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L'émigration malienne: configuration, modalités, et effets des migrations des ressortissants de la commune de Diéoura, cercle de Diéma.

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par BOULAYE KEITA
Université Paris 7 DIDEROT - Maà®trise 2004
  

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Chapitre I - La genèse des migrations Soninkés.

Faire une étude des migrations Soninkés nécessite de recourir à leur histoire. Déjà, il faut préciser que les Soninkés sont majoritairement répartis à cheval sur le Mali, le Sénégal et la Mauritanie dans ce qu'o n appelle << la zone des trois frontières » ou << le bassin du fleuve Sénégal ». Cette région est caractérisée par une homogénéité ethnique et culturelle, ce qui est très rare en Afrique au Sud du Sahara. On rencontre trois ethnies principales : les Soninkés, les Peuhls et les Mandingues. Mais ce sont les Soninkés qui sont les plus nombreux. C'est l'une des régions les plus pauvres du monde et les habitants vivent principalement grâce à l'agriculture mais surtout des revenus des émigrés.

Compte tenu des conditions climatiques difficiles, les populations ont vu la migration comme une stratégie de défense. Le processus migratoire chez les Soninkés a concerné au cours du temps plusieurs espaces.

Ce chapitre sera en effet consacré à l'étude de ces migrations dans les différents espaces concernés et les raisons fondamentales qui ont favorisé ces migrations et qui continuent de le faire.

1 - Une migration très ancienne :

La migration est une pratique installée chez les Soninkés depuis des siècles Cette tradition remonte à l'Empire du Ghana (VIIIe - XIe siècle avant J.c). Depuis cette époque, les Soninkés qui bénéficiaient des faveurs du roi Kaya Magham Cissé (lui même Soninké) étaient des commerçants et des voyageurs. Au départ, les voyages avaient pour but des échanges commerciaux. Au fil du temps, les villes découvertes lors des voyages servirent de demeures saisonnières aux commerçants. A l'époque, les chefs de famille libéraient les jeunes hommes pendant la saison sèche après les récoltes, les encourageaient à aller chercher un peu d'argent avant les pluies suivantes, date de retour au champ familial. Dans la mesure où les migrations saisonnières permettaient aux jeunes d'avoir un revenu, l'émigration devint un véritable moyen de lutte contre la pauvreté. Cette migration a commencé à prendre de l'ampleur au XXe siècle.

2 - Une migration de plus en plus lointaine, en Afrique :

On remarqu' au début du XXe siècle, que les migrants Soninkés, et en particulier ceux de la région de Kayes, commençaient à traverser les frontières du Mali en direction des pays frontaliers en particulier vers le Sénégal.

Entre 1930 et 1960, la culture de l'arachide au Sénégal (développée par le colonisateur), a attiré des migrants maliens. Cette migration en direction du Sénégal a été favorisée par de la construction du chemin de fer Dakar- Niamey en 1924. L'implantation d'usines dans les capitales des pays côtiers de l'Afrique de l'Ouest et Centrale a fait d'elles de nouveaux pôles d'attraction de migrants Soninkés. Le Congo Brazzaville et la République Démocratique du Congo (R.D.C.) sont les pays qui ont accueilli les premiers migrants Soninkés ce fut ensuite le Gabon, la Zambie, le Rwanda, le Burundi, etc.

La proximité géographique et la circulation des populations de part et d'autre de la frontière sont des facteurs stimulants de la migration internationale. L'émigration transnationale peut-être instable quand la proximité géographique est synonyme de distance politique. Des événements politiques ont remis en cause la présence des migrants dans les pays voisins. Par exemple, la dissolution de la fédération du Mali en 1960 s'est accompagnée de retour des Maliens résidant au Sénégal et des Sénégalais résidant au Mali. L'émigration dans certains pays comme la Côte d'Ivoire devient un véritable enjeu électoral, donne souvent lieu à des affrontements meurtriers et

une instabilité politique permanente

L'émigration des ressortissants de la région de Kayes, en particulier ceux de Diéoura en direction des pays africains, a tendance à baisser car la majorité de ces pays connaissent des troubles politiques et une dégradation de leur situation économique. Cet état de fait ne favorise pas l'intégration du migrant dans le tissu économique.

Après l'indépendance en 1960, La France est devenue une destination majeure pour les migrants soninkés de la région de Kayes.

Nous précisons que l'intérêt de ce travail n'est pas de faire une histoire des migrations Soninké, véritable métier d'historien. Mais c'est surtout de montrer la diversité du processus migratoire dans le temps et dans l'espace.

3- Une migration de plus en plus tournée vers la France

a- Dans un premier des conditions favorables de part et d'autre

Les Soninkés ont été mobilisés dans l'armée française lors de la seconde guerre mondiale. Il s'agissait des fameux « Tirailleurs Sénégalais ». A la fin des hostilités, quelques uns sont restés en France et ont favorisé progressivement l'établissement des premiers réseaux migratoires.

Après la seconde guerre, la France qui était en quête de main d'oeuvre, a fait appel aux jeunes africains. Les Soninkés restaient écrasants dans le contingent malien. La politique d'immigration française à cette époque était favorable à l'ouverture des frontières. On remarquait que les migrants en France retournaient au pays, quelques années plus tard, avec des économies sans précédent. Les jeunes garçons de leur entourage ont commencé à être intéressés quand ils ont remarqué que ces migrants envoyaient plus d'argent aux chefs de famille. Hier comme aujourd'hui, l'ouvrier parti en France a un grand privilège, dans la mesure où il est considéré comme quelqu'un qui a beaucoup d'argent et qui a la capacité de soutenir de nombreuses familles dans les moments difficiles.

A partir de 1970, l'aggravation des conditions économiques notamment avec le durcissement des conditions climatiques, la croissance démographique et la faible intervention de l'État pour la réalisation d'équipements d'intérêt public ont, renforcé la dépendance des communautés

émettrices vis-à-vis des transferts de fonds des immigrés en France5.

Les dirigeants des pays émetteurs de migrants, dans les années 1960-1970, considéraient l'émigration comme un fait nuisible au développement des régions d'origine. Mais plus tard, ils ont compris que les émigrés pouvaient potentiellement se révéler comme des acteurs capables de mobiliser des fonds nécessaires au profit des régions de départ.

Un autre facteur important de la mobilité des habitants du bassin du fleuve Sénégal tient au fait qu'ils sont dans une zone presque abandonnée par les États jusqu'à présent et particulièrement les soninkés du fait de la minorité des Soninkés dans les pays où ils vivent t « Au Mali, les Soninkés sont peu nombreux par rapport aux Bambaras, en Mauritanie par rapport aux Maures, et au Sénégal par rapport aux Wolofs »6. Ce sentiment d'abandon va jouer un rôle décisif dans l'engagement des Soninkés à aller chercher ailleurs les moyens à développer leurs lieux d'origine.

Dans la région de Kayes au Mali, l'agriculture n'est pas rentable et elle offre peu d'emplois. L'enclavement constitue un frein au développement de la première région administrative du Mali. Ce sont les migrants qui apportent la plus grande quantité d'argent à la région.

Pour répondre à la question, y a-t-il une corrélation entre migration et pauvreté ?

C'est absolument oui. Les réponses des enquêtes en France comme au Mali, présentent la migration comme un moyen de subvenir aux besoins de la famille, du village et aujourd'hui de la commune.

En effet, il faut dire que la raison économique reste la raison fondamentale dans l'étude des migrations qui font l'objet de ce mémoire, même si le l'aspect culturel est aussi à prendre en compte.

b- Depuis 1974, une politique de plus restrictive en France

Au départ, il n'y a pas eu d'installation définitive car les conditions d'entrée en France étaient simples. Les migrants partaient au pays dès qu'ils avaient travaillé quelques années (deux ou trois ans au maximum) et pouvaient revenir en France au moment souhaité.

« A partir de 1974 l'immigration économique est arrêtée et un contrôle rigoureux s'impose

5 Q. Catherine, 1991.

6 Mahamed Timera,1996

désormais aux candidats à l'immigration »7. A partir de cette date, ceux qui viennent en France restent jusqu'à l'obtention d'un titre de séjour facilitant les allers et les retours jusqu'à la retraite. Avant, le jeune garçon devait chercher une partie des frais de son transport dans un autre pays en demandant le complément à son frère, cousin, oncle, ami, beau frère ou neveu vivant déjà en France.

D'après nos enquêtes, 30 des 50 personnes interrogées en France déclarent avoir obtenu un visa et être s'envolées directement de Bamako-Senou vers Paris après 1990, et 20 ont déclaré transiter par d'autres pays. Par contre, toutes les femmes interrogées en France déclarent avoir obtenu leur visa à Bamako et sont venues directement à Paris sans séjourner dans un autre pays, dans les conditions légales.

A partir de 1990, l'instabilité politique et économique dans les pays d'accueil (particulièrement en Afrique centrale) a donné lieu à une autre orientation du voyage. Les jeunes candidats au départ qui avaient des répondants en France, ne transitaient pas vers d'autres pays mais remplissaient les formalités du voyage à Bamako. L'ensemble des frais de transport a été financé depuis Bamako pour Paris.

Nous avons constaté que les personnes qui transitaient dans d'autres pays étaient des vieux qui sont arrivés par les bateaux avant la fermeture des frontières et celles qui étaient jeunes et arrivées après 1990, sont des personnes qui n'avaient pas de répondants en France.

La féminisation de la migration internationale est une réalité favorisée par le regroupement familial du fait de gel de l'immigration. Mais la majorité des ressortissants de la commune de Diéoura vivent en France sans leurs femmes. C'est encore une migration essentiellement masculine. Lorsque nous avons cherché à connaître les raisons pour lesquelles les migrants vivent sans leur famille (épouses et enfant) en France, les personnes interrogées ont avancé deux raisons principales : leur inquiétude quant à l'avenir de leurs enfants en ce qui concerne leur intégration en France aussi bien qu'au Mali et de la multiplication des charges familiales (frais de louer, scolarité ses enfants ) est un autre facteur à prendre en compte dans cette analyse.

La migration des ressortissants de Diéoura reste principalement orientée vers la France, mais depuis deux ans, l'Espagne devient un véritable pôle d'attraction.

7 D.Christophe, 1993;

c - les filières d'immigration clandestines :

Le processus de fermeture des frontières va de l'arrêt de la migration officielle en 1974 à l'instauration du visa d'entrée pour le plus part des pays africains à partir de 19858.

Aujourd'hui, les départs empruntent essentiellement des filières illégales. Ainsi, politiciens, marabouts, commerçants, responsables de l'administration, artistes, profitent de toutes les opportunités pour dénicher un visa aux candidats près à payer le prix fort. Selon nos enquêtes, réalisées auprès de quelques candidats au départ, les frais du voyage de Bamako à Paris serait de l'ordre de 3050 € ou plus aujourd'hui contre 1000€ en 1990. On assiste donc en une augmentation considérable des frais du voyage.

L'inégalité est un concept récurrent dans l'analyse de ces migrations. Les candidats au départ disposent généralement de titres de voyage et de visa nécessaires à l'entrée dans le pays d'accueil, et ont fait appel à des réseaux officieux. La plus grande partie des émigrés établis après 1974 reste au-delà de la durée que leur confère le visa de tourisme ou de transit en attendant une régularisation de leur statut de résidence. On assiste à une fin des migrations de main d'oeuvre et des migrations tournantes vers la France depuis l'instauration de la carte de séjour et du visa d'entrée. On passe d'une émigration de travail à une émigration d'installation avec tous les problèmes d'insertion professionnelle et d'intégration.

Si dans les années 1960 - 1970, les migrants arrivés en France ne connaissaient pas le chômage, il en est plus le même aujourd'hui. Les jeunes qui quittent le village et viennent directement en France souffrent beaucoup du chômage. Beaucoup d'entre eux travaillent au noir9.

Les migrations soninkés ont évolué dans le temps avec une capacité d'adaptation dans les lieux d'accueil. La crise d'une destination donne lieu à la découverte d'autres destinations.

En effets les différents contextes socio-économiques jouent énormément sur l'orientation et l'action des migrants.

8 -Voisont D. et al, 1992. 9- Julien C. et Syr D, 1996

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille