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La question de la souveraineté chez Georg Jellinek

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par Ghislain BENHESSA
Université Robert Schuman - M2 Droit public fondamental 2008
  

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Section 2. La déclinaison de la théorie de la souveraineté au sens jellinékien et les critiques qui en ont découlé

Soumettre la souveraineté au droit permet à Jellinek de développer une théorie qui en découle, appelée la doctrine des droits publics subjectifs. En soumettant le souverain à l'ordre juridique, Jellinek s'éloigne considérablement, comme nous l'avons déjà vu, des théories absolutistes classiques. Jellinek, par cette doctrine, rend l'individu titulaire de droits qu'il peut faire valoir à l'encontre de la puissance étatique. Ainsi, Jellinek centre son système juridique sur la protection individuelle. La théorie de l'auto-limitation ainsi que la théorie des droits publics subjectifs limitent les possibilités d'action du souverain et protègent les droits des individus (1).

De plus, il faut bien admettre que, même si Georg Jellinek, à son époque, prend ses distances à l'égard de certains théoriciens du Rechtsstaat, les notions qu'il développe renforcent substantiellement le concept d'Etat de droit. En effet, la théorie de l'auto-limitation, par voie de conséquence, oblige l'Etat à respecter le droit lorsqu'il met en mouvement sa volonté.

Cependant, après la mort du théoricien de Heidelberg, les théories jellinékiennes seront vivement critiquées en doctrine, que ce soit par le théoricien français du droit, Léon Duguit,

»169

qui ne voit dans l'auto -limitation qu'une « limite juridique précaire au pouvoir de l'Etat,

ou par les tenants du décisionnisme, notamment Hermann Heller et Carl Schmitt, qui, en faisant primer le politique sur le juridique et le sociologique, vont rejeter d'un bloc les concepts jellinékiens (2).

§1. L'Etat, un souverain dont la personnalité juridique doit être reconnue par les autres sujets de droit

Pour Georg Jellinek, le «point de départ, c'est la question de la possibilité de l'ordre juridique en général, c'est-à-dire d'une base juridique objective, sur laquelle pourraient se fonder des droits subjectifs.

169Léon Duguit, La doctrine allemande de l'auto -limitation de l'Etat, RDP 1919, 16 1-190

En particulier, Jellinek pose la question de la possibilité d'un ordre objectif du droit public nécessaire à la déduction de droits publics subjectifs »170 . Ainsi, comme nous l'avons déjà vu, et comme Walter Pauly le formule de façon limpide, «l'idée de « relations entre sujets de droit» donne le fond sur lequel Jellinek figure toutes les constellations juridiques fondamentales pensables s'agissant de la relation entre l'Etat et l'individu »171 . Jellinek part bien de l'individu pour construire tout son système juridique. Il s'agit de démontrer que le droit n'est pensable que comme un réseau, un système de relation entre diverses personnes juridiques.

Ce n'est pas un système de domination pure dans les mains de l'Etat: l'Etat ne peut détenir de droits que «si lui font face des personnalités », que s'il peut y avoir échange avec d'autres personnes juridiques : «ce n'est que dans la mesure où l'Etat se conçoit lui-même comme limité juridiquement qu'il devient un sujet de droit »172 . Si l'Etat veut acquérir des droits, il faut qu'il soit reconnu comme tel par d'autres sujets de droit; si cette reconnaissance n'a pas lieu, l'Etat lui-même ne peut pas être reconnu comme sujet de droit. On voit bien que l'Etat n'est plus une entité située au-dessus des autres. L'Etat comme personne juridique n'existe que par le regard des autres, que par sa reconnaissance expresse par d'autres individus. En effet, comme le dit expressément le Professeur Olivier Jouanjan, «le subjectivisme [de Georg Jellinek] est, profondément, pensée de l'intersubjectivité: on n'est sujet que l'un pour l'autre »173.

Ainsi, dans la conception jellinékienne de l'Etat, «la dynamique profonde de l'Etat moderne est celle d'une «reconnaissance réciproque » entre l'instance qui exerce le pouvoir de domination et l'individu soumis à cette domination ». Cet met en exergue le «libéralisme politique du juriste, mais aussi sa dette à l'égard du kantisme »174 . La doctrine des droits publics subjectifs permet à Jellinek de replacer l'individu au coeur du système juridique, de penser l'Etat à partir de l'individu, et non l'individu à partir de l'Etat.

170 Walter Pauly, Le droit public subjectif dans la doctrine des statuts de Georg Jellinek, dans Olivier Jouanjan (dir.), Figures de l'Etat de droit, Presses universitaires de Strasbourg, 2001,297

171 Ibid., 300

172 Ibid., 298

173 Olivier Jouanjan, Préface: Georg Jellinek ou le juriste philosophe, dans Georg Jellinek, L 'Etat moderne et son droit, Panthéon-Assas, 2004, I, 81

174 Ibid., I, 33

Penser la personne comme relation, non comme essence, place l'Etat dans une situation inédite. Quand bien même l'Etat est souverain, il doit être reconnu comme tel par les autres individus. De plus, comme le dit Jellinek, ce n'est que si l'Etat se conçoit comme limité qu'il peut obtenir le statut de personne juridique, qu'il peut donc entrer en relation avec d'autres individus.

En mettant en avant ce principe de reconnaissance de la part des personnes juridiques, Jellinek fait la distinction entre le rapport factuel de domination et le rapport juridique, seul rapport pensable dans le cadre étatique, sur le fondement de cette reconnaissance. «Un rapport factuel de domination ne devient juridique qu'à partir du moment où les deux membres de la relation, le dominant et le dominé, se reconnaissent comme les titulaires de droits et de devoirs réciproques »175.

Les conséquences que l'on peut conclure sur la souveraineté sont claires. Le souverain n'est souverain qu'à partir du moment où il est reconnu comme tel par les individus. Ainsi, la souveraineté, contrairement aux théories absolutistes classiques, ne doit pas être définie de façon substantielle, mais uniquement à l'aune de la perception dont il fait l'objet par les individus. «Or, s'agissant de l'Etat, producteur et garant des normes juridiques, si la norme n'en est pas une pour lui, elle ne peut fonder aucune attente chez l'autre personne, ce qui ne signifie pas autre chose que le rapport ne peut être dit «de droit », et qu'il ne peut être construit que comme un rapport «de force ». L'Etat ne peut inspirer confiance [É] C'est au bout du compte l'individualisme qui porte cette dialectique de la reconnaissance dont le secret peut-être ainsi formulé : c'est par et dans la reconnaissance (juridique) de la subjectivité des individus que l'Etat (moderne) s'assure du fondement de sa propre légitimité qui réside, ultima ratio, dans la reconnaissance par les individus de l'ordre juridique de cet Etat, qui n'est, au fond, que le système des interactions psychiques que produisent ces mécanismes de reconnaissance »176.

Ainsi, la souveraineté n'est que le fruit de la perception des individus, de la conviction qu'ils
peuvent avoir que l'Etat est, ou non, souverain. Ce qui est sûr, c'est que, dans la théorie de

175 Georg Jellinek, Système des droits publics subjectifs, dans Olivier Jouanjan, Préface: Georg Jellinek ou le juriste philosophe, dans Georg Jellinek, L 'Etat moderne et son droit, Panthéon-Assas, 2004, 81

176 Olivier Jouanjan, Préface: Georg Jellinek ou le juriste philosophe, dans Georg Jellinek, L 'Etat moderne et son droit, Panthéon-Assas, 2005, 82

Jellinek, le souverain ne peut être reconnu comme tel que s'il s'auto-limite et respecte le droit de la même façon que les individus. Car, de quelle manière pourrait-il inspirer la confiance et susciter la reconnaissance de la part des autres sujets de droit s'il ne respectait pas le droit?

A partir de cette reconnaissance, Jellinek crée un modèle dans lequel l'Etat s'auto-limite et l'individu est considéré comme un véritable sujet de droits.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore