WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La mutation du droit du mariage dans la vallée du fleuve Matitanana: du droit coutumier au droit d'inspiration musulmane

( Télécharger le fichier original )
par Francis Zafindrandremitambahoaka MARSON
Université de Perpignan - Diplome d'étude approfondie 2003
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

c- L'annonce à la fille

Le père a le droit de contrainte matrimoniale sur ses enfants. Il peut décider pour son enfant non marié à la place de celui-ci, s'il l'estime nécessaire pour son bien. Et les enfants de bas âge ne sont pas expérimentés et commettent des erreurs quand leurs parents leur laissent la liberté de choisir leurs conjoints. C'est pourquoi, ce sont les parents eux- mêmes qui décident pour eux. Le consentement de la fille en particulier n'est pas nécessaire pour que les fiançailles soient conclues. C'est seulement lorsque l'accord devient irrévocable que la nouvelle lui est annoncée. Elle ne peut refuser sous peine d'insubordination qui peut être sanctionné par le rejet de la famille.

§ 2 : LES FIANCAILLES

Nous avons vu que les parents des deux futurs fiancés vont chez le Loholona pour que celui-ci témoigne de l'existence de l'accord selon lequel ils vont fiancer leurs enfants. Cet accord rappelons-le porte sur le projet initié par le garçon qui a envoyé son père demander en fiançailles la fille qui l'intéresse. Les fiançailles Antemoro sont le prélude au mariage.

107 DESCHAMPS, Les malgaches du Sud-Est, p.54 : il dit « que la véritable cellule de la société Antemoro est le Fatrange, terme que l'on peut traduire exactement par famille étendue »

Ceci étant, nous allons voir quels sont les effets des fiançailles. Le problème de la compensation matrimoniale sera en effet abordé après celui- ci.

A- Les effets des fiançailles

1- Les effets normaux

Les fiançailles produisent des effets sur le garçon et sur la fille. Dans le développement qui va suivre, ce sont surtout les effets sur la fille qui vont nous intéresser.

Que la demande soit faite par le garçon lui-même ou par l'intermédiaire de son père, dès que l'accord des parents de la jeune fille est obtenu, personne d'autre ne peut convoiter la même fille. Elle est réservée à son fiancé. Quel que soit son âge, la fille Antemoro est toujours sous l'autorité paternelle avant qu'elle ne soit mariée. Cette autorité est transmise temporairement entre les mains des parents du garçon dès que les fiançailles ont été conclues. Le transfert se matérialise par le déménagement de la fillette chez ses beaux-parents, qu'il ne faut pas confondre avec le déménagement vers son mari qu'on aura l'occasion de voir plus tard. « La fillette pas encore nubile, était envoyée (à partir du moment où les deux familles ont décidées les fiançailles) chez ses futurs beaux-parents, où elle pouvait demeurer presque en permanence pendant plusieurs années ». 109

Précisons néanmoins que l'institution de misonjo est une procédure par laquelle le garçon lui-même fait la demande à la mère de la fille et celle-ci à son mari, n'implique pas immédiatement le transfert de la fille vers ses beaux-parents. Il faut que les parents du garçon s'accordent avec ceux de la fille.

108 DESCHAMPS, Les malgaches du Sud-Est, p.54.

109 DESCHAMPS, Les Malgaches du Sud-Est, 1954, p.61.

« A l'approche du temps du mariage, vers 18 ans pour la fille, 20 ans à 25 ans pour le garçon, la jeune fille repartait dans sa famille, où sa mère lui enseignait les règles de la vie conjugale. » 110

L'autorité transmise temporairement entre les mains de ses futurs beaux-parents retourne chez son père. On peut dire que la fille réintègre le domicile parental, avant d'entrer en ménage. A part l'enseignement des règles de la vie conjugale, la fille prépare pendant cette période son trousseau. Ce dernier « consiste essentiellement en un grand nombre d'oreillers et de coussins brodés. Des nattes d'espèces et d'utilisations diverses... » 111

« Le manuscrit A-9 d'Oslo (...) nous parle de ce que doivent préparer les jeunes filles avant de se marier. » 112 Il dénombre six nattes, six rouleaux de nattes et une glace.

La fille ne s'ennuie donc pas pendant qu'elle retourne chez ses parents. La famille du garçon peut l'aider à acquérir les autres ustensiles nécessaires pour le nouveau ménage. Quoi qu'il en soit, c'est la fiancée qui a l'obligation de se procurer des tout le matériel nécessaire. Par contre, le fiancé bâtit la maison et le tranoambo (ou grenier). Il défriche aussi les terres qu'il cultive avant que sa femme ne le rejoigne.

Nous avons vu jusque là les effets que produisent normalement les fiançailles. Que se passe-t-il si les fiançailles sont rompues ?

110 DESCHAMPS, Les Malgaches du Sud-Est, 1954, p.61.

111 DESCHAMPS, Les Malgaches du Sud-Est, 1954, p.61.

112 MUNTHE, La tradition Arabico-Malgache vue à travers le manuscrit A-6 d'Oslo, p.256, (Et elle tresse six nattes (...) et six rouleaux de nattes et son père achètera une glace.)

2- Les effets en cas de rupture

Les fiançailles chez les Antemoro produisent des effets de droit. Les parents des futurs et ces derniers eux-même y sont liés. Soulignons que la fille concernée n'a pas son mot à dire dans la conclusion de l'acte. La rupture venant d'elle produit exactement la même responsabilité que si la rupture venait du fiancé. Ce dernier est pourtant l'initiateur, tandis que la fille a simplement été forcée. Le désistement de l'un des fiancés le rend fautif. Et la coutume Antemoro autorise le parent mécontent de l'agissement de son enfant de le rejeter hors de la famille.

Ce rejet a une double conséquence : pécuniaire et morale. Une des conséquences morales du rejet de la famille consiste dans l'exclusion du culte des ancêtres et du droit à être enterré dans le kibori113. Le rejeté devait, du reste, d'après la coutume, quitter la terre des ancêtres pour n'y plus reparaître. Nous comprenons à travers la rigueur de cette coutume que dans le pays Antemoro « l'organisation sociale et familiale est très forte » 114.

Une autre conséquence qui, cette fois, d'ordre pécuniaire, est imputable au rejeté. Il ne peut plus vivre de réserves familiales, tel que les boeufs et rizières, et il perd tout droit d'hériter des membres des membres de sa famille.

Par cette description brève, MESSELIERE115 a mis l'accent sur les effets de la rupture des fiançailles.

Si la rupture ne venait pas des futures mais par exemple du père de la fiancée qui refuse à consentir au mariage, le cadeau qu'il a reçu doit être restitué.

113 DESCHAMPS, dans « Les Malgaches du Sud-Est », p.51, rapporte que le kibori (dérivé de l'arabe qabr, pl. qoubour) désigne le tombeau collectif des Antemoro.

114 OLIVIER, Six ans de politique sociale à Madagascar, p.1 5.

115 MESSELIERE, Du Mariage en droit malgache, p.137.

Tels peuvent être les effets des fiançailles qui aboutissent normalement au mariage. Mais avant l'étape finale de la formation du mariage, les parents des futures époux doivent se mettre d'accord sur la dot qui sera reçu lors de la cérémonie. C'est donc pendant la période des fiançailles qu'ont lieu les négociations.

B- La dot et les cadeaux

1- La dot

Nous avons remarqué que les fiançailles peuvent durer longtemps. D'autant plus que ce sont les jeunes filles pas encore nubiles qui en sont sujets. Il faut qu'elles atteignent l'âge de se marier pour entrer en ménage. De la sorte, les parents des futurs époux sont préoccupés par la nature et la consistance de la dot.

En effet, la famille de la fille ne cesse de l'entretenir depuis sa naissance jusqu'à ce qu'elle soit mariée. Tant que l'autorité sur elle reste entre les mains de son père, ses parents sont responsables de sa vie. Beaucoup d'efforts sont cependant déployés avant que l'enfant n'atteigne l'âge de se marier.

Cette période arrive tôt ou tard. Les enfants cherchent des partenaires pour fonder à leur tour un ménage. En l'occurrence, la fille sera arrachée d'une famille pour s'intégrer dans une autre qui est celle de son mari. Le groupe social d'où est issue la fiancée voit se réduire le nombre de ses membres, alors que celui du fiancé va augmenter.

C'est là qu'intervient le problème de la dot. Elle va permettre de rétablir cet équilibre qui sera rompu dès que le mariage sera consommé. Les parents d'un côté souhaitent que leur fille se marie. De l'autre côté, ils ne veulent pas s'en séparer. Mais la séparation est inévitable quand il y a

mariage. Les négociations ont cependant lieu entre la famille (( preneuse » et la famille (( donneuse » qui peut exiger un prix excessif. La dot par conséquent constitue une compensation que les parents du garçon doivent verser à celle de la fille.

Cependant, elle peut être objet d'abus de la part de la famille (( donneuse ». Chez les Antemoro, un zébu est offert d'habitude pour constituer la dot. Ce zébu sera restitué lorsque les époux se séparent ultérieurement. Il n'est cependant pas question de vendre la fille dans la mesure où elle retourne sous l'autorité de ses parents lorsqu'elle se sépare de son mari. La dot peut faire l'objet d'abus. Mais cela ne la transforme nullement en un prix de vente.

Le but principal de la dot, à côté de cet aspect compensatoire, est la légitimation des enfants nés du mariage. Les familles Antemoro ne reconnaissent pas les enfants nés hors mariage. Sans dot, les enfants ne sont pas légitimes.

La légitimité octroie pourtant aux enfants Antemoro des intérêts à la fois moraux et pécuniaires. Et cette légitimité est faite par les parents qui consentent à l'union. Les autres membres de la société ne sont que solidaires de la décision des parents des futurs époux. Si les parents ne consentent pas au mariage alors que des enfants sont nés plus tard, ils n'auront pas leur place dans le kibory ou tombeau. Ils en seront exclus. Et même s'ils veulent se marier, le Loholona du fatrange de ses parents ne pourra pas bénir leur union. Les enfants seront en un mot condamnés à être exclus du fatrange.

Pécuniairement, cette exclusion se traduit par l'interdiction à ces enfants illégitimes de toucher aux héritages des ancêtres tels que les rizières et autres.

Bref, les deux familles ont vraiment intérêt à se mettre d'accord sur la nature et la consistance de la dot. L'avenir de leur progéniture dans la tribu en dépend.

Les Antemoro attachent de l'importance à la virginité des filles pour que les parents aient droit à la dot. La chasteté des femmes Antemoro n'a pas manqué d'attirer l'attention des européens venus dans la région de la vallée du fleuve Matitanana. Un auteur a même affirmé que « les moeurs sont moins relâchés chez les Antaimorona que chez les autres tribus de l'Est »1 16.

« La chasteté des jeunes filles est très surveillée (chez les Temoro), au contraire de ce qu'était la coutume malgache ancestrale dans la plupart des autres régions. » 117

Nous pouvons déduire que la virginité de la fille conditionne la remise de la dot.

2-Les cadeaux

Les parents reçoivent à chaque étape de la constitution du mariage des cadeaux de la part du futur conjoint. La future épouse a droit aussi à exiger un cadeau qu'on appelle « fifanarahan' ny mpivady » (cadeau consensuel des deux époux). Les frères et soeurs de la future épouse eux-aussi doivent recevoir le « Takomaso », cadeau qui leur écarte toute envie d'empêcher la consommation du mariage.

116 FERRAND, Tribus musulmanes du Sud-Est de Madagascar, 1903.

117 DESCHAMPS, Les Malgaches du Sud-Est, p.56.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984