WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La protection sociale au Cameroun

( Télécharger le fichier original )
par Alex OKOLOUMA
Université de Yaoundé II-Soa - DEA en sciences économiques 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE 1 : LE FONCTIONNEMENT D'UN MODELE DE PROTECTION SOCIALE

Le fonctionnement d'un modèle général de protection sociale est relativement récent. Il voit le jour après la seconde guerre mondiale.

Mais il est également le fruit d'une longue évolution. Les étapes de passage à une protection généralisée et universelle s'expliquent par les bouleversements socioéconomiques provoqués par l'avènement de la société industrielle. L'évasion des sociétés anciennes (villageoises ou familiales) au XIXe siècle rendit impératif l'élaboration des systèmes de protection sociale garantissant une certaine sécurité face aux risques qui frappent les personnes démunies. C'est dans ce sens que les institutions de protection sociale voient le jour partout dans le monde entier et cela pour protéger les membres de la société grâce à une série de mesures publiques contre les divers risques et charges susceptibles de diminuer leur niveau de vie et de menacer leur sécurité économique. Malheureusement, le début des années 1980 marque la fin du règne du mode de fonctionnement de ces systèmes de protection sociale. Ceux-ci seront remis en cause.

Le présent chapitre aborde dans un premier temps les fondements théoriques des systèmes de protection sociale pour s'appesantir dans un second temps sur les limites desdits systèmes.

1.1. Les fondements théoriques des systèmes de protection sociale

Dans le monde, le fonctionnement des systèmes de protection sociale a évolué. Il remonte à la renaissance au XIVe siècle ; époque où l'on observe une irruption de l'humanisme, qui place l'homme au centre de ses préoccupations et bouleverse toute la pensée occidentale. Cette renaissance intellectuelle est suivie de profonds changements politiques et sociaux. Parallèlement à la révolution industrielle, un vaste système de protection sociale se constitue au XIXe siècle allant de l'assistance sociale à la protection universelle, en passant par l'assurance sociale.

1.1.1. Naissance et développement des systèmes de protection sociale

Avant de présenter la genèse de l'organisation sociale et son développement, une analyse théorique de celle-ci est d'abord nécessaire.

1.1.1.1. L'analyse théorique de l'organisation sociale

Il s'agit ici de mener une analyse microéconomique et macroéconomique de l'organisation sociale.

· L'analyse microéconomique de l'organisation sociale

Du point de vue microéconomique, le besoin de protection sociale est né des insuffisances de la prévoyance libre (individuelle et collective) et de celles de l'altruisme et du don libre envers les non-travailleurs (les « non-agents économiques » car trop vieux, trop malades, trop jeunes, trop inemployable...) et la faiblesse de certains revenus du travail (ceux des woorking poors).

La prévoyance libre est assurée par le marché selon la règle « à chacun selon ses besoins ». Elle fonctionne à travers deux techniques : le report et l'assurance.

La technique du report repose sur la redistribution du revenu sur le cycle de vie. Elle peut s'effectuer du présent vers l'avenir (épargner) mais aussi de l'avenir vers le présent (emprunter). Cette planification intertemporelle peut être de courte durée ou être étendue sur une longue durée.

Cette technique a été mise en évidence par Modigliani et Brumberg (1954), puis par Ando et Modigliani (1963). Ceux-ci soulignent ainsi que, en général les revenus du travail sont repartis irrégulièrement sur toute la durée de vie de l'agent économique. Le revenu salarial suivrait « une courbe en cloche » avec l'âge (dont le « sommet » se situe vers la fin de la quarantaine), du fait d'une productivité du travail faible en début de carrière (temps d'apprentissage) et en fin de vie professionnelle (capacité physique déclinante ou formation obsolète). Cette analyse du cycle de vie fait face néanmoins à des insuffisances à savoir les contraintes de liquidité, la pluralité des intérêts et les incertitudes sur le long terme. Ce sont ces insuffisances qui justifient la mise en place d'un dispositif d'assurances sociales qui s'occupe des retraites publiques, de l'éducation nationale, ainsi que de la garantie et des subsides publics à l'épargne et à l'emprunt.

Pour ce qui est de l'assurance, elle repose sur la technique de la mutualisation des risques, c'est-à-dire de l'étalement sur tous les membres d'un groupe (les assurés) de la charge d'un préjudice correspondant à un évènement frappant l'un d'eux. L'assurance est un jeu contre la nature qui permet de réduire l'incertitude (Bichot.J, 1997), même si le danger intrinsèque (mort, accident, maladie) demeure inchangé. L'activité d'assurance n'est pas une simple opération de transferts de charges, mais est source de valeur ajoutée en utilisant le principe de calcul actuariel. Cette technique n'échappe pas à des insuffisances à savoir le problème d'antiselection (Akerlof, 1970) et celui de risque moral. Des insuffisances ayant pour conséquences les inégalités, les discriminations et les inefficacités économiques. D'où la mise en place d'un dispositif d'assurances sociales permettant l'information publique, une double obligation d'assurance, un prix indépendant du risque individuel et de l'âge, une économie d'échelle, ainsi qu'une couverture uniforme et complète.

La solidarité au sein d'un groupe quant à elle s'exprime par une redistribution de revenus, de biens ou de services vers les personnes économiquement faibles. Elle peut être conçue comme une interaction réciprocitaire (mutuellisme), une action purement altruiste et spontanée (le don charitable) ou comme le fruit d'un calcul stratégique à court, moyen ou long terme (ostentations ou intérêt personnelle bien compris), sans d'ailleurs que ces trois conceptions soient mutuellement exclusives.

Le mutuellisme familial contribue à faire de la famille un espace de protection et d'entraide. Le mutuellisme communautaire et professionnel pour sa part s'organise autour d'une base communautaire sous la forme de confréries et de corporations. Ces deux formes de mutuellismes n'échappent pas à des insuffisances telles que : la mauvaise diversification des risques et l'inégalité d'appartenance.

La solidarité est aussi liée aux dons à travers un donateur qui veut se faire valoir (en cela la dépense est ostentatoire), à travers également la générosité des donateurs. A cela, il faut ajouter la charité privée qui peut être directe ou intermédiée, ainsi que l'altruisme lié à «  l'égoïste prudence » (J.M.Buchanan et G.Tullock, 1986) et au « voile d'ignorance » (John Rawls, 1971). Des insuffisances guettent néanmoins ces différentes formes de solidarités à savoir : le don proportionnel à la proximité au risque des donateurs et non aux besoins des défavorisés, la réciprocité non garantie du don, les intérêts acquis, le sous-investissement en capital humain et le comportement de passager clandestin.

Ces contraintes justifient les attributions de la protection sociale à travers: le devoir de contribution, le choix collectif, un mutuellisme obligatoire dont les bases seront le droit à l'aide sociale, ainsi qu'un mutuellisme social plus large et plus égalitaire.

A l'issue de cette analyse microéconomique de l'organisation sociale, le caractère étroitement imbriqué des assurances sociales et de l'aide sociale amène à douter de la pertinence de la dichotomie entre prévoyance-assurance et solidarité-assistance et de la nécessité de séparer dans les divers régimes, ce qui relèverait d'une logique d'assurance de ce qui dépend de la solidarité. Ainsi pour D.Blanchet (1996) : « le système de protection sociale évolue en s'appuyant sur deux jambes : le sentiment que quelque chose d'inconditionnel doit être fait pour les moins chanceux, et le sentiment que ce quelque chose joue aussi un rôle d'assurance qui est à l'avantage de tous. Faut-il continuer à prendre appui sur ces deux jambes ou (...) continuer à cloche pied ? ». Nous allons maintenant voir qu'au plan macroéconomique, la protection sociale est aussi une et indivisible.

· L'analyse macroéconomique de l'organisation sociale

L'individualisme méthodologique développé précédemment se fonde sur l'étude des besoins individuels de protection et se caractérise par deux traits : 1) la protection sociale est contingente et subsidiaire des possibilités du marché ; 2) la protection sociale s'organise autour de deux pôles majeurs, l'assurance sociale et l'aide sociale.

A l'inverse, la démarche holiste choisit une approche globale dès l'origine, en considérant la protection sociale directement au sein de la société et du système productif dans leur ensemble, en interaction avec les agrégats économiques globaux et les groupes sociaux pour les keynésiens, en relation avec les classes sociales et les institutions pour les marxistes. Ces deux traits communs aux analyses keynésienne et marxiste facilitent également la construction par l'école de la régulation d'une explication « mixte » de la protection sociale, en tant qu'élément du fordisme, et débouchent sur une interprétation économique globale de l'État Providence.

L'approche keynésienne de la protection sociale

« Les deux vices marquant du monde économique où nous vivons sont le premier que le plein-emploi n'y est pas assuré, le second que la répartition de la fortune et du revenu y est arbitraire et manque d'équité (...) Les contrôles centraux nécessaires à assurer le plein emploi impliquent une extension des fonctions traditionnelles de l'État. (...) Cet élargissement nous apparaît comme le seul moyen d'éviter une complète destruction des institutions économiques actuelles et comme la condition d'un heureux exercice de l'initiative individuelle. ». ce programme de réforme sociale du capitalisme qu'esquisse J.M.Keynes dans le dernier chapitre de La Théorie générale intitulé « Notes sur la philosophie sociale à laquelle la théorie générale peut conduire » constitue la base théorique de la construction de l'État Providence : la taxation des revenus et des successions, le développement des dépenses publiques et la redistribution massive qu'implique la protection sociale sont mis en place non pas tellement dans le but de justice sociale, mais dans un but de sauvetage économique du capitalisme nécessaire à sa survie sociale et politique.

Pour Keynes, le risque systémique du capitalisme est essentiellement dû à l'insuffisance de la demande globale. C'est en cela que l'approche keynésienne considère la protection sociale comme un instrument de politique économique. Autrement dit, la politique sociale devient à l'égal de la politique budgétaire et de la politique monétaire un outil au service du « carré magique » de Nicolas Kaldor : croissance, plein-emploi, équilibre extérieur, stabilité des prix.

L'approche marxiste de la protection sociale

Selon X.Greffe (1975) : « L'approche matérialiste lève la présomption de bienfaisance officiellement attachée aux politiques sociales pour montrer que l'amélioration économique de la situation d'une classe peut être simultanément récupérée du point de vue social. ». Autrement dit la protection sociale, et plus largement l'État Providence sont certes bénéfique aux salariés en termes de progrès social mais sont aussi une providence pour les capitalistes ! C'est le second aspect de la dialectique de la protection sociale que les marxistes s'attachent à expliciter, à savoir comment la protection sociale permet de surmonter certaines contradictions du mode de production capitaliste.

Marx définit un mode de production comme « l'ensemble des conditions matérielles et sociales de la production à un certain stade de l'histoire. ». Cet ensemble s'organise à travers les forces productives et de la force de travail, le rôle de l'entreprise étant d'organiser la « coopération » efficace des forces productives. Il s'organise également à travers les rapports de production (les rapports des hommes entre eux dans le processus de production) et des rapports sociaux (rapports entre hommes en dehors de la production). Les rapports sociaux s'exprimant par une super structure juridique et politique, et par une forme déterminée de conscience véhiculée par des appareils idéologiques (éducation, sport, presse, publicité) qui sont aux mains de la classe dominante.

Lorsque Marx énonce « ce que la grande industrie développe, ce sont ses propres fossoyeurs », il fait référence aux effets de le concurrence entre les capitalistes qui font rentrer en contradiction les intérêts individuels des capitalistes (faire toujours plus de profit en conquérant les parts de marché) et leur intérêt collectif (la baisse tendancielle du taux de profit résultant de la hausse de la composition organique du capital).

Afin de lutter contre cette baisse tendancielle qui est avant tout une crise de rentabilité, les capitalistes cherchent à accroître le taux de plus-value (appelé aussi taux d'exploitation), ce qui en l'absence de système de protection sociale va déboucher sur une crise de la reproduction du mode de la production capitaliste à quatre facettes : l'exploitation du prolétaire, la paupérisation de la classe ouvrière, l'absolue répétition et la décomposition extrême des tâches dans la grande industrie (doublées des règlements du travail draconiens et quasi militaires) et la prolétarisation de la société.

Pour Marx, le capitalisme est donc destiné à « s'effondrer de lui-même sous le poids de ses propres contradictions », au bénéfice des prolétaires. Mais pour les libéraux du XIXe siècle, si l'analyse des symptômes est assez proche, il s'agit au contraire de sauvegarder le capitalisme, en apportant une réponse à cette « question sociale » de la misère des familles ouvrières.

Ce projet libéral, que P.Rosanvallon qualifie de « capitalisme utopique » fut un échec, d'où la nécessité de mettre en place un système de protection sociale facteur de reproduction du mode de production capitaliste à travers la reproduction de la force de travail, des rapports sociaux et des rapports de production.

L'approche régulationniste de la protection sociale

L'école de la régulation repose sur une analyse keynésiano- marxiste menée dans une perspective historique et institutionnaliste. Dans La théorie de la régulation : une analyse critique (1986), Robert Boyer définit la régulation comme étant « la conjonction de mécanisme concourant à la reproduction d'ensemble compte tenue des structures économiques et des formes sociales en vigueur ».

Dans cette approche, le risque systémique du capitalisme résulte de l'absence d'autoéquilibre qui nécessite la médiation d'institutions. Le rôle de la protection sociale est basé sur un triple compromis institutionnalisé : l'organisation du travail, le partage des revenus et les interventions sociales de l'État. Les interactions avec les autres politiques publiques sont historiquement et nationalement situées. Il s'agit de la réglementation du travail, de la politique d'emploi et d'une politique industrielle.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci