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Le concept husserlien de "monde vécu intersubjectif " dans la théorie des systèmes de Niklas Luhmann et dans la théorie de l'agir communicationnel de Jà¼rgen Habermas

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par Danny Boisvert
Université Laval - Maitrise en sociologie 2000
  

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INTRODUCTION

Une theorie de la societe.

L'avantage que possede le sociologue sur toutes autres disciplines scientifiques (sauf peut-titre la psychologie) est la constante presence de son objet d'etude en lui et autour de lui. C'est ['implication du chercheur dans son propre objet d'etude qui caracterise la sociologic, comme toutes les sciences humaines d'ailleurs, de la l'importance et la pertinence de cette discipline scientifique : les theories qu'elle produit ont des consequences directes sur la vie sociale du chercheur lui-metre, la sociologic est une discipline sciemifique pratique qui ne peut separer le sujet-chercheur de son objet puisqu'il s'y dilue. Les traditions comprehensive et critique en sociologie ont toujours su tenir compte de cette implication du sociologue dans son objet d'etude. Par contre, une ecole theorique en sociologic, depuis les dents de Comte et Durkheim, a prefere approcher la societe et l'experience d'autrui comme les sciences exactes approchent [cur objet, c'est-a-dire en insistant sur la stricte separation entre le sujet-chercheur et son objet, faisant de la societe et de ['experience d'autrui des objets d'etude observables comme de l'exterieur, desquels le sociologue peut s'abstraire, je parle bien sur de la tradition fonctionnal iste.

C'est dans le cadre de cette opposition dpistemologique que s'inscrit ce memoire. Deux approches theoriques de la societe seront etudides : une approche davantage fonctionnaliste et descriptive et une approche davantage critique et pratique. II y sera done question de la relation de la theorie sociologique a ses objets d'etude que sont la societe et les interactions entre individus, tine relation qui sera saisie dans son actuante, une relation entre deux approches theoriques en sociologic et entre celles-ci et les societes contemporaines. Les representants contemporains les plus pertinents de ces deux courants de pensee sociologique sont Niklas Luhmann et Jurgen Habennas, le premier proposant une refonte phenomenologique du structuro-fonctionnalisme de Talcott Parsons, et le second etant le demier representant de l'Ecole de Francfort. C'est en fait leur interet envers les processus de differenciation et de rationalisation des societes moderns qui fait toute la pertinence de leurs pensees pour la sociologie et pour la theorie de la societe contemporaine. C'est la description qu'on nomme souvent post-modernive de la societe occidentale contemporaine qui se trouve

impliquee au sein des approches theoriques de Luhmann et Habermas, et les exemples empiriques sont nombreux : fragmentation identitaire, polytheisme et generalisation des valeurs culturelles orientant l'action, solidification de la culture de masse, retour au localisme, traitement technocratique des pathologies sociales, technicisation de la science au service (rune economie capitaliste, scientificisation de la politique, desillusion face aux ideaux de la modemite et de la societe bourgeoise, pour ne nommer que ces phenomenes. Bien stir, le discours post-moderniste stir les societes fortement industrialisees laisse peut-titre trop souvent peu de place aux nuances et a l'optimisme. Une description generale plus juste et plus nuancee des societes modernes doit laisser davantage de place aux potentiels de communication et d'entente entre les acteurs politiques, groupes identitaires et formations sociales de toutes sortes, politiques, economiques ou communautaires, ainsi qu'aux alternatives d'actions qu'offre a ces groupes sociaux divers une societe fortement differenciee.

Ce furent deux ouvrages collectifs sur le neo-fonctionnalisme qui m'ont permis d'arreter mon choix sur un theme de recherche clans le cadre de mes etudes a la maitrise. Ces deux ouvrages collectifs, intitules Neofunctionalismi et Neofunctionalist sociologv2, presentent des textes de sociologues faisant reposer leurs recherches principalement sur l'heritage de la theorie du systeme d'action de Talcott Parsons et sur les contributions du neo-marxisme critique. L'accent est mis davantage stir les conflits sociaux et politiques, les desordres et desequilibres au sein des systemes sociaux des societes contemporaines. Les traditions structuro-fonctionnaliste et critique sont jumeldes pour un travail en collaboration. Le systeme n'est plus concu comme etant clos, relativement en equilibre et atemporel, mais bien comme etant traverse de changements structuraux, d'une dimension historique, et comme etant ouvert a un environnement contingent et conflictuel dans lequel it doit se reproduire et dans lequel de multiples interets d'acteurs sociaux sont en jeu.

ALEXANDER, Jeffrey C. (editeur), Neofunctionalism, Beverly Hills, Sage, 1985, 240p. 2 COLOMY, Paul (editeur), Neofunctionalist sociology, Brookfield, E Elgar, 1990, 396 p.

C'est dans le cadre des lectures de ces deux ouvrages que j'ai decouvert les ecrits de Jurgen Habermas et de Niklas Luhmann. L'ethique communicationnelle et la theorie critique de Jurgen Habermas ainsi que la theorie phenomenologique des systemes sociaux de Niklas Luhmann sont des contributions theoriques majeures a cette &ole neo-fonctionnaliste. Ce sont les deux sociologues qui attirerent le plus mon attention. L'aspect critique de la theorie de l'agir communicationnel de Habermas, jumele au potentiel descriptif enorme de la theorie des systemes de Luhmann, font de ces approches les deux courants de pens& theorique les plus aptes a la comprehension critique des societes moderns complexes. C'est une approche phenomenologique que ces deux auteurs partagent et qui fait, a mon avis, toute la pertinence de leurs pens&s. En effet, Luhmann et Habermas capitalisent sur la contribution de la phenomenologie d'Edmund Husserl a la philosophie modern. Ils insistent sur ('importance de partir des perspectives des acteurs sociaux eux-memes et de leurs propres vecus pour mieux comprendre la complexite des societes contemporaines et les problemes multiples qui les traversent. La comprehension monolithique et deterministe des societes moderns complexes, celle que proposait le fonctionnalisme parsonien ou la tradition hegeliano-marxiste, n'est plus en mesure de s'adapter a son objet d'etude. Luhmann et Habermas proposent une theorie de la societe qui est non deterministe et non apologetique, c'est-i-dire que, contrairement a Hegel et a Marx, par exemple, la societe n'est pas envisagee dans le cadre Tun processus historique et irreversible de developpement vers ('Esprit Absolu ou vers la societe sans classe, comme Fautodetennination d'un macro-sujet social, mais plutot dans sa contingence, par le biais du processus de differenciation sociale et culturelle qui l'anime, a travers le sporadisme des proces d'intercomprehension et d'entente langagieres entre les acteurs sociaux (Habermas) et l'auto-reference des systemes sociaux (Luhmann).

C'est le concept de monde vecu (lifeworld) que partagent Luhmann et Habermas et qu'ils empruntent au philosophe et phenomenologue Edmund Husserl. Le monde vecu, c'est le monde tel que vecu par des consciences, des consciences individuelles et des consciences collectives, disons des intersubjectivites, situees ici et la dans l'espace et dans le temps, mais en interrelations constantes les unes avec les autres. C'est l'ensemble des certitudes que possedent des individus et des collectivites sur le monde dans lequel ils vivent et sur lequel ils ont des points de vue spatio-temporels, des perspectives socio-culturelles et historiques

toujours particulieres, potentiellement conciliables selon Husserl et Habermas, et toujours asymetriques et auto-referentielles selon Luhmann. C'est ici que les reappropriations du concept husserlien de monde vecu intersubjectif par Luhmann et par Habermas divergent, et c'est precisement sur ces divergences que portera mon memoire. Je montrerai les differences entre l'approche perspectiviste et relativiste (auto-referentielle) de Niklas Luhmann et sa theorie des systemes, et l'approche dialectique et humaniste de la theorie de l'agir communicationnel de Jurgen Habermas, les differences entre ces deux approches du monde vecu intersubjectif tel que d'abord theorise par Edmund Husserl, ainsi que leurs consequences pour la comprehension des societes contemporaines_ Tout au long du memoire, nous verrons que Luhmann et Habermas souhaitent, de fawns tres differences par contre, combler les lacunes laissees par Husserl concemant la generation de l'intersubjectivite dans la communication.

Voici done les &apes que je suivrai dans la presentation de ce memoire. Trois chapitres le composent : le premier porte sur une presentation du concept de « monde vecu intersubjectif » dans la phenomenologie d'Edmund Husserl; le second comprend une analyse de chacune des deux theories qui nous interessent dans ce memoire, soit la theorie des systemes de Niklas Luhmann et la theorie de l'agir communicationnel de Jurgen Habermas; et le troisieme chapitre porte sur les divergences entre les reappropriations luhrnanienne et habermasienne du concept husserlien de « monde vecu intersubjectif », sur les recents developpements de la polemique entre Luhmann et Habermas concemant leurs approches du monde vecu intersubjectif. Le deuxieme chapitre, celui portant sur les particularites de chacune des deux theories a l'etude, est sous-divise : dans la section portant sur la theorie des systemes de Luhmann, it est question des theories de la communication, de la temporalite et de l'evolution acconipagnant la theorie des systemes; et dans la section portant sur la theorie de l'agir communicationnel, it y est question du concept de rationalite communicationnelle, du processus de rationalisation socio-culturelle de l'Occident, des concepts d'« agir communicationnel » et de « monde vecu » en tant que notions complementaires, de la disjonction entre systeme et monde vecu, et du concept de societe a deux niveaux. Pour la realisation de ce memoire, je me suis base principalement sur les ouvrages suivants : d'Edrnund Husserl, les ouvrages La crise des sciences europeennes et la phenomenoloeie

transcendantale3 et Meditations cartesiennes4; de Niklas Luhmann, les ouvrages The differentiation of societv5, Essays on self-reference6 et Social systems'; et de Jurgen Habermas, les ouvrages La technique et la science comme ideologies, The philosophical discourse of modernity9 et Theorie de l'agir communicatiorme1.

3 HUSSERL, Edmund, La crise des sciences europeennes et la phenomenologie transcendantale, Paris, Gallimard, 1976, 589 p.

4 HUSSERL, Edmund, Meditations car14s.iennes, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1996, 251 p.

5 LUHMANN, Niklas, The differentiation of society, New York, Columbia University Press, 1982, 482 p.

6 LUI-LMANN, Niklas, Essays on self-reference, New York, Columbia University Press, 1990, 245 p.

LUHMANN, Niklas, Social systems, Stanford, Standford University Press, 1995, 627 p

g HABERMAS, Jurgen, La technique et la science comme ideologie, Francfort, Gallimard, 1968, 211 p. 9 HABERMAS, Jurgen, The philosophical discourse of modernity, Cambridge, MIT Press, 1987.

HABERMAS, Jurgen, Theorie de l'agir communicationnel. Tome I et II, Paris. Fayard, 1987.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci