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Moyen terme aristotélicien et médiation dans les organisations

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par Guillaume RIVET
UFR Poitiers sciences Humaines et Arts - Master2 professionnel médiation dans les organisations 2008
  

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PARTIE III : Une pratique vertueuse

a- la parole

La pratique de la médiation a pour outil la parole. Rappelons que le médiateur est là pour servir dans un premier temps d'intervenant neutre grâce auquel la parole peut circuler sans que la séance dégénère en violence. Le conflit a en effet souvent réduit et détérioré la relation entre les parties au point que leurs échanges se résument parfois à une suite d'accusations mutuelles. La discussion entre les médiés est alors essentiellement destructrice et négative. En passant par la position neutre du médiateur, la parole est déviée de sa connotation agressive, elle est objectivée, reformulée, réorientée vers une perspective positive. L'art du médiateur est donc avant tout l'art de la formulation et du juste emploi des mots, sans lesquels la paix entre les parties est impossible. Ce point étant souvent développé ailleurs42(*), nous allons plutôt évoquer ici le processus qui permet de faire de la parole à la fois un moyen pour avoir un juste raisonnement dans le cas du syllogisme et pour permettre de relier socialement les individus dans le cas de la médiation. Il est donc important de faire le point sur la parole du médiateur en nous appuyant sur la rhétorique d'Aristote, attendu que le lien entre les deux est plus proche qu'il n'y paraît de prime abord.

Au commencement de la médiation, il y a le verbe. Par la reformulation des attentes et des reproches des médiés sont discernés les situations et les enjeux. La médiation est impossible sans la parole. De même, le syllogisme est une logique fondée sur la signification des mots : « Le syllogisme est un ëýãïò. Où nous conduit précisément ce mot si riche de signification et pour cela si délicat à interpréter ? Le ëýãïò, c'est la parole , suivant les contextes, toutes ses manifestations : c'est éventuellement tout ce qu'on dit, motou phrase, discours conversation. 'est aussi la faculté qui inspire la parole : la raison, et toutes ses oeuvres, distribuées selon les trois grands genres des opérations intellectuelles : concept,idée définition ; énoncé, opinion proposition ; explication,raisonnement discussion43(*) ». Le syllogisme n'est pas seulement un ensemble de règles logiques entre des concepts, il est aussi fondamentalement lié à la parole : « en définissant le genre du raisonnement comme émission signifiante par convention, c'est une oeuvre de raison qui est définie : la chose connue, en ce que sa connaissance sollicite transmission moyennant la parole, émission signifiante par convention, dont encore une fois elle devient l'homonyme44(*) ». Le syllogisme est donc la parole raisonnée par excellence.

Le médiateur dépasse grâce aux mots les opinions particulières et égocentrées, en ayant pour mission la détermination d'un bien commun. L'argumentation par laquelle il procède n'est pas pour autant un moule qui fond les âmes des individus. L'éloquence doit convaincre et non persuader, épanouir le libre arbitre des médiés et non l'asservir. Le médiateur doit pour cela avoir la volonté d'être éthique ; il doit en plus avoir des notions de psychologie afin de ne pas se méprendre sur ses propres intentions et sur celles des médiés. Nous avons vu que le caractère du médiateur l'aide considérablement dans cette tâche, aidé qu'il est de la connaissance des règles de déontologie. Il doit faire du cas par cas, en prenant compte du caractère singulier des individus et de leur subjectivité afin d'adopter le comportement le plus adapté aux personnes en conflit. La pratique du médiateur se rapproche donc de la définition que donne Aristote de la rhétorique, puisque cette dernière est définie comme la capacité de discerner dans chaque cas ce qui est potentiellement le plus persuasif45(*).

Syllogisme et éloquence sont d'ailleurs intimement liés, puisque la maîtrise des moyens de persuasion « est le fait de quelqu'un qui est capable de manier le syllogisme, de voir clair (theôrein) dans le domaine des caractères et des vertus ou [...] dans le domaine des passions, de voir quelle est chacune des passions, quelle est sa nature, d'où elle naît et comment46(*) ». Le domaine d'action du syllogisme s'étend donc au-delà de la méthodologie, il est l'attitude de la pensée qui se veut droite. La syllogistique est du reste une forme de rhétorique comme la rhétorique est une sorte de rejeton (paraphues) de la dialectique47(*). Il y a une sorte de parenté, en ce qui concerne le langage, entre pensée raisonnée et médiation : « L'intellect général est inséparable du langage, de la capacité de communication et de la façon dont chacun la met en oeuvre; et la médiation tend précisément à organiser ou mettre en scène l'usage du langage »48(*). La réorganisation du langage dans la pratique de la médiation débouche sur une concordance des intentions, grâce à un dépassement du clivage des opinions : « Le médiateur représente l'impératif social majeur de la dialectique entre le singulier et le collectif, et de sa représentation dans les formes symboliques. La société ne peut exister que si chacun de ses membres a conscience d'une relation dialectique nécessaire entre sa propre existence et l'existence de la communauté [...] La médiation fonde la dimension à la fois singulière et collective de notre appartenance et, au-delà, de notre citoyenneté49(*) ». Autrement-dit, la parole est pour la médiation un moyen de mettre en commun, de recréer du lien social. Comme le syllogisme, elle peut utiliser la technique de la parole pour persuader, mais elle s'en sert plus rarement pour atteindre une vérité. La recherche de la vérité est donc facultative et non prioritaire pour la médiation, alors qu'elle est l'objectif du syllogisme. Cela tient au fait que le syllogisme est un outil scientifique, tandis que la médiation est une pratique, ou plutôt une posture qui a vocation de rassembler les hommes.

De la liaison entre les termes nous pouvons donc passer, dans une certaine mesure, à la liaison entre les êtres. Ce qui est dans le syllogisme un rapport logique devient dans la médiation un rapprochement social. Dans les deux cas, la liaison ne peut se faire sans la parole. Nous allons donc pouvoir développer la nature de cet entre-deux médian.

* 42 Exemple : BRAULT Anne-Frédérique, La parole comme outil de médiation et de prévention pour le C.P.E dans les situations de violence scolaire, Mémoire professionnel : Conseiller principal d'éducation, Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Poitiers, Année 2002-2003, Directeur  de mémoire : Fabrice DEVANNE. http://pratiquesphilo.free.fr/contribu/contrib111.htm Consulté le 29 avril 2009.

* 43 Op. Cit., PELLETIER, p. 7.

* 44 Ibid., p. 11.

* 45 ARISTOTE, Rhétorique, présentation et traduction par Pierre CHIRON, Paris, GF Flammarion, 2007, Livre I, Chapitre, p. 124, (1355 b 26).

* 46 Ibid.,, p. 127, (1356 a 20).

* 47 Ibid., p. 127 (Livre 1, Chapitre.2, 25).

* 48 BOURDIN J.C., EON P., L'Idéal pratique de la médiation, p. 9

* 49 LAMIZET Bernard, La médiation culturelle, Paris, Editions l'Harmattan, 1999, p. 9.

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