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Christologie contemporaine: le défi du pluralisme religieux

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par Clément TCHUISSEU NGONGANG
Grand séminaire Notre Dame de l'Espérance de Bertoua - Baccalauréat canonique en théologie 2011
  

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2- Assumer l'altérité dans la rencontre des autres religions

La relation dialogique émerge de l'essence même du christianisme. Claude Geffré pour le dire utilise l'expression : « le caractère dialogal du christianisme » ou « de la singularité du christianisme comme religion de dialogue »282(*). Pour cela, il faut éviter de d'absolutiser le christianisme comme voie exclusive du salut. C'est dans la même logique que notre auteur suggère :

« Au moment même où nous confessons que Jésus Christ est l'unique source du salut, c'est le paradoxe même de l'incarnation, c'est-à-dire la manifestation de l'Absolu dans et par une particularité historique qui nous invite à ne pas absolutiser le christianisme comme voie exclusive de salut. Nous sommes devenus très sensibles à la particularité historique du christianisme au sein des religions du monde alors que la prétention universaliste du christianisme n'est pas vérifiée historiquement. »283(*)

On se souvient que le dialogue comme initiative de rapprochement des religions remonte au Concile Vatican II. Les textes conciliaires ont rompu avec le rejet qui avait souvent caractérisé l'attitude de l'Eglise vis-à-vis des autres religions. Ce refus d'absolutiser le christianisme que suggère Geffré a donc rendu possible le dialogue. Le chercheur dominicain, à la lumière du concept de « christianité », réinterprète le statut du christianisme : « L'unicité du christianisme comme religion issue de l'évènement central qui est Jésus Christ est alors plutôt de l'ordre de la manifestation, du sacrement, en somme le signe et la tenue à visibilité de ce qui se passe aussi ailleurs. »284(*) Evidemment dans le prolongement de l'intuition de Vatican II, un travail reste à faire compte tenu de l'attitude que les chrétiens affichent encore parfois en face des adeptes d'autres religions. Le dialogue n'est pas une option pastorale facultative parce « le dialogue interreligieux est d'abord une rencontre de personnes, de croyants et de croyantes mis en présence d'autres croyants. »285(*)

Aujourd'hui, tel que cela se dégage des développements des chapitres précédents, on tend plus à concéder aux traditions religieuses une valeur propre. Au plan pratique, cela doit pouvoir se traduire par une certaine façon de se situer face à l'altérité. Bien souvent, chacun n'est-il pas enclin à afficher un air de condescendance en face des autres traditions religieuses ? La manière juste de se situer devant l'altérité consiste à se débarrasser des préjugés « vis-à-vis des autres et de leur tradition religieuse, (...) surmonter les préjugés ; l'ouverture dispose à la découverte et à la connaissance du mystère présent et actif en eux. »286(*) Jean-Claude Basset a donc insisté à dessein sur le fait que le dialogue exige aussi le droit à la différence ; cela signifie aussi que « le droit de se définir soi-même implique, pour chaque partenaire, le devoir de renoncer à toute position de privilège découlant d'une affirmation dogmatique ou d'une expérience religieuse (...) Cette égalité des partenaires peut se situer à deux niveaux. Ce peut être une attitude pratique, on pourrait presque dire tactique, qui ne préjuge en rien des convictions de chacun, [de sa] relation au salut et à la vérité (...) Ce peut être aussi un changement radical, une conversion dans la perception des autres traditions, et finalement de la sienne propre. »287(*) Il ne s'agit pas comme beaucoup le suggèrent, de mettre sa propre foi entre parenthèse. Il n'existe pas de véritable dialogue lorsqu'on refuse d'être soi-même. Le réel dialogue n'est que le fruit d'une fidélité à son identité religieuse et dans l'ouverture et à la découverte de celle de l'autre. Le théologien suisse le résume encore clairement :

« Le dialogue requiert deux qualités essentielles : d'une part un engagement explicite des interlocuteurs dans leurs traditions respectives, et d'autre part une ouverture sincère à l'égard des autres traditions. Sans enracinement spécifique, il ne peut y avoir qu'un échange d'idées sur un fond religieux, non dépourvu d'intérêt mais coupé de la vie des croyants. Sans ouverture, il n'y a qu'une série de monologues, un échange d'informations sans impact existentiel et sans perspective de changement pour les traditions religieuses. »288(*)

Par ailleurs, si pour le chrétien, le Christ est Dieu faisant irruption dans l'histoire des hommes, cela ne peut être un motif d'orgueil. Le christianisme devrait faire sienne le principe kénotique dans lequel la gloire du Christ fait place à la contingence historique et à la fragilité. Chaque chrétien, loin de se considérer comme supérieur aux autres, devient celui dont parle Jésus quand il dit : « A qui on a beaucoup donné, il sera beaucoup demandé, à qui on aura confié beaucoup, on réclamera davantage. » (Lc 12, 48). Le dialogue est donc un chemin de conversion et d'humilité à travers lequel le chrétien est appelé à reconnaître dans son interlocuteur, l'image de Dieu qui lui parle et l'interpelle sans cesse. Jésus met en garde contre le danger de nous prévaloir par rapport aux autres souvent pris pour moins privilégiés que nous dans l'économie du salut, et de ne pas tirer profit du don que Dieu nous fait : « En vérité, je vous le dis, les publicains et les prostituées arrivent avant vous au royaume de Dieu. » (Mt 21,31) La révélation est définitive en Jésus non pas d'abord pour placer au-dessus de la mêlée ceux qui croiront en lui. Quand Vatican II parle de germes de vérités présentent dans les autres religions, il n'y a aucun doute que se profile dans cette idée l'interrogation de savoir ce que font les chrétiens de ce trésor dont Dieu les gratifie. Il n'est certes pas admissible aujourd'hui de parler d'une complémentarité dans l'ordre de la révélation ; cela est contraire à notre foi comme l'a bien souligné Dominus Iesus. Mais cela n'exclut pas d'envisager une autre forme de complémentarité, surtout celle qui découle d'un échange dans lequel les biens appréciés chez les autres nous engageront à réfléchir sur la manière dont ils sont autant présents et malheureusement peu considérés chez nous chrétiens. Claude Geffré propose dans ce sens « une possible réinterprétation créatrice de la vérité chrétienne à partir des autres vérités religieuses »289(*) puisque d'après le chercheur dominicain, la pédagogie même de Dieu dans l'histoire du salut, intègre une fonction prophétique de l'étranger pour une meilleure intelligence de sa propre identité. 

Il est important aussi dans une démarche de dialogue de distinguer deux pôles. Le premier est celui d'une base commune qui est « la reconnaissance d'une donnée qui unit les croyants par delà les différences de leurs traditions respectives. »290(*) Le deuxième pôle est bel et bien celui des spécificités propres à chaque tradition religieuse.

Qu'il nous soit permis de mentionner pour finir que si l'urgence du dialogue ne peut plus nous autoriser à différer le rapprochement des traditions religieuses, a fortiori le pressant besoin d'unité entre les chrétiens. Il est vrai, le débat christologique face au phénomène du pluralisme religieux engage davantage à penser la question de la relation entre religions. Comment cette unité serait-elle envisageable si, l'émiettement vertigineux au sein du christianisme tend à diminuer aux yeux des autres l'importance de l'initiative isolée de dialogue de quelques obédiences chrétiennes ? N'est-il pas profitable que le lieu christologique soit davantage un prétexte d'unité pour ceux qui se réclament du Christ ? Il faudrait saluer la célébration de la semaine de l'unité des chrétiens. Mais au sein des paroisses, les initiatives devraient davantage mobiliser les chrétiens pour des rencontres : questions sociales, débats et partages, expériences spirituelles de prière autour de la parole de Dieu, oeuvres caritatives.

* 282 GEFFRE Claude, De Babel à la Pentecôte, Op.Cit., p. 74.

* 283 www.sedos.org/french/geffre.htm

* 284 GEFFRE Claude, Profession théologien. Quelle pensée pour le XXIè siècle, Albin Michel, Paris, 1999, p. 140.

* 285 BASSET Jean-Claude, Le dialogue interreligieux, histoire et avenir, Cerf, Paris, 1996, p. 284.

* 286 DUPUIS Jacques, Jésus-Christ à la rencontre des religions, Op.Cit., p. 301.

* 287 BASSET Jean-Claude, Op.Cit., p. 298.

* 288 Ibidem, p. 303.

* 289 GEFFRE Claude, De Babel à la pentecôte, Op.Cit., p. 55, n. 2.

* 290 BASSET Jean-Claude, Op.Cit., p. 290.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard