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La protection sociale au Cameroun

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par Alex OKOLOUMA
Université de Yaoundé II-Soa - DEA en sciences économiques 2008
  

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1.1.1.2. La genèse de l'organisation des systèmes de protection sociale

Le problème de protection sociale prend naissance au XIXe siècle avec les conséquences sociales de l'industrialisation. Période à laquelle apparaissent les premiers systèmes de protection sociale. Jusqu'à cette époque, il est admis que la pauvreté est la sanction de l'oisiveté et du vice. En effet, selon la conception libérale, dans un système économique fondé sur le marché autorégulateur, chaque individu reçoit un revenu en fonction de sa contribution productive. Il doit donc se prémunir contre les risques sociaux par l'épargne. S'il se trouve néanmoins de « vrais » pauvres, la charité privée doit pourvoir à leurs besoins.

Ce discours va peu à peu être remis en cause et les idées d'assistance, de solidarité, d'assurance sociale, vont progressivement s'imposer au sein des pays industrialisés.

· Jusqu'au XVIIIe siècle : pauvreté et assistance

Avant l'industrialisation, les risques tels que l'interruption d'activité pour maladie ou accident et vieillesse, sont pris en charge par la famille étendue (solidarité intra-familiale) et par les organismes professionnels (par exemple les corporations).

L'église et l'État royal, de leur côté, mettent en place les premiers dispositifs d'assistance aux pauvres. Les paroisses et les ordres religieux tissent, dans toute la chrétienté, un réseau de léproserie, aumônerie, hospices et hôpitaux. L'État crée des hôpitaux, des dépôts de mendicité, des asiles d'aliénés. Mais l'intervention de l'État n'est pas systématique et reste de faible ampleur.

L'Angleterre élisabéthaine fournit une première réponse, massive et cohérente, au problème de la pauvreté avec l'instauration des lois sur les pauvres (Poor Laws). En France, le traitement de la pauvreté contient, dès le XVIIIe siècle, une dimension économique avec le recours aux travaux de secours (travaux publics). Les travaux de secours commencent à être appréhendés comme un droit et conduisent à la création des « fonds de travaux de charité » dans de nombreuses régions françaises au cours des années 1770. Par la suite sont créés les « ateliers de charité » et l'idée resurgit naturellement pendant la révolution de 1789.

Dès le départ, les dispositifs mis en place obéissent à deux logiques : une logique d'assistance et une logique de surveillance et de contrôle social des indigènes et des vagabonds.

· La naissance des assurances sociales

L'industrialisation du XIXe siècle conduit à la prise de conscience de la disparition des solidarités traditionnelles. Comme l'a montré K.Polanyi (1887-1967), l'instauration du marché autorégulateur, en particulier dans le domaine du travail, suppose la suppression des formes anciennes de solidarité, souvent liées à des formes de sociabilités familiale, professionnelle, religieuse, etc. De même il faut supprimer les normes traditionnelles qui régissaient l'usage de la force du travail. En France en 1791, la loi Le Chapelier supprime les corporations et en Grande-Bretagne, l'acte de Speenhamland (1795) est lui aussi abrogé en 1834. La disparition des formes antérieures de solidarité s'accompagne d'un exode rural et de la montée de nouveaux risques.

« L'insécurité sociale » qui en résulte va conduire progressivement à l'instauration d'un système dans lequel les garanties sociales sont associées à un système d'assurances obligatoires couvrant les principaux risques de l'existence (maladie, chômage, retraite, invalidité, etc.). Une première expérimentation des assurances sociales se met en place entre 1880-1914 en Europe. Les accidents du travail sont couverts les premiers et marquent ainsi la reconnaissance à la société du risque inhérent à l'activité industrielle (même si la responsabilité de l'employeur n'est pas directement engagée). Puis, viennent l'assurance vieillesse, l'aide à la famille et, enfin, l'assurance-maladie. Le chômage n'est pas encore pris en compte. Seuls les travailleurs et leurs familles accèdent à l'assurance sociale. Bien souvent leur affiliation reste volontaire. La logique de l'assurance ou la solidarité professionnelle l'emporte sur la solidarité nationale.

L'Allemagne de Bismarck joue un rôle précurseur : l'assurance-maladie est mise en place en 1883, l'assurance contre les accidents du travail en 1884, l'assurance invalidité vieillesse en1889.

Pour Bismarck, ces réformes ont explicitement pour but de détourner les ouvriers de la propagande socialiste.

Selon M.T.Join-Lambert (1998), quatre principes fondamentaux définissent le système bismarckien :

- une protection exclusivement fondée sur le travail et, de fait, limitée ;

- une protection obligatoire pour les seuls salariés dont le salaire est inférieur à un certain montant, donc pour ceux qui ne peuvent recourir à la prévoyance individuelle ;

- une protection sociale fondée sur la technique de l'assurance, qui instaure une proportionnalité des cotisations par rapport aux salaires et une proportionnalité des prestations par rapport aux cotisations ;

- une protection gérée par les employeurs et les salariés eux-mêmes.

En Grande-Bretagne, il faut attendre 1911 pour que soit mis en place par l'État un système d'assurance obligatoire contre la maladie et le chômage. En France, ce n'est qu'au début du XXe siècle que commence à se mettre en place un système d'assurance (1910, loi sur les retraites ouvrières et paysannes).

La période 1920-1940 apparaît comme une période où le système des assurances sociales se consolide. Les avantages obtenus par une minorité des travailleurs s'étendent aux classes moyennes, parfois à toute la population. Le processus devient irréversible : les incertitudes et les débats du XXe siècle s'estompent. En France, la loi sur les assurances sociales voit le jour le 30 avril 1930 et couvre les risques de maladie, maternité, vieillesse, invalidité et décès. Elle est complétée par la loi du 11 mars 1932 sur les allocations familiales.

Aux États-Unis, jusqu'en 1930, le gouvernement fédéral, par fidélité aux principes du libéralisme, refuse toute intervention sociale systématique : l'aide aux nécessiteux est laissée à l'appréciation des États fédérés, des municipalités ou des organismes charitables. L'économie de marché est censée fournir aux individus des revenus élevés et des emplois nombreux (conception résiduelle de la protection sociale).

Avec la crise économique de 1929, le chômage apparaît désormais comme un risque majeur. Par ailleurs, la théorie keynésienne justifie l'intervention de l'État et la redistribution. Aux États-Unis, le traumatisme de la crise conduit au vote du Social Security Act (1935), qui complète la politique économique du New Deal. Il s'agit d'une loi combinant l'assurance et l'assistance, et d'une protection sociale générale. La loi introduit une assurance-vieillesse coordonnée par le gouvernement fédéral (Federal Old Age Assistance), financée par des cotisations d'employeurs et de salariés, ainsi qu'une assurance-chômage (Unemployment Compensation), enfin une aide aux familles indigènes, aux aveugles et aux vieillards nécessiteux (confiés aux États fédérés). Ces mesures restent timides pour l'époque.

Les conditions de la mise en place de L'État-providence vont être réunies au lendemain de la seconde guerre mondiale.

· Des assurances sociales à la protection sociale

En Europe, à travers la crise et la guerre, un nouveau compromis social s'institutionnalise. Les rapports Beveridge en Grande-Bretagne (1942 et 1944), les travaux du Conseil national de la Résistance en France, visent à instaurer un système protégeant l'ensemble de la population contre les risques de maladie, maternité, accidents du travail, vieillesse, chômage et famille.

Ø Le rapport Beveridge en Grande- Bretagne

Le rapport Beveridge de novembre 1942 (Social Insurance and Allied service) marque l'avènement du « Welfare State ». Selon W.Beveridge, une société industrielle vivant en paix ne devrait pas souffrir du besoin ni « des cinq génies malfaisants de l'histoire » : la maladie, l'ignorance, la dépendance, la déchéance et le taudis. Pour lui la liberté individuelle n'est pas séparable de la sécurité sociale qui doit « affranchir du besoin ». Il rejette le système d'assurances sociales réservées aux seuls travailleurs ainsi que le principe d'une assistance limitée aux plus démunis et introduit l'idée d'une protection universelle de tous les citoyens financée par l'impôt.

Le régime de sécurité sociale conçu par W.Beveridge est en rupture avec la conception des « assurances sociales ». Il repose sur une nouvelle conception du risque social et du rôle de l'État. La sécurité sociale a pour but de libérer l'homme du besoin et du risque en garantissant une sécurité du revenu. Est considéré comme risque social tout ce qui menace le revenu régulier des individus : maladie, accidents du travail, décès, vieillesse, maternité, chômage. Face au caractère partiel des politiques existantes, W.Beveridge propose la mise en oeuvre d'un système global et cohérent.

Il préconise un système caractérisé par :

- le principe d'universalité : un système généralisé, qui couvre l'ensemble de la population quelque soit son statut d'emploi ou son revenu ;

- le principe d'unité : un système unifié et simple (une seule cotisation couvre l'ensemble des risques, donc un seul régime) ;

- la centralisation du système (service public unique).

Pour Beveridge, cette nouvelle protection sociale n'a de sens que si elle est liée à une politique de plein-emploi8(*). Il publie en 1944 un second rapport Full Employment in a Free Society (Du travail pour tous dans une société libre). « Ce doit être une fonction de l'État que de protéger les citoyens contre le chômage de masse, aussi définitivement que c'est maintenant la fonction de l'État que de défendre les citoyens contre les attaques du dehors et contre les vols et les violences du dedans. »

L'État-Providence qui se met en place en Grande-Bretagne entre 1945 et 1948 (loi de 1945 sur les allocations familiales, loi de 1946 sur le National Health Service, National Assistance Act en 1948 pour lutter contre l'indigence) va peu évoluer jusqu' aux années 1960. Il constitue une référence historique de l'État-Providence, financé par l'impôt, contrôlé par le parlement et géré par le service public. Ce système sera adopté par les pays scandinaves après 1945 (Norvège, Suède, Finlande, Danemark, Irlande), par le Canada en 1970 et par les pays méditerranéens (Grèce, Italie, Espagne, Portugal) autour de 1980.

Ø Le modèle français de protection sociale

Le modèle français, initié par le juriste Pierre Laroque en 1945, est « un modèle hybride », intermédiaire entre les modèles bismarckien et béveridgien. Comme le modèle anglais, il adopte le principe de l'universalité de la couverture sociale mais son mode de financement et d'organisation relève plutôt du modèle allemand.

Les ordonnances du 22 février et des 4 et 19 octobre 1945 fondent la sécurité sociale. Le système trouve sa source dans les travaux du Conseil national de la Résistance et le rapport demandé à Pierre Laroque. L'intention de départ était de créer un régime obligatoire unique couvrant l'ensemble de la population pour les quatre risques pris en compte (maladie, accidents du travail, invalidité, vieillesse et maternité), en application des principes énoncés par W.Beveridge. En même temps, on voulait mettre en place une gestion paritaire du système. Ce fut un échec, de nombreux groupes professionnels (professions indépendantes, cadres...) ont refusé de s'intégrer dans le régime général et, pour certains, ont conservé un régime spécial (marins, mineurs, cheminots, etc.). C'est ce qui explique la complexité administrative du système français.

La protection sociale est organisée selon quatre niveaux :

o La sécurité sociale fournit la couverture de base des risques maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, vieillesse et famille qui correspondent chacun à une « branche ». Elle est composée de différents régimes regroupant les assurés sociaux selon leur activité professionnelle dont les principaux sont :

- le régime général qui concerne la plupart des salariés, les étudiants ;

- les régimes spéciaux qui couvrent les salariés qui ne sont pas dans le régime général (fonctionnaires, et autres agents) ;

- les régimes des non salariés non agricoles qui couvrent séparément les artisans, les commerçants ou industriels et les professions libérales pour l'assurance vieillesse, le risque maladie faisant l'objet d'une gestion commune ;

- le régime agricole pour les exploitants et des salariés agricoles.

o Les régimes dits complémentaires peuvent fournir une couverture supplémentaire aux risques pris en charge par la sécurité sociale. Certains sont obligatoires (régimes complémentaires de retraite des salariés du secteur privé) et d'autres facultatifs (mutuelles de santé, institutions de prévoyance).

o L'union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce gère le régime d'assurance-chômage.

o L'aide sociale relève de l'État et des départements, qui apportent un soutien aux plus démunis.

Ø Le modèle américain de protection sociale

Le système américain relève du « modèle résiduel » où le marché est censé fournir aux individus des emplois et des revenus suffisants en fonction de leurs mérites. Si l'individu ne peut se procurer des moyens de subsistance, les solidarités familiales ou celles des réseaux privés doivent y pourvoir. L'État n'intervient qu'en dernière instance.

La protection sociale américaine sépare clairement le domaine de la Social Security et celui du Welfare (« bien-être ») :

o le domaine des assurances sociales est très limité : il comprend un programme d'assurance vieillesse et chômage, l'assurance-maladie n'en fait pas partie ;

o le domaine du Welfare fait référence aux mesures de l'État en direction des pauvres. Les plus importantes sont Medicaid, assistance médicale au plus démunis, aide aux familles avec des enfants dépendants (souvent des familles monoparentales) et le revenu minimum complémentaire pour les personnes âgées, les invalides et les aveugles. Chaque État a une grande liberté pour fixer le niveau des allocations et les conditions d'attributions de ces aides.

Au-delà de l'opposition entre système bismarckien et système béveridgien, plusieurs auteurs comme le politologue danois Gösta Esping-Andersen ont tenté de dresser une typologie des systèmes de protection sociale.

* 8 Référence à John Maynard Keynes (voir bibliographies)

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote