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Les institutions financières internationales dans la transition des PECO

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par Francois Hurstel
Université Paris IV La Sorbonne - Master 2 - DEA 2007
  

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A/ Le début de l'aide

L'effondrement du communisme en Europe centrale et orientale a immédiatement été suivi par de fortes initiatives internationales soutenant le changement économique (et politique) dans la région.

Au cours du Sommet de l'Arche les 14, 15 et 16 juillet 1989 à Paris, les institutions internationales et nouveaux gouvernements de l'Est et du centre de l'Europe sont parvenus à des accords sur les objectifs économiques et politiques de la transition et sur ses grandes lignes stratégiques. C'est à l'occasion de ce sommet que fut décidé l'aide à la Pologne et à la Hongrie, déjà sur la voie de la réforme en juillet 1989, alors que l'URSS n'a pas encore été officiellement démantelée. Selon certains, le caractère novateur du Sommet de Paris dans les relations Est/Ouest constitue le point de départ de la chute de l'URSS. Peu de temps avant la fin du Sommet, Mikhaïl Gorbatchev adressa une lettre à François Mitterrand au contenu qui surprit tout les observateurs de l'époque. Le Premier Secrétaire du Parti Communiste en URSS y parlait de « nouvelle pensée politique », « d'harmonisation des processus économiques »,..., et invitait les participants au Sommet à le rencontrer. La réaction des 7 à cette lettre fut tout de même discrète, et personne n'osa se prononcer publiquement. Toujours est-il que les dirigeants occidentaux décidèrent d'aider la réforme en Pologne et en Hongrie « de manière concertée », avec des travaux de préparation réalisés par la Communauté Economique Européenne (CEE). La réforme sera précédée d'un soutien alimentaire pour ces deux pays, toujours sous le patronage de la CEE. Concernant l'URSS, c'est encore la CEE et son Président de Commission Jacques Delors qui était la plus adaptée pour rassurer les américains. Elle servira donc de cadre aux prochaines relations entre les pays capitalistes et l'URSS. L'initiative de l'aide revenant à la Communauté européenne, c'est également elle qui est naturellement choisie pour effectuer la coordination de l'aide sur les années à venir entre tous les donneurs multilatéraux. Nous verrons plus tard que ce rôle n'a malheureusement pas toujours pu être mené à bien. Toujours est-il qu'au lendemain du Sommet, l'implication de l'Ouest dans le processus de transition qui s'annonçait était officiellement lancé avec d'un point de vue générale, la création du Groupe des 24 chargé de diriger l'assistance du monde occidentale aux PECO et son instrument strictement européen, le programme PHARE, premier et principal outil de coopération financier et technique entre la CEE et les PECO (dans un premier temps seulement destiné à la Hongrie et à la Pologne). En théorie donc, l'aide aux PECO trouve son origine avec le Sommet de l'Arche, mais dans la pratique chaque IFI a élaboré son propre calendrier en traitant directement avec les gouvernements récipiendaires, sans toujours passer par la case CEE pourtant censée coordonner l'aide.

Dans la foulée de la mise en oeuvre du programme PHARE, dont le frère jumeau pour les pays de la CEI est le programme TACIS, Mitterrand propose de créer en décembre 1989 la première institution financière internationale post guerre froide, la BERD (Banque Européenne pour la reconstruction et le développement), opérationnelle à partir d'avril 1991. Son objectif premier était directement lié à la transition des PECO : la promotion des institutions démocratiques et de l'économie de marché au moyen de prêts et d'investissements (avec au moins 60% des fonds directement investis dans des entreprises déjà privatisées ou engagées dans le processus de privatisation).

En plus de ces deux institutions crées spécialement à l'attention des PECO, les autres IFI se sont également impliqués dans la région très rapidement. Ainsi, le FMI conclu un accord avec la Pologne dès le début du mois de février 1990, un mois après la libéralisation des prix. Au début de l'année 1990, les IFI étaient devenus des acteurs majeurs dans l'assistance à la transition des PECO, au même titre que les donneurs nationaux les plus actifs tels que l'Allemagne ou les Etats-Unis. En 1992, tous les PECO étaient devenus membres du FMI et de la Banque Mondiale et bénéficiaient d'aides de tous types que nous analyserons plus tard. Au début du processus, et donc aux prémices de l'aide, les montants engagés par les IFI se sont élevés à 26 milliards de dollars entre 1990 et 19947(*) (sur une base annuelle, le montant total a augmenté rapidement d'années en années). Le FMI et la Commission Européenne ont fourni environ les trois-quarts de l'ensemble des ressources multilatérales accordées aux PECO, la Banque Mondiale et la BERD, la quasi-totalité de ce qui reste. En ce qui concerne les pays bénéficiaires durant cette première phase de l'aide, la Pologne (36%), la Hongrie (18%) et la Tchécoslovaquie (12%), puis la République Tchèque et la Slovaquie, ont bénéficié de la plus grande partie.

B/ Quelle approche et quelle méthode pour réussir le volet économique de la transition ?

Dans un premier temps, les IFI, en consultation avec les gouvernements récipiendaires, n'ont pu éviter le grand débat sur l'approche à privilégier pour aider à réformer en profondeur les PECO, tant économiquement que politiquement. Les IFI qui ont toutes travaillé en proche collaboration avec les gouvernements ont pris part au débat qui a porté sur la méthode de transition à choisir. D'un point de vue générale d'abord, la première question portait sur la manière : fallait-il réformer rapidement et de manière brutale les PECO, ou au contraire, fallait-il opérer la transition en douceur ? Ces deux points de vue opposés avaient chacun leurs avantages et leurs inconvénients.

La première de ces approches risquait d'engendrer de nombreux phénomènes négatifs : tensions sociales, montée en flèche du chômage et de l'inflation, déclin du niveau de vie et de la production. Rien ne pouvait garantir que la seconde approche allait entraîner des conséquences moins néfastes mais cette dernière était plus facile à accepter pour la population. Ce débat fut à la hauteur des conséquences qu'il était susceptible d'entraîner ; intense et global. Il concernait tout le monde et dépassait les simples frontières de l'Europe centrale et orientale. Finalement, aucun des PECO n'a mit en place une politique découlant entièrement de l'une ou l'autre de ces approches. Si celle de la Pologne est traditionnellement considérée comme radicale, avec une thérapie de choc qui a été appliquée par Mazowiecki, caractérisée par une révolution politique intégrale sans précédent, et celle de la Hongrie plus gradualiste au contraire, tous les pays ont cherché dans la mesure du possible un juste milieu. En plus des contraintes intérieures, les PECO ont dû suivre les consignes strictes du Fonds monétaire internationale et de la Banque Mondiale afin de bénéficier de leurs aides. Des rencontres régulières eurent alors lieu entre les dirigeants afin de déterminer une ligne de conduite unique face aux conditions fixées par les instances économiques occidentales.

Cependant, ces rencontres, comme ces politiques générales sur l'approche à privilégier n'ont pas été les mêmes pour tous les PECO. L'approche économique prônée par les IFI et choisie par les PECO a été différente, à la fois selon les pays comme nous l'avons vu, mais surtout selon les aspects particuliers de la transition économique. Nombreux pays ayant décidé de faire leur transition de manière rapide ont privilégié des approches graduelles et lentes sur certains aspects particuliers de leur transition (c'est le cas de la Pologne par exemple), et vice-versa. Si nous reprenons les principaux éléments du processus8(*), à savoir libéralisation, stabilisation macroéconomique, restructuration et privatisation, réformes juridiques et institutionnelles, les approches ont souvent varié d'un aspect à l'autre en fonction des pays et, les conseils, en fonction des IFI.

Observons donc, parmi ces quatre grands aspects de la transition des PECO, les trois volets les plus économiques : libéralisation et stabilisation macroéconomique (à étudier ensemble), et les restructurations et privatisations. Concernant la libéralisation et la stabilisation macroéconomique, au début de la période, la majorité des économistes issus des IFI s'accordaient pour une approche radicale. Il fallait procéder rapidement. Ainsi, la transition a commencé par une libéralisation rapide des prix dans la plupart des économies, ce qui a entraîné une poussée immédiate de l'inflation (au départ, le taux d'inflation a atteint en moyenne 450% par année dans les PECO). En plus de cette poussée inflationniste soudaine, une autre conséquence de la libéralisation rapide des prix préconisée par les IFI a été la chute plus grave que prévu de la production. De nombreux experts envoyés par les IFI se sont penchés sur les causes de cette soudaine chute. Leurs études ont dans l'ensemble conclu que la « désorganisation » liée à des chocs tels que l'effondrement du CAEM a joué un rôle important. Concernant la production toujours, il y a eu de fortes disparités entre PECO et il a été difficile pour les IFI de donner des indications globales. Généralement, l'existence de « conditions initiales défavorables » pour expliquer ces différences ont été invoquées. En effet, au départ, les économies qui se sont engagées dans la transition présentaient des caractéristiques différentes, malgré un socle commun. Par exemple, les pays se distinguaient par leur aptitude à réorienter leurs échanges vers les économies de marché avancées, leur degré d'industrialisation, le rôle économique de leur secteur agricole, la scolarisation dans l'enseignement secondaire et le nombre d'années passées sous le régime communiste. Sans grande surprise, les pays où les conditions initiales étaient les plus défavorables étaient ceux qui ont connu les chutes de production les plus importantes. Dans ces constats, les IFI ont eu leur rôle à jouer, à travers leurs experts dépêchés sur place et leurs économistes.

Un autre élément primordial de la transition économique a été la privatisation. Sur cette aspect-là, les avis des IFI étaient partagés une nouvelle fois entre les tenants d'un transfert rapide des avoirs de l'Etat au secteur privé et ceux qui favorisaient une approche plus graduelle. Les avocats d'une privatisation rapide (République Tchèque par exemple) préconisaient l'élimination des propriétés de l'Etat par la redistribution ou restitution9(*). Le FMI a critiqué cette méthode de restitution, ralentissant inutilement la privatisation par son caractère compliqué. Les avantages d'une telle approche se situent dans l'équité. Les partisans de l'autre camp ont soutenu une réduction plus graduelle du secteur public. Ceux-là ont privilégié la privatisation des entreprises par la vente de leurs actifs (la Hongrie a adopté cette approche), préférablement à des personnes capables d'en améliorer le rendement, et qui donc avaient une certaine expérience de l'économie de marché. Selon le FMI, qui a plutôt soutenu cette méthode, le but initial était de vendre les actifs de l'Etat à des investisseurs externes, étant donné le développement insuffisant des marchés intérieurs des capitaux10(*). Trois types de gains étaient attendus : des revenus pour l'Etat, l'apport rapide de compétences extérieures et la probabilité d'une gestion extérieure plus efficace et expérimentée. Parmi les inconvénients de la méthode, les experts ont relevé l'inadéquation des marchés boursiers nationaux et l'absence de capitaux intérieurs. Par ailleurs, ne pouvant obtenir d'informations fiables sur les entreprises mises en vente, les investisseurs étrangers ne se sont pas montrés très intéressés dans un premier temps. En outre, cette méthode est coûteuse et lente. En conclusion, et selon le point de vue adopté à la fin de la décennie 1990, alors que les experts avaient suffisamment de recul, la privatisation rapide est considérée comme plus dangereuse. Cependant, il se peut toutefois que pour un historien, la question de la rapidité et de la méthode choisie ne se pose pas dans ces termes. Au rythme où elle s'est opérée depuis 1989 et continue de se faire encore aujourd'hui (la privatisation des grandes entreprises n'est pas encore terminée partout, contrairement à celle des petites, pratiquement faite dans tous les PECO), la privatisation sera presque terminé dans dix ans pour la plupart de ces pays, et un délai de dix ans pour une tâche aussi énorme sera certainement considéré comme très court.

Rejoignant cette question du rythme des privatisations, mais englobant davantage de facteurs, il y avait également la question de la méthode à suivre, au sens large. Nous avons vu que les partisans d'une approche lente et ceux d'une approche plus rapide avaient chacun leur méthode préférée : les premiers ont généralement mis en oeuvre la vente directe d'actifs et l'émission d'actions, alors que les seconds ont utilisé majoritairement la restitution ou redistribution. Cependant, tout comme aucun pays n'a suivi intégralement un des deux rythmes, aucun gouvernement ni IFI n'a privilégié systématiquement une méthode. En outre, la diversité des actifs de l'Etat a le plus souvent obligé les décideurs politiques et économiques a allié plusieurs méthodes de privatisations suivant le type de bien public. En plus des restitutions et des ventes directes, deux autres moyens ont été utilisés par les gouvernements souvent en accord avec les IFI.

Il y a d'abord le rachat de l'entreprise par ses cadres ou par ses salariés. Dans cette approche, les actions d'une entreprise sont vendues ou données à un groupe de ses cadres et autres employés. En plus d'être politiquement très populaire, elle est rapide et facile à appliquer. Un rachat bien structuré peut parfois être efficace, car les motivations des salariés et des propriétaires sont les mêmes. Néanmoins, l'expérience montre que ces rachats, souvent critiqués eux-aussi par les IFI, notamment la Banque Mondiale et ses experts dépêches en Pologne, présentent de vrais inconvénients. La cession de l'entreprise à des investisseurs internes entraîne souvent des coûts élevés sous forme d'inefficacité d'exploitation et de gestion. Par ailleurs, le processus peut se révéler inéquitable. Les actions des entreprises gérées par leur personnel ont montré qu'il leur arrivait d'accorder des hausses de salaires excessives, de maintenir un niveau d'emploi trop élevé et de ne pas suffisamment investir. Dans toutes les économies en transition, au-delà même des PECO, les investisseurs internes n'ont parfois pas les compétences nécessaires pour opérer dans un contexte d'économie de marché dont ils n'ont aucune expérience. En dépit de ces faiblesses, de nombreux PECO ont popularisé cette méthode dont la Pologne, la Roumanie ou encore la Slovaquie.

La privatisation en masse est une autre méthode qui a été utilisée. Dans ce cas, par le biais d'émissions de coupons, et par égalité d'accès, l'Etat distribue généralement à titre gratuit, ou contre versement d'une somme modique, des coupons qui peuvent être utilisés pour acheter des actions dans des entreprises. Cette méthode est apparue avec la transition des PECO. Elle a été peu populaire, hormis en République Tchèque et dans les petites ex-républiques de la Yougoslavie et de l'URSS. L'avantage de cette méthode est qu'elle résolvait le problème de la pénurie de capitaux intérieurs sans toutefois céder les actifs nationaux à des investisseurs étrangers, comme c'était le cas avec la simple vente directe. Comme son nom l'indique, la privatisation en masse est aussi un moyen simple et rapide d'achever l'application de vastes programmes de privatisation à l'échelle de l'économie toute entière. Cette méthode a toutefois des inconvénients. Le principal risque est que la dispersion du capital s'accompagne d'un manque de focalisation sur l'efficacité de gestion et du pouvoir nécessaire pour l'assurer. Cela peut faire fuir les nouveaux investisseurs potentiels. En effet, il était impossible de contrôler de manière suffisante tous les nouveaux « petits actionnaires ». Dans la pratique, ces problèmes ont été en partie résolus par le regroupement des intérêts dans des sociétés d'investissement ou des fonds communs de placement. Cependant, ces derniers ne disposaient pas toujours des pouvoirs nécessaires pour assurer une gestion, un contrôle et une surveillance adéquats, et la direction des entreprises pouvait les priver d'informations essentielles.

Maintenant que nous avons vu les différentes approches et méthodes du volet économique de la transition d'un point de vue théorique, et les avis des IFI sur ce sujet, penchons-nous sur une approche particulière de la privatisation dans la transition, l'éducation.

* 7 Chiffres communiqués par la BERD. Selon le rapport de T. Zoehout, Financing Eastern's Europe Capital Requirements, le chiffre, entre juillet 1989 et 1993 s'élève, pour les IFI, à 20 milliards de dollars précisément.

* 8 Voir page 8 pour la définition de chaque élément.

* 9 Selon la définition du FMI, « il s'agit pour l'Etat de restituer aux agents du secteur privé qui en étaient les propriétaires, des actifs qu'il s'est approprié à la suite d'une action considérée comme injuste. Si pour ses partisans, cette méthode est essentielle pour des raisons éthiques, ses adversaires soutiennent que ce processus est nécessairement sélectif ».

* 10 Le fait que les IFI, et particulièrement le FMI, aient soutenu cette méthode leur a coûté de nombreux questionnements sur leur impartialité politique vis-à-vis de l'Ouest. En effet, privilégiant les investisseurs étrangers, et donc occidentaux, cette méthode n'a jamais été très populaire dans certains cercles conservateurs de l'Est, lesquels voyaient avant tout dans les IFI présentes sur place des défenseurs des intérêts financiers occidentaux (voir sur ce sujet l'article de Marie Lavigne, L'intégration des pays d'Europe centrale dans l'économie mondiale : régionalisation et mondialisation, 1999).

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand