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Les comptes spéciaux du trésor

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par Moussa TRAORE
Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal - DEA 2010
  

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Chapitre II : Les inconvénients des CST

S'il est parfois possible de mettre des défaillances institutionnelles au compte du corpus juridique, il n'en demeure pas moins que la plupart d'entre elles résultent d'une mise en oeuvre défectueuse voire malintentionnée. Les CST n'échappent malheureusement pas à ce constat. La pratique actuelle, malgré les multiples tentatives de rationalisation, laisse apparaître un fossé entre les intentions du législateur et leur concrétisation par les autorités politiques. La surveillance des activités financières de l'Etat s'en trouve hypothéquée dans la mesure où en cours d'exécution le procédé du CST est utilisé pour des raisons autres que celles qui l'avaient fait naître et en fin d'exécution, les parlementaires sont impuissants puisque dépossédés de droit ou de fait d'une bonne partie de leurs moyens de contrôle.

En somme, il s'agira d'analyser les difficultés tant du point de vue de la saine gestion des finances publiques (section première) que du point de vue du contrôle (section II).

Section première : Les difficultés de la saine gestion des finances

publiques en cours d'exécution

Envisager l'étude des CST à l'écart du budget de l'Etat et des autres comptes ne donne qu'une vision partielle des enjeux que comportent ces catégories de comptes. C'est pour cela que nous nous proposons dans cette section de les appréhender de manière large dans les finances publiques en général. Et il ressort de cet exercice deux problèmes majeurs qui ne concourent pas à une gestion financière saine. L'un est relatif à l'incapacité de plusieurs comptes à pouvoir fonctionner sans un apport du budget général et l'autre renvoie à l'usage abusif qui est fait du procédé.

Respectivement le premier renvoie aux risques de déficit public (I) et le second au danger que représente leur expansion (II).

§ 1. Les risques d'accroissement des déficits publics

Dans le principe de fonctionnement du CST, (exception faite des comptes d'affectations spéciales) les opérations devraient se solder d'elles-mêmes ; ce qui signifie un équilibre inhérent à sa gestion. Mais la pratique montre un tout autre visage caractérisé par des violations du principe d'équilibre (A) que l'Etat tente de corriger avec des dotations budgétaires (B).

A - Les violations du principe d'équilibre

« Conformément aux dispositions de l'article 37, alinéa c, de la loi n° 75-64 du 28 juin 1975 portant loi organique relative aux lois de finances, est constatée la perte d'un montant de cent seize milliards sept cent quatre vingt quinze millions neuf cent soixante dix sept mille six cent dix neuf (116.795.977.619) francs CFA dans l'exécution des comptes spéciaux du Trésor au titre de la gestion 1996, en application des dispositions des articles 22 à 30 de la loi organique, conformément à l'annexe III ». Cet article 6 - rubrique constatation des pertes - de la loi n° 2007-12 du 6 février 2007 portant loi de règlement pour la gestion 1997 résume à lui seul la difficulté d'associer le procédé du CST à la règle orthodoxe de l'équilibre censé le régir. En effet, en théorie, les comptes devraient se solder d'eux-mêmes avec le temps. Mais la pratique montre une disproportion entre ce qu'il coûte à l'Etat d'entretenir isolément du budget une activité, et ce que cette même activité génère en retour, y compris parfois pour les comptes fonctionnant sur la base du système revolving (même si les risques sont bien minimes et que les pertes si elles se produisent sont largement moins importantes dans ce dernier cas). Dans la loi 2008-70 du 11 décembre 2008 portant loi de finances pour l'année 2009, tous les CST sont présentés en équilibre. Cependant dans la réalité, certains comptes connaissent des déficits considérables. Nous avons à titre d'exemple la CEPIA qui souffre d'un déficit de 300.000.000 F CFA, soit le tiers des dépenses prévues (cf. Conseil présidentiel sur la pêche précité).

Les remarques sont identiques en France où en 1998, la charge nette des comptes s'est détériorée de 5,1 milliards de francs pour représenter 3,72% du déficit prévisionnel du budget de l'Etat95(*).

Encore plus significatif, l'autorisation de découvert accordée à trois catégories de comptes, en l'occurrence, les comptes de commerce, les comptes de règlement avec les Gouvernements étrangers et les comptes d'opérations monétaires, est synonyme de consentement du législateur à un déficit.

Pour condenser nos propos, nous pouvons invoquer les rapports de la Commission française des Finances qui y dénonce souvent des équilibres artificiels. Les déficits créés peuvent provenir de dispenses, d'imprévus ou de mauvaise gestion. C'est pour remédier à cela que l'Etat vient en aide à ces comptes sous forme de dotations budgétaires.

B - Les dotations budgétaires

Ce sont les versements en provenance de l'Etat. En principe, les CST devraient fonctionner uniquement sur la base des ressources que prévoit le texte constitutif. En cas d'insuffisance, ils ne sont exécutés que jusqu'à concurrence du montant disponible ; en clair, certaines dépenses devront être sacrifiées au profit d'autres. Cependant, la loi prévoit deux exceptions à cette règle :

- D'abord les comptes d'affectation spéciale pour lesquels le législateur peut prévoir des subventions ; il en était ainsi du fonds d'aide au sport et à l'éducation populaire institué par le décret n° 79-1151 du 17 décembre 1979 qui prévoyait en son article 9 pour les ressources diverses : « le produit des subventions qui pourraient être consenties par des personnes physiques ou morales ou par des organismes nationaux ou étrangers » ;

- Ensuite il y a les comptes de garanties et d'avals dont l'article 31 de loi organique sénégalaise 2001-09 dispose qu' il sont provisionnés par une dotation budgétaire égale à 10% des échéances annuelles dues par les bénéficiaires des garanties de l'Etat (avec la particularité que le décaissement n'est effectif qu'en cas de défaillance de ceux-ci).

Les dotations budgétaires violent de façon flagrante l'esprit du CST. Le budget général supporte les charges d'un compte qui était censé n'avoir aucune incidence sur lui96(*). En d'autres termes, les opérations des comptes, à terme, ne sont pas « blanches »97(*)  ; ce qui n'est pas conforme à l'idée d'opérations temporaires qu'ils sont supposés retracer. Monsieur Laurent RABATE rend bien cette situation lorsque décrivant la couverture de l'insuffisance des recettes du fonds national pour le développement du sport par le budget du Ministère de la jeunesse et des sports en 1988, il affirme : « des ajustements de ce type favorisent des doublons entre chapitres budgétaires et comptes d'affectation spéciale, qui renforcent le sentiment d'arbitraire puisqu'une même dépense peut être imputée sur le budget ou sur le compte spécial »98(*).

En un mot, les risques de déficit public sont réels et le demeureront tant que les CST continueront à occuper une part aussi représentative dans la loi de finances. Et à ce sujet, il ne faudrait pas perdre de vue que s'il est en majorité admis depuis les théories de Keynes que le déficit budgétaire pouvait favoriser une relance économique, le déficit public, prohibé ou strictement limité, est encore synonyme de mauvaise gestion. S'il y a toutefois une autre menace adjointe à la pratique du compte spécial, c'est bien les dangers que pourrait représenter son développement irrationnel.

§ 2. Les dangers de l'expansion des CST

Les dangers liés à la multiplication des comptes spéciaux sont principalement la dénaturation de leur objectif (A) et l'érection du procédé en principe (B).

A - La dénaturation de l'objectif des CST

Pour simple rappel, deux types d'opérations avaient présidé à l'institution des CST : les opérations temporaires et les opérations des comptes bénéficiant d'une affectation d'office en raison de l'existence d'un lien évident entre les recettes et les dépenses99(*).

Pour les premières, de multiples comptes retracent des opérations qui n'ont rien de provisoire : il en était ainsi de la catégorie compte de règlement avec les Gouvernements étrangers. Pareil pour les comptes d'opérations monétaires qui ont été supprimés en 2009 au Sénégal. Pour d'autres comptes, leur non-fonctionnement suffit pour témoigner de leur inutilité. C'est ce qui a conduit à la suppression - avec la loi de finances sénégalaise de 2009 - des comptes de commerce de la DPS et de l'Administration pénitentiaire et la non-reconduction de la dotations des comptes de garanties et d'avals.

S'agissant des secondes opérations, le lien direct qui devrait sous-tendre l'affectation n'est pas toujours établi. En effet, dans la législation française, « si les charges prévues ne peuvent être intégralement couvertes grâce à des ressources de nature correspondante, des ressources totalement étrangères en assurent le financement »100(*). De surcroit, l'usage des fonds affectés n'est pas toujours déterminé ; c'est une critique assez récurrente dans les conclusions des Commissions parlementaires françaises des Finances.

En somme, s'il fallait conserver des comptes dans la catégorie CST conformément à la législation stricte, il en resterait certainement moins d'une dizaine. Et selon plusieurs spécialistes, en l'occurrence le personnel de la DGCPT, en dehors du FNR, des comptes d'avances et des comptes de prêts, il est plutôt exceptionnel que des opérations méritent d'être décrites par un compte dit spécial. Qui dit justement spécial, fait référence à ce qui déroge au général et non à ce qui a tendance à s'ériger en principe comme en témoigne le recours récurrent à ce procédé.

B - La tendance à l'érection du procédé en principe

« La procédure du CST est dérogatoire au droit commun (...). Dérogatoire, cette procédure doit donc rester exceptionnelle »101(*). Cette assertion du professeur BOUVIER résume la place que devrait occuper les CST au sein des comptes budgétaires ou ce qu'est son usage judicieux. Un recours incessant à ce procédé présente l'inconvénient de les ériger en une pratique de principe qui consiste à les créer de la même façon que l'on ouvre une nouvelle ligne budgétaire, c'est-à-dire en faire un mode normal - et non plus spécial - de comptabilisation des dépenses et des recettes. Au finish, les lignes de démarcation entre les différentes natures des opérations deviennent sensibles à l'évanescence, et on veut pour preuve le caractère interchangeable du budget et du CST. En effet, en cas de suppression d'un CST, dans la plupart des cas, les opérations qui y étaient retracées se retrouvent dans la masse budgétaire de l'Etat sans que ce transfert n'entraine une quelconque conséquence sur les activités affiliées.

On est peut-être encore loin des 400 CST recensés à l'aide de l'inventaire Schuman102(*) ou encore d'un montant représentant le quart du budget général, mais toujours est-il qu'il faudrait rationaliser davantage leur utilisation.

C'est dans cette perspective que nous proposons, à la place d'une option laissée au bon vouloir des autorités gouvernementales, un choix strictement guidé par la nature des opérations décrites. En d'autres termes, il est question de savoir si la prise en charge d'opérations par le budget général peut bousculer les règles de présentation. Et uniquement en cas de réponse positive, le suivi des mouvements de fonds par un compte spécial s'imposerait. Avec un tel encadrement, le pari de maintenir les CST dans une situation exceptionnelle serait gagné.

Décidément, la spécialisation d'un compte relèverait-elle plus de la volonté des autorités politiques que de la nature des opérations retracées ? Malgré les tentatives de rationalisation, l'on est obligé de pencher pour une réponse affirmative ; c'est justement à cela que monsieur RABATE faisait allusion quand il s'exprimait en termes « d'arbitraire ».

Monsieur Christian BIGAUT a pu affirmer qu' « à l'origine, les comptes spéciaux du Trésor ont été le moyen d'échapper aux règles strictes de la comptabilité publique et de dissimuler le déficit budgétaire »103(*). Si l'heure n'est plus à l'affranchissement des règles comptables, on peut à juste titre continuer à s'inquiéter pour la persistance des risques de déficit public.

Il faut également ajouter à l'utilisation malicieuse ou l'usage fallacieux des CST, la faculté de rendre difficile le contrôle.

* 95 Rapport général n° 85, tome III, annexe 45, fait au nom de la Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de finances pour 1998 adopté par l'Assemblée nationale. A consulter sur http://www.senat.fr/rap/l97-085-3-a45/l97-085-3-a45.html

* 96 Voir infra - autonomie de fonctionnement

* 97 Nous empruntons l'expression à monsieur André PAYSANT qui, dans son manuel de Finances publiques, parle d'opérations blanches pour rendre l'idée d'un compte dont les opérations ne devaient pas laisser de traces parce que devant s'équilibrer d'elles-mêmes. Il affirme qu' « Il existe des opérations qui présentent un actif ou un passif qui sera compensé à terme par une opération inverse équivalente ». Le solde est donc forcément nul d'où le qualificatif de blanc. Cf. André PAYSANT, op. cit. p. 114

* 98 Laurent RABATE, Du bon usage des comptes d'affectation spéciale, in RFFP n° 32, Les comptes spéciaux sur Trésor, LGDJ, Paris, 1990, p. 37.

* 99 Rappelons qu'en dehors des comptes d'affectation spéciale, tous les CST sont décrits au dessous de la ligne ; ce qui renvoie aux opérations temporaires

* 100 Pierre Di MALTA, Le régime juridique des comptes spéciaux du Trésor, in RFFP précité, p. 24

* 101 Michel BOUVIER et alii, op. cit. p. 213

* 102 Inventaire de la situation financière de la France dirigé en 1947 par le ministre des Finances de l'époque M. Robert Schuman. Cf. Pierre Di Malta, loc. cit. p. 16

* 103 Christian BIGAUT, Finances publiques - de droit budgétaire : Le Budget de l'Etat, Paris, Ellipses, 1995, p. 35

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon