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Les comptes spéciaux du trésor

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par Moussa TRAORE
Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal - DEA 2010
  

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Section II : Les avantages des CST dans leur singularité

A priori, quand il s'agit des CST, on a à l'esprit la prise en compte de la spécificité des opérations retracées ; ce qui semble limiter le champ des avantages à l'Etat. Mais à y voir de très près, toutes les activités financières de celui-ci s'entretiennent avec ou au profit d'autres personnes publiques ou de particuliers. En clair, ces avantages s'élargissent aussi bien aux autres Collectivités publiques (I), qu'aux personnes privées (II).

§ 1. Les avantages pour les Collectivités publiques

Par l'entremise des CST, les Collectivités publiques avec lesquelles l'Etat entretient des rapports sont de deux ordres : soit il s'agit de Collectivités locales auxquelles il accorde des avances (A), soit ce sont d'autres organismes publics qui sont destinataires de concours financiers analogues (B).

A - Les avances accordées aux Collectivités locales

Ces avances sont prévues par les articles 250 (pour les Communes) et 251 (pour les Communautés rurales) de la loi 96-06 qui stipulent que l'Etat peut consentir aux Collectivités locales : « au début de chacun des deux premiers trimestres de l'année financière, une avance égale à 25 % des recouvrements effectués au cours de la dernière gestion connue au titre des impôts directs (et centimes additionnels pour les Communautés rurales) »

Cet article s'est matérialisé par la création d'un compte d'avances84(*). Les autorités locales, n'entrant que tardivement en possession de leurs moyens financiers, l'Etat met à leur disposition - pour trois mois - le montant à peu près attendu des impôts directs sur une durée de trois mois. Les agents de l'Administration fiscale procéderont au recouvrement pour solder le compte ouvert au nom de chaque Collectivité locale.

En France, c'est à peu près le même procédé avec les comptes de concours financiers qui comportent les avances destinées aux Collectivités territoriales dont un programme d'avances sur le montant revenant aux Départements. A la différence du Sénégal, le versement est ici mensuel (donc assimilable à la pratique des douzièmes provisoires). C'est suivant l'émission des rôles de l'année en taxe d'habitation, en taxes foncières et en taxe professionnelle qu'est fixé le montant de l'avance accordé qui est inscrit en dépense dans le compte, à côté des recettes que constituent les impôts indirects recouvrés sur les contribuables de la localité concernée ainsi que les dégrèvements et admissions en non valeur.

Dans les deux cas, les intérêts demeurent les mêmes pour les Collectivités locales : une indépendance de fonctionnement par rapport aux rentrées de fonds, surtout pour celles dont les revenus sont essentiellement constitués par les ressources fiscales sachant qu'en France, plus de la moitié de leur recouvrement intervient dans le courant du dernier trimestre. D'un autre côté, elles sont préservées des aléas du recouvrement puisque c'est l'Etat qui comble le gap créé par le non-recouvrement issu d'un avantage fiscal accordé à un contribuable ou du fait d'une impossibilité de recouvrement (insolvabilité, disparition du contribuable etc.).

Ce compte présente également un intérêt pour l'Etat puisque en contrepartie, il y a le principe de l'unité de caisse de la Trésorerie publique. Le dépôt est donc obligatoire et gratuit - non productif d'intérêt85(*) - pour l'ensemble des Collectivités locales. Du côté de ces dernières, cela permet d'éviter la comptabilité oisive et il est loisible aux autorités étatiques d'en placer une partie dans le circuit des marchés financiers.

Toujours suivant les mêmes modalités, les localités peuvent bénéficier de prêts soit spontanés, soit sous forme de consolidation d'une avance non remboursée à temps.

Ces comptes s'avèrent donc très intéressants pour les Collectivités locales en termes de disponibilité de fonds et partant de constance dans leur fonctionnement. L'Etat de sa part n'est point lésé dans cette relation qui parfois le lie à d'autres organismes publics.

B - Les concours financiers apportés aux autres organismes publics

Il s'agit d'avances et de prêts accordés à des organismes dont, les plus importants sont les établissements publics et les sociétés anonymes à participation publique majoritaire86(*). Tout comme les Collectivités locales, ils sont tenus de déposer leurs fonds au Trésor. En échange, en cas de difficultés financières, l'Etat s'engage à approvisionner leurs caisses en attendant que leurs ressources propres soient disponibles. L'article 5 de la loi 2008-43 portant code de l'urbanisme87(*) dispose dans ce sens « Les organismes publics, parapublics ou privés compétents peuvent participer conjointement avec les Collectivités locales et l'Etat à l'élaboration des documents d'urbanisme et à la réalisation des opérations d'aménagement. Dans ce cadre, l'Etat peut consentir des subventions, avances ou dotations à ces organismes ».

De même s'ils sont confrontés à des besoins prompts d'emprunter, les autorités étatiques peuvent leurs accorder des prêts ou s'en porter garantes88(*).

Cette expérience sénégalaise est similaire à la pratique française qui est un peu plus riche. En plus des établissements publics, les avances peuvent être consenties à divers services de l'Etat ou organismes en charge d'une mission de service public. Ce compte a vu le jour en 1980 avec la loi de finances d'alors en son article 51. Il est issu de la fusion de quatre autres : avances aux budgets annexes, aux établissements publics nationaux et services autonomes de l'État, à des services concédés ou nationalisés ou à des sociétés d'économie mixte, à divers organismes de caractère social. Certains de ces organismes peuvent être autorisés par l'Etat à percevoir le produit des impositions. Cette perception passant nécessairement par les caisses de Trésor, l'Administration fiscale étant toujours exclusivement composée d'agents de l'Etat, celui-ci peut octroyer, sous forme d'avance, à ces organismes une partie de la somme correspondante.

Nos remarques sur les avantages des avances et prêts du Trésor sur les Collectivités locales demeurent valables pour les autres organismes publics. L'Etat s'organise toujours de manière à ce que l'indisponibilité immédiate de fonds ne soit pas la cause de la non-satisfaction d'une activité que les citoyens sont en droit d'attendre d'une de ces Collectivités publiques spécialisées.

Les comptes d'avances et de prêts au Sénégal et de concours financiers en France occupent une place de choix dans la décentralisation aussi bien territoriale que technique ou par service. Si l'on invoque souvent l'intérêt des CST sur le budget général pour justifier leur existence, il ne faut pas perdre de vue qu'ils sont pour le moment plus efficaces que n'importe quel autre type de compte pour suivre les rapports financiers qu'entretiennent les Collectivités publiques décentralisées avec L'Etat. Néanmoins, lorsque ces rapports s'élargissent aux personnes privées, les CST demeurent parfois le meilleur procédé de description des opérations.

§ 2. Les avantages pour les personnes privées

Les personnes privées peuvent bénéficier des prestations financières de l'Etat via les CST dans le cadre de leurs activités professionnelles. Il s'agit pour l'Etat soit d'attacher certains avantages à certaines fonctions, soit de promouvoir un secteur économique en particulier. On peut appréhender ces avantages en nous intéressant aux deux types de compte suivant : les prêts et avances accordés aux particuliers (A) et la caisse d'encouragement à la pêche et à ses industries annexes (B).

A - Les prêts et avances accordés aux particuliers

C'est certainement le compte le plus avantageux pour les personnes physiques, qui se révèlent le plus clair du temps être des fonctionnaires. Pour simple rappel, les avances ont lieu à l'occasion des fêtes de Tabaski et s'élèvent à 50.000 F CFA et sont remboursables sur huit mois à raison de 6.250 F CFA par mois. Le montant des prêts au logement est de 5.000.000 F CFA et doit être épongé en sept ans (voir supra).

Avec ces deux types de comptes, le Trésor offre les mêmes prestations que les banques avec un coût moindre puisque le remboursement est affranchi d'intérêt. Cela s'explique par la gratuité du dépôt des fonds au Trésor à la différence d'une banque qui, en sus de la somme initialement déposée par un client, propose un pourcentage de bénéfices, ce qui lui donne en échange le droit d'user de ce montant pour un prêt qui à son tour sera grevé d'intérêt. D'un autre côté, suivant la logique de fonctionnement de principe du CST, c'est comme si le fonctionnaire dispose déjà d'une somme au moins aussi importante que le prêt ou l'avance auprès de l'Etat et le Trésor se contente de le défalquer au fur et à mesure qu'il perçoit89(*). En d'autres termes, c'est son propre argent qu'il emprunte en attendant d'en être réel détenteur ; donc inutile qu'il paie le droit d'usage que représente l'intérêt.

Le législateur français est allé encore plus loin90(*). En plus des avances aux agents de l'Etat pour l'amélioration de l'habitat, on peut recenser les avances aux fonctionnaires de l'Etat pour l'acquisition de moyens de transport, les avances aux agents de l'Etat à l'étranger pour la prise en location d'un logement.

L'autre avantage qu'il faut mettre à l'actif de ces comptes en dehors de l'accès facile au logement et la prise en charge des frais occasionnés par une fête religieuse, c'est l'interventionnisme social auquel les autorités étatiques se livrent et il faut même entrevoir le développement au bout comme le défend le professeur DEBENE : « Les missions nouvelles du Trésor - fonction de banquier (les missions traditionnelles correspondant à sa fonction de caissier) - sont la conséquence de l'interventionnisme croissant, appelé par les exigences du développement au Sénégal »91(*). En 2009, la loi de finances initiale prévoyait 12.000.000.000 F CFA de prêts rien que pour les particuliers au moment où les autorités locales devaient en percevoir 800.000.000.

En résumé, à travers les avances et prêts accordés aux particuliers, l'Etat peut directement intervenir dans le niveau de vie de ses agents. Il faut cependant reconnaître que les véritables bénéficiaires sont les fonctionnaires aux revenus mensuels moyens.

Les ambitions de l'Etat peuvent parfois être bien plus poussées lorsque celui-ci se décide à faire bénéficier tout un secteur de l'économie de son assistance via un CST, tel est le cas de la CEPIA.

B - La caisse d'encouragement à la pêche et à ses industries annexes

C'est l'un des comptes d'affectation spéciale les plus anciens. La CEPIA a été instaurée par la loi 67-01 du 30 janvier 1967. Sont enregistrées à titre de recettes diverses cotisations, taxes et amendes92(*). Les dépenses sont réparties entre deux programmes hormis les frais de fonctionnement, d'encadrement et de contrôle : un programme de soutien des produits de la pêche et un programme d'investissement en faveur des structures.

Le programme de soutien s'intéresse principalement à l'amélioration et à la facilitation de la commercialisation des produits halieutiques. On peut citer entre autres le soutien de la vente des conserves fabriquées au Sénégal et destinées au marché international, le financement des programmes de recherches et d'aménagement des ressources halieutiques ainsi que des études de marché, l'action de promotion des produits de la pêche sur le marché national.

Le programme d'investissement vise à doter le secteur d'infrastructures telles que « des structures d'accueil des ouvrages portuaires et ateliers de réparation » et de moyens logistiques « installations frigorifiques, équipement en matériel de pêche » (article 9 décret 80-518).

Sachant que les sources de financement de la CEPIA génèrent chaque année environ 900.000.000 F CFA qui sont intégralement réinjectés dans le compte avec plus de 500.000.000 F CFA pour les deux programmes, on peut affirmer que la volonté de l'Etat est largement au-dessus de ce que laisse entendre la dénomination du compte. Il y a une réelle prise en charge voire une promotion du secteur de la pêche.

Les ambitions des autorités étatiques sont malgré tout bien plus importantes encore ; la demande d'intégration des 166 agents contractuels du Département des pêches et de l'aquaculture pris en charge par le compte sur autorisation de la loi de finances dans la fonction publique pour un allégement du compte au profit du renforcement de la partie allouée aux programmes en est une preuve93(*). Au demeurant, le compte est jugé déficitaire de 300.000.000 F CFA à cause de la non-reconduction de l'accord de pêche avec la Communauté européenne et l'arrêt de la cotisation des professionnels depuis plusieurs années94(*).

La CEPIA est un exemple probant de la possibilité d'une auto prise en charge de certains secteurs de l'économie qui s'entretiendraient par les ressources qu'ils génèrent eux-mêmes. Au-delà, les véritables bénéficiaires sont ceux qui évoluent dans ce secteur puisqu'ils sont certains d'exercer dans les meilleures conditions, de surcroit, les problèmes de commercialisation sont amoindris.

En somme, si toutes les activités de l'Etat ont pour centre d'intérêt l'épanouissement des citoyens, il faut avouer qu'avec les CST, il vise des objectifs spécifiques qu'il tente d'atteindre tantôt en étant directement accessible aux personnes privées, tantôt via un secteur de l'économie, tantôt par le biais d'autres organismes publics. Dans tous les cas, les intérêts de l'institutionnalisation de la distinction entre opérations « normales » et opérations exceptionnelles ne sont plus à prouver. L'heure n'est donc pas à un questionnement sur l'utilité des CST, mais à une confrontation entre leur apport positif et leurs méfaits pour trancher le problème de leur maintien ou de leur suppression.

Pour ce faire, il faudra impérativement identifier les inconvénients qu'une éventuelle réforme devrait surmonter pour parvenir à une rationalisation du procédé.

* 84 Conformément aux dispositions de l'article 255, le compte peut également être sollicité suivant les conjonctures : « L'Etat peut consentir des avances aux collectivités locales qui justifient :

- que leur situation de caisse compromet le règlement des dépenses indispensables et urgentes ;

- que cette situation n'est pas due à une insuffisance des ressources ou à un déséquilibre budgétaire »

* 85 Conformément à l'article 24 de la LOLF française de 2001, le décret en Conseil d'Etat n° 2006-1727 du 23 décembre 2006 relatif au taux d'intérêt des concours financiers relevant des comptes intitulés « Avances aux collectivités territoriales » et « Accords monétaires internationaux » précise dans son article 1er que « les concours accordés au titre de la seconde section du compte de concours financiers intitulé « avances aux collectivités territoriales » ne sont pas assortis d'un taux d'intérêt ».

* 86 Ce sont les seuls organismes publics expressément prévus par la loi de finances dans la catégorie des comptes d'avances et des prêts. Les autres se retrouvent dans la rubrique divers organismes.

* 87 JORS n° 6438 du samedi 15 novembre 2008 à consulter sur www1.adie.sn/jo/article.php3?id_article=717

* 88 On peut ranger les garanties et avals de l'Etat dans les concours financiers. La seule différence étant ici qu'il s'agit d'un engagement passif par opposition à celui actif qui renvoie au décaissement matériel. Dans le premier cas, le fait pour l'Etat de supporter les risques de non remboursement est synonyme d'un décaissement éventuel.

* 89 C'est la même démarche pour les Collectivités locales ; lorsque ces dernières dépensent les sommes qui leur ont été avancées par l'Etat, on considère qu'elles sont en train de dépenser leur propre argent dont elles ne disposent pas pour le moment. Concomitamment au recouvrement le Trésor reprend son dû. La seule différence qu'on peut noter, c'est que contrairement aux Collectivités locales, le fonctionnaire, au moment où il perçoit l'avance, n'est pas encore propriétaire des fonds avec lesquels il compte rembourser puisque le service n'est pas encore fait.

NB : Salaire = contrepartie d'un service fait

* 90 Parallèlement aux particuliers, les associations participant à des tâches d'intérêt général peuvent avoir accès à ces avances dans la législation française.

* 91 Marc DEBENE, Encyclopédie Juridique de l'Afrique, Tome 3e, Systèmes budgétaires, financiers, fiscaux et douaniers, NEA, 1982, p. 140.

* 92 Cf. article 8 du décret 80-518 du 21 mai 1980 fixant les règles d'organisation et de fonctionnement du CST n° 30-18-07 « Caisse d'encouragement à la pêche et à ses industries annexes ».

* 93 C'est en effet sur les ressources de la CEPIA que sont prélevés les salaires de ces 166 agents. L'intégration de ces derniers dans la fonction publique aurait pour conséquence de faire supporter au budget général cette masse salariale. Ainsi, il sera procédé à la réaffectation des ressources du compte initialement destinées aux salaires au profit du renforcement des programmes de soutien et d'investissement.

* 94 Conseil présidentiel sur la pêche tenu en mars 2008

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein