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Etude lexico-semantique des noms des journaux au Rwanda

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par Pierre Canisius MUTSINZI
Université Nationale du Rwanda (UNR) - Licence en Langue et Littérature Française, Option Science du Langage 2007
  

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3.3. Le contexte de dénomination des journaux au Rwanda

Nous entendons par « contexte de dénomination » la situation sociale concrète et précise durant laquelle le journal a été créé et dénommé. Quand les Rwandais disent : « izina ni ryo muntu » (le nom c'est la personne), ils veulent exprimer que toute personne et, partant, toute chose ou tout être ne reçoit que le nom qui lui est propre, qui renseigne sur sa raison d'être sur son aspect tant moral que physique de même que sur la situation et la vie de son entourage.

En ce qui concerne la dénomination des journaux au Rwanda, nous avons constaté que les journaux rwandais reçoivent toujours les noms relatifs à la situation sociale dans laquelle ils sont créés. Au cours du premier chapitre, nous avons subdivisé, en connaissance de cause, l'histoire de la presse rwandaise en périodes distinctes car les réalités de chacune d'elles transparaissent à travers les noms des journaux.

Toujours en parlant du contexte, il nous semble impossible de séparer le nom du journal avec la personne ou groupe de personnes- dénommeur- qui contribue au choix de ce nom. Lors de la dénomination, cette personne, que nous avons indiquée au deuxième chapitre par une rubrique de « propriétaire », ne peut se passer d'être influencée par différentes motivations liées à sa personnalité, ses expériences personnelles et/ou sociales etc. ; on choisit donc un nom qui véhicule un message quelconque, adressé implicitement ou explicitement à un destinataire collectif. Dans le cas qui nous concerne, le message que renferme le nom du journal s'éclaircit également dans sa ligne éditoriale que nous avons caractérisée au deuxième chapitre par « l'orientation du journal ».

Bref, la bonne dénomination consiste nécessairement à exprimer la finalité, la fonction ou le but ultime que le nom sous- entend. Elle peut aussi consister à décrire la société et ses différentes réalités, ce qui fait que cette dénomination recourt aux différentes figures de style dont la plus fréquente est la métaphore. Avant de dégager dans notre corpus les exemples illustratifs de cette analyse, nous nous permettons d'affirmer que pour choisir le nom, l'on prend en considération l'aspect de la vie de son entourage. Nous abondons ainsi dans le même sens que Kampayana (1984 :92), qui dit que : « c'est un art de trouver un bon nom. C'est un véritable apprentissage social qui exigeait un nom bien fait et se référent à un contexte bien particulier. »

Kurerera Imaana, c'est un titre qui est traduit littéralement par « éduquer pour Dieu » et date de 1949. Il s'agit d'une oeuvre des Pères Blancs qui s'adressaient particulièrement aux enseignants. On lit alors à travers ce titre, la mission principale des Pères Blancs. Leur première préoccupation était de civiliser le peuple rwandais que l'on considérait comme primitif et païen, de lui faire connaître Dieu et son Fils Jésus Christ, et cela devait être intensifié surtout dans la jeunesse, par les éducateurs. Beaucoup d'autres titres, révélateurs de cette période où la prédominance des missionnaires, surtout catholiques, s'exerçait dans des oeuvres caritatives, éducatives, etc. voient le jour. Nous citons parmi eux, L'Echo du Séminaire : comme le montre « écho », les premières élites du pays ont été formés dans les séminaires et d'autres écoles catholiques. Leur voix devait alors retentir, et leur influence se faire sentir sur tout le territoire. Agisiyo Gatorika mu Rwanda, Théologie et Pastorale, Cor unum, sont des journaux qui entre dans ce cadre.

Le journal Kaanguka, vient de « - kanguuk -», qui signifie « s'éveiller, se réveiller ou avoir un esprit éveillé ». Ce nom est attribué au premier journal contestataire créé en 1987. En effet, les Rwandais avaient été dirigés aveuglement depuis l'indépendance par les gouvernements dictatoriaux. La liberté d'expression n'existait presque pas au Rwanda, peu de journaux qui existaient étaient sous le contrôle du gouvernement ou de l'Eglise Catholique qui ne s'opposait pas du tout à la volonté de l'autorité publique. C'est dans ce climat de peur et de timidité qu'un certain Rwabukwisi se permit de créer un journal qui osa dévoiler les défaillances du gouvernement et incite le peuple à se lever contre l'injustice intronisée jusque là. Ce nom donc, compte tenu de son contexte de création, ne s'écarte pas de son étymologie, comme le font d'ailleurs la plupart d'autres journaux. A côté de Kaanguka, on assiste en 1990 à la création de Kaangura. Ce nouveau nom qui vient du verbe « gukaangura », (réveiller, instruire) a été choisi par les extrémistes proches du pouvoir en place. Ils considéraient en principe l'influence qu'avait eu Kaanguka sur l'opinion du peuple et, en réaction contre lui, ils trouvèrent un nom très proche au premier pour semer la confusion auprès des lecteurs.

Il est très difficile d'analyser de A à Z tous les noms du corpus par rapport au contexte. Cependant il reste pertinent d'insister sur certains titres qui marquent les deux dernières périodes. Si nous prenons Rwaanda rw'eêjo, il est créé en 1990. Dans cette année, il surgit au Rwanda une guerre menée par le FPR contre le gouvernement de Habyarimana. Cette guerre occasionna tant de changements à l'intérieur du pays, aussi bien sur le plan politique que social. Le plus significatif, c'est celui de la naissance du multipartisme. Rwaanda rw'eêjo, qui veut dire « Rwanda de demain », est un journal créé dans cette période et attaché au FPR. Le contexte nous permet de dire qu'en choisissant ce nom, les nommeurs pensaient aux lendemains meilleurs ; ils véhiculent à travers le journal leur objectif, leur espoir de revoir le pays dans lequel règne le respect de la personne, contrairement au Rwanda d'hier où la vie de toute la population dépendait de la volonté d'un individu ou d'un groupe d'individus.

Parmi les partis politiques reconnus dans l'histoire du Rwanda l'on compte le MDR, MRND, PSD, PL etc. Le MDR fut le plus populaire, et bat le record dans la mobilisation de la population rwandaise contre le pouvoir du MRND. L'une des armes qu'il a utilisées est la presse écrite. Quand il crée « Urumuri rwaa Demokarasi » en 1990 (la lumière de la démocratie), il rappelle à la masse rwandaise les événements des années 60 où le même parti a joué un grand rôle dans la lutte pour l'indépendance. Dans ce contexte, on remarque que plusieurs journaux qui ont été créés ont reçu les noms qui incitent directement le public à s'insurger contre l'autorité.

Contrairement aux multiples journaux qui traduisent le contexte et la vague des événements d'entre 1990 et 1994, d'innombrables journaux naissent et laissent transparaître le nouveau climat qui règne au Rwanda après le génocide. A travers les titres, les journaux suivants en font l'illustration : Urwaâtubyaaye, dans ce titre le préfixe -ru- qui représente le Rwanda, fait que le titre en soi traduise le sentiment d'un bon nombre des rapatriés rwandais qui vivaient depuis longtemps en exil et qui ont aujourd'hui le plaisir du retour au bercail. Il est créé en 1996, juste au lendemain du génocide.

The New Times (les temps nouveaux), créé lui aussi en 1995 au moment où le Rwanda avait perdu son image aux yeux des nations, ce journal traduit le souci des Rwandais d'améliorer l'image de marque de leur pays, de se reconstruire malgré la situation critique qu'ils venaient de traverser. Publié en anglais, ce journal montre également l'ouverture du pays aux différents horizons. Un autre journal qui attire notre attention est Ibuka. Ce nom vient du verbe kwiibuka (se souvenir, se rappeler) et date de 1998. Au fait, après le génocide, il n'a pas été facile de redresser la situation. Au moment où les rescapés du génocide tentaient de se réconforter, un autre groupe dont la majorité des planificateurs du génocide ne voulait pas renoncer à leur plan d'exterminer les Tutsis, niant ainsi l'existence du génocide. C'est dans ce contexte qu'il a été créé l'association « Ibuka asbl » pour expliquer au monde entier et aux Rwandais en particulier, ce qui s'est passé. Le journal « Ibuka », dans ce cadre, vit le jour et eut comme objectif de fonctionner comme un outil de sensibilisation qu'utilise cette association. D' après ces exemples, nous pouvons dire que presque tous les noms attribués aux journaux rwandais sont conformes à leur contexte de création et donnent directement un message à son public.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo