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Crise subprime et bourse régionale des valeurs mobilières de l'Afrique de l'Ouest

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par Demondji Mathieu GBAGUIDI
IAE Perpignan - Banque et assurance 2008
  

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2- PERCEPTION DES CAUSES DE LA CRISE DES SUBPRIMES DANS LA ZONE UÉMOA

La pérénisation des crédits subprimes ou crédits hypothécaies aux Etats-Unis est favorisée essentiellement par deux facteurs: la relative stabilité, entre 2004 et 2006, du taux directeur de la réserve fédérale, la banque centrale américaine et l'appréciation régulière du prix de l'immobilier dans plusieurs régions.

Comment évoluent ces deux facteurs dans la zone Uémoa en Afrique de l'Ouest?

Pour répondre à cette préoccupation, nous étudierons respectivement le système bancaire ouest africain et le marché de l'immobier dans la zone Uémoa

2-1 Le système bancaire ouest africain

Créée en 1962, la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest est la banque centrale de la zone Uémoa qui assure la politique monétaire dans les huits pays membres de l'Union. La monnaie utilisée dans cette zone économique est le franc CFA dont la signification a varié d'une époque à une autre et d'un espace géographique à un autre.

2-1-1 La zone Franc et l'arrimage du franc CFA sur l'Euro

Suite à leur indépendance, des pays d'Afrique occidentale et d'Afrique centrale ont manifesté leur volonté d'intégration régionale en constituant des unions monétaires, tout en adossant leurs monnaies communes à la monnaie de l'ancienne puissance coloniale. Sur le plan politique, ces unions réunissent des Etats dont la décolonisation n'a pas obéré les relations avec la France. A contrario, il n'est pas étonnant de relever l'absence de la Guinée Conakry5(*) dans ces unions ni de leur extension à des pays d'Afrique du Nord.

Depuis l'unification monétaire européenne, le franc CFA, monnaie unique de 14 Etats se trouvent adossé à l'euro, monnaie unique de la plupart des 27 Etats européens. Les Etats de la zone franc poursuivent des objectifs ambitieux. Pour toutes les Banques centrales de la zone franc, l'objectif principal poursuivi est la stabilité des prix. La politique monétaire de l'Eurosystème, définie par la Banque Centrale Européenne et appliquée par les Banques centrales nationales, est intégralement déterminée en fonction de cet objectif. Il constitue un dénominateur commun à toutes les Banques centrales nationales. Pour la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), il s'agit, également, d`oeuvrer afin d'accroître les réserves de change et pour la Banque des Etats d'Afrique Centrale (BEAC) de favoriser la croissance économique. La volonté de multilatéraliser les échanges et de libéraliser les mouvements de capitaux s'est traduite sur le plan institutionnel par une réglementation très stricte des relations monétaires au sein des deux unions monétaires africaines, Uémoa, Cémac6(*) et par une codification des relations entre ces Unions et les autorités françaises. L'instauration d'un véritable fédéralisme sur le plan monétaire est considérée comme un élément devant favoriser la convergence des pays concernés. L'adoption d'une monnaie unique dans l'Uémoa et dans la Cémac, rebaptisée tout en conservant le même acronyme CFA7(*) de celle naguère instaurée par l'ancienne puissance coloniale, témoigne de la volonté des Etats Africains indépendants de maintenir avec la France des liens certes modifiés mais étroits. Face à « l'impossible trinité », les pays de la zone franc ont adopté des changes fixes et l'intégration financière ce qui implique la liberté dans les transferts courants et dans les transferts de capitaux mais réduit leur autonomie quant à la détermination de leur politique monétaire. Dans cette optique, le dispositif institutionnel instaure une souveraineté monétaire partagée : les Banques centrales de l'Uémoa et de la Cémac devant verser 65%8(*) de leurs réserves de changes sur un compte d'opérations du trésor public français, lequel, en contrepartie, garantit la convertibilité illimitée des monnaies de la zone franc. Aujourd'hui, la Banque de France exige 50% des devises (avoirs extérieurs) pour garantir aux pays de l'Uémoa, la libre convertibilité du franc CFA. Ceci représente en 2006, près de 8000 milliards de franc CFA des avoirs en devises des pays africains détenus par la France9(*). Ainsi, en supposant que le revenu mensuel moyen par habitant est de 200.000FCFA, on peut affirmer sans se tromper que près de 40 millions d'Africains sont privés de revenus en 2006 alors que 8000 milliadrs de franc CFA sont stockés au trésor français accroissant ainsi la misère du peuple africain. L'ancrage monétaire du franc CFA au Franc français puis à l'euro à partir de 1999, implique une couverture minimale de 20% de la base monétaire (billets, réserves en monnaie centrale détenue par les banques commerciales et le trésor public) par des réserves de change. L'adossement au franc, puis à l'euro, était donc conçu pour ses vertus anti-inflationnistes et la gestion commune des réserves de change ainsi que la pratique d'un tarif extérieur commun marquent la solidarité, la volonté d'intégration des Etats appartenant à ces unions.

2-1-1-1 Instruments et politiques monétaires de la BCEAO

Le choix des instruments et la mise en oeuvre des politiques monétaires font apparaître les contraintes liées aux régimes des taux fixes. Les politiques monétaires ont pour objectif de maîtriser le refinancement en monnaie centrale des banques commerciales afin de contrôler leur pouvoir de création monétaire qui s'exerce à travers les crédits accordés aux agents non bancaires de l'économie. L'ancrage à l'euro du franc CFA n'implique pas l'adoption par les unions monétaires africaines des mêmes instruments de la politique monétaire, ni des taux directeurs de la BCE. Toutefois, leurs évolutions dans les unions monétaires africaines sont souvent corrélées, mais à un niveau nettement supérieur, à celles des taux de la BCE comme l'indique le graphique n°1 .

Sources : BCEAO, BCE. Et nos propres investigations, juin 2008

Alors que le taux directeur en 2001 de la BCE, était de 3,25%, la BCEAO affichait à la même année des taux largement supérieurs (6 et 6,5%). Entre 2004 et 2006, il est préférable d'emprunter sur le marché européen que celui de l'Uémoa. Ceci traduit le coût très élevé du crédit pratiqué par les banques commerciales dans la zone Uémoa. Pendant qu'un ménage européen, en 2004, déboursait en moyenne un peu plus de 2 euros pour un crédit de 100 euros, un ménage américain, 1 dollar pour 100 dollars USA10(*), le ménage ouest africain dépense en moyenne plus de 4,75 FCFA pour un crédit de 100FCFA. L'accès aux différents types de crédit (consommation, immobilier, rentrée scolaire) est relativement limité et réservé à des populations disposant de garanties solides (salariés dont la paie est domiciliée dans les banques et agriculteurs dont la récolte constitue une sûreté réelle). Le reste de la population doit recourir à l'autofinancement (lorsqu'il est possible) ou aux différentes formes de solidarité informelles (familiale, tontine). Cette situation empêche les ménages de réaliser certains besoins primaires tels que l'accès au logement. À titre d'exemple, la demande immobilière estimée à près de 125000 unités en Côte d'Ivoire n'est satisfaite qu'à hauteur de 3 000 unités par an11(*); ceci explique la surliquidité des banques ouest aficaines. On estime que 40%12(*) de l'épargne africaine est replacée dans les circuits extérieurs à l'Afrique. Dans l'ensemble de la zone Uémoa, le besoin s'accentue en raison des difficultés de gestion des organismes publics en charge de la viabilisation de la filière immobilière.

La politique monétaire de la BCEAO apparaît beaucoup plus stricte que celle de la BCE, ses taux directeurs étant nettement plus élevés que ceux qui sont pratiqués dans la zone Euro. Par contre, la BCE est beaucoup plus réactive, ayant modifié ses taux à 15 reprises entre janvier 2000 et octobre 2006, alors que la BCEAO n'a infléchi dans le même temps sa politique des taux qu'à 5 reprises. Au sein de la Communauté Economique et Monétaire des pays d'Afrique Centrale, la rigueur pratiquée par la BEAC est encore plus grande que celle affichée par la BCEAO : les taux des Appels d'offre de la BEAC sont pratiquement constamment supérieurs à ceux de la BCEAO. Compte tenu du choix d'un taux de change fixe par les deux unions monétaires africaines pour leurs monnaies ancrées à l'euro, les Banques centrales de ces entités maintiennent en permanence un différentiel d'intérêt positif par rapport aux taux directeurs pratiqués au sein de l'Eurosystème. C'est en quelque sorte la prime de risque à payer pour maintenir les flux de capitaux vers ces pays et limiter au maximum leurs sorties. Dès lors que la crédibilité des politiques mises en oeuvre par les Banques centrales et les gouvernements Africains sera renforcée, les marchés pourront accepter un moindre différentiel. C'est une situation à laquelle ont été confrontées les autorités françaises, notamment durant les quinze années précédent l'instauration de l'euro. Afin de maintenir un franc fort, la Banque de France modulait sa politique monétaire sur celle de la République Fédérale d'Allemagne et maintenait un différentiel d'intérêt positif par rapport aux taux pratiqués par la Bundesbank. Ainsi, la défense de la monnaie a t-elle un prix élevé?

Eu égard à l'importance des flux de capitaux, à d'éventuels mouvements erratiques affectant les placements, du fait de la libre convertibilité et transférabilité des capitaux, les Banques centrales des pays émergents doivent être particulièrement vigilantes pour défendre la parité de leur monnaie en régime de taux de changes fixes. Cela suppose que les politiques économiques de ces pays soient aisément modulables ce qui implique une flexibilité des programmes gouvernementaux donc des, budgets des Etats et des marchés du travail. Dans la lutte contre l'inflation, le marché intérieur constitue alors la variable adaptative. C'est toute l'ambiguïté d'une politique des taux d'intérêt : sur le plan interne, la croissance économique, la lutte contre le chômage nécessiteraient la baisse des taux d'intérêt afin que, eu égard à l'efficacité marginale du capital, les investissements soient favorisés alors que, relativement à l'extérieur, la défense de la monnaie passe par la pratique de taux élevés. C'est cette dernière politique qui l'emporte dès lors que la défense du taux de change est considérée comme prioritaire. D'aucuns, très critiques, ont évoqué le « triomphe de la pensée unique » conduisant à assurer la « défense de la monnaie contre l'emploi ». Ce sont ces répercussions internes que permet d'éviter le flottement des monnaies, surtout lorsqu'il n'est pas encadré. Il restaure certes l'autonomie des politiques économiques et monétaires nationales, du moins tant que la chute de la monnaie sur les marchés des changes ne propulse pas le prix des importations à des niveaux exorbitants. De plus, ce régime présente l'avantage de décourager la spéculation. Toutefois, des importations incompressibles, par exemple de matières premières, de pétrole dont les prix flambent sur les marchés internationaux sont encore renchéries par la faiblesse des monnaies nationales. La structure des échanges extérieurs représente donc une des variables à prendre en compte lors du choix d'un régime de change.

La volonté de brider la création monétaire a conduit les Etats africains de la zone franc à fixer un taux de couverture extérieur minimal de 20%, en d'autres termes 20% de la base monétaire doivent être couverts par des réserves de changes. En fait, les Banques centrales des unions monétaires africaines dépassent largement ce seuil. A fin décembre 2005, la couverture extérieure atteignait 120% dans l'Uémoa, 86% dans la Cémac13(*) mais, la libre transférabilité des capitaux, représentant un risque de retournement de tendances, fait toujours peser une épée de Damoclès sur les pays s'étant engagés à défendre la fixité de leurs taux de changes.

2-1-1-2 Les conséquences de l'arrimage du franc CFA sur l'euro dans la zone Uémoa.

L'inflation paraissait éradiquée en 2004 dans les unions monétaires africaines. Elle a certes redémarré fortement en 2005 et s'accentue en 2008. Les prix à la consommation ont flambé dans la Communauté Economique et Monétaire des Etats d'Afrique Centrale et surtout dans l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine mais le contraste est frappant avec le véritable dérapage des prix observé globalement dans les pays de l'Afrique Subsaharienne. Mais en 2006, il est à observer le contraire dans ces zones. Dans tous les cas, le taux d'inflation est moindre dans la zone franc que partout ailleurs en Afrique subsaharienne. Cette inflation moindre est d'abord le résultat de l'ancrage nominal des francs CFA à l'euro. Les pays de la zone franc bénéficient ainsi de la modération de l'inflation au sein de la zone euro, qui limite la hausse des prix des importations en provenance de la zone-ancre, et de la stabilité de leur monnaie, qui contribue à contenir le coût des importations, notamment énergétiques, venant du reste du monde. Cette corrélation se confirme en 2008 où le taux d'inflation dans la zone euro est de l'ordre de 3,3% en juin. On assiste systématiquement à la flambée des prix dans la zone Uémoa

Tableau n°1: Variation des prix à la consommation

Année

2004

2005

2006

Uémoa

0,5%

4,4%

2,3

Cémac

0,4%

2,9%

5,3

Afrique subsaharienne

9,8%

10,8%

11,8

Sources : FMI, Banques centrales (Rapport Zone franc-Banque de France-2005, 2006).

Sur le plan de la lutte contre l'inflation, il importe que le lien entre les trésors publics et les Banques centrales des pays Africains membres de la zone franc soient rompus, ce à quoi se sont engagées, en 1998, l'Uémoa et, en 2001, la Cémac. Contrairement à l'Union européenne, les pays de la zone franc n'en avaient pas fait une condition sine qua non à l'instauration de leur monnaie unique. Symboles de la « planche à billets », les avances statutaires aux trésors publics nationaux persistent, ce qui manifestement exerce une influence inflationniste, les dépassements des plafonds étant frappés de taux de pénalités. A noter que les pays en développement, et plus particulièrement l'Afrique dans son ensemble, ont réalisé une croissance, certes dans l'inflation, mais nettement supérieure à celle des pays africains dotés d'une monnaie unique. Toutefois, la crise alimentaire qui menace l'Afrique dans sa globalité n'est pas qu'un fait de la hausse des prix des matières premières et des produits alimentaires mais aussi due à la hausse sans cesse du prix du baril de pétrole car, la plupart des pays africains sont des importateurs nets de pétrole.

Tableau n°2: Croissance du PIB dans l'Uémoa

Année

2004

2005

2006

Uémoa

2,8

4,1

3,8

Cémac

6,9

3,7

3,2

Pays en développement

7,6

6,2

5,5

Dont l'Afrique

5,5

5,2

5, 3

Sources : FMI, Banques centrales (Rapport Zone franc-Banque de France-2005, 2006).

Des taux d'intérêt directeurs fort élevés entravent la croissance, les banques commerciales répercutant le coût de leur refinancement en monnaie centrale sur les taux d'intérêt débiteurs facturés à leur clientèle. Cependant, tout ne peut être ramené aux cours des monnaies et aux régimes de changes, même si la stabilité des taux de change favorise le commerce international des deux unions monétaires avec les pays de la monnaie-ancre, l'euro, et avec les pays tiers.

Indépendamment de ces facteurs monétaires, la croissance est tributaire des aléas de la production de l'agriculture vivrière et de rente, des activités industrielles et des cours internationaux. C'est l'exemple, des performances de la Cémac en 2004 où la croissance de son PIB est fortement liée aux fluctuations de la production de pétrole de cinq de ses Etats membres : Guinée Equatoriale, Gabon, Congo, Tchad, Cameroun. L'augmentation exceptionnelle de près de 25% de la production de pétrole dans la zone Cémac, en 2004, a donc propulsé son taux de croissance cette année là. A l'inverse, la croissance de l'Uémoa est affectée par sa dépendance énergétique et le renforcement de la facture des importations pétrolières. Le processus d'intégration des pays de la zone franc s'avère laborieux. C'est ce que constate le rapport de la Banque de France sur la zone franc en 2005, à propos des difficultés rencontrées par les pays de la zone franc pour respecter les critères de convergence de premier rang14(*) que ce soit dans l'Uémoa, ou dans la Cémac. A posteriori, les unions étant réalisées, la mise en oeuvre des politiques nécessaires pour assurer le respect des critères de convergence se trouve confrontée à bien des difficultés. Le président ivoirien Laurent Gbagbo n'a-t-il donc pas vu juste en déclarant: «L'intégration africaine, c'est un slogan vide, il faudrait qu'on le remplisse »15(*). Parlant de la monnaie, il souligne que c'est le socle de la circulation des marchandises en rappelant que, « il faut un véritable débat sur la monnaie et les infrastructures, c'est ça l'intégration ». Les infrastructures dont il s'agit, concernent, la politique énergétique de la zone Uémoa, les infrastructures routières, les chemins de fer, l'accès aux soins sanitaires, la politique éducative de l'union et le réseau de mobilisation des capitaux pour attirer les investissements.

2-1-2 Principales caractéristiques du réseau bancaire de l'Union

Le paysage bancaire , depuis 1990, dans la zone Uémoa a connu beaucoup de modifications et ceci, grâce à la libéralisation du secteur. Ainsi, après la crise des années 80, la plupart des banques étatiques, d'ailleurs en faillite, ont laissé place aux banques privées. En 1999, sept grands groupes étrangers ou régionaux dominaient le réseau bancaire de l'Uémoa à travers 39% des banques en exercice représentant un peu plus de 60% des bilans cumulés des banques de l'Uémoa16(*). L'environnement bancaire de la zone Uémoa fut donc caractérisé par un système bancaire qui regroupait en 2005, 92 banques et 22 établissements financiers en activité dont 12 banques et 2 établissements financiers au Bénin, 11 banques et 5 établissements financiers au Burkina Faso, 17 banques et 2 établissements en Côte-d'Ivoire, seulement 3 banques en Guinée Bissau, 12 banques et 4 établissements au Mali, 10 et 2 établissements financiers au Niger, 17 banques et 3 établissements financiers au Sénégal et, 10 banques et 4 établissements financiers Au Togo.

Au cours de l'année 2006, le réseau bancaire de l'Uémoa a poursuivi sa consolidation, à un rythme moins accéléré qu'en 2005. Le mouvement de diversification du paysage bancaire de l'Union s'est également maintenu, avec l'agrément d'une nouvelle banque spécialisée. Ainsi, quatre nouveaux agréments ont été accordés au cours de l'exercice 2006, à trois établissements bancaires et à un établissement financier, à travers la procédure d'installation par agrément unique. Parallèlement, les agréments de deux établissements financiers ont été retirés au cours de la période.

Le tableau n°3 ci-dessous illustre très bien cette évolution du réseau bancaire dans la zone Uémoa :

Tableau n°3: Répartition des établissements de crédit par pays dans la zone Uémoa

31/12/2005

31/12/2006

Pays

Banques

Ets financiers

Guichets*

Banques

Ets financiers

Guichets **

P1

P2

P1

P2

Bénin

12

2

45

0

12

1

44

0

Burfina

11

5

86

39

11

5

96

39

Côte d'Iv

17

2

154

1

18

2

155

1

Guinée B

3

0

6

0

4

0

7

0

Mali

12

4

67

1

12

4

67

1

Niger

10

2

28

0

10

2

28

0

Sénégal

17

3

146

1

18

4

174

1

Togo

10

4

82

2

10

3

81

2

UEMOA

92

22

614

44

95

21

652

44

NB: P1= guichets permanents P2= guichets périodiques * sur la base des arrêtés d'agréments ou retraits d'agréments

** Données provisoires

Source: BCEAO, rapport annuel 2006

Par pays, le réseau bancaire a été marqué par les évolutions ci-après :

- au Bénin, l'agrément a été retiré à Equipbail Bénin, à la suite de la fusion par absorption de cet établissement financier par Crédit Africain. Par ailleurs, les dirigeants ont décidé de modifier la dénomination sociale de la société absorbante, en Equipbail Bénin, avec une extension de ses activités à l'ensemble des catégories d'opérations réservées aux établissements financiers du premier groupe ;

- en Côte d'Ivoire, un agrément en qualité de banque a été accordé à la société Bridge Bank Group - Côte d'Ivoire (BBG-CI) ;

- en Guinée-Bissau, le Groupe Ecobank Transnational Incorporated (ETI), dans le cadre du renforcement de sa présence dans l'Uémoa, a ouvert sa huitième filiale, avec l'agrément accordé à Ecobank Guinée-Bissau ;

- au Sénégal, le nombre d'établissements de crédit s'est accru avec l'agrément de la Banque Régionale des Marchés (BRM) et l'autorisation accordée à la Société Africaine de Crédit Automobile (SAFCA) Côte d'ivoire, pour l'ouverture d'une succursale au Sénégal dans le cadre de la procédure d'agrément unique ;

- au Togo, le nombre d'établissements financiers a été ramené à trois , avec le retrait de l'agrément de la Société Togolaise de Crédit Automobile (STOCA), à sa demande.

Par ailleurs, la Commission Bancaire de l'Uémoa a, lors de sa session du 27 décembre 2006, donné un avis conforme favorable à la demande d'agrément, en qualité d'établissement financier, de la Société Financière de Garantie Interbancaire du Burkina (SOFIGIB).

Toutefois,le taux de bancarisation dans l'espace Uémoa est très faible et compris entre 3 et 7%17(*) alors qu'il avoisine 99% dans certains pays et se situe à 50 ou 60% dans les pays du Maghreb. En effet, bien que la représentation du réseau bancaire soit très inégale d'un pays à un autre avec des différences allant du simple au décuple, sur toute la zone, il y a en 2006, un guichet pour près de 103.448 habitants couvrant une superficie de 5029 km2 contre, un guichet pour 116.000 habitants pour 5917 km2, il ya sept ans en arrière. Implantées en majorité dans les grandes villes, les banques s'intéressent principalement aux entreprises et filiales des sociétés étrangères. La présence importante des banques étrangères pour la plupart françaises mais également belges, américaines et libyennes dans l'Union est à ce point illustratif.

Pour les chefs d'entreprise des différents pays de l'union interrogés dans le cadre des enquêtes sur le climat de l'investissement (ICA ou Investment Climate Assessment) de la Banque mondiale (2006), la contrainte financière est systématiquement citée parmi

les principaux goulets d'étranglement freinant leurs activités18(*). En l'absence de données des banques centrales, il est difficile d'avancer un taux de bancarisation des entreprises du secteur formel. Toutefois, une estimation indirecte peut être faite via le pourcentage de firmes ayant simplement une autorisation de découvert ou une ligne de crédit en cours : 27,5 % au Bénin, 43,4 % au Mali et 57,8 % au Sénégal (ICA, 2006). Dans quatre pays (Bénin, Mali, Niger et Sénégal), les chefs d'entreprise interrogés identifient précisément l'accès au financement et son coût comme deux contraintes majeures au développement de leur entreprise comme l'indique le graphique n°2. Ces contraintes d'accès aux ressources de financement sont souvent citées avant d'autres obstacles structurels tels que l'énergie, la fiscalité et les pratiques anticoncurrentielles. La contrainte financière est plus fortement ressentie par les chefs d'entreprise des pays membres (et africains en général) que dans les autres régions du monde. Ceci s'explique d'ailleurs par les conditions de banque appliquées par les établissements de crédit à leurs clients(voir annexes).

Graphique n°2: Part des chefs d'entreprises faisant des containtes financières, un obstacle majeur à leur activité

tinSource: Banque mondiale, 2006ep

Toutefois, elle est perçue avec une acuité variable selon la nationalité, le secteur d'activité et la taille de l'entreprise. Les contraintes d'accès au financement sont avant tout exacerbées pour les investisseurs locaux, les étrangers trouvant plus facilement des solutions (graphique 3).

Graphique n°3: La perception des contraintes financières selon la nationalité de l'entreprise

Source: Banque mondiale, 2006

Pour corriger cet état de choses, le Conseil des ministres de l'économie et des finances des pays membres de l'Uémoa ont demandé à la BCEAO de mettre en oeuvre les moyens et mesures pratiques pour atteindre un taux de bancarisation de 20% d'ici à 2010. En plus des aspects juridiques et institutionnels, les responsables de la banque centrale ont décidé de mener une vaste campagne de sensibilisation envers les populations de l'espace. Dans ce cadre il y a beaucoup de progrès à faire au plan juridique et des concertations impliquant toutes les structures bancaires ont été effectuées pour aboutir à des résultats consensuels. Selon les responsables de la BCEAO il y a plusieurs facteurs socio-économiques bloquant un taux important de bancarisation notamment la crise du système bancaire des années passées qui avait engendré une sérieuse perte de crédibilité, le faible revenu des populations, l'analphabétisme, la méconnaissance du système bancaire, l'éloignement des structures, les longues procédures, les coûts élevés de service et souvent aussi le manque d'information.

Quelles sont les conséquences, de la faible bancarisarion et l'inaccessibilité massive des ménages ouest africains aux crédits, sur l'immobilier en zone Uémoa?

2-2 Le marché de l'immobilier en zone Uémoa

La structure organisationnelle du marché de l'immobilier dépend des politiques de financement du logement, des acteurs présents sur ce marché et le prix de la pierre dans les différents pays de l'union.

2-2-1 Financement du logement en zone Uémoa

La polilique de financement du logement dans la zone Uémoa varie d'un pays membre à un autre. Très peu de stratégies nationales du logement sont conçues comme cadre de référence de la politique nationale en matière d'habitat dans les pays membres de l'union.

Au Mali par exemple, le manque de logement est considéré comme une dimension de la pauvreté dans le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté.

Dans la plupart des économies africaines, le système bancaire ne contribue que marginalement au financement du logement. En l'absence de moyens de financement adaptés, et notamment sans possibilité d'emprunts remboursables sur une longue période, les ménages urbains, à l'exception des plus aisés d'entre eux, sont condamnés à des conditions d'habitation difficiles : surpeuplement, exiguïté, précarité des constructions ou manque de confort et d'équipements sanitaires.

Parmi les facteurs qui s'opposent jusqu'ici au développement du crédit au logement, la difficulté d'adosser des prêts à long terme sur des ressources de durée équivalente est un obstacle majeur. Même s'il ne s'agit pas d'attendre du marché des capitaux qu'il finance la totalité des encours, les prêteurs potentiels refusent, à juste titre, d'immobiliser leurs bilans et de fixer des taux d'intérêt s'ils n'ont pas l'assurance de pouvoir se couvrir, si besoin est, contre les risques correspondants19(*). Des circuits de financement publics ont bien été créés pour pallier cette carence, mais ils s'accompagnent de coûts sociaux généralement élevés et contournent, plus qu'ils ne règlent, les contraintes qui affectent la collecte de ressources. Les difficultés de mobiliser celles-ci sur le marché des capitaux tiennent en partie à des problèmes d'échelle: base d'investisseurs trop étroits, infrastructures lacunaires, marché hypothécaire primaire n'ayant pas atteint une taille critique, coûts de transaction dissuasifs, etc.... Or l'existence d'une union monétaire et d'un marché financier régional est un atout considérable à cet égard. Il est important de capitaliser sur sa dimension, ainsi que sur l'existence d'un cadre juridique homogène, notamment en matière de droit des sûretés. Par ailleurs, comme le montrent de nombreuses expériences à travers le monde, la disponibilité pour les investisseurs d'instruments de placement sécurisés et à long terme garantis par des créances hypothécaires peut jouer un rôle moteur dans le développement du marché financier. Ainsi, dans le cadre de la promotion de l'habitat dans la zone Uémoa, il fut mis sur pieds dans chaque pays des banques spécialisées dans le financement du logement; c'est le cas de la banque de l'habitat dont l'objectif est de permettre aux ménages d'avoir accès aux capitaux nécessaires à la construction de leurs logements. Mais dans la réalité, seuls les plus aisés pouvant exhiber une garantie solide peuvent bénéficier d'un prêt; les ménages pauvres et vulnérables n'y parviennent pas.

Le graphique n°4 suivant, illustre très bien la situation d'octroi de crédits par ces banques au sein de l'Uémoa. Il ressort que très peu de demandes de crédit immobilier sont satisfaites dans la zone uémoa.

Source: Nos propres investigations, juin 2008

Par pays, la situation se présente comme suit:

Au Bénin, sur près de 110000 demandes de crédit immobilier formulées, seulement 1000 demandes sont satisfaites soit un taux de satisfaction de 0,9%. L'investissement immobilier institutionnel est quasi inexistant, le secteur bancaire encore trop frileux et renaissant de ses cendres depuis 1990. A Cotonou, « quand le bâtiment va... rien ne va ! »20(*). Le marché immobilier, avec son éclat actuel, devient un frein au développement local alors qu'il pourrait être au contraire un formidable levier. Ces dernières années, la production immobilière officielle s'est résumée à quelques opérations: la cité Vie Nouvelle, la cité Houéyiho21(*), les immeubles de l'OBSS, les lotissements de la Francophonie.

Ce tableau peu glorieux est dû à la rareté historique des crédits immobiliers. Les taux pratiqués par la défunte BBD (Banque Béninoise de Développement) étaient si élevés que peu de béninois pouvaient y avoir accès. La faillite du secteur bancaire étatique, liée entre autres à la mauvaise gestion, aux prêts de complaisance etc.., n'a non plus permis le développement des emprunts immobiliers. Suite à une douloureuse restructuration du secteur bancaire, entamée en 1990, de timides initiatives se mettent en place : l'Eco Bank a créé un système d'épargne logement, suivie de la Bank of Africa, de la Financial Bank et de la Continental Bank, pour ne citer que celles qui affichent une stratégie claire en faveur de l'immobilier destiné aux particuliers. Mais les conditions d'éligibilité aux prêts sont encore draconiennes (de lourdes garanties sont exigées par exemple). De fait, l'essentiel de la production immobilière est encore réalisé grâce à l'autofinancement.

Au Burkina, le taux de satisfaction de demande de crédit immobilier est de 1,73%; au Sénégal, il est estimé à 2,28%. La Côte d'Ivoire (2,4%) et le Mali (3,82%), sont les pays de l'union qui présentent un fort taux d'octroi des crédits immobiliers. En effet, le Mali, dans sa politique de logement, a créé l'office malien de l'habitat et des cadres institutionnels, juridiques et financiers pour favoriser l'accessibilité des maliens à la propriété immobilière. C'est alors qu'il a été créé en collaboration avec le Canada, le Fonds de Garantie Hypothécaire du Mali ( FGHM), qui en 4 années d'existence, a déjà procédé à l'émission de plus de 11 milliards d'engagements cumulés22(*). C'est un fonds agréé par la BCEAO en septembre 2000 dont la mission consiste à appuyer les banques et autres établissements financiers de leurs activités de crédit hypothécaire.

Le manque ou l'insuffisance de politiques de financement du logement ne peut rester sans conséquences sur le prix de l'immobilier dans les pays de l'union.

2-2-2 Le prix de l'immobilier en zone Uémoa

Le prix de l'immobilier, à l'instar du reste du monde, a connu une hausse rapide en Afrique de l'Ouest. En moins d'une décennie, le prix du logement s'est accru de près de 25% dans toute la zone Uémoa mais à un rythme moins accéléré qu'en zone euro (environ 65%) et aux Etats-Unis d'Amérique où le prix de l'immobilier a plus que doublé ( graphique n°5).

Source: Nos propres investigations, juin 200823(*)

Si au niveau Uémoa et en zone euro, l'évolution du prix du logement est en constante progression voire croissante entre 2000 et 2008, force est de constacter qu'aux Etats-Unis, le prix du logement , ayant connu des années de gloire, baisse au début de l'année 2007 pour s'établir en mars 2008 à un HIP=225. Ceci s'explique par les effets de la crise des subprimes survenue à la suite de l'insolvabilité des emprunteurs due à la dépréciation du prix de l'immobilier.

Dans la zone Uémoa, plusieurs disparités sont à noter au niveau du prix de l'immobilier dans chaque pays membres.

S'il y a un secteur de l'économie où les prix sont en constante hausse, c'est bien celui de l'immobilier. Sur toute l'étendue de la région de Dakar, la valeur de la pierre s'est accrue en raison d'une demande qui dépasse de très loin l'offre. Une tendance défavorable aux consommateurs puisqu'elle joue sur l'indice des prix affichés sur le marché de l'immobilier et entraîne surtout la spéculation foncière. Et les derniers chiffres des professionnels du secteur confirment la majoration du prix du mètre carré à Dakar en nette progression par rapport aux années précédentes. La raréfaction de l'offre est à l'origine de la hausse et la banlieue n'est pas en reste puisqu'elle n'est pas épargnée par cette fièvre de la pierre.

La demande immobilière n'a cessé de grimper ces dernières années, alimentée par une croissance démographique exceptionnelle. En effet, étendue sur une superficie de 550 km2, pour une population de près de deux millions d'habitants, Dakar demeure la région qui absorbe plus d'investissements dans le domaine de l'immobilier. Les chantiers sont certes sur une pente ascendante puisque ce sont 1700 permis de construire qui ont été délivrés par le service régional de l'Urbanisme au cours de l'année 2003-200424(*). Mais, les professionnels sont unanimes à reconnaître la faiblesse de l'offre. Ainsi, le marché de l'immobilier, maintenu sous pression de la demande, reste dynamique, en raison de la persistance de la pénurie de l'offre. Selon M. Thierno Kâne de l'office notarial Moustapha Ndiaye et Aïda25(*) , notaires associés, « le marché de l'immobilier est florissant au regard des transactions qui se font à une vitesse d'autant plus vertigineuse que les Sénégalais investissent beaucoup dans la pierre» . Ce qui explique la flambée des prix, dit-il, c'est que Dakar est dans une position spéciale du fait que c'est une presqu'île. Et il est reconnu, ajoute M. Kâne, partout dans le monde, que chaque fois qu'on est dans cette position géographique ou dans une île, les prix ont tendance à monter à cause du manque d'espace. « Cette situation est causée par l'éxiguïté de la capitale, ce qui fait que l'offre ne peut être satisfaite, car chacun veut avoir une maison dans la capitale, y compris les Sénégalais de l'extérieur », renchérit Dib Daou Guèye de l'agence immobilière Marega.

Si le mètre carré s'achète au Plateau( l'un des quartiers urbains de Dakar) entre 400.000 et 500.000 FCfa dans l'ancien, le neuf coûte entre 800.000 et 1.100.000 FCfa. Il se vend par contre aux Almadies entre 100.000 et 120.000 FCfa, au point E entre 90.000 et 100.000 FCfa, à la Liberté 6 et dans le secteur de la Voie de dégagement Nord (Vdn) entre 70.000 et 80.000 Fcfa. Donc, si par exemple un acquéreur veut payer un terrain de 15 m sur 15 qui mesure en réalité 300 mètres carrés au centre ville, il devrait débourser entre 120.000.000 et 150.000.000 millions de FCfa dans l'ancien et entre 240.000.000 et 330.000.000 millions de Fcfa dans le neuf. La banlieue n'est pas épargnée par cette tension des prix. Ces quartiers qui étaient, autrefois, honnis et méprisés par les consommateurs parce que considérés comme excentrés par rapport au centre ville connaissent aujourd'hui une hausse phénoménale des prix qui déjoue tous les pronostics. Et banalement, les parcelles qui étaient vendues à moins d'un million cinq cent mille francs Cfa, il y a quelques années, ont pratiquement atteint des proportions historiques de l'ordre de 7 à 15 millions de Fcfa.

Contrairement au Sénégal, à Bamako, le mètre carré dans les zones urbaines est estimé à 33.500F CFA ( ACI - AIS -mars 2006). À la périphérie de Cotonou, le foncier a longtemps été majoritairement détenu par les ruraux (chefs de villages, chefs coutumiers, chefs de famille...). Mais la multiplication des transactions dans les années 1980 a peu à peu transféré cette propriété aux citadins. Depuis, les mutations s'effectuent majoritairement entre citadins, par un processus de revente des biens acquis quelques années plus tôt. Cette évolution s'est répercutée sur la taille des parcelles vendues, en forte diminution, alors que les prix au m2 observent la tendance inverse. À Cotonou, le prix du terrain à bâtir dépend de plusieurs facteurs: la plus ou moins grande proximité des quartiers centraux; la relative rareté des terrains constructibles ; la présence ou non en zone inondable ; l'accessibilité du site, notamment en saison pluvieuse ; l'urgence des besoins du vendeur26(*)... Ainsi, le prix au mètre carré varie entre 3.000 et 30.000 F CFA. Au fil des années, cette valeur a considérablement évolué. A la périphérie de Cotonou, une parcelle de 600 m2 vendue à 150. 000 F CFA en 1974, vaut aujourd'hui 15.000.000 F CFA. Dans certains quartiers centraux ou ceux du péricentre aisé, la progression est encore plus spectaculaire : de 10.00000 à 25.000.000 F CFA sur la même période. Dans certains quartiers de Cotonu comme Saint-Michel, Cadjehoun ou Gbégamey, le prix des terrains à bâtir oscille entre 10 et 16 millions de F CFA. C'est donc en périphérie nord que les classes sociales modestes doivent reporter leur choix. Or, il faut compter en moyenne entre 3 et 5 millions de F CFA pour l'acquisition d'un terrain constructible à Godomey et calavi, rapporté au salaire minimum (27150 F CFA)27(*), il apparaît que cet espace est encore inaccessible à une large majorité de Cotonois. La solution revient donc à convoiter des zones périurbaines non loties. Ici, la régularisation du parcellaire, à travers les procédures de lotissement initiées par l'État, entraîne un renchérissement de 5 à 7 fois la valeur des terrains. Certains propriétaires modestes sont alors tentés par la revente de leur bien. Pour les autres, l'acquisition d'un terrain à bâtir n'est plus envisageable qu'au-delà de cette première couronne périurbaine, dans des espaces néo-ruraux (Akassato Sèmè-Pkodji...). On assiste donc à une substitution quasi constante de la population, avec un rejet de plus en plus important des couches sociales modestes au-delà des limites de la cité28(*). Le prix du foncier joue un rôle de filtre social, aux mailles si fines qu'il conduit à une stratification socio-spatiale importante : les types d'habitats à Cotonou ne sont que l'expression de cette forte ségrégation.

Au Burkina, le gouvernement corrige cet état de choses en initiant le programme 10.000 logements. Il consiste à faciliter l'accès aux populations à faibles revenus à la propriété immobilière. Mais ce programme ne concerne que les salariés du public et du privé.

Le prix de l'immobilier dans la zone Uémoa, ne cesse d'augmenter en dépit de la crise des subprimes qui a secoué le marché financier aux Etats-Unis et en Europe. Peut on donc affirmer que cette crise touche aussi le marché régional des valeurs mobilières de l'Afrique de l'Ouest?

Dans la partie à suivre, nous essayerons d'analyser les conséquences de la crise des subprimes sur ce marché.

2-3-Manifestation de la crise en Afrique de l'ouest

La consommation des ménages de la zone Uémoa présente un aspect contrasté. Le graphique n°6 ci-après traduit la proportion des dépenses des ménages notamment celles alimentaires dans leur budget entre janvier 2007 et janvier 2008.

A revenus constants et quantités de biens consommés constantes voire inférieures, les ménages des pays membres de l'Uémoa consacrent de plus en plus une grante partie de leur revenu à la consommation des biens alimentaires. Ceci s'explique par l'envolée des prix des produits alimentaires observée à la suite de la crise des subprimes.

Au Bénin par exemple, malgré les dispositions prises par le gouvernement, les prix ne cessent de grimper chaque jour. Le ménage béninois consacre en janvier 2008, 60% de son budget aux dépenses alimentaires contre 35% il y a un an. Quant au ménange burkinabé, il dépense en janvier 2008 70% contre 30%. Les dépenses alimentaires y occupent une grande proportion. La Côte d'Ivoire et le Sénégal demeurent les pays de l'union où la vie est très chère. Mais cette chèreté de la vie n'épargne aucun pays. Des manifestations, contre la vie chère, s'observent partout dans la zone Uémoa.

Graphique n°6: Dépenses alimentaires des ménages Uémoa dans le Budget

Source: Nos propres investigations à partir des données de la commission de l'Uémoa, juin 2008

La hausse des prix des produits alimentaires est due selon certains spécialites à la crise des subprimes et selon d'autres, à la production des biocarburants. En effet, le krach financier qui a éclaté durant le courant de l'été 2007 a conduit bon nombre de gros opérateurs boursiers à jeter leur dévolu sur de nouveaux produits pour tenter de se refaire une santé à la hauteur des formidables plus-values réalisées pendant des années en misant sur l'immobilier états-unien et ses dérivés titrisés (transformation des traites des petits accédants à la propriété en titres boursiers échangeables). L'éclatement de la bulle financière accumulée dans ce secteur débouche sur la recherche frénétique de valeurs capables de rapporter très vite, au moins aussi gros, pour pouvoir se renflouer. C'est ainsi que les regains de tensions sur la demande de matières premières devraient déboucher «au pire sur des hausses de cours de 10% à 20%», souligne l'économiste états-unien Richard Smith. Or, en un an, le prix du riz a triplé, celui du maïs a augmenté de presque 200%, le blé de plus de 50% et le baril de brut de plus de 90% (pour une demande d'or noir, soit dit au passage, qui n'a crû, elle, que de 1,5% sur la période). Il s'est ainsi formé de véritables bulles spéculatives sur le pétrole et d'autres produits de base. Une récente enquête, réalisée à la demande de parlementaires états-uniens, montre que plus de 71% des échanges sur le marché à terme du pétrole de New York (le Nymex) sont d'origine spéculative.

Les grandes banques centrales, loin de dissuader la spéculation, l'ont au contraire encouragée. Ce sont elles qui ont fourni aux opérateurs les moyens de «se refaire» sur les matières premières afin d'éponger à bon compte les pertes issues de l'immobilier en crise. Pour sauver les principaux acteurs du système et en particulier les plus gros établissements bancaires, impliqués à fond dans les subprimes, la Réserve fédérale des États-Unis et la Banque centrale européenne (BCE) ont en effet injecté, depuis août 2007, plus de 1000 milliards de dollars de liquidités sur les marchés.

La consommation des ménages, socle de la croissance étant donc sérieusement affectée, les entreprises tournent au ralenti car n'arrivent plus à écouler les biens et services produits pour réaliser de nouveaux investissement.

* 5 La Guinée est le seul pays à voter non au référendum de 1958 proposé par la France à ses colonies d'Afrique

* 6 Communauté économique et monétaire des Etats de l'Afrique centale regroupant la Centre Afrique, le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad.

* 7 CFA: Franc des Colonies Françaises d'Afrique né en 1945 est devenu , en 1958, franc de la Communauté Française d'Afrique puis l'acronyme, à la suite de l'indépendance des Etats africains, désigne, dans la zone Uémoa, franc de la communauté financière d'Afrique et franc de la coopération financière en Afrique Centrale dans la zone CEMAC.

* 8 65% des devises ( avoirs extérieurs) de la zone franc est exigé depuis 1973 par la Banque de France pour assurer la libre convertibilité du CFA; aujourd'hui, ce taux est passé à 50% dans la zone Uémoa et le sera en 2009 dans la zone Cémac

* 9 Agbohou, N., (2006), Le franc CFA et l'euro contre l'Afrique, éd. Solidarité mondiale, Paris.

* 10 Taux directeurs de la banque centrale américaine, la réserve fédérale en 2004

* 11 Mambé, R., (2005), La problématique du financement de l'habitat en Côte d'Ivoire, Séminaire sur le financement du logement en Afrique de l'Ouest, Bamako, 14 février

* 12 Hugon, P., (2006), Surliquidité et rentabilité du secteur bancaire face aux défaillances du financement du développement: le cas des trappes à sous développement économique et financier au sein de la Cémac, Paris X, Nanterre.

* 13 Banque de France , Rapport zone franc, 2005, 2006

* 14 Les critères de premier rang concernent la maîtrise des déficitsbudgétaires, de l'inflation et de la dette publique; ceux du second rang, l'évolution de la masse salariale, des investements publics, du déficit extérieur et des recettes fiscales.

* 15 Interview du président de la Côte d'Ivoire M. L. Gbagbo sur 3A Télésud, avril 2008

* 16 BCEAO, (1999), cité par Tanimoune, N., (2001), Impacts de la libéralisation financière sur l'intermédiation bancaire dans l'Uémoa: essai d'évaluation empirique sur données de pannel, Laboratoire d'Economie d'Orléans, Université d'Orléans

* 17 Www.rewmi.com, site officiel du journal rewmi, l'actualité sur le Sénégal, édition du 21 novembre 2007.

* 18 Bien que présentant des limites associées à la subjectivité des réponses et à la composition de l'échantillon, les enquêtes ICA permettent d'obtenir la vision des chefs d'entreprise sur les contraintes affectant le plus fortement le développement de leur activité. Elles permettent de dépasser un écueil fréquent des analyses des besoins de financement des entreprises, qui privilégient un traitement de la question du point de vue de l'offre (analyses des encours de crédits bancaires aux entreprises et des ratios de crédit au secteur privé/PIB). Toutes les analyses de ce paragraphe sur les conditions d'accès aux services financiers des entrepreneurs reposent sur les données issues de ces enquêtes

* 19 Séminaire sur le Financement du logement en Afrique de L'Ouest, Conférence Banque Mondiale, Conseil Regional de l'Epargne Publique et des Marchés Financiers, Groupe Agence Française de Developpement & Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest , Bamako, 14-16 février 2005.

* 20 Selon un adage national

* 21 Dénominations de certains quartiers de Cotonou

* 22 Selon les chiffres du FGHM en fin 2004.

* 23 A partir des données de la Commission de l'UEMOA et INS-Indices harmonisés des prix à la consommation, de la BCE et de la FED, mars 2008

* 24 Sénéportal, quotidien sénégalais, article sur la réflexion du marché immobilier Dakarois publié le 2 février 2005.

* 25 Sénéportal, Op Cit.

* 26 La vente d'un terrain répond souvent à un besoin urgent en trésorerie : un mariage, un enterrement, la rentrée des classes... sont autant de raisons qui contraignent les propriétaires ruraux à vendre plus ou moins rapidement leur bien.

* 27 En début de carrière, un cadre issu de l'Ecole Nationale d'Administration (ENA) perçoit dans la fonction publique un salaire de 85885 F CFA, contre 100000 F CFA dans le secteur privé. Tous les moyens sont alors bons pour augmenter ces revenus très bas, y compris les plus illégaux

* 28 Grisoni-Niaki, J.C., (1999), Dynamiques foncières et immobilières, Explosion urbaine et développement local , Cotonou, Bénin

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