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La Cour Africaine des droits de l'Homme et des Peuples: le problème du contrôle juridictionnel des droits de l'homme en Afrique.

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par Providence NGOY Walupakah
Université Catholique de Bukavu - Licence en Droit/ Option: droit public 2007
  

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Section 5ème : Compétences de la Cour

Comme relevé ci-haut, les quatre compartiments de la compétence de la Cour seront analysés tour à tour : d'abord, la compétence territoriale, ensuite temporelle, puis celle matérielle et enfin personnelle. Cette dernière, disons le à le stade, fera l'objet d'une étude particulière dans la Section suivante relative aux conditions à remplir pour exercer une action devant la Cour africaine.

§1. Compétence territoriale de la Cour (Ratione loci)

Etablie par traité et spécifiquement par Protocole à une convention multilatérale entre souverainetés, la Cour possède une compétence territoriale qui s'étend aux seuls territoires des Etats membres de l'U.A.

Ceci découle de l'interprétation faite de l'article 25 du Protocole relatif à la Charte portant création de la Cour qui prévoit que «  1. le siège de la Cour est établi dans un Etat partie au Protocole par la conférence. La Cour peut toutefois siéger sur le territoire de tout Etat membre de l'OUA sur décision de la majorité de ses membres et avec l'agrément préalable de l'Etat concerne ». Cet article 25 du Protocole peut être lu conjointement avec l'article 1 du même Protocole qui dispose. » Il est créé, au sein de l'Organisation de l'Unité Africaine, une Cour Africaine des droits de l'homme et des Peuples(...), dont l'Organisation, la compétence et le fonctionnement sont régis par le présent Protocole ».

Mais une autre interrogation qui pourrait appeler la notion de ressort et de compétence est celle-ci : une violation incriminée doit-elle avoir été commise sur le territoire d'un des Etats parties pour que la « Cour » soit compétente ? Il n'existe pas dans la Charte l'équivalent de l'article 1er de la Convention européenne des droits de l'homme et selon lequel les Etats garantissent les droits reconnus aux personnes « relevant de leur juridiction ». Mais puisqu'il n'y a aucune limitation quant à l'obligation des Etats parties à la Charte de protéger les droits qu'ils reconnaissent, il faut en déduire que la Commission comme la Cour sont compétentes, même quand la violation imputable à un Etat partie a lieu vis-à-vis d'une « personne protégée » en dehors du territoire national des Etats parties.61(*)

En effet, pour besoin de courtoisie, rappelons que la compétence territoriale ou le ressort territorial consiste dans «  la division administrative dans laquelle la juridiction exerce sa compétence. Elle est, la compétence territoriale, une notion de nature géographie ».62(*)

A l'instar des juridictions internes, la Cour possède aussi une compétence dite temporelle ou ratione temporis.

§2. Compétence temporelle ou ratione temporis de la

Cour

La Compétence temporelle d'une juridiction est comprise comme étant le moment à partir duquel cette juridiction peut connaître d'une affaire, cause ou d'un différent. En d'autres termes, les actes commis avant l'installation de la Cour africaine sont-ils susceptibles d'être appréhendés par celle-ci dans le cadre de sa mission de protection ? Cette question a une grande importance théorique et pratique. Disons que la Charte n'en parle pas, moins encore le Protocole instituant la Cour. Dès lors, il faudra y répondre en se référant aux principes généraux du droit. Et le juge Kéba Mbaye précise que si, en vertu du droit international, le violations de droits de l'homme dont il s'agit constituent des crimes imprescriptibles, il ne faut pas hésiter à accepter que les faits qui les constituent puissent être portés devant la Cour qui aura compétence pour s'en saisir. Mais en dehors de tels cas, la Cour ne peut connaitre à l'égard d'un Etat que de faits constitutifs de violations de droits de l'homme et intervenus depuis que l'Etat en cause est devenu partie au Protocole.

Bien que ne ressortant pas expressis verbis des dispositions du Protocole, la compétence territoriale peut être déduite aussi des travaux préparatoires. Ces derniers nous renseignent que le Protocole portant création de la Cour, même si il a été adopté en juin 1998, il donne compétence à la Cour de connaître d'une affaire qu'à partir de janvier 2004 et intéressant un Etat partie au Protocole seulement.

Mais de quelles affaires il s'agit ? Ou mieux, de quelle nature sont-elles ?

§3. Compétence matérielle ou ratione materiae

La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différents dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etat concernés.63(*) En d'autres mots, ceci veut dire que la Charte protège une multitude et un large éventail de droits. Ceux-ci peuvent être contenus dans la Charte ou dans tout instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par l'Etat en cause. Le protocole s'inscrit ainsi dans la droite ligne de l'ouverture normative qui a toujours caractérisé le système africain des droits de l'homme. (Article 60 et 61 de la Charte)

Bien plus, la Cour a la compétence d'interprétation des dispositions de la Charte, du Protocole portant sa création et de tout autre instrument relatif aux droits de l'homme et ratifié par l'Etat intéressé. Plus encore la Cour africaine est compétente pour connaître des litiges relatifs à l'interprétation du protocole relatif aux droits des femmes, découlant de son application ou de sa mise en oeuvre.

Ceci appelle une interrogation, celle de savoir les types des droits que la Cour protège ou les genres de violations qui peuvent être dénoncées devant elle.

Précisons aussi que la description qui va suivre, s'appuiera sur des exemples du travail de la Commission africaine également garante du respect des droits consacrés par la Charte depuis 1988. En effet, pour être contestées, ces violations doivent être commises par un Etat africain postérieurement à la date de ratification du Protocole par ce dernier.

De manière pratique, la Cour africaine juge des violations des droits de l'homme :

A. Les violations de la Charte africaine

A ce stade, il échet tout d'abord de relever un fait : l'originalité de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Même si nous y reviendrons encore plus largement au chapitre suivant, il convient de rappeler que la Charte, contrairement aux conventions européenne et américaine des droits de l'homme, consacre non seulement les droits civils et politiques mais aussi les droits économiques, sociaux et culturels.64(*)

a. Les droits civils et politiques

Ces droits sont consacrés aux articles 2 à 14 de la Charte. Il s'agit du ou de :

· Droit à la non discrimination (art. 2)

· Droit à l'égalité devant la loi (art.3)

· Droit à la vie et à l'intégrité physique et morale (art. 4)

· Droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine, l'interdiction de toute forme d'esclavage, de la traite des personnes, de la torture physique ou morale et des peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants (art. 5) ;

· Droit à la liberté et à la sécurité de la personne et l'interdiction des arrestations ou détentions arbitraires (art.6) ;

· Droit à ce que se cause soit entendue par la justice et le droit à un procès équitable ; ce qui implique : le droit à la présomption d'innocence ; le droit à la défense ; le droit d'être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale et le principe de la non- rétroactivité des lois pénales (art.7)

· La liberté de conscience et de religion (art.8)

· Droit à l'information et à la liberté d'expression «  dans le cadre des lois » et le droit à la pratique libre de la religion (article 9) avec clause de réserve ;

· Droit à la liberté d'association conformément aux règles édictées par la loi (contient une clause de réserve) art.10 ;

· Droit à la liberté de réunion (contient une clause de réserve) (art.11)

· Droit à la liberté de circulation à l'intérieur d'un Etat ; le droit à quitter un pays, y compris le sien, le droit à l'asile ; l'interdiction de l'expulsion collective (art. 12)

· Droit à la libre participation à la direction des affaires publiques,et à l'égal accès aux fonctions publiques ; le droit à l'égal accès aux biens et services publics (art.13)

· Droit de propriété (art.14) ;65(*)

Retenons également que l'article 2 de la Charte sur la non discrimination n'est pas une disposition autonome car ne peut être invoquée qu'en application d'un autre droit protégé par le texte.

Une certaine illustration des droits civils et politiques protégés est tirée de la Communication 159/96 concernant la Fédération Internationale des ligues des Droits de l'homme, l'Union Interafricaine des Droits de l'homme, la Rencontre Africaine des Droits de l'homme, l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme au Sénégal et l'Association Malienne des droits de l'homme c/l'Angola.

En 1996, le gouvernement angolais a procédé à l'expulsion brutale des ressortissants ouest-africains présents sur son territoire. Les expulsés ont perdu tous leurs biens au cours de l'opération. Selon la Commission, cet acte viole les droits garantis aux articles 2,7 et 12 de la Charte relatifs au principe de non discrimination et au droit à un procès équitable, les personnes expulsées n'ayant pas eu l'opportunité de saisir les tribunaux pour dénoncer leur traitement.

b) Les droits économiques, sociaux et culturels

Dans une Communication à savoir celle 155/96, Social and Economic Right Action Center c/Nigeria, le plaignant affirmait que l'administration par l'Etat d'un consortium d'exploitation de pétrole causait de graves dommages à l'environnement et, par voie de conséquence, des problèmes de santé parmi la population Ogoni. La Commission a confirmé les violation des articles 16 et 24 de la Charte et a demandé au Gouvernement d'assurer une compensation adéquate aux victimes ; de procéder au nettoyage total des terres et rivières polluées ; d'assurer à l'avenir qu'une évaluation de l'impact social et écologique des opérations pétroliers soit menée.66(*) Par cette décision, la Commission affirmait la reconnaissance d'une protection du droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale tel que prévu par l'article 16 de la Charte. il peut aussi s'agir du :

o Droit de travailleur dans des conditions équitables et satisfaisantes ; du droit de travailler dans des conditions équitables et satisfaisantes ; du droit au salaire égal pour un travail égal (art.15)

o Droit à l'éducation et le droit des individus à prendre part à la vie culturelle de la Communauté (art.17) ;

o Droit de la famille, des femmes, des personnes âgées ou handicapées à des mesures spécifique de protection (art. 18)

A part les deux catégories des droits de l'homme à savoir ceux économiques, sociaux et culturels ainsi que ceux civils et politiques, la Charte a consacré une autre nouvelle catégorie des droits. Ce sont ceux des peuples qui se retrouvent aux articles 19 à 24 de la Charte.

c) Les droits des peuples :

Ils sont prévus à partir des articles 19 à 24 de la Charte. C'est notamment :

o Le droit des peuples à l'égalité (art.19) ;

o Le droit des peuples à l'existence, à l'autodétermination a pour corollaire le droit des peuples de se libérer de leur état de domination en recourant à tous les moyens reconnus par la communauté internationale ;

o Le droit à l'assistance dans la lutte des peuples pour la libération contre la domination étrangère, qu'elle soit d'ordre politique, économique ou culturel (art. 20) ;

o Le droit des peuples au développement économique, social et culturel (art. 22) ;

o Le droit des peuples à la paix et à la sécurité nationale et internationale (art. 23) ;

o Le droit des peuples à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement (art. 24) ; (voir communication 155/96, Social and Economie Rights Action Center c/ Nigeria). (67(*))

Nous venons de noter que la Charte reconnaît aussi les

droits des peuples et ce, dans une tentative d'associer la tradition des valeurs africaines à la modernité des droits universellement reconnus.

La Charte, cela étant donc d'évidence, est un instrument juridique original, en ce qu'elle comprend des éléments novateurs, liés à l'histoire de la civilisation africaine, tout en s'inscrivant largement dans la continuité des autres instruments régionaux et internationaux visant à la protection des droits de l'homme.

B. Les violations d'autres instruments pertinents de protection des

droits de l'homme.

D'entrer de jeu, l'instrument de protection dont référence est faite doit, à la lettre de l'article 3, être pertinent ou adéquat quant à son objet et à son contenu qui, en ce sens, doivent être relatifs aux droits de l'homme.

Hic, un distinguo s'impose et deux cas de figure se donnent à être observés :

a. Les instruments africains pertinents : Il s'agit notamment de :

§ La Convention de l'OUA régissant les aspects propres aux problèmes de réfugiés en Afrique adoptée le 10 Septembre 1969, entrée en vigueur le 26 juin 1974 ;

§ La Charte Africaine des droits et du bien être de l'enfant : adoptée en Juillet 1990, entrée en vigueur le 29 novembre 1999.

§ La Convention de l'OUA sur la prévention et la lutte contre le terrorisme adoptée le 14 juillet 1999 et entrée en vigueur le 15 janvier 2004 ;

§ Le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des peuples relatifs aux Droits des femmes adopté à Maputo au Mozambique en juillet 2003 et entré en vigueur en novembre 2005.

b. Les instruments internationaux pertinents :

o La Convention sur la prévention et la répression du génocide, 1948

o Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966

o Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels 1966.

o La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, 1979

o La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1984,

o La Convention internationale des droits de l'enfant, 1989,

o La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 1965.

Notons enfin que la jurisprudence de la Commission s'est d'abord concentrée sur les cas de violations des droits civils et politiques. Malgré l'importance accordée aux droits économiques et sociaux dans le préambule de la Charte africaine et aux articles 15 à 18 de celle-ci, la Commission a d'abord eu la tentation d'écarter l'examen des violations de ces droits craignant d'avoir à traiter trop de cas dans trop de pays. Cette résistance première a cédé petit à petit aux réalités du continent africain rendant nécessaire la prise en compte de tels droits. La Commission affirme depuis l'indivisibilité et l'interdépendance des droits de l'Homme. En 2002, sur plus de 45 cas examinés par la Commission, 15 concernaient différents droits économiques et sociaux garantis par la Charte. (68(*))

Comme pour la Commission, il est de notre avis aussi qu'il faut admettre que la violation de principes communément admis dans le domaine des droits de l'homme devrait aussi servir de base à une action devant la Cour dans la mesure où ces principes peuvent se rattacher à des dispositions précises de la Charte 60 et 6169(*) et énoncent les principes applicables par la Cour aux articles 3 et 7.

Section 6ème : Des conditions de l'exercice de l'action devant la Cour

Parlant des conditions de l'exercice de l'action devant la Cour, il nous plaira d'évoquer en première analyse celles relatives à la qualité, ensuite dans une deuxième approche, celles liées à la recevabilité et enfin, nous aborderons la forme dans quelle la saisine de la Cour doit être faite.

§.1. Les conditions relatives à la qualité

Il s'agira ici de retrouver ceux qui ont le pouvoir et la capacité de saisir la Cour Africaine et les conditions auxquelles ils sont assujettis pour initier une action devant la Cour. Les violations dont la « Cour » peut connaître doivent avoir été commises par un Etat partie. C'est dire que celles imputables à d'autres personnes physiques ou morales (les individus notamment) ne sont pas de la compétence de la Cour.

Aux termes de l'article 5 du protocole, ont qualité pour saisir la Cour :

- La Commission africaine des droits de l'homme et de peuples ;

- Les Etats parties ;

- Les organisations intergouvernementales africaines ;

- Les individus et les ONGDH dotées du statut d'observateur auprès de la Commission africaine ;

A. La Commission Africaine des droits de l'Homme et de Peuples

La Commission a toujours la possibilité de saisir la Cour Africaine pour qu'elle se prononce dans une affaire portée à sa connaissance (art. 5.1. a. du Protocole).

Le Protocole, en revanche, ne précise pas les conditions dans lesquelles la Cour peut être saisie par la Commission Africaine. En effet, les questions concernant le moment de la saisine, ainsi que les conditions de celle-ci devraient devoir trouver une réponse.

B. Les Etats parties

Les Etats parties au Protocole ont aussi droit de saisir la Cour Africaine s'ils ont un intérêt dans l'affaire en question. Ceci est le cas pour :

Ø L'Etat partie qui a saisi le Commission (art.5.1.b. du Protocole) d'une affaire qui est ensuite envoyée devant la Cour ;

Ø L'Etat partie contre lequel une requête a été introduite devant la Cour (art. 5.1. c. du Protocole) ;

Ø L'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une violation des droits de l'Homme (art.5.1.d. du Protocole).

C. Les organisations intergouvernementales africaines

La saisine de la Cour par des Organisations intergouvernementales est une des spécificités de la Cour Africaine par rapport aux autres Cours régionales.

Les organes qui pourront saisir la Cour Africaine en vertu de cet article, comprennent, en plus de l'Union Africaine :

L'Union du Maghreb Arabe, UMA ;

La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, CEDEAO ;

L'Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine, UEMDA ;

La Communauté économique et monétaire d'Afrique Centrale, CEMAC ;

La Communauté Economique des Etats d'Afrique Centrale, CEEAC ;

Le Marché commun de l'Afrique Australe et orientale, COMESA ;

Le Southern African Development Community, SADC ;

La Southern African Customs Union, SACU;

La Communauté de l'Océan Indien, COI ;

La Communauté de l'Afrique de l'Est, CEA ; (70(*))

D. Les organisations Non Gouvernementales (ONG) et les individus

Nous envisageons deux modes de saisine :

a) La saisine directe :

Selon l'article 5.3 du Protocole, « la Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux ONG dotées du statut d'observateur auprès de la Commission Africaine d'introduire des requêtes directement devant elle ». Cependant, cette possibilité, il faut l'avouer, n'est que facultative car soumise à la volonté préalable de l'Etat accusé de violations des droits de l'Homme. En fait, les individus et ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission Africaine peuvent saisir directement la Cour si et seulement si l'Etat mis en cause, partie au Protocole, a fait une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes des individus et ONG.

b) La saisine indirecte :

Il est judicieux de préciser qu'il existe un moyen pour les individus et les ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission Africaine de faire connaître à la Cour une violation des droits de l'Homme bien que l'Etat en cause n'ait pas fait la déclaration au titre de l'article 34(6) du Protocole.

Ceux-ci, en effet, peuvent présenter des communications devant la Commission Africaine sans qu'un Etat partie puisse s'y opposer.

Alors, saisie par un individu ou une ONG ayant le statut d'observateur, la Commission peut décider de porter l'affaire devant la Cour Africaine comme expliqué précédemment. Les modalités d'un tel transfert n'ont pas été fixées par le Protocole et dépendront ainsi largement de la volonté de la Commission. Espérons que celle-ci utilise cette faculté, en accord avec la partie requérante, notamment lorsque cette dernière n'a pas la possibilité de saisir directement la Cour car l'Etat en cause n'a pas fait la déclaration au titre de l'article 34(6) du Protocole. Une interrogation subsiste quand même : quelles les garanties sont accordées à la représentation des ONG et individus dans la procédure devant la Cour si celle-ci est saisie par la Commission ?

Nous tenterons d'y réfléchir à l'aune des considérations et du travail réalisé par les deux autres cours régionales au Chapitre suivant.

Entre temps, voyons ce qu'il en est des conditions relatives à la recevabilité des communications.

§.2. Les conditions liées à la recevabilité d'une

communication ou requête

In limine litis, une clarification mérite d'être apportée à ce niveau. Nous évoquerons plus les requêtes émanant des ONG et des individus. Car en effet, dans les systèmes régionaux de protection des droits de l'homme, les situations dans lesquelles un Etat porte plainte contre un autre pour violation des droits de l'homme ne font pas grands cas.

Mais alors, parler des conditions liées à la recevabilité d'une requête revient à analyser les conditions reprises pour qu'elle soit reçue par la Cour. Il s'agira donc, in casu, de s'appesantir sur les conditions qui président à l'examen, par la Cour africaine d'une requête initiée par une ONG ou un individu. Essentiellement, pour décider au respect ou non de ces conditions, la Cour peut s'inspirer des décisions pertinentes de la Commission Africaine qui applique depuis le début de ses travaux les mêmes exigences pour la recevabilité des communications portées devant elle.

L'on peut mentionner à cet égard des conditions générales de recevabilité et celles spécifiques.

A. Les conditions générales de recevabilité

La requête doit être dirigée contre un Etat partie qui a fait une déclaration au titre de l'article 34 (6) du Protocole autorisant une saisine directe des individus et ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission Africaine. Elle doit concerner des faits qui relèvent de la juridiction de l'Etat en cause et qui sont postérieurs à la date du dépôt de l'instrument de ratification du Protocole par ledit Etat. Il faut aussi que la ou les violations portent sur l'un des droits garantis par la Charte Africaine ou tout autre instrument régional ou international pertinent relatif à la protection des droits de l'Homme ratifié par l'Etat en question. Toute requête qui déroge à l'une de ces conditions est déclarée irrecevable par la Cour. (71(*))

B. Les conditions spécifiques

Celles-ci sont prévues par l'article 6 du Protocole qui renvoie aux dispositions de l'article 56 de la Charte, relatives aux conditions de recevabilité des communications devant la Commission Africaine telles que présentées ci-après.

A l'occasion, disons que ces conditions, et surtout celle qui exige l'épuisement des voies de recours internes, ont été examinées dans plusieurs affaires devant la Commission, ce qui, d'ailleurs, a permis d'en préciser la portée.

Pour être examinées, les communications émanant des individus et ONG doivent nécessairement remplir les conditions ci-après :

1. Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la

Commission de garder l'anonymat.

La Commission, sur base de l'article 56 (1), ne peut retenir aucune requête anonyme. Cette exigence est commune à tous les systèmes régionaux de protection des droits de l'homme (...)

L'obligation de décliner l'identité peut être mal interprétée. On a fait valoir, à tort, que c'est l'identité de la victime ou des victimes, véritables requérants, qui doit être déclinée. La jurisprudence européenne va dans ce sens. (...) En revanche, la jurisprudence du système Africain, par une approche libérale de la disposition sous examen, fournit une interprétation plus conforme à l'objet et au but de la Charte. Ce qui est recherché au stade de la recevabilité, c'est moins l'identité des victimes que celle des personnes par lesquelles les victimes agissent ; identité indispensable en effet, pour le déroulement de la procédure et le suivi du dossier. Ainsi, à l'occasion de l'examen groupé de plusieurs communications concernant les violations des droits de l'homme en Mauritanie (72(*)), la Commission a précisé que si les auteurs des communications doivent décliner leur identité, il n'est pas requis qu'ils soient personnellement victimes ou que des membres de leur famille le soient. (...)

Il n'est donc pas nécessaire que les noms des victimes soient indiqués, l'identité de la personne physique ou morale agissant en leur nom suffit.

L'obligation d'indiquer l'identité du requérant vise à faciliter la correspondance entre la Commission et le requérant en vue du suivi de la procédure pour une protection effective des droits de l'homme et des peuples. (73(*))

2. La requête est recevable si elle est compatible avec l'Acte constitutif de l'Union Africaine et la Charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples.

Pour être recevable selon l'article 56 (2) de la Charte, la requête doit invoquer des dispositions de la Charte Africaine et/ou des dispositions de l'Acte constitutif de l'U.A. supposées avoir été violées (74(*)). Soulignons que le Protocole de la Cour, contrairement aux dispositions de la Charte relatives à la Commission, admet également comme recevable les requêtes fondées sur la violation d'un instrument international de protection des droits de l'homme ratifié par l'Etat en cause. (75(*))

3. L'obligation de courtoisie 76(*)

La requête est recevable si elle ne contient pas des termes outrageants ou insultants à l'égard de l'Etat mis en cause de ses institutions ou des l'Union Africaine. Conformément à l'art. 56 (3) de la Charte, l'auteur de la communication doit indiquer les éléments de son dossier sans insulter quiconque. La Commission africaine a explicité cette condition à l'occasion de l'affaire ligue Camerounaise les droits de l'Homme c. Cameroun. La requête de la Ligue a été déclarée irrecevable au motif qu'elle contenait des termes outrageants et insultants à l'encontre de l'Etat Camerounais mis en cause et ses institutions.

Cette communication contenait des termes tels que : « Paul Biya [alors chef d'Etat Camerounais] doit répondre des crimes contre l'humanité », « trente années d'un régime néo-colonial, criminel, incarné par le duo Ahdjo-Biya », « régime tortionnaire » et « barbarismes gouvernementaux ». La Commission en arrive à la conclusion que les allégations de la Ligue sont un ensemble de violations graves de la Charte. Il s'agit là, relève-t-elle, des termes insultants et outrageants. (77(*)).

4. La requête est recevable si elle ne se limite pas exclusivement à des informations diffusées par des moyens de communication de masse

Cette exigence est visée à l'article 56 (4) de la Charte. Elle tend à éviter que certains plaignants ne se fondent sur de simples allégations voire de fausses informations sans en vérifier la véracité.

Communication 147/95 et 149/96- Sir Dauda K. Jawara C/Gambie.

Le gouvernement soutenait que la communication devrait être irrecevable parce qu'elle était basée exclusivement sur des informations diffusées par les médias. Selon la Commission : « Tout en étant peu commode de se fier exclusivement aux nouvelles diffusés par les moyens de communication de masse, il serait tout aussi préjudiciable que la Commission rejette une communication parce que certains aspects qu'elle contient sont basés sur des informations ayant été relatées par les moyens de communication de masse. Cela provient du fait que la Charte utilise l'expression « exclusivement ». Il ne fait point de doute que les moyens de communications de masse restent la plus importante, voire l'unique source d'information. Le génocide au Rwanda, les violations des droits de l'homme au Burundi, au Zaïre et au Congo pour n'en citer que quelques uns, ont été révélés par les moyens de communication de masse. La question ne devrait donc pas être de savoir si l'information provient des moyens de communication de masse, mais plutôt si cette information est correcte. (78(*))

5. L'exigence d'épuisement préalable des voies de recours internes

a. Principe : Cette exigence posée par l'article 56 (5) de la Charte est

celle qui pose le plus de difficultés. L'épuisement des voies de recours internes suppose qu'une affaire concernant la violation d'un droit de l'Homme doit passer par tous les niveaux de juridiction nationaux avant de pouvoir être portée devant la Cour. Cette condition de recevabilité se retrouve également devant la Cour européenne et la Cour interaméricaine. Elle est « fondée sur le principe qu'un gouvernement devrait être informé des violations des droits de l'Homme afin d'avoir l'opportunité d'y remédier avant d'être appelé devant une instance internationale ».

La Commission qui pratique les mêmes critères de recevabilité que la Cour a, à plusieurs reprises clarifié la notion d'épuisement des voies de recours internes.

b. Définition : La Commission a précisé que les recours internes dont fait mention l'article 56 de la Charte comprennent les « recours introduits devant les tribunaux d'ordre judiciaire », y compris toutes les possibilités d'appel. Si le plaignant n'a pas fait appel d'une décision dans les délais fixés par les lois, la Commission considère que la communication est irrecevable.

Cette exigence emporte deux considérations qui, avant d'être élucidées, seront précédées d'une jurisprudence de la Commission. Il s'agit de la communication - 221/98, Alfred B. Cudjoe C/Ghana.

Dans cette affaire, le requérant invoquait la résiliation abusive de son contrat de travail à l'ambassade du Ghana en Guinée. La Commission a estimé qu'il n'était pas suffisant que le requérant ait déposé une plainte devant la commission ghanéenne des droits de l'Homme. La saisine de cette instance non judiciaire aurait dû se prolonger par une action devant les tribunaux, et puisque cela n'avait pas été fait, la communication portée devant la Commission a été jugée irrecevable.

De ce fait, il se comprend donc que :

· La première considération est que les recours internes sont épuisés si tous les degrés de juridictions ont été utilisés dans le système national. Corollairement, si une affaire est portée devant les juridictions internes, et que la procédure est toujours en cours au moment de l'examen de la requête par la Cour, les recours internes ne sont pas épuisés.

· C'est au requérant de mettre à la disposition de la Cour toute information concernant l'épuisement des recours internes. Le requerrant à la charge de la preuve initiale, c'est-à-dire qu'il doit mettre à la disposition de la Cour les informations nécessaires pour prouver que les voies de recours internes ont été épuisées.(...).

D'un point de vue éminemment pratique, il est recommandé aux plaignants de toujours joindre aux requêtes les copies des décisions des juridictions nationales. (79(*))

En revanche, certains tempéraments ont été apportés à cette règle d'épuisement préalable des voies de recours internes.

c. Exceptions ou tempéraments à la règle de l'épuisement des voies de recours internes

Dans certains cas la commission a eu à déclarer recevables certaines requêtes même si les voies de recours n'ont pas été épuisées. En ce cas, elles ont été considérées comme inapplicables, indisponibles, inefficaces ou discrétionnaires et/ou inaccessibles.

Pour le Professeur Moïse CIFENDE, il est judicieux que ces tempéraments soient repartis en deux catégories. Dans une première, l'on retrouvera ce qu'il qualifie « tempéraments d'origine conventionnelle au principe de l'épuisement des voies de recours internes : la disponibilité et la diligence » (80(*)). Et dans une seconde, il convient de parler des tempéraments jurisprudentiels à la règle de l'épuisement des recours internes : inaccessibilité des victimes aux recours internes, inefficacité de ces recours, et absence d'obligation d'épuiser des voies de recours non juridictionnelles mieux, non ordinaires.

Lorsque la Cour Africaine considère que les recours internes sont inapplicables ou inefficaces (s'ils n'offrent pas des perspectives de réussite), indisponibles (lorsqu'ils ne peuvent être utilisés sans obstacle par le requérant) ou discrétionnaires, la condition de leur épuisement n'est plus nécessaire pour que la requête soit jugée recevable. La Commission s'est appuyée sur de nombreuses situations particulières pour recevoir sur ces fondements de multiples communications.

Ainsi, lorsque :

1) Les violations sont graves et massives : « La Commission n'a jamais considéré que la condition d'épuisement des voies de recours internes s'appliquait à la lettre lorsqu'il n'est ni pratique ni souhaitable que le plaignant saisisse les tribunaux nationaux dans le cas de chaque violation Cela est le cas dans les présentes communications étant donné l'ampleur et la diversité des violations des droits de l'Homme : ONGS C/Zaïre (1989 et 1993) ; Communication 18/88, El Hadj Boubacar Diawara c/Bénin ; Communication 135/94, Kenya Human Rights Commission c/Kenya, rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme c/Zambie.

2) L'Etat d'urgence entrave l'administration de la justice : Dans la Communication 129/94 Civil Liberties Organisation c/ Nigéria, le plaignant soutenait que l'application normale de la loi avait été rendue difficile à cause de l'état d'urgence décrété dans le pays. Du fait de la situation politique qui prévalait au Nigéria, la Commission a jugé recevable la communication estimant qu'en pareil cas, « la procédure de recours internes serait trop longue, mais qu'elle ne produirait aussi aucun résultat ».

3) L'existence de clauses dérogatoires empêche tout recours : Dans le cas de l'existence de clauses dérogatoires qui interdisent aux tribunaux d'examiner des décrets et des décisions de la branche exécutive, la Commission a considéré que ces clauses rendent les recours internes « inexistants, inefficaces ou illégaux ». C'était notamment le cas au Nigeria dans les années 1990, où le gouvernement militaire a adopté une série de clauses dérogatoires.

4) L'épuisement des recours internes n'est pas « logique » :

Le plaignant n'est pas obligé d'épuiser les recours internes quand cela ne paraît pas « logique ». Cela est le cas dans lequel la commission a considéré qu'un plaignant qui s'était évadé d'une prison du Ghana et réfugié en Côte d'Ivoire et qui prétendait que sa détention était illégale, n'avait pas, compte tenu de la nature de la plainte, à retourner dans son pays d'origine pour porter son cas devant les tribunaux ghanéens. Ainsi, la communication a été jugée recevable.

5) L'accès à la justice est inéquitable.

6) Les recours internes sont inefficaces ou inaccessibles :

Dans les affaires où la victime d'une violation des droits de l'Homme a été contrainte à fuir son pays, la Commission considère qu'elle n'est pas obligée d'épuiser les voies de recours internes. Dans la Communication Right International c/ Nigeria, un étudiant avait été arrêté et torturé dans un camp de détention militaire au Nigeria. La commission a estimé que « dans un cas particulier, la Commission a trouvé que l'étudiant était dans l'incapacité de faire usage d'une quelconque voie de recours interne, suite à sa fuite en République du Bénin par peur pour sa vie et de l'octroi du statut de réfugié par les Etats-Unis d'Amérique ». (81(*))

7) L'épuisement des recours non-judiciaires n'est pas nécessaire :

Selon la jurisprudence de la Commission, à savoir celle tirée de l'affaire Avocats sans frontières (pour le compte de Gaëtan Bwampanye) c. BURUNDI, le requérant n'est tenu d'épuiser que les recours juridictionnels, c'est-à-dire ceux qui lui sont offerts par la loi comme un droit et non comme un privilège de l'exécutif, et les recours ordinaires (82(*)).

6. Le requête est recevable si elle est portée à la connaissance de la Cour

dans un délai raisonnable

Aux termes de l'article 56 (6) de la Charte, la requête doit, pour être recevable, être introduite devant la Commission dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine. La Charte ne précise pas le délai contrairement au système européen qui oblige le requérant à agir, sous peine de forclusion, dans un délai de six mois, à partir de la date de la décision interne définitive. (83(*))

7. La requête ne doit pas concerner des cas déjà réglés par d'autres mécanismes internationaux pertinents ou par la Charte Africaine.

La règle vise à éviter des communications à répétition et la contrariété des jugements ou de décisions de diverses instances internationales de protection des droits de l'homme et des peuples. Elle vise également à ne pas ériger la Commission en censeur d'autres institutions internationales de protection. (84(*)) Ainsi la Communication 69/92 Amnesty international c/ Tunisie a été déclarée irrecevable par la Commission africaine, celle-ci étant déjà en cours d'examen conformément à l'article 1503 du règlement des Nations Unies. (85(*))

Ce principe repose sur les règles « Res judicata pro veritate accipitur » et « Non bis in idem ».

Après avoir rempli toutes les conditions susmentionnées, vient l'étape où le requérant s'interroge sur la manière et la forme dans laquelle ou sous laquelle la communication sera introduite devant la Cour. Ceci nous amène donc à parler de comment saisir la Cour ou mieux des conditions liées à la forme d'exercice de l'action.

§.3. Les conditions relatives à la forme de la communication

Pour saisir la Cour conformément aux articles 5.3 et 34 (6) du Protocole, la requête d'un individu ou d'une ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission Africaine doit réunir certains éléments. Le dossier dûment complété et à envoyer aux services de la Cour doit satisfaire aux exigences suivantes :

1. Remplir la fiche signalétique du plaignant (ONG ou individu)

Voici comment elle se présentera :

- Non / Organisation ..............................................................................

- Age / Statut légal..................................................................................

- Nationalité............................................................................................

- Fonction, Profession / Mandat...............................................................

- Adresse ...............................................................................................

- E-mail : ...............................................................................................

Et s'il y a plus d'un requérant (individu ou DNG qui saisit la Cour), donner pour chacun d'eux les renseignements requis. Indiquer aussi si le requérant souhaite que son identité ne soit pas révélée et si le requérant est représenté légalement. Dans ce cas, fournir à la Cour une procuration ou un pouvoir écrit. Enfin, indiquer, si le requérant est une ONG, la date d'obtention du statut d'observateur auprès de la Commission africaine.

2. Désigner l'Etat contre lequel la plainte est déposée.

A ce niveau, il faut s'assurer que l'Etat en question est partie au Protocole et qu'il a fait une déclaration au titre de l'article 34 (6) acceptant la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes des individus et des ONG.

3. Décrire la violation des droits de l'Homme alléguée.

Il est faite obligation au requérant d'expliquer avec autant de détails que possibles les faits dénoncés, en précisant avec minutie les circonstances, le lieu, l'heure et la date de la violation. A cet effet, il faudra s'assurer que la violation a été commise à une date postérieure au dépôt de l'instrument de ratification du Protocole par l'Etat mis en cause. Si les griefs portent sur plusieurs affaires distinctes, il convient de traiter chaque affaire séparément.

4. Préciser l'urgence de l'affaire : revient à préciser s'il y a des risques de pertes de vie ou de graves dommages physiques si l'affaire n'est pas traitée immédiatement. Préciser la nature de l'affaire et les raisons pour lesquelles elle nécessite une action immédiate de la part de la Cour se comprend au compte de cette autre obligation. En conséquence, ces éléments peuvent mener la Cour à prendre des mesures provisoires.

5. Indiquer les dispositions de la Charte Africaine (ou d'un autre instrument

des droits de l'Homme ratifié par l'Etat en cause) prétendument violées.

En revanche, si le requérant n'est pas sûr des articles spécifiques, il ne convient pas de le mentionner. Il ne s'agit pas d'une condition de recevabilité.

6. Donner les noms et titres des autorités qui auraient commis la

violation. Il conviendra, s'il s'agit d'une institution, de mentionner le nom de l'institution ainsi que celui de son responsable.

7. Préciser s'il y a des témoins.

S'il y en a, prendre soin d'indiquer les noms, adresses, et, si possible, les numéros de téléphone des témoins.

8. Fournir toutes pièces justificatives alléguées (pas d'originaux, seulement des copies)

Il est requis au demandeur de joindre, par exemple, des lettres, documents juridiques, photos, rapports d'autopsies, enregistrements, etc., qui peuvent prouver les violations.

9. Préciser les voies de recours internes exploitées.

A cet effet, indiquer notamment les tribunaux internes saisis en joignant à la requête des copies des arrêts et décisions etc.

10. Indiquer les voies de recours non-exploitées.

Expliquer pourquoi elles n'ont pas été utilisées, en se fondant sur les exceptions au principe d'épuisement des voies de recours internes, est une obligation qu'il faut remplir.

11. Préciser si d'autres organes internationaux sont saisis de l'affaire

Cette exigence emporte l'obligation d'indiquer si l'affaire a été soumise à un autre organe international des droits humains en précisant l'organe en question et le stade d'avancement du dossier.

12. Dater et signer.

En cas de saisine individuelle, le document doit être signé par le requérant ou son représentant. Et en cas de saisine par une ONG, le document doit être signé par une personne habitée à représenter l'organisation ou par son représentant.

En conclusion, attirons l'attention sur le fait que les éléments

ci-avant à fournir à la Cour peuvent fonder l'irrecevabilité de la requête.

Bien aussi, la fiche type, il convient de le signaler, se fonde sur le formulaire de dépôt des requêtes devant la Cour européenne des droits de l'Homme et reprend plusieurs éléments des « Lignes directrices pour la présentation de communications auprès de la Commission africaine ». Il est à préciser que cette même fiche peut être utilisée pour rédiger une communication individuelle à destination de la Commission africaine lorsque l'Etat mis en cause n'a pas ratifié le Protocole ou n'a pas fait la déclaration au titre de son article (34 (6) permettant une saisine directe de la Cour. Dans ce dernier cas, le requérant peut préciser aux commissaires sa volonté de voir son cas examiné par la Cour (86(*)).

Voilà, exposés les éléments importants en faveur de la recevabilité d'une requête. Il reste maintenant à savoir comment un procès se déroule devant la Cour africaine, étude qui fera l'objet de la Section suivante.

* 61 Kéba MBAYE, Op. Cit, p. 262

* 62 Jean-Soleil MULENGEZI M., L'Organisation et la compétence judiciaires, notes de cours, inédit, G1 Fac. Droit - UCB, 2003-2004

* 63 Article 3 du Protocole

* 64 SIDIKI KABA, Op.Cit, .sl, sd.

* 65 SIDIKI KABA, Op.Cit, sl, sd.

* 66 SIDIKI KABA, Op.Cit.

* 67 SIDIKI KABA, Op.Cit, sl, sd.

* 68 SIDIKI KABA, Op. Cit,sl, sd.

* 69 (Voir) Kéba MBAYE, Op.Cit., p. 261.

* 70 Les organisations intergouvernementales africaines, www.fidh.org , consulté le 13 mars 2008.

* 71 SIDIKI KABA, Op. Cit., sl, sd.

* 72 Malawi African association contre Mauritanie, 54/91 ; Amnesty international contre Mauritanie, 61/91 ; Mme Saar Diop, Union Interafricaine des droits de l'homme et RADDHO contre Mauritanie, 98/93 ; Collectif des veuves et ayants droits contre Mauritanie, 164/97 ; Association Mauritanienne des droits de l'homme contre Mauritanie, 210/98, 11 mai 2000, § 79, in Moise CIFENDE KACIKO, Op. Cit, p. 276

* 73 Moise CIFENDE KACIKO, Op.Cit, p. 275, 276, 277-278.

* 74 Communications 57/91 et 1/88

* 75 SIDIKI KABA, Op.Cit, sl, sd.

* 76 Moise CIFENDE KACIKO, Op.Cit., p. 282.

* 77Idem, p. 283.

* 78 Www.fidh.org, 13 mars 2008, 15 heures.

* 79 SIDIKI KABA, Op. Cit.

* 80 Moïse CIFENDE KACIKO, Op.Cit, p. 289, 292, 293, 302, 303

* 81 SIDIKI KABA, Op.Cit.

* 82 Moïse CIFENDE KACIKO, Op.Cit, p.303.

* 83 Article 35 de la convention européenne des droits de l'homme. Pour un commentaire de cette disposition cfr.

PETTITI, L-E, DECAUX, E., IMBERT, P-H., La convention européenne des droits de l'homme, commentaire article par article, 2e édition, Paris, Economica, 1999, p.591-620, cité par Moïse CIFENDE K., Op. Cit, p. 305.

* 84 Moïse CIFENDE KACIKO, Op.Cit, p. 307.

* 85 SIDIKI KABA, Op. Cit., sl, sd.

* 86 SIDIKI KABA, Op. Cit.

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