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Les comptes spéciaux du trésor

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par Moussa TRAORE
Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal - DEA 2010
  

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Section II : Les difficultés du contrôle

Si la doctrine est partagée sur l'importance des pouvoirs parlementaires en matière financière, elle est unanime pour admettre que l'autorité législative dispose d'une panoplie de moyens de contrôle efficaces allant des questions - écrites ou orales - aux audits en passant par les Commissions d'enquête. Cette efficacité peine cependant à trouver ses marques en ce qui concerne les CST du fait de plusieurs facteurs qui sont soit liés aux conditions de contrôle (I), soit liés aux moyens avec lesquels ce contrôle est effectué (II).

§ 1. Les difficultés liées aux conditions de contrôle

Ce sont les entraves liées à l'objet du contrôle. Elles se manifestent sous forme de rétention d'informations de la part de ministres responsables des CST (A), ou par la prolifération des documents de contrôle (B).

A - La rétention d'informations des ministres gestionnaires

Il faut d'abord préciser que tous les CST sont d'une manière ou d'une autre sous la tutelle d'un Ministère. Cela, faut-il le répéter, est dû à l'inexistence d'une personnalité juridique pour les services concernés. Les Ministres, étant responsables de l'ensemble de leurs services, ce sont eux qui sont appelés à répondre de leur gestion devant les parlementaires.

Mais de plus en plus, on se rend compte des difficultés qui entourent ce contrôle caractérisé selon les rapporteurs de la Commission française des Finances par des réponses tardives, incomplètes ou symboliques. Il y a cependant lieu d'identifier deux situations.

Les obstacles rencontrés dans le contrôle parlementaire des CST sont souvent imputables à la particularité d'une catégorie. C'est surtout le cas des comptes de règlement avec les Gouvernements étrangers. En France, même si le Conseil constitutionnel avait admis dans la décision n° 75-60 DC du 30 décembre 1975 que les accords dont il était question dans ce compte « ne peuvent être prévus de manière précise au moment du vote, mais font l'objet de comptes rendus complets permettant de fixer la demande de découvert pour l'année suivante, mettant ainsi le Parlement en mesure d'exercer le contrôle qui lui appartient », ils étaient caractérisés par « une zone de pénombre justifiée en principe par les nécessités de l'action diplomatique ou militaire qui rend difficile le contrôle parlementaire »104(*). Le Ministre de tutelle de ces comptes - confiés à l'origine en France au Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie - ne peut donc pas répondre de manière exhaustive à toutes les interpellations au risque de dévoiler des secrets d'Etat.

Dans les autres cas, la particularité des opérations retracées par les CST transcende parfois le régime juridique ; ce qui les rend favorables à des entourloupes. Les ministres malveillants peuvent être enclins à dissimuler une gestion nébuleuse pour ne pas dire frauduleuse qui ne gagnerait pas à ce que certaines informations parviennent aux parlementaires.

On pourrait être tenté de justifier une telle attitude par le fait que les Ministres sont parfois appelés à rendre compte pour des opérations dont ils ne sont ni les administrateurs ni ne contrôlent le comptable assignataire. Et qu'il est donc tout à fait admissible que même avec des documents à l'appui, ils ne détiennent pas toujours la réponse à une inquiétude d'un député. Ou encore qu'en cas de cogestion, il y a toujours des enchevêtrements qui font que chacun des ministres cogérants ne maitrise pas l'étendue et les limites de sa responsabilité.

Cependant, dans le premier cas, il ne faut pas oublier que les ministres disposent d'un minimum d'un mois pour se rapprocher de ceux chargés de la gestion du compte afin d'obtenir le maximum d'informations sur la question105(*).

Pour le second cas, on a en France l'exemple du compte d'affectation spéciale dénommé Fonds national de l'eau qui comporte un sous-compte pour le développement des adductions d'eau géré par le Ministère de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et un sous-compte de solidarité pour l'eau sous la tutelle du Ministère de l'Ecologie et du développement durable. Ces deux sous-comptes sont strictement séparés pour l'ensemble de leurs opérations106(*), s'il existe donc des risques d'interférence, ils sont fort bien négligeables.

En marge de ces deux situations, il faut souligner l'opacité de certains comptes bénéficiant de dotations budgétaires, ce que tentait de dénoncer le juge des comptes pour qui : « La nature des dépenses de certains comptes ne permet pas de constater un partage clair entre les financements pris en charge par un compte spécial du Trésor et ceux relevant du budget général. Ces pratiques qui ont déjà été relevées dans le passé, rendent opaques les interventions de l'Etat et montrent que la frontière entre le budget général et comptes spéciaux du Trésor n'est pas respectée »107(*).

Que ce soit par déficit d'informations ou prééminence du caractère secret sur la gestion transparente, c'est le contrôle parlementaire qui y perd sa crédibilité. Pour contourner cet écueil, les représentants du peuple peuvent choisir de se référer directement aux documents fournis, ce qui complexifie leur tâche.

B - La prolifération des documents de contrôle

L'évolution du contrôle budgétaire au contrôle de la loi de finances, a élargi les pouvoirs du Parlement et entrainé par la même occasion une extension des charges des parlementaires. On ne saurait en dire plus que le professeur PHILIP qui déclare : « Le document unique qui retrace l'ensemble des charges et des ressources de l'Etat existe bien, mais pour le comprendre et l'analyser sérieusement, les parlementaires doivent se référer à une multitude d'annexes explicatives qui s'adressent surtout à quelques spécialistes »108(*). Avec 20.000 pages, trois (3) mètres de hauteur et un poids de cinquante (50) kg (toujours d'après le doyen Loïc PHILIP), il n'est pas étonnant que les lois de règlement interviennent avec des années de retard, une décennie parfois dans le cas du Sénégal (avec les agents du Trésor qui émettent environ 40.000 mandats par an).

En France, la Mission d'évaluation et de contrôle se résume à choisir des thèmes et depuis 1998, ce choix n'a jamais porté sur les CST. Et admettons que cette opportunité se présente, ce n'est pas un contrôle sur lequel il faut compter puisque occasionnel et ne pouvant aboutir que sur un rapport qui fait état de la situation des comptes spéciaux au moment de l'inspection.

Enfin, et c'est certainement le plus important, la technicité qui se sent surtout dans les pays où règne une conception surannée de la politique109(*). Les notions d'opérations temporaires, de lien direct ne sont pas d'une compréhension automatique. Et faudrait-il a priori que les opérations normales soient maîtrisées.

Au total, c'est dans des conditions qui défient toute rigueur que les parlementaires sont appelés à contrôler tout le contenu de la loi de finances, les CST inclus donc. Les deux principales sources d'informations que constituent les ministres de tutelle et les documents retraçant les mouvements de fonds sont en partie défaillantes. Respectivement la première responsable du compte n'est pas parfois suffisamment renseignée pour faire part des tenants et des aboutissants de la gestion ; la seconde, synonyme de preuve, s'identifie par son importance quantitative doublée d'un ésotérisme110(*) qui laisse une marge de manoeuvre réduite aux pensionnaires de l'Assemblée nationale et du Sénat.

A cette situation, s'ajoute une efficacité limitée des moyens de contrôle qui ont pourtant fait leur preuve avec les opérations budgétaires normales.

§ 2. Les difficultés liées aux moyens de contrôle

Il s'agit l'inapplicabilité des principes budgétaires. Les entorses aux principes classiques dénotent un contrôle parlementaire résiduel (A), alors que l'application irrégulière du principe de sincérité témoigne d'un contrôle constitutionnel occasionnel (B).

A - Un contrôle parlementaire résiduel

Ce contrôle est essentiellement basé sur les principes budgétaires classiques qui représentent jusqu'ici un moyen efficace pour Parlement d'avoir un oeil sur l'ensemble de l'activité financière gouvernementale. Ce sont des règles de présentation - relatives à la durée et à la forme - qui visent à faciliter et rendre efficient le contrôle politique. En dehors du principe d'équilibre dont l'utilité est battue en brèche, il y a le principe d'annualité qui voudrait que l'exécution soit circonscrite sur douze (12) mois, le principe d'unité qui exige la présence de toutes les opérations financières dans un document unique, le principe d'universalité avec ses deux ramifications à savoir la non-compensation (ou non-contraction) qui signifie que les dépenses et les recettes doivent figurer dans le budget pour leur produit brut, et la non-affectation qui prohibe le financement d'une dépense déterminée par une recette précise. Enfin nous avons le principe de spécialité qui impose pour chaque crédit une destination définie.

Le fondement des CST est bâti sur le non-respect de certaines de ces règles. Du coup, les parlementaires se retrouvent démunis de leur principale arme.

Avec le report de crédits, le contrôle n'est plus régulier ; un compte peut mettre des années avant de repasser devant le Parlement. Durant tout ce temps, les députés et sénateurs restent sans la moindre information. Il faudrait peut-être, pour corriger cela, songer à dresser des situations annuelles de compte.

De même en vertu de l'antériorité qui est partie intégrante de l'annualité, une connaissance exacte des ressources et des dépenses aurait dû précéder l'autorisation. Ce qui n'est pas le cas pour les comptes dont les deux composantes ne sont qu'estimatives.

La faculté reconnue aux CST de contracter dissimule parfois les montants réels aux parlementaires.

Autant d'exceptions qui vident le contrôle politique des CST de son sens ; ce qu'il ne faut pas comprendre ici par totalement inefficace, mais inapplicabilité de certains des principes qui servent de soubassement à cette efficacité face aux opérations du budget général.

Etant donné qu'il est impensable de ne pas exiger d'une quelconque activité financière, quelle que soit sa particularité, un compte rendu de gestion, ne faudrait-il pas recourir à d'autres principes tels que celui de sincérité sous l'auspice du juge constitutionnel ?

B - Un contrôle constitutionnel occasionnel

Parallèlement à leur pouvoir de contrôle, les parlementaires disposent d'une possibilité de recourir à la juridiction constitutionnelle qui peut se prononcer sur la sincérité des opérations y compris celles des CST.

Cette vérification initiée par le Conseil constitutionnel français avant d'être consacré par l'article 32111(*) de la LOLF de 2001 s'intéresse à l'erreur manifeste d'appréciation qui permet de déceler en plus des erreurs normales, celles qui relèvent d'une mauvaise foi. Elle ne peut cependant être effectuée que sur saisine ; ce qui ne garantit pas sa récurrence. Si en France, on a pu noter une quasi-automaticité de cette saisine112(*), ce n'est pas dans les habitudes du parlementaire sénégalais de saisir le juge constitutionnel pour des questions financières. Peut-être trouve-t-on l'explication dans le phénomène majoritaire qui fait souvent primer des considérations politiciennes sur les nécessités de bonne gestion et qui laisse donc une infime chance au quorum exigé pour la saisine d'être atteint. L'autre problème réside dans l'effectivité de la sincérité en droit sénégalais. Le principe est en effet consacré par la directive n° 02/2000 portant adoption du code de transparence mais peine à trouver ses marques en termes de réception en droit interne et d'application113(*).

Il y a donc peu de chance pour qu'il soit procédé à un contrôle constitutionnel des CST. Et si l'occasion se présente, un autre inconvénient est le fait que le juge dispose de peu de temps pour s'intéresser aux détails face à des documents caractérisés par leur consistance.

En définitive, ce même si les CST ne sont pas affranchis de tout contrôle comme c'était initialement les cas, il est difficile d'attester de leur saine gestion par l'entremise des principes budgétaires, que ce soit ceux sous l'égide du Parlement ou celui sous l'autorité du Conseil constitutionnel. Ce n'est pourtant pas toujours par mauvaise volonté, mais c'est leur principe de fonctionnement et la souplesse du régime juridique qu'il impose qui ne permettent pas de les soumettre à ces moyens de contrôle. C'est pour cette raison que le professeur BOUVIER a pu affirmer pour les comptes d'affectation spéciale qu'« ils servent à réaliser ce qui est normalement interdit, à savoir l'affectation de certaines recettes à certaines dépenses »114(*).

Plusieurs inconvénients, tantôt du fait de la législation, tantôt du fait de la pratique, contribuent à relativiser l'utilité du procédé des CST. Dans une certaine mesure, ce régime juridique tant loué apparaît comme un pis-aller. Ces entraves constituent le revers d'une médaille dont l'avers fait montre d'une réussite de cumul de la particularité des opérations et de la nécessité de supervision des deniers publics.

* 104 Michel BOUVIER et alii, op. cit. p. 208

* 105 La LOLF 2001-692 dispose en son article 49 : « En vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances de l'année, et sans préjudice de toute autre disposition relative à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques, les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et les autres commissions concernées adressent des questionnaires au Gouvernement avant le 10 juillet de chaque année. Celui-ci y répond par écrit au plus tard le 10 octobre ».

* 106 Cf. projet loi de finances pour 2003 (France), notamment le compte 902-00. Pour l'évaluation des recettes, les lignes 01 à 04 sont au compte du Fonds national de développement des adductions d'eau a lors que les lignes 05 et 06 approvisionnent le Fonds national de solidarité pour l'eau. Pareil pour les autorisations de programme et crédits de paiement qui aussi bien en fonctionnement qu'en investissement sont destinés à des chapitres ou articles différents. A consulter sur ce lien : www4.minefi.gouv.fr/budget/plf2003/bleus/cst/Cst2003v2m-03.htm#P1098_11892

* 107 Rapport Cour des comptes sur l'exercice des lois de finances pour l'année 1998, juillet 1998, p. 205

* 108 Loïc PHILIP, Finances publiques, 5e édition, Paris, Cujas, 1995, p. 198

* 109 Nous faisons référence aux pays où les considérations politiciennes l'emportent sur les exigences de bonne gouvernance. Ce qui se traduit, dans le choix des représentants du peuple, par une primauté de ceux qui se sont le plus illustrés dans les propagandes (même s'ils sont analphabètes) plutôt que ceux qui, par leur formation et leur expérience, sont dans les dispositions pour décider au nom des citoyens.

* 110 C'est justement pour remédier à cela que la directive n° 02-2000 de l'UEMOA dispose en son article E-2-5 : « Pour assurer l'effectivité du contrôle parlementaire des finances publiques, les Etats membres devront nommer auprès des Assemblées Nationales des assistants parlementaires possédant une expertise suffisante dans le domaine des finances et de la comptabilité publique ».

* 111 « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». 

* 112 A l'exception de ces trois (3) dernières années (2007, 2008, 2009), depuis 1973, on ne répertorie que deux années où la saisine du Conseil constitutionnel français, pour qu'il se prononce sur la loi de finances, n'est pas intervenue, en l'occurrence 1989 et 1993.

* 113 La Loi organique n° 99-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes dispose en son article 26 : « La Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances. Elle contrôle la régularité et la sincérité des recettes et des dépenses décrites dans les comptabilités publiques (y compris donc celle des CST) » cf. JORF n° 5845 du 20/2/1999. Cette sincérité, à la différence de celle consacrée par la directive n° 02-2000 n'a pas de contenu défini, ce qui ne cautionne pas son application.

* 114 Michel BOUVIER et alii, op. cit. p. 205

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon