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La mutation du droit du mariage dans la vallée du fleuve Matitanana: du droit coutumier au droit d'inspiration musulmane

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par Francis Zafindrandremitambahoaka MARSON
Université de Perpignan - Diplome d'étude approfondie 2003
  

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2- La réapparition

Le coupable étant rejeté par ses parents, la famille de la fille traque les fugitifs. Au bout d'un moment, ils abandonnent la recherche et ils les laissent face à leur destin.

30 JULIEN, Institutions politique et sociale de Madagascar, 1908, Les Taimoro

Quand tout danger est écarté, les remords apparaissent. C'est pour se repentir que les fugitifs retournent chez leurs parents. Pour en donner une illustration, revenons à l'histoire du prince Ali.

JULIEN a traduit qu' « il anéantira le monstre, mais il ne peut taire ni ses remords ni ses appréhensions. La vision de la colère paternelle le hante. Il explique alors le crime qu'il a commis et affirme que ses jours sont comptés si son père31 peut exercer sur lui sa vengeance. » 32

Tel est donc l'objectif de la réapparition après la fuite des futurs époux. Cette partie de l'histoire du prince Ali nous a permis d'apprendre que les futurs quittent d'abord le domicile familial avant de l'intégrer. Nous pouvons en déduire que la formation du mariage autochtone était précédée de la simulation de rapt.

§2- LES POURPARLERS

La réapparition des fugitifs que nous avons eu l'occasion d'analyser précédemment ne se fait bien évidemment pas spontanément. Elle résulte d'un long processus entamé dans l'espoir de retrouver la réconciliation. Ce processus est le pourparler. Il se fait en deux étapes. D'abord, il faut que les fugitifs avisent les anciens. Ensuite, ceux-ci font la réconciliation.

A- Les phases préalables au pourparler.

1- L'information des anciens.

Dans la cellule sociale autochtone, les anciens étaient souvent élus chefs de tribus. JULIEN nous rapporte l'existence de notables et de

31 Père signifie ici que le mari de Rasua, par son âge, eût pu être le père d'Ali.

32 JULIEN, Pages Arabico-madecasse, Paris, 1929, p.92.

représentants de clans dans le manuscrit qu'il a traduit33 : "les deux notables et les représentants des huit clans sont unanimes 34 (...) " .

Pour faciliter la compréhension de notre exposé, nous allons regrouper ces catégories de personnes sous le nom d'anciens.

Les anciens serviront d'intermédiaires entre le ravisseur et ses parents dans un premier temps. Ensuite ils négocient avec l'aide de ces derniers, le compromis. C'est-à-dire que le rapt porte atteinte à beaucoup de relations. Comme nous l'avons vu plus haut, la relation de la famille du ravisseur avec celle de la fille sera conflictuelle si la première ne rejette pas le coupable. La réintégration du coupable dans sa famille d'origine ferait renaître le conflit. D'où la nécessité de l'intervention des tiers pour le résoudre. A vrai dire, les anciens appuient le coupable pour sa réadmission dans sa famille. Le ravisseur aura besoin du soutien des parents de la fille ou du mari lésé de la femme enlevée, pour que la nouvelle union soit légitime.

Ces derniers sont cependant avisés de l'affaire par leurs amis ou parents des fugitifs lorsque ceux-ci désirent arrêter d'être en cavale, car ils craignent en permanence la vengeance de la famille ou du mari lésé par l'enlèvement concerté.

Le fait même de mettre au courant les anciens de l'affaire peut interrompre la recherche des fugitifs. Ce sont en effet les familles de la fille elles-mêmes qui font l'investigation et qui traquent le ravisseur. Comme ces familles appartiennent forcément à un groupe social de terminer, ils suivent les directives de leurs chefs à qui les anciens s'adressent en premier avant d'arriver chez les familles.

33 JULIEN, "Arrivée a Madagascar de Mohamed (Hamadi), le grand Mohadjar, qui se fait appeler Andriambuadjiribe (...)" , in Pages Arabico-madecasse, Paris 1929,p.92.

34 JULIEN, Ibd.

Revenons sur l'histoire du prince Ali. Après qu'il ait fait part du « crime » qu'il a commis, qui est ici la subornation de la femme de l'allié de son père, aux anciens, ceux-ci le rassurent en disant : « soyez bien tranquille(...) nous faisons de cette question notre affaire (...) » 35

Aussitôt, « ils partirent tous ensemble, pour se présenter à Ramakararu, le père d'Ali. » 36 C'est un dénommé Imanangati qui « prit le commandement de ceux qui partaient pour aller auprès de Ramakararu. » 37

A travers ces quelques passages du manuscrit, nous apercevons que ce sont les tiers qui entament la première démarche vers la réconciliation.

Comme les anciens dont on fait allusion ici sont les autochtones, nous pouvons en déduire que non seulement la pratique du mariage par enlèvement concerté est chose courante chez eux, mais aussi ils privilégient le dialogue pour régler les litiges. D'où leur volonté de se présenter auprès du père du ravisseur.

Bref, les anciens interviennent après que l'enlèvement ait été consommé et avant que la réapparition des fugitifs n'ait lieu. « Après quelques jours, pendant lesquels les parents freinent aux plus actives recherches, les fugitifs réapparaissent » 38 disait JULIEN.

L'exemple du Prince Ali illustre le comportement des premières familles musulmanes implantées dans la région du Matitanana. Mais dans la société matriarcale autochtone, ce sont les parents de la fille enlevée que les anciens envoyaient chez le ravisseur pour faire la réconciliation.

35 JULIEN, Institutions politiques et sociales de Madagascar, 1908, Les Taimoro.

36 JULIEN, Pages Arabico-madecasses, Paris 1929, p.93

37 JULIEN, Traduction du deuxième manuscrit, Pages Arabico-madecasses, 1929, p.39

38 JULIEN, Pages Arabico-madecasses, Paris 1929, p.40

Ayant appris la nouvelle de la part des anciens, la famille de la fille ne peut rester indifférente. Elle va faire une enquête.

2- L'enquête

Afin de simplifier notre description, nous allons supposer que la fille enlevée a été « réservée » par le chef du village pour devenir son épouse.

Nous avons vu que le chef a des privilèges sur les filles nubiles qui sont ses femmes potentielles.

Au cas où il a réservée une fille en faisant le « misonjo »39, les parents de celle-ci doivent la surveiller.

Mais la fille concernée elle-même peut être l'instigatrice d'une simulation de rapt dont le futur « n'est que complice » comme disait JULIEN. Souvent, la mère est au courant du projet. Elle peut même l'encourager à s'écarter de l'emprise du chef du village.

D'où la nécessité de l'enquête. Ce sont les représentants de chaque famille de la fugitive qui la fait dans le but de déterminer s'il n'y a pas eu de complicité à l'intérieur même de la maison.

Deux cas peuvent se présenter : tantôt, il y a complicité de la mère, tantôt il y a négligence des parents.

Si la mère avoue qu'elle est complice, elle sera sanctionné par les familles et devra racheter sa faute en payant une amende. Dans le cas

39 Le « Misonjo » est une institution autochtone qui permet à un homme de réserver une femme pour un mariage ultérieur. La réservation n'implique aucune cérémonie et se fait tacitement. Voir à ce sujet, ROUHETTE, L'organisation politique et sociale du Royaume Antemoro, p.71.

contraire, la négligence des parents sera reconnue et ils doivent payer ensemble l'amende. Ce rachat a pour objectif de maintenir la solidarité familiale devant le problème. A partir du moment où cette solidarité est de nouveau liée, la famille élargie de la fille parle d'une même voix.

A l'image de l'histoire de Ali, les émissaires du ravisseur pour la réconciliation sont dirigés par une personne parmi les anciens ou les notables qui prend le « commandement » de la mission.

Bref, la grande famille de la femme parlent avec une seule voix, d'un côté, de l'autre les émissaires venus négocier. Le pourparler pourra désormais avoir lieu.

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