§ 2 : L'usage des autres modes et instruments de
paiement ou de crédit
Tous les instruments de paiement et de crédit autres
que le chèque ne sont pas sollicités par les COOPEC du
réseau CamCCUL pour la garantie de leurs créances. Les lettres de
virement et attestations de paiement irrévocables d'une part (A), la
domiciliation et la cession des rémunérations du travail d'autre
part (B) constituent l'essentiel des autres instruments auxquels les COOPEC du
réseau CamCCUL ont recours en matière de garantie du
crédit.
A - Les lettres de virement et attestations de paiement
irrévocables
Les lettres de virement et attestations de paiement
irrévocables sont généralement utilisées dans le
financement des marchés. La lettre de virement irrévocable est un
ordre que le débiteur donne à son teneur de compte de
débiter son compte de façon périodique et de
transférer la provision au compte de la COOPEC. Ceci constitue certes
avant tout un mécanisme de paiement, mais il présente une
certaine sécurité telle que l'on l'assimile à une
garantie. La COOPEC exige généralement que la banque lui
délivre une attestation par laquelle elle s'engage à effectuer
les virements suivant la périodicité requise par le donneur
d'ordre et suivant l'existence et la disponibilité de
la provision. Ceci implique soit que la provision soit préalable, soit
qu'elle soit constituée au fur et à mesure des
prélèvements.
D'un point de vue strictement juridique, on peut s'interroger
sur la nature de ce mécanisme. A cet égard il faut
d'emblée écarter la qualification de prélèvement
dans la mesure où il ressort des articles 190 et suivants du
Règlement n° 02/03/CEMAC/UMAC/CM que le prélèvement
requiert une autorisation mais également une démarche positive du
bénéficiaire qui doit présenter l'avis de
prélèvement au teneur de compte à la date convenue.
L'article 190 définit précisément l'autorisation de
prélèvement comme « l'acte par lequel un débiteur
titulaire d'un compte autorise son créancier à prélever,
à une certaine date, des fonds, valeurs, titres ou effets sur compte
à titre de règlement de sa dette au moyen d'un avis de
prélèvement et ordonne à l'établissement assujetti
teneur de compte de transférer les fonds, valeurs, titres ou effets
indiqués au crédit du créancier émetteur de l'avis
de prélèvement ».
La pratique de l'ordre de virement irrévocable
correspond plus logiquement au virement bancaire. Le virement se définit
comme « l'opération par laquelle un teneur de compte, sur ordre de
son client, transfère des fonds, valeurs, titres ou effets au profit
d'un tiers bénéficiaire désigné, par le
crédit de son compte et le débit du compte du donneur d'ordre
» (art 177). Il suffit donc que la provision suffisante et disponible
existe à chaque date d'échéance, et le virement est
effectué. L'emprunteur de la COOPEC donne ainsi un ordre permanent et
irrévocable et s'assure à chaque échéance que la
provision a été constituée.
Même en l'absence d'un engagement supplémentaire
du teneur de compte (la banque en l'occurrence), les ordres de virement
irrévocables représentent un bon moyen de pression dans le
réseau CamCCUL, les membres titulaires d'un compte bancaire
évitant de créer des incidents de paiement. Malheureusement,
l'attestation de virement irrévocable suppose que la provision soit
fournie par le membre. Dans le cadre du financement des marchés par
exemple, ceci signifie que le prix de réalisation du marché est
payé directement au membre qui l'a exécuté, et qui
à son tour paie la COOPEC au moyen du virement irrévocable. Le
membre peut ainsi recevoir paiement et ne pas respecter les
échéances de remboursement.
d'une créance résultant par exemple de
l'exécution d'un marché public. Pour le remboursement du
crédit à lui accordé par la COOPEC pour exécuter le
contrat, il demande que le prix du marché soit payé directement
dans un des comptes bancaires de la COOPEC. A la réception du paiement,
la COOPEC s'approprie la part correspondante à sa créance avant
de créditer le compte du membre du reste.
L'attestation de paiement irrévocable constitue une
cession de créance. Elle est jusqu'ici pour l'essentiel utilisée
dans le cadre des marchés, mais elle pourrait intervenir chaque fois que
le membre est titulaire d'une créance certaine sur un débiteur
solvable. Les garanties liées aux salaires ou à d'autres formes
de rémunérations empruntent également à la
technique de la cession de créance.
B - La domiciliation et la cession des
rémunérations
Avec ce qui pourrait être qualifié de mutations
intervenues dans la gestion de la fonction publique camerounaise depuis
quelques années maintenant, la plupart des salaires des agents de l'Etat
sont désormais payés par virement « bancaire ». Les EMF
ont engrangé une part non négligeable de ce nouveau marché
en proposant le plus souvent des conditions plus avantageuses que celles
pratiquées par les banques classiques. La pratique de la
rémunération salariale par virement s'est également
développée dans le secteur privé, sous l'impulsion
justement des EMF. Dans cette mouvance, les COOPEC hébergent les
salaires de nombreux employés et tirent avantage de cette situation en
matière de crédit.
De manière générale, l'octroi d'un
crédit à un salarié qui reçoit son salaire par sa
COOPEC est considéré comme étant moins risqué. Les
COOPEC disposent en effet de deux mécanismes qui leur permettent
d'adosser le remboursement du crédit sur le salaire du membre. Lorsque
le membre a domicilié son salaire à la COOPEC, il lui est
demandé de donner une autorisation de débit irrévocable
qui permet à la COOPEC de prélever chaque fin du mois sur son
salaire en remboursement du crédit. Si le salaire du membre est
domicilié dans un autre établissement, deux possibilités
s'offrent : la COOPEC peut exiger que le membre donne un ordre de virement
irrévocable à son teneur de compte qui effectuera les transferts
en fin de mois dès réception du salaire ; plus
sécurisée est la possibilité de demander au membre de
procéder à une cession de rémunération en
autorisant son employeur à prélever à la source et
à reverser la somme autorisée. A cet égard, la prise de
rémunération par les COOPEC du réseau est
généralement faite au mépris de la procédure des
articles 205 et suivants de l'AU-RVE. C'est notamment la
déclaration au greffe qui fait défaut. Pour ce
qui est de la quotité cessible, on la connaît ici sous la forme du
tiers du salaire, ce qui n'est pas tout à fait juste même si les
taux progressifs du Décret n°94/197/PM du 09 mai 1994 donne en
valeur absolue une somme supérieur au tiers du salaire. Voici un tableau
récapitulatif de la quotité cessible et saisissable prévue
à l'article 2 du Décret de 1994.
tranche de salaire
|
Quotité cessible et saisissable
|
Plafond de salaire
|
Base de calcul
|
taux
|
|
montant
|
|
18750
|
18750
|
|
1/10
|
|
1,875
|
37500
|
18,750
|
|
1/5
|
|
3,750
|
75000
|
37,500
|
|
1/4
|
|
9,375
|
112500
|
37,500
|
|
1/3
|
|
12,500
|
142500
|
30,000
|
|
1/2
|
|
15,000
|
X
|
X-142500
|
|
1
|
X-142500
|
|
Une difficulté surgit également en
matière de formulaire de cession de rémunération. En
règle générale, la ligue élabore les formulaires
à utiliser par toutes les caisses du réseau et les met à
la disposition de celles-ci sous la forme de fournitures. Malheureusement, il
n'existe pas de formulaires standards dans le réseau CamCCUL en
matière de cession de rémunération. Au regard des
difficultés que les opérations de cession de
rémunération entraînent dans les COOPEC d'entreprises
(COOPEC des travailleurs d'une entreprise), il est urgent que le service du
crédit développe ces formulaires et les fasse approuver par le
management comme fournitures à mettre à la disposition des
affiliés.
Les mécanismes de garantie adossés au salaire
ont une efficacité limitée. En effet, les différentes
précautions prises dans ce cadre n'ont d'effet que si le débiteur
cédant reste chez le même employeur ou lorsque la quotité
cessible et saisissable de l'indemnité lors de la séparation
permet de solder le montant restant dû. La rupture du contrat du travail
remet en cause la garantie et oblige le créancier cessionnaire à
rechercher d'autres sources à la fois de recouvrement et de garantie.
Les garanties liées au salaire ne doivent donc être
acceptées que pour les travailleurs et les entreprises dont la situation
est stable (pas de menace de licenciement ou de liquidation). Les
fonctionnaires constituent à cet égard une cible
appropriée.
Au total, l'usage des moyens de paiement comme garantie du
crédit est une pratique récurrente dans le réseau CamCCUL.
Cette pratique s'insère dans le cadre global du développement de
mécanismes de garantie spécifiques par les COOPEC du
réseau en marge des sûretés classiques. Les garanties
liées aux moyens de paiement ont le précieux
avantage d'être faciles à réaliser car
elles mettent souvent en jeu directement la monnaie et prennent la forme de
garanties financières. Toutefois, ces mécanismes sont tributaires
d'autres facteurs : une cession de rémunération dépend de
la stabilité de l'emploi du cédant ; un ordre de virement ou une
attestation de paiement irrévocable suppose que le donneur d'ordre soit
titulaire d'une créance qu'il affecte au remboursement et en garantie de
sa créance. L'usage des chèques « de garantie »
constitue une déviation grave dans le processus de développement
des mécanismes de garantie spécifiques. On s'interroge à
ce sujet sur les raisons qui justifient le manque d'intérêt pour
la lettre de change, instrument de crédit bénéficiant de
la même protection cambiaire que le chèque. Le
développement du crédit bail et de la technique de la
réserve de propriété constituerait également des
alternatives de garanties régulières et efficaces. Le programme
de gestion des risques a fait ses preuves pendant plusieurs décennie et
indique que la mise en place d'un fonds de garantie directement
constitué par les membres bénéficiaires de crédits
pourrait être tout aussi efficace.
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