laurent Jullier, op. cit. p. 165

3 Dick Hebdige, op. cit. Chapitre 4 : The two forms of incorporation

4 Anna Camaiti, Passing, a strategy to dissolve identities and remap differences, Fairleigh, Dickinson University Press 2007 p.33

fans du genre de tout mouvement subculturel1. En minimisant cette importance, la communauté des fans de films d'horreur peut dès lors s'assimiler, sans s'y identifier totalement, à un mouvement subculturel, en distinguant en son sein les « followers » des « true », les uns ne venant à la subculture qu'occasionnellement, afin de sortir de la culture légitime, les autres y passant la plupart de leur temps.

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