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La permanence de la qualité d'associé

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par Inès KAMOUN
Faculté de Droit de Sfax - Mastère en droit des affaires 2006
  

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SECTION II : LE CONTROLE JUDICIAIRE DE L'EXCLUSION 

Une fois le principe de la validité de l'exclusion d'un associé admis, par les textes ou la jurisprudence, une question surgit qui est celle du contrôle judiciaire de sa mise en oeuvre. La gravité de l'exclusion implique, en effet, que l'associé visé par cette mesure bénéficie de garanties, dont l'application sera contrôlée par le juge466(*). A cet égard, un auteur a pu écrire que le contrôle judiciaire de l'application de l'exclusion apparaît « comme une facette impérative de l'intervention du juge dans la structure et le fonctionnement des sociétés »467(*).

Ainsi, la rigueur de ladite mesure est-elle tempérée par l'existence d'un recours judiciaire permettant à l'associé exclu de contester la décision d'exclusion prise à son encontre468(*). Par conséquent, les juges apportent à ce dernier une protection contre un éventuel arbitraire de la part de la société. La jurisprudence française est, à cet égard, bien établie469(*). Une telle protection est d'autant plus assurée que le contrôle judiciaire de l'exclusion est considéré comme étant d'ordre public, les statuts ne pouvant en aucun cas supprimer un tel contrôle470(*). Ainsi, nonobstant toute stipulation contraire, l'associé exclu a-t-il toujours le droit de demander en justice l'annulation de la mesure prononcée à son encontre471(*). Ce caractère d'ordre public a été affirmé par un arrêt de la Cour de cassation française en date du 21 octobre 1997472(*). Il paraît tout à fait justifié puisque l'exclusion porte atteinte au droit de l'associé de rester dans la société473(*).

Le juge saisi est amené à effectuer un contrôle sur la décision d'exclusion dont il convient de préciser l'étendue (sous-section 1). Une fois effectué, ledit contrôle pourrait aboutir à la réintégration de l'associé exclu au sein de la société (sous-section 2).

Sous-section 1 : L'étendue du contrôle 

La rigueur de la mesure d'exclusion est tempérée par l'existence d'un recours judiciaire qui permet au juge de contrôler aussi bien les motifs de l'exclusion que sa procédure. Afin d'éviter tout arbitraire de la part de la société, le juge doit, en effet, pouvoir contrôler tant les conditions de forme (paragraphe 1) que les conditions de fond (paragraphe 2) de l'exclusion.

Paragraphe 1 : Le contrôle de l'exclusion quant à la forme 

Les juges se voient reconnaître un pouvoir de contrôle de la procédure d'exclusion. Le juge saisi recherche, en effet, si les formalités de cette procédure sont régulières. Il s'agit de vérifier si ladite mesure a été prononcée par l'organe compétent (A). Il s'agit aussi de vérifier si le droit de la défense a été respecté (B).

A- L'organe compétent pour prononcer l'exclusion 

Lorsqu'un associé conteste la décision d'exclusion prononcée à son encontre, le juge saisi vérifie si ladite mesure a été prononcée par l'organe compétent474(*). Mais quel est l'organe compétent pour prononcer l'exclusion ?

Il est des cas où l'exclusion d'un associé est prononcée par le juge475(*). En dehors de ces cas, elle est prononcée par un organe social. A cet égard, la détermination de l'organe compétent dépend de la société en question.

Dans les sociétés à capital variable476(*), l'exclusion ne peut être prononcée que par l'assemblée générale par application de l'art. 407, al. 5 du C.S.C. aux termes duquel « il pourra être stipulé dans les statuts que l'assemblée générale477(*) aura le droit de décider, à la majorité fixée pour la modification des statuts478(*), que l'un ou plusieurs des associés cesseront de faire partie de la société ».

Dans les sociétés à capital fixe, l'organe compétent pour prononcer l'exclusion dépend de la forme sociale en question. Dans les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés de personnes et les sociétés en commandite par actions, l'exclusion doit être prononcée par l'assemblée des associés. En effet, dans les sociétés à responsabilité limitée, les noms des associés constituent l'une des mentions obligatoires des statuts conformément à l'art. 96 du C.S.C.479(*). Par conséquent, l'exclusion d'un associé s'analyse comme une modification statutaire. Elle doit donc être prononcée par l'assemblée générale extraordinaire par application de l'art. 131 du même Code. Dans les sociétés de personnes et les sociétés en commandite par actions, il semble que seul un organe collégial soit compétent afin de ne pas permettre au gérant d'exclure de lui-même un associé480(*). Dans les sociétés anonymes, deux hypothèses sont envisageables selon que l'exclusion entraîne ou non une modification des statuts. Si l'exclusion entraîne une modification des statuts481(*), elle doit être prononcée par l'assemblée générale extraordinaire puisqu'une telle modification relève de la compétence exclusive de celle-ci conformément à l'art. 291 du C.S.C.482(*). Si, au contraire, l'exclusion n'entraîne pas une modification des statuts, l'organe chargé de déclencher la procédure est celui indiqué dans les statuts. Il peut être indifféremment soit l'assemblée générale, soit le conseil d'administration ou le directoire. Dans le silence des statuts, cet organe ne peut être que l'assemblée générale483(*) puisqu'elle est l'organe de délibération de la société.

Cela dit, une question se pose de savoir si l'associé dont l'exclusion est envisagée peut prendre part au vote quand il est membre de l'organe compétent pour prononcer ladite mesure484(*). Selon la majorité de la doctrine, la réponse ne fait pas de doute : l'associé peut participer au vote portant sur sa propre exclusion485(*), s'il est membre de l'organe compétent486(*). Cette position ne peut être qu'approuvée puisque le droit de vote est unanimement reconnu comme étant d'ordre public487(*) et ne peut donc être supprimé en dehors des cas expressément prévus par la loi488(*). A cet égard, c'est seulement dans le cas de l'exécution en bourse489(*) que l'associé est privé de son droit de vote puisque l'art. 326 du C.S.C. dispose qu'« à l'expiration du délai fixé par l'alinéa premier de l'article 325 du présent code, les actions pour lesquelles les versements exigibles n'ont pas été effectués cessent de donner droit à l'accès et au vote dans les assemblées d'actionnaires et sont déduits pour le calcul du quorum ». Ainsi, l'associé dont l'exclusion est envisagée peut-il prendre part au vote lorsqu'il est membre de l'organe compétent pour prononcer ladite mesure. Qu'il soit ou non membre de cet organe, l'associé doit, dans tous les cas, pouvoir bénéficier du droit de la défense devant ledit organe.

* 466 Le contrôle judiciaire de l'exclusion constitue une garantie extrapatrimoniale à l'exclu.

* 467 Dominique VIDAL, Le contrôle judiciaire de l'exclusion d'un associé, Dr. soc., janvier 1998, p. 3.

* 468 Jean-Jacques DAIGRE, La perte de la qualité d'actionnaire, art. préc., p. 549.

* 469 Cass. com., 21 octobre 1997, RTD com. 1998, p. 169, note B. PETIT et Y. REINHARD ; Petites Affiches, 5 juin 1998, note L. GRYNBAUM ; Rev. soc. 1998, p. 99, note B. SAINTOURENS ; J.C.P., éd. G, 1998, II, 10047, note D. VELARDOCCHIO ; Dr. soc. janvier 1998, p. 10, note Th. BONNEAU.

* 470 V. en ce sens Christine CARREIRA, Diane HILTERMANN, Juliette FAUREL et Romain LEQUEUX, L'exclusion d'un associé, art. préc. ; Thierry BONNEAU, note sous Cass. com., 21 octobre 1997, préc.

* 471 Laurent GODON, Les obligations des associés, op. cit., p. 245, n° 381.

* 472 Cass. com., 21 octobre 1997, préc. En l'espèce, les statuts d'une société à capital variable comportaient une clause d'exclusion qui écartait tout contrôle judiciaire en dehors de celui qui doit consister à rechercher si les procedures de ladite mesure ont été respectées. La Cour de cassation française a jugé que malgré l'existence d'une telle clause, il appartient aux juges, quand ils en sont saisis, de verifier que l'exclusion n'est pas abusive. Bien que cette solution soit énoncée à propos d'une société à capital variable, elle a une portée générale. V. en ce sens Thierry BONNEAU, note sous Cass. com., 21 octobre 1997, préc.

* 473 V. Thierry BONNEAU, note sous Cass. com., 21 octobre 1997, préc.

* 474 La perfection de la décision d'exclusion exige, en outre, que soient respectées les conditions relatives à la régularité de la réunion de l'organe compétent, à peine de nullité de l'exclusion. Ainsi, le juge saisi vérifie-t-il si les règles de convocation et de délibération de l'organe compétent ont été respectées.

* 475 Sur l'exclusion judiciaire, V. supra p. 68 et s.

* 476 Sur l'exclusion d'un associé d'une société à capital variable, v. supra p. 46 et s.

* 477 L'art. 291 du C.S.C. dispose que « l'assemblée générale extraordinaire est seule habilitée à modifier toutes les dispositions des statuts. Toute clause contraire est nulle ». Ce même article ajoute que « les délibérations de l'assemblée générale ne sont considérées valables que si les actionnaires présents ou les représentants au droit de vote détiennent au moins sur première convocation, la moitié du capital et sur deuxième convocation le tiers du capital. A défaut de ce dernier quorum, le délai de la tenue de l'assemblée générale peut être prorogé à une date postérieure ne dépassant pas deux mois à partir de la date de la convocation ».

* 478  L'art. 291 du C.S.C. dispose, dans son al. 3, que l'assemblée générale extraordinaire « statue à la majorité des deux tiers des voix des actionnaires présents ou des représentants ayant droit au vote ». L'art. 400 du même code, applicable aux S.C.A., dispose en outre que « la modification des statuts exige, sauf clause contraire, l'accord de tous les commandités ».

* 479 L'art. 96 du C.S.C. dispose, dans son al. 2, que « l'acte constitutif doit comporter les mentions suivantes : 1) pour les personnes physiques : les noms, prénoms et état civil, domicile et nationalité et pour les personnes morales : la dénomination sociale, la nationalité et le siège social ».

* 480 Laurent GODON, Les obligations des associés, op., cit., p. 244, n° 378. V., dans le même sens, Sylvie DARIOSECQ et Nathalie METAIS, art. préc.

* 481 L'exclusion entraîne une modification des statuts si l'identité des associés y figure ou si elle a pour effet la réduction du capital social suite à l'annulation des droits sociaux de l'exclu.

* 482 L'art. 291 du C.S.C. dispose, dans son al. 1er, que « l'assemblée générale extraordinaire est seule habilitée à modifier toutes les dispositions des statuts. Toute clause contraire est nulle ». Selon l'art. 197 du même code, « le conseil d'administration ne peut empiéter sur les pouvoirs réservés par la loi aux assemblées générales des actionnaires ».

* 483 Il s'agit de l'assemblée générale ordinaire (A.G.O.) puisque celle-ci a une compétence de principe alors que l'assemblée générale extraordinaire a une compétence d'exception. Cette idée est clairement affirmée par l'art. 278 du C.S.C. qui dispose, dans son al. 1er, que « l'assemblée générale ordinaire prend toutes les décisions que celles relatives aux questions visées aux articles 291 à 295, aux articles 288 et 300 et aux articles 307 à 310 du présent code ». Sur l'A.G.O., v. au niveau de la doctrine Abderraouf YAICH, L'AGO annuelle dans les sociétés anonymes, éd. Raouf YAICH, Sfax, 2006.

* 484 La question du vote de l'associé lors de la mise en oeuvre de la clause d'exclusion est ici différente de celle relative au vote nécessaire à l'insertion de ladite clause en cours de vie sociale (Cette dernière question a déjà été analysée. V. supra p. 62). V. Laurent GODON, Les obligations des associés, op. cit., p. 244, n° 379.

* 485 V. pour un vote par un associé de sa propre exclusion, Orléans, 26 septembre 1989, Rev. soc. 1990, p. 644.

* 486 Jean-Jacques DAIGRE, La perte de la qualité d'actionnaire, art. préc., p. 548. V. cependant Laurent GODON, Les obligations des associés, op. cit., p. 244, n° 379 : « comme il paraît illusoire que l'associé que l'on cherche à écarter vote en faveur de sa propre expulsion, on peut s montrer défavorable à l'exigence d'un vote unanime pour la mise en oeuvre de la clause d'exclusion... La majorité semble donc suffire pour pouvoir prononcer l'exclusion d'un associé ».

* 487  Le droit de vote est reconnu comme étant d'ordre public. C'est une prérogative essentielle de l'associé que les statuts ne peuvent l'en priver. Il n'y a que la loi qui puisse autoriser de le priver de cette prérogative. L'art. 1844 du Code civil français prévoit expressément que tout associé a le droit de voter et les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions. V. en jurisprudence française Cass., 9 février 1999 (Château d'Yquem), Rev. soc. 1999, p. 81, note LE CANNU ; D. 2000, sommaires commentés, p. 231, note J.-C. HALLOUIN. V. également Jean-Jacques DAIGRE, La perte de la qualité d'actionnaire, art. préc., p. 548 ; Georges RIPERT et René ROBLOT, op. cit., p. 382.

* 488 La loi prévoit la suppression du droit de vote dans certaines hypothèses. V. les articles 173, 175, 202 du C.S.C. V. également les articles 15 et 19 de la loi portant réorganisation du marché financier, Loi n° 94-117 du 14 novembre 1994, J.O.R.T. n° 90 du 15 novembre 1994, p. 1970. Sur les cas de suppression du droit de vote en droit français, v. Georges RIPERT et René ROBLOT, op. cit., p. 382, n° 1607.

* 489 Sur l'exécution en bourse, v. supra p. 31 et s.

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