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Enjeux énergétiques et logiques sécuritaires: une analyse du déploiement américain dans le golfe de Guinée

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par Gen-serbé SINIKI
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Gouvernance et Politiques Publiques 2010
  

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Paragraphe 2. Les initiatives sous-régionales ou comment la sécurisation

convoque la « gouvernance collective »

Pour faire face aux enjeux sous-régionaux et afin de répondre toujours à leurs logiques sécuritaires, les Etats du golfe de Guinée optent aussi pour une sécurisation collective.

A. La question de la coopération sous-régionale et les limites de la CGG

La création d'une entité régionale rassemblant les pays producteurs est un atout pour consolider leur poids sur la scene internationale. Cette coopération apparaît d'autant plus importante qu'elle permet aux différents pays riverains de créer des mécanismes nécessaires pour mieux profiter des énormes rentes de la vente du pétrole et d'établir des projets de développement favorisés par l'affluence massive de capitaux étrangers. Elle pourrait, en outre, permettre aux producteurs de négocier l'octroi de nouvelles concessions contre une réduction, voire une annulation de leurs dettes extérieures. De plus, l'augmentation récente du prix du baril pousse les Africains à renforcer leur coopération régionale pour profiter de la manne pétrolière et revitaliser l'Association des producteurs de pétrole africains.

La problématique d'un regroupement des Etats du golfe de Guinée ne date pas d'aujourd'hui. Selon de Albert Didier Ogoulat174, à quelques exceptions près, tous les Etats du golfe de Guinée ont oeuvré, dès 1972 à Yaoundé, au Cameroun, à la mise au point de la vision africaine du droit de la mer. Ayant signé l'acte final de la Convention de Montego Bay, ils ont, depuis 1983, presque tous ratifié ladite Convention entrée en vigueur en novembre 1994. Au plan sous-régional, ces Etats sont tous membres, au moins depuis 1975, de l'OMAOC (Organisation Maritime pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre) qui se préoccupe de l'harmonisation des politiques maritimes pour les pays de la range maritime atlantique centreorientale.

Entre temps, les enjeux énergétiques ont considérablement évolué. De ce fait, les pays riverains du golfe de Guinée se sont déjà dotés d'un instrument plus spécialisé de coopération, la commission du golfe de Guinée dont le rôle consiste à étudier les voies et moyens susceptibles de préserver la paix, la sécurité et la stabilité dans cet espace, d'instaurer un climat de confiance et de compréhension, de coordonner et d'intensifier leur coopération et de prévenir d'éventuels conflits. Il s'agit pour eux de défendre leurs intérêts communs, de surmonter les conflits éventuels sur la délimitation des eaux territoriales et de préserver la paix. « Des progrès ont été réalisés dans le cadre de ce nouveau mécanisme mis à contribution pour

174 Albert Didier OGOULAT, op. cit, p.10.

la résolution de conflits frontaliers entre le Congo et l'Angola ou Saõ Tomé et Principe contre le Nigeria»175.

Des difficultés subsistent, en ce moment, sur l'effectivité des programmes de cette commission. Plusieurs obstacles se posent: les différends frontaliers entre Etats, les conflits internes, le leadership sous-régional, la jeunesse relative de l'institution. Depuis sa création, la commission n'a pas véritablement fait fonctionner ses institutions. Le but du sommet de Luanda du 25 novembre 2008 était de rendre opérationnel ces institutions, à travers les textes statutaires et la mise en place d'un nouveau secrétariat exécutif, chargé d'harmoniser l'action de la commission avec les autres organisations sous-régionales, notamment en matière de sécurité176. Il n'en demeure pas moins que l'existence d'autres organisations sous-régionales dans le même espace géographique peut concourir à confondre les politiques de sécurisation. A défaut, chaque organisation c'est à dire CEEAC et la CEDEAO travaille dans l'espace relevant de sa compétence.

B. Les mécanismes et instruments sous-régionaux de sécurisation : la CEEAC et la

CEDEAO au service de la CGG

La CGG, n'ayant pas de mécanismes spécifiques, se base pour le moment sur les instruments et mécanismes de la CEDEAO177 et de la CEEAC. La CEEAC a un rôle institutionnel dans la sécurisation du golfe de Guinée. Sa feuille de route sur les questions de paix et sécurité révèle qu'elle « doit renforcer sa capacité de mener des actions multidimensionnelles de préservation et de sécurisation du Golfe de Guinée aux fins de l'exploitation pacifique et durable de ses ressources, en collaboration avec d'autres acteurs de la sous-région »178.

La CEEAC a créé, en 1999, un Conseil de paix et de sécurité de l'Afrique centrale (COPAX) qui a pour mandat de prévenir et résoudre les conflits et de mener les actions nécessaires à la consolidation de la paix et de la sécurité. Le COPAX est l'organe de concertation politique et sécuritaire des États membres. De même que le Protocole du CPS, le Protocole relatif au COPAX marque une mutation normative à l'échelle de la région en

175 Etanislas NGODI et Mathias-Eric OWONA NGUINI « Le pétrole off-shore comme ressource stratégique en Afrique centrale : une richesse au coeur des tensions frontalières et des appétits », in Enjeux, n°26, Mars 2006, p.12.

176 Il s'agit du deuxième sommet de Chefs d'Etat après 2001.

177 Le seul Etat de l'Afrique de l'Ouest qui appartient à la Commission du golfe de Guinée est le Nigéria. Fondamentalement les mécanismes de la CEDEAO ne visent pas expressément la sécurisation de la région. Mais puisque le golfe de Guinée dépasse le cadre des Etats reconnus comme membres de la commission, les mécanismes de la CEDEAO lui profitent par défaut.

178 CEEAC, Feuille de route« paix et sécurité » de la CEEAC, Pour discussion au séminaire Afrique Centrale, PIR 10ème FED, Bruxelles, du 30 septembre au1er octobre 2009, p.12.

intégrant comme principes la protection des droits et libertés fondamentales et de la légalité institutionnelle dans chaque Etat. Le COPAX est compétent pour traiter aussi bien des conflits interétatiques que des conflits internes. Il est appuyé par une structure de préparation des décisions, la Commission de défense et de sécurité (CDS)179.

Par ailleurs, notons que le Protocole du COPAX prévoit la mise en place d'un Mécanisme d'alerte rapide de l'Afrique centrale (MARAC) chargé d'informer et d'alerter les instances décisionnelles aux fins de la prévention des crises, ainsi que l'établissement d'une Force multinationale de l'Afrique centrale (FOMAC) capable d'appuyer l'action politique et diplomatique de la Communauté par des déploiements de terrain. Le MARAC fait partie intégrante du Système Continental d'Alerte Précoce (SCAP) avec lequel il doit être capable d'interagir de manière dynamique. La FOMAC s'inscrit dans le cadre de la Force Africaine en Attente (FAA). Ainsi, la première brigade régionale est-elle l'un des cinq piliers de la FAA tels que conçus par les Feuilles de route successives de l'UA (2005, 2008)180. Ses objectifs de capacité qualitatifs et quantitatifs, procédures, doctrines, etc. sont définis dans le cadre des travaux effectués au niveau continental afin de lui permettre d'être pleinement interopérable avec les brigades mises en place par les autres CER.

S'agissant de la CEDEAO, les initiatives en matière de sécurité commune sont plus anciennes. En effet, trois ans après la création de l'organisation à l'initiative du Nigéria et du Togo, a été signé un Protocole de non-agression, lors du Sommet de Lagos en août 1978, qui prescrit aux États membres de « s'abstenir de menace et d'usage de force ou d'agression »181 les uns envers les autres et prévoyant que « toute dispute qui ne peut être réglée de manière pacifique entre les États membres sera soumise à un comité de la Communauté »182. Ensuite, un Protocole concernant l'Aide Mutuelle à la Défense (PAMD) a été signé par treize des seize Etats membres de la Communauté à Freetown en Sierra Leone le 29 mai 1981 et entré en vigueur cinq ans plus tard. Le PAMD engage les Etats membres de la CEDEAO par un traité collectif de défense qui accepte qu'une menace armée ou une agression contre l'un des Etats constitue une menace ou agression contre la Communauté et s'engage à donner une aide et une assistance mutuelle pour la défense. Le Protocole prévoit une réaction collective dans le cas

179 Idem, p.4.

180 Ibidem.

181 CEDEAO, Protocole de non-agression de la CEDEAO, août 1978, p.3.

182 Ibidem.

où un Etat membre est victime d'un conflit armé intérieur. Dans ce cadre sont aussi créées les Forces Armées Alliées de la Communauté (FAAC).

Le 10 décembre 1999 a été adopté un Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de la paix et de la sécurité dans la sousrégion. En mai 2000, à Monrovia a été lancé le Conseil de Sécurité et de Médiation du Mécanisme, qui peut autoriser toute forme d'intervention, y compris la décision de déployer des missions politiques et militaires, informer les Nations unies et l'Union africaine de ses décisions, fournir et réviser les mandats et nommer les commandants des forces. Le Conseil supervise les activités de plusieurs organismes. La Commission pour la Défense et la Sécurité qui a pour activités d'examiner toutes les questions techniques et administratives et d'estimer les besoins logistiques pour les opérations de maintien de la paix. Le Conseil des Sages, nommé par le Secrétaire exécutif pour promouvoir une diplomatie de prévention dans la région. Le Centre d'Observation et de Contrôle d'Alerte Précoce qui est le coeur du Mécanisme d'Alerte Précoce de la CEDEAO avec quatre zones d'observation et de contrôle dans la sous-région. Enfin, on a l'ECOMOG183 qui est le groupe de contrôle de la CEDEAO.

A mettre les mécanismes de la CEEAC aux côtés de ceux de la CEDEAO, on se retrouve devant des nombreux mécanismes dont les rôles se confondent. On dira comme Chantal Belomo que « sur le plan pratique, la pléthore d'institutions de défense énonce l'aporie de leur cohérence »184. Elle souligne d'ailleurs que la paix et la sécurité que tentent de construire les mécanismes régionaux et sous-régionaux souffrent de la faiblesse du régionalisme et du multilatéralisme. Cette faiblesse est due à la construction autoritaire, hégémonique des systèmes étatiques, au repli, aux égoïsmes nationaux et au refus de l'émergence des hommes charismatiques sur le plan régional. Ce d'autant plus que la construction d'une ou de plusieurs puissance(s) continentales pourrait opérer un « checks and balances » et obstruerait à cet effet les ambitions de projection des grandes puissances, ce qui par ailleurs est aux antipodes de leur politique de domination185.

La solution viendrait peut être des mesures nouvelles. Pour prévenir les conflits liés aux ressources naturelles en Afrique centrale, Joseph Vincent Ntuda Ebode recommande par exemple la détermination et la délimitation des frontières non encore précisées. Ensuite, souligne-t-il qu'il serait intéressant de mettre en oeuvre une évaluation aussi précise

183 L'ECOMOG s'est illustré dans des nombreux conflits en Afrique de l'Ouest (Libéria, Sierra-Leone, GuinéeBissau, Côte-d'Ivoire).

184 Pélagie Chantal BELOMO ESSONO, op. cit., P.218.

185 Ibidem.

que possible des superficies et des quantités de ressources naturelles en jeu dans les zones transfrontalières. Aussi, conviendra-t-il de ne pas oublier l'examen des leçons d'expériences positives, en Afrique centrale et au-delà, de gestion commune transfrontalières des ressources naturelles et l'implication de tous les acteurs locaux qui ont un intérêt premier à une exploitation économiquement et écologiquement équilibrée des ressources naturelles des régions qu'ils habitent186. Une telle solution peut être étendue au golfe de Guinée.

C. La coopération sécuritaire internationale comme solution aux apories des initiatives

sous régionales : l'entrée en jeu des Etats-Unis

Les Etats du golfe de Guinée peuvent miser sur les coopérations qu'ils développent avec des partenaires, les grandes puissances notamment. Cette option permet aux Etats de la région de bénéficier des moyens colossaux dont disposent les grandes puissances. A part la France présente historiquement dans cette zone, les Etats-Unis proposent une aide dans ce sens. Ainsi, des sources officielles américaines, le Commandement pour l'Afrique est un état majeur avec la responsabilité de coordonner et de gérer des programmes qui permettra aux gouvernements africains et aux organisations régionaux, tels que l'African Standby Force, d'avoir des plus grandes capacités sécuritaires et de pouvoir répondre en période du besoin. Le Commandement pour l'Afrique continuera les activités de coopération de sécurité déjà en cours, et pourra mieux coordonner l'appui américain avec le département de la défense et avec d'autres agences gouvernementales américaines pour rendre ces activités plus efficaces.

D'autres puissances, hormis les Etats-Unis oeuvrent pour la coopération bilatérale avec chaque Etat de la région en matière de sécurité et de défense. La France est certainement une des plus anciennes dans le domaine. Cette coopération suit l'histoire politique contemporaine des Etats francophones du golfe de Guinée, de l'Afrique en général. Mais cette option, si elle est avantageuse pour les parties, pose aussi des gros problèmes dans le contexte actuel où les Etats africains devraient chercher par tous les moyens à affirmer leur indépendance même dans le domaine sécuritaire. En occupant les eaux internationales au large de l'Afrique, des pays comme le Royaume-Uni et la France ont élargi leur territoire national et ils manifestent quotidiennement leur puissance et leur capacité de dominer l'Afrique. Quelle sera la marge de pouvoir des armées africaines si elles doivent être financées et équipées par des étrangers.

186 CEEAC, Rapport de la réunion des experts, Conférence sur les problèmes de sécurité transfrontalière en Afrique centrale, 4-5 septembre 2007, Yaoundé, Cameroun.

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Les enjeux propres aux Etats, pris isolement, ou à la sous région, prise comme bloc géographique, ou encore liant les deux à la fois, poussent les entités étatiques à développer des initiatives de sécurisation. La sécurisation leur permet, non seulement, de se construire mais aussi de la dimension de la gouvernance de la rentre pétrolière. La sécurisation apparait comme un enjeu de paix dans la sous-région. Mais la mise en oeuvre de cette sécurisation dépasse le cadre d'un seul Etat, ce qui pousse les uns et les autres vers des regroupements sous-régionaux. Ces regroupements, même si elles ont des instruments en matière de sécurisation, présentent quelques limites dues à certaines rivalités et l'opérationnalité des moyens déployés. Comme telle, la coopération avec les grandes puissances devient une alternative. Sauf que cette option se présente comme de un moyen de domination par ces puissances étrangères.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus