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La mutation du droit du mariage dans la vallée du fleuve Matitanana: du droit coutumier au droit d'inspiration musulmane

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par Francis Zafindrandremitambahoaka MARSON
Université de Perpignan - Diplome d'étude approfondie 2003
  

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§ 2 : LE RITUEL DU MARIAGE

Le rituel du mariage Antemoro se déroule comme suit : le fiancé envoie des émissaires prendre la fille chez ses parents pour la ramener chez lui. Au bout d'une semaine, il est obligé de ramener la fille à ses parents avant qu'elle déménage véritablement vers le nouveau foyer.

A- L'envoi des émissaires

La fiancée ayant déjà préparé minutieusement le trousseau qu'elle va utiliser dans le nouveau foyer, son futur époux à une date qu'il a fixé avec l'aide de l'ombiasa, envoie des émissaires pour la prendre. Personne en dehors de la famille restreinte n'est au courant de l'arrivée de émissaires. Ils apportent deux coqs et cinq mesures de riz pour participer au repas de midi. La mère de la fille reçoit ces présents et les prépare aussitôt pour le repas.

Ces émissaires, composés par les parents du garçon et quelques chefs de familles ont pour mission de ramener la fille le jour même au domicile du garçon.

Si les parents sont d'accord pour donner leur fille, les émissaires leur offrent le « hamaky volana », un cadeau indispensable versé après le consentement des parents de la fiancée ; il comprend du riz, une volaille,

134 ROUHETTE, op. cit., p.113

deux bouteilles de rhum indigène (toaka), dont l'objet est d'annoncer la décision des fiancées d'entrer en ménage. Ce n'est pas la diafotaka - ou la dot. Mais la famille de la fille, acceptant qu'elle parte avec les émissaires, rassemble un petit groupe de compagnes. Deux ou trois femmes proches des parents de la fille composent ce groupe renforcé par la présence d'une « viavy be » le plus souvent la tante ou sa grand-mère maternelle ou paternelle. Sa propre mère ne peut pas y aller, à moins qu'il n'y a absolument personne d'autre pour le faire.

Précisons que le fiancé n'est pas membre de la délégation qui prend la fille. Il se contente d'attendre sa fiancée et le retour des émissaires chez lui. Un repas qu'avait préparé par ses parents les attend.

La fille reste chez son futur époux pendant une semaine seulement. Durant cette période, il ne dort pas avec elle. Il s'isole dans un autre lit, sa fiancée partage le même lit que sa soeur. C'est-à-dire que les deux belles- soeurs dorment ensemble pendant la première semaine de vie dans le nouveau foyer. Et les compagnes de la fiancée restent avec elle pour veiller à la bonne marche du nouveau ménage.

Dans la maison conjugale, tout le monde se fixe sur une place bien déterminée. La fiancée occupe le côté proche de la porte, tandis que les compagnes accaparent le milieu de la maison. Si ceux-ci repartent avant la durée d'une semaine, seule sa belle-mère peut occuper leur place. C'est la coutume. L'ordre règne cependant dans le foyer lors du repas ou des discussions.

La consommation clandestine du mariage rappelle la fuite des deux futurs lors du mariage par rapt. Mais cette fois-ci, ce sont les émissaires du garçon qui prennent la fille avec l'autorisation de ses parents.

Cet accord, avons-nous vu, est conditionné par la présence des compagnes de la fille dans le nouveau foyer pendant les premiers jours de

son arrivée. Et la présence permanente de la belle soeur à côté de la fille, évite à son fiancé de la toucher.

La virginité de la fille est donc préservée avant qu'elle ne déménage définitivement pour rejoindre son nouveau foyer. Et pendant cette durée d'une semaine, elle peut changer d'avis, en reportant la date de son déménagement, par exemple.

B- Le mialo

Après une semaine de vie collective dans le nouveau foyer, le fiancé doit ramener la fille devant ses parents. Le mialo rappelle le mariage par rapt, « dans lequel il convenait de venir implorer le pardon des parents pour s'être passé de leur consentement » 135 C'est seulement à cette occasion que le fiancé manifeste sa présence devant toute la famille réunie. Il est accompagné par ses parents et par des chefs de familles.

La cérémonie solennelle a lieu dans le Fatrange qui est « à la fois le groupe familial lui-même, le patrimoine ancestral, le chef de famille, la maison qu'il habite et l'espace dégagé près de celui-ci où toute la communauté se réunit en cas de discussion ou de fête. » 136

L'objet du mialo est essentiellement d'officialiser le mariage. « Le chef de fatrange, souvent appelé lohatrano, détient l'autorité pour tout ce qui concerne la vie familiale : un mariage ne peut se faire sans son accord... et dans la maison qu'il habite, la trano-be » 137, qui est une institution organe.

Le lohatrano de la femme et celui de l'homme sont présents à cette cérémonie ainsi que leur parents et familles respectives.

135 DESCHAMPS, Les Malgaches du Sud-Est, p.68.

136 DESCHAMPS, Les Malgaches du Sud-Est, p.54.

137 DESCHAMPS, Les Malgaches du Sud-Est, p.54.

A l'occasion du mialo les beaux-parents reçoivent pour la troisième fois des cadeaux de la part du fiancé. Un coq et vingt mesures de riz sont apportés par la délégation du garçon.

C'est le plus âgé d'entre eux qui prend la parole devant toute l'assistance.

« On est venu Ranandria pour ramener votre enfant » (le fiancé cite le nom de la fille) ; et l'orateur poursuit : « Mais un coq s'échange contre une poule. Donc voici le coq pour vous et la fille est à nous. Tenez le coq aux longs ergots et du riz blanchi conformément aux coutumes » 138

De l'autre côté, le plus âgé des parents de la fille répond : « Merci Ranand ria, vos dires sont vraies et elle nous appartient (le gendre cite le nom de la fille), et on ne regrette pas de vous l'offrir »139

Entre temps, le coq est sacrifié par le Loholana, qui détient le sombily ou le privilège des sacrifices, à la porte du tranobe. « Le sang est recueilli dans un récipient. Il est mélangé avec de l'eau provenant de la Matatanana »140, et d'une pièce d'argent y est déposée.

Assis côte à côte, les deux époux sont aspergés trois fois chacun avec un rameau de songolovolo (une plante) trempé dans le mélange. C'est le Lebenakibory ou le Loholona qui le fait tout en prononçant des paroles de bénédiction, un verset du Coran, et leur souhaite d'engendrer des enfants mâles (ho lahy anake), d'avoir des vaches fécondes (ho vavy terak'om by) et des plantations productives.

Après cela, on remet la dot aux parents de la fille. Si elle consiste en des objets précieux, ceux-ci l'obtiennent le jour de la cérémonie. Si la dot

138 ROMBAKA, Traduction libre d'un passage du livre « Fombandrazana Antemoro »

139 ROMBAKA, op. Cité.

140 DESCHAMPS, Les Malgaches du Sud-Est, p.61.

consiste en tête de bétail, l'animal ne sera remis qu'au jour non souhaité de divorce. La famille du garçon se contente par conséquent d'annoncer devant toute l'assistance que la dot est un zébu, par exemple.

La cérémonie se termine par cette remise, le mariage est enfin sacralisé.

Pour la société, l'accord du Loholona suffit à la conclusion du mariage. Les deux familles peuvent aller ultérieurement à la Mosquée 141 pour une autre bénédiction. Nous remarquons par là le syncrétisme Antemoro en matière religieuse.

Après la cérémonie, le repas du midi est servi chez les parents de la fille. Souvent, un zébu est tué pour nourrir les invités. Tout le village est présent, la fête dure toute la journée. La consommation d'alcool est interdite lors d'événements pareils.

Même si la nuit est tombée, ou si le temps se gâte, les nouveaux époux et les compagnons de l'homme doivent rentrer. La femme peut ne pas ramener dans le nouveau foyer, son trousseau au jour du mariage. Elle dispose de longue période pouvant aller jusqu'à une année pour le faire. Mais souvent, elle transporte ses matériels le même jour et rejoint son mari qui est parti avant elle et qui l'attend dans son nouveau foyer.

On parle de « raikibao », jour où la fille quitte le domicile de ses parents pour rejoindre celui de son mari. C'est la manifestation du transfert de l'autorité sur la femme, détenu par son père, à son mari.

Le mialo ayant permis à la fiancée de retourner chez ses parents, elle pouvait en profiter pour renoncer au mariage. Puisque le mariage a eu lieu, « la femme qui a réintégré le domicile paternel, s'en va chez son mari

141 ROUHETTE, L'organisation politique et sociale du Royaume Antemoro, p.21 7, rapporte que les immigrants arabes, dès leur arrivée, avaient déjà leur mosquée.

escortée de parents et d'amis qui portent son mobilier, soit vingt ou trente... nattes pour tapisser le plancher et les murs de la nouvelle demeure, un lot de nattes fines pour dormir, quatre à cinq paniers de riz pilé, un coq, une calebasse de graisse, une cuillère à pot, un gobelet pour puiser l'eau dans la jarre et un van en bois. » 142

Le déménagement se fait en grande pompe. La jeune fille porte sa plus belle robe et ses bijoux. Elle transporte elle-même certains ustensiles, comme le couteau de cuisine pour que les passants sachent qu'elle est la nouvelle mariée (Raiki-bao). Les jeunes filles et les enfants l'aident à transporter les autres matériels.

Arrivés devant le domicile de l'époux, les membres du cortège font trois fois le tour de la maison, puis s'arrêtent. « La femme salue son mari, dont les amis, jusqu'alors présents dans la maison, sortent ; les amis de la femme entrent à leur tour et aident alors la femme à mettre tout en ordre » 143 de façon « que chacun puisse admirer la riche collection de coussins brodés, orgueil de la jeune épousée qui y travaillait depuis plusieurs années » 144. Un grand repas préparé par la famille de l'homme les attend.

Nous avons vu dans ce premier chapitre comment se formait le mariage dans le Royaume Antemoro. Dans le chapitre qui va suivre, il s'agit d'analyser quels sont ses effets et comment se rompt le mariage à cette époque islamique.

142 RENEL, La coutume des ancêtres, 1913.

143 MES SELIERE, Du mariage en Droit malgache, p.1 82.

144 DESCHAMPS, Les Malgaches du Sud-Est, p.62.

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