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Enjeux énergétiques et logiques sécuritaires: une analyse du déploiement américain dans le golfe de Guinée

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par Gen-serbé SINIKI
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Gouvernance et Politiques Publiques 2010
  

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B. Criminalisation des Etats, émergence de « l'économie de gangs» et répartition

inégale des ressources pétrolières

En Afrique, l'Etat est devenu, de par les pratiques politiques qui y ont cours, une menace à son propre fonctionnement. En effet, le paradigme de l'Etat criminel développé par Jean François Bayart, Stephen Ellis et Béatrice Hibou69 rend compte aisément de l'insertion de l'informel dans l'économie politique des Etats subsahariens. La criminalisation de l'Etat suppose d'un côté que l'on assiste à des pratiques douteuses assimilables à des « stratégies de tensions » télécommandés en sous-marin par des dirigeants en mal de restaurations autoritaires ; d'un autre, même les régimes qui se réclament des urnes s'érigent en vecteurs de criminalisation. Ainsi, drogues, blanchiment d'argent sale, implication des organisations militaires dans le pillage des villes, dans le détournement de l'aide humanitaire et des rentes

67 Royal Institute of International Affairs, « Thirst for African Oil : Asian National Oil Companies in Nigeria and Angola>>, disponible sur www.chathamhouse.org.uk, consulté le 10 décembre 2009, 15h00.

68 Michel KOUNOU, op cit., p.75.

69 Jean François BAYART, Stephen ELLIS, Béatrice HIBOU, la criminalisation de l'Etat en Afrique, Paris, Complexe, 1997.

issues des ressources naturelles permettent de rejoindre les critères de criminalisation de l'Etat70.

La question de la criminalisation de l'Etat dans le golfe de Guinée s'accentue avec l'exploitation du pétrole. On a d'abord, les compagnies pétrolières qui font l'essentiel de l'économie de la région, avec une forte possibilité de connivence entre celles-ci et les gouvernements en place. Ensuite, l'on assiste à une sorte de prédation des ressources par ces compagnies, parce que les Etats n'ont pas de moyens de contrôle des productions et des réserves exploités. Enfin, ces compagnies sont souvent la suite économique de l'appareil politico diplomatique déployé par les grandes puissances71. En même temps, les Etats de la région sont dirigés par (( des gouvernements perpétuels » c'est-à-dire marqués par (( la longévité gouvernante suprême qui demeure la norme en raison de la rareté des dynamiques d'alternance »72. Dans un tel contexte, le gouvernement perpétuel est dans la logique de l'accumulation de ressources de tous ordres, dans une perspective monopoliste et conservatrice du pouvoir. En même temps, dans certains de ces Etats, le militarisme comme procédure politique enlise certains gouvernements dans le triptyque (( pouvoir, violence et accumulation »73. Il se prolifère donc des réseaux donnant lieu à un ensemble d' (( Etats-rhizomes »74 et contraignant l'entretien des relations entre compagnies pétrolières et détenteurs du pouvoir politique. Dans un tel environnement, (( la multiplication des situations de conflits dont la principale logique politique est la prédation pure et simple et qui tendent a s'accompagner d'une insertion forte dans l'économie internationale illégale (...) suggèrent que le glissement vers la criminalisation du sous-continent est une probabilité forte »75. Par ailleurs, il faut noter que les firmes multinationales utilisent parfois des procédures de corruption et de fraudes76. Le fait que certains de ces

70 Pour ces auteurs justement, la criminalisation passe par des critères tels que la << privatisation » de l'usage légitime de la violence par les détenteurs du pouvoir et son instrumentalisation au service de leurs stratégies d'accumulation ; l'existence d'une structure occulte et collégiale du pouvoir qui entoure, voire contrôle le détenteur officiel de celui-ci, et qui bénéficie de cette privatisation de l'usage légitime de la coercition, à moins qu'elle ne recoure impunément à une violence privée et illégitime (notamment par le biais du milieu de la délinquance organisée), etc.

71 On peut comprendre à partir du phénomène de corruption d'Etat dans l'affaire Elf Congo et de tout ce que d'aucuns ont appelé la « françafrique >>.

72 Mathias Eric OWONA NGUINI, << Le gouvernement perpétuel en Afrique centrale : le temps politique présidentialiste entre autoritarisme et parlementarisme dans la CEMAC >>, in Enjeux, n° 19, avril-juin 2004

73 Achille MBEMBE, << Pouvoir, violence et accumulation>>, in Le politique par le bas, contribution à une problématique de la démocratie en Afrique noire, Paris, Karthala, collection les Afriques, 1992.

74 Jean François BAYART, Stephen ELLIS, Béatrice HIBOU, op. cit., p. 33

75 Idem, p.53

76 Jacques FONTANEL, La globalisation en « analyse », géoéconomie et stratégies des acteurs, Paris, L'harmattan, Collection « côté cours >>, 2006.

gouvernements aient en face d'eux des rébellions (Nigéria, Tchad République Démocratique du Congo ou précédemment Angola, Congo-Brazzaville ...) suscite grandement de la suspicion et pour cause, la présence de ressources naturelles peut pousser de tierces parties - Etats et entreprises - à s'engager dans des conflits ou, du moins, à les alimenter.

La criminalisation des Etats et la stratégie économique des multinationales favorisent une difficile répartition de la rente pétrolière. Ainsi, les Etats producteurs du golfe de Guinée sont caractérisés par une gouvernance pétrolière dont les contours ont du mal à être maitrisés, engendrant une opacité du système de gestion et donnant lieu à une « dé légitimation » du pouvoir central. La question de l'opacité dans la gestion de la rente pétrolière participe de la dynamique de l'accumulation et de la conservation du pouvoir par le « gouvernement perpétuel », cité plus haut. Il faut reconnaitre que dans les cas du Nigeria, de l'Angola, du Congo ou du Gabon, l'afflux de pétrodollars ne se traduit pas forcément par une croissance économique ou une vie plus opulente pour les masses. « Toutefois, cela signifierait un objectif militaire de sécurisation de la subordination des ressources pétrolières (...) aux demandes du marché pétrolier mondial »77. En effet, le nouveau boom pétrolier de l'Afrique post-ajustement produirait, paradoxalement, « une pauvreté accrue » pour les masses, et plus de richesses pour les élites dirigeantes et leurs partenaires internationaux78. Cette difficulté à repartir la rente entre tous maintient dans une pauvreté grandissante les populations du le golfe de Guinée.

Les indicateurs généraux de pauvreté ont continué de se dégrader au cours de l'exploitation pétrolière. C'est ainsi, que malgré le fait qu'ils soient détenteurs et producteurs de pétrole, le Tchad suivi du Benin, de la RDC et de la Côte d'ivoire affichent des taux de pauvreté de plus élevés. En outre, l'accès régulier à un point d'eau aménagé est devenu problématique au Tchad, au Congo Brazzaville, en Angola, en Guinée équatoriale et au Cameroun. Seuls le Gabon et l'Afrique du sud s'en sortent mieux. L'insuffisance pondérale s'avère beaucoup plus prononcé en RDC, au Tchad et au Nigéria.79

77 Cyril OBY, op. cit. , p.39.

78 Comme ces États pétroliers continuent de se procurer des pétrodollars qui sont investis en grande partie pour renforcer la classe dirigeante, en resserrant sa mainmise sur l'État, achetant plus d'armes et de munitions pour les « besoins de sécurité » et imposant des politiques en faveur de mandants extérieurs tels que les bailleurs de fonds, les investisseurs étrangers et les institutions financières internationales.

79 Voir annexe des indicateurs généraux de pauvreté des Etats pétroliers du golfe de Guinée, (p. D du présent document).

Paragraphe 2. Augmentation des flux démographiques et culturels et apparition des acteurs non étatiques aux intérêts divers: la dissémination des territoires dans le golfe de Guinée

Les flux aussi bien démographiques que culturels qui sont produits dans le golfe de Guinée connaissent une augmentation caractéristique de la porosité des frontières. On assiste à l'insertion des acteurs non étatiques dans cette région, déjà en proie à des velléités pour le contrôle et la gestion des ressources par certains groupes ethniques.

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