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Christologie contemporaine: le défi du pluralisme religieux

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par Clément TCHUISSEU NGONGANG
Grand séminaire Notre Dame de l'Espérance de Bertoua - Baccalauréat canonique en théologie 2011
  

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2- L'universalité salvifique de la médiation du Christ

On ne peut pas se contenter de distinguer la médiation et les médiations des autres traditions religieuses. Il est important d'établir la relation entre les deux types de médiations, pour qu'émerge le lien entre la médiation salvifique du Christ et les autres médiations.

En effet, les deux types de médiations ne sauraient pas être mises sur le même pied d'égalité. Dupuis exprime la spécificité de la médiation du Christ en ces termes : « Jésus Christ, selon la foi christologique de la tradition chrétienne, est « médiateur » entre Dieu et le genre humain, dans la mesure où il unit en sa personne la Divinité et l'humanité, de sorte qu'en lui la Divinité et le genre humain ont été unis en un lien permanent. »267(*) L'universalité de la médiation du Christ est donc à comprendre dans ce cas précis comme étant intrinsèquement exercée à l'endroit de tout homme. C'est ici l'anthropologie transcendantale de Karl Rahner nous aide saisir cette proximité essentielle (et non accidentelle) à l'égard de tout homme qui fait de ce dernier un possible auditeur de Dieu. Comme nous l'avons vu à propos de la théorie des « chrétiens anonymes », le champ de la croyance n'est que la thématisation de cette ouverture existentiale à Dieu rendue possible par le mouvement kénotique du Verbe.

Chez Rahner, le salut venant de Dieu ne peut se comprendre qu'en rapport avec l'acte divin autocommunicationnel : « L'offre que Dieu fait de lui-même, par quoi il se communique absolument à la totalité de l'homme, dit-il, est par définition le salut de l'homme. »268(*) Le salut se situe donc dans l'horizon de l'autocommunication qui est d'abord transcendantale. Le salut apparaît donc comme lié à l'expérience transcendantale de tous les hommes, fut-elle thématisée dans les traditions religieuses. En ce sens, l'autocommunication prend la coloration d'un acte ultime et souverain par lequel « Dieu, en sa réalité la plus propre, se fait le constitutif le plus intérieur de l'homme lui-même. »269(*) Cette autocommunication a entre autres pour finalité de relever l'homme de sa condition existentielle par une transformation intérieure. A ce niveau, les diverses traditions religieuses sont des expériences salvifiques dans un certains sens, notamment dans la mesure où à travers elles, Dieu opère une certaine transformation salvifique en l'homme. Il est important de signaler que Karl Rahner n'utilise pas le mot « médiation » pour parler des traditions religieuses. Mais dans l'idée, on n'est pas loin, puisque pour lui l'acte divin autocommunicationnel déjà compris dans l'expérience transcendantale est en réalité oeuvre de salut à cause de la transformation intérieure qu'il produit.

Dans la logique de Rahner, ces traditions religieuses manifestent l'ouverture de l'homme à cette grâce en le rendant capax Dei. Elles sont des médiations du salut dans la mesure où elles préparent d'une certaine façon l'homme à basculer d'un christianisme anonyme à un christianisme explicite. En réalité, elles n'ont pas par elles-mêmes de pouvoir salvifique. Seul le Christ est cause du salut. Voilà pourquoi Karl Rahner perçoit l'universalité de la médiation salvifique du Christ dans un sens exclusif, c'est-à-dire absolu, car c'est dans l'évènement du Christ que la grâce opère le salut comme expérience surnaturelle. Jésus Christ est celui qui apporte absolument le salut.  L'universalité du salut en Jésus est inséparable de l'acte de l'incarnation qui le lie à tout homme et qui fait de lui celui « qui forme le point culminant de l'autocommunication divine au monde »270(*).

Pour mieux saisir l'universalité de la médiation salvifique dans le contexte du pluralisme religieux, l'approche de Dupuis, complémentaire à celle de Rahner, est aussi éclairante. Cette médiation a un caractère relationnel. Elle est à situer dans un étroit rapport avec l'unicité de sa personne qui est constitutive - cause du salut- et relationnelle, et « relationnelle » veut dire l'insertion de la signification universelle de l'évènement-Christ dans le plan global de Dieu pour l'humanité et la façon dont ce plan se dévoile dans l'histoire du salut. En particulier, le terme est conçu pour affirmer la relation réciproque qui existe entre la « voie » qui est Jésus-Christ et les diverses « voies » de salut proposées par les traditions religieuses à leurs membres. »271(*) Autrement dit, l'universalité de la médiation salvifique du Christ instaure un nouveau rapport de sens entre cette médiation et les autres médiations. Voilà pourquoi Jean Paul II écrivait pour préciser : « celles-ci [les médiations de types et d'ordres divers] tirent leur sens et leur valeur uniquement de celle du Christ, et ne peuvent être considérées comme parallèles ou complémentaires. »272(*) Cela signifie que les médiations sont comme essentiellement liées à la médiation du Christ qui est unique et d'où elles tirent leur sens et leur pouvoir salvifique. On parle alors de médiations dans les traditions religieuses parce que les semences du Verbe (pour parler comme saint Justin) y sont disséminées.

La manifestation du salut de l'humanité n'est donc pas détachée de la personne du Christ. On ne peut en dehors de lui fonder le salut de l'humanité. Cependant, tout homme, quelle que soit sa religion, reste ouvert à ce salut : « L'ordre de la foi ou du salut consiste précisément en communication personnelle de Dieu avec l'être humain, une communication dont la réalisation concrète a lieu en Jésus-Christ et dont le signe efficace est l'humanité de Jésus. »273(*) Les traditions religieuses sont des médiations salvifiques dans le sens où Dieu sauve dans et à travers ces traditions ceux qui y adhèrent. Dupuis traduit cela en écrivant : « Les autres religions peuvent-elles contenir et signifier de quelque manière, la présence de Dieu aux êtres humains en Jésus-Christ ? (...) On doit nécessairement l'admettre. Leur pratique religieuse est en effet la réalité qui donne expression à leur expérience de Dieu et du mystère du Christ (...). Cette pratique exprime, soutien, supporte et contient - pour ainsi dire - leur rencontre avec Dieu en Jésus-Christ. »274(*) Le jésuite belge nous permet de progresser dans l'élucidation de l'universalité de la médiation salvifique du Christ. En effet, comprendre cette médiation dans son caractère relationnel permet de trouver un équilibre entre la médiation des autres traditions religieuses et celle du Christ. Par conséquent, il est juste dans une certaine mesure de dire que le Christ est un médiateur parmi tant d'autres, dans la mesure où l'affirmation de la pluralité des options religieuses entraine nécessairement celle des médiations. Toutefois, il n'est pas un médiateur comme tous les autres. Sa médiation est unique et est exprimée d'une façon incomplète par les autres médiations qui tirent sens et valeur de la sienne. Il faudrait préciser avec Bouquet que « l'unicité [est ici] le contraire de l'exclusion (...). La manière dont le Seigneur est unique médiateur, à la croix ressemble à la forme de sa vie tout entière, tournée vers le Père et vers l'humanité. La manière dont le Seigneur est unique médiateur, à la croix, ressemble à la forme de sa vie tout entière tournée vers le Père et vers l'humanité. »275(*)

Cette analyse serait incomplète si elle ne précisait dans quelle mesure les diverses traditions religieuses expriment le mystère salvifique du Christ. Ici, il convient de distinguer diverses modalités de la médiation de la présence de ce mystère. Dupuis fait d'ailleurs remarquer que « la grâce de Dieu, bien qu'étant sans aucun doute, une, est transmise visiblement en des modes divers - avec des différences entre eux non seulement de degré mais de genre. »276(*) Il n'est donc pas illogique si nous concluons avec lui que « dans les autres traditions religieuses, il [le mystère de salut en Christ] est présent de manière implicite et cachée, en vertu d'un mode de médiation incomplet, mais non moins réel, constitué par ces traditions. »277(*) Pour bien marquer cette différence entre divers modes de médiation du mystère du salut, Dupuis écrivait :

« C'est une chose [...] de recevoir la parole que Dieu dit aux hommes par la médiation des sages qui l'ont entendue au fond de leur coeur et ont transmis à d'autres leur expérience de Dieu ; c'en est une autre d'entendre la Parole décisive que Dieu parle aux hommes en son Fils incarné, qui est la plénitude de la révélation [...].

« De même, une chose est d'entrer en contact avec le mystère du Christ à travers les symboles et pratiques rituelles qui, à travers les siècles, ont soutenu et donné forme visible à la réponse de foi des hommes et à leur engagement envers Dieu ; c'en est une autre de rencontrer le même mystère, représenté dans la pleine sacramentalité des actions symboliques instituées par Jésus-Christ et confiées par lui à l'Eglise. »278(*)

Les intuitions de Schillebeeckx - se dégageant de son approche sacramentaliste développée au chapitre 2 - paraissent intéressantes dans la mesure où elles placent les traditions religieuses dans le cadre du sacrement comme don divin du salut, puisque ces traditions introduisent leurs membres dans une dynamique de la rencontre avec Dieu. Le théocentrisme pluraliste a eu le mérite d'accentuer la consistance propre de chaque tradition religieuse, mais il est inacceptable de déduire de cette accentuation des médiations en concurrence ou parallèles, ou encore même complémentaires à celle du Christ.

Nous pouvons résumer en disant que le pluralisme religieux, loin de diminuer ou d'atténuer l'universalité de la médiation salvifique du Christ, l'atteste plutôt, car, les multiples médiations restent des reflets sombres du mystère salvifique du Christ.

Au plan théologique, considérer les autres traditions comme des médiations nous engage à allier christologie et pneumatologie sans pourtant les séparer, comme l'ont fait plusieurs théologiens catholiques. On se souvient de la notification de la CDF au sujet des thèses de Jacques Dupuis, insistant entre autres sur la non séparation du Verbe et de Jésus et de leurs actions respectives. La présence de l'Esprit dans les autres religions les conduit et les ordonne celles-ci vers la pleine connaissance du mystère salvifique de Jésus-Christ.

* 267 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op.Cit., p.261.

* 268 RAHNER Karl, Traité fondamental de la foi, Op.Cit., p. 168.

* 269 Ibidem, p.139

* 270 Ibidem, p.323.

* 271 DUPUIS Jacques, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, Op.Cit., p. 463.

* 272 Redemptoris Missio, n°5.

* 273 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op.Cit., p. 289.

* 274 Ibidem, p. 290.

* 275 BOUQUET François, Op.Cit., p. 1102.

* 276 Ibidem.

* 277 Ibidem, p. 291.

* 278 DUPUIS Jacques, Jésus-Christ à la rencontre des religions, Op.Cit., pp.192-193.

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