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La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois

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par Ulrich DJIVOH
Université d'Abomey-Calavi - DEA en droits de la personne humaine et démocratie 2009
  

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Paragraphe 2 : La nécessité d'une réforme de l'instruction

La controverse liée à la partialité des décisions juridictionnelles du juge d'instruction ne date pas d'aujourd'hui.  Cette partialité a longtemps été dénoncée notamment par la doctrine française. Dans l'histoire des commissions de réforme des textes ont mis sur pied un ensemble de projets ayant pour objectif, de confier les fonctions respectives d'enquête et de juridiction à des organes distincts. Plusieurs séries de réformes ont été menées en France, nécessitant la mise en place de commissions aux fins d'élaboration de projets de réforme de l'instruction.

Il convient d'exposer les velléités des différentes réformes (A), dans un premier temps avant d'épouser la thèse défendue par la commission justice pénale et droits de l'Homme, dirigée par Mireille DELMAS-MARTY, à savoir certes, la suppression du juge d'instruction mais surtout l'institution d'un juge des enquêtes et de la liberté (B).

A) Les velléités des réformes

Sous la présidence respective du procureur général MATTER en 1938, du professeur Donnedieu DE VABRES en 1949 et du professeur DELMAS-MARTY en 1991, les commissions réunies s'attachèrent notamment à concevoir une réforme de l'instruction138(*). Les propositions qui ont été formulées avaient une caractéristique commune, celle « de retirer au juge d'instruction certains de ses pouvoirs pour les confier à quelque autre organe judiciaire, préexistant ou nouveau »139(*).

La commission Donnedieu DE VABRES avait proposé le transfert au parquet de la recherche des indices et des charges. Ce dernier statuera sur le placement en détention. Cependant les demandes de mise en liberté seront confiées à un « juge de l'instruction » qui détient le pouvoir juridictionnel de contrôle et d'arbitrage quant à l'ouverture et à la clôture de l'information, le contentieux de l'information et la liberté de l'inculpé. Cette réforme présente bien des limites, qui ne permettent pas d'en prôner son efficacité.

Aux nombres de ces limites, nous avons entre autre, l'assurance de la partialité du parquet dans sa décision de mise en détention. Comme cela a été relevé plus haut, la détention est selon le doyen PRADEL un véritable pré jugement sur la culpabilité de l'individu soupçonné140(*). La mise en détention pourra permettre au magistrat d'instrumentaliser les préopinés qu'il s'est forgé lors de ses investigations, pour priver le mis en cause, de liberté. Une telle réforme n'a pas résolu le problème de l'incompatibilité des fonctions d'investigation et de juridiction mais l'a déplacé de la juridiction d'instruction vers le parquet.

Le Professeur PRADEL, en critiquant le rapport de la commission « justice pénale et droits de l'homme » a fait la proposition d'ériger le juge d'instruction en un arbitre. Il propose de confier « la fonction de rassemblement des preuves au parquet, mieux à même de l'assurer en tant qu'autorité hiérarchique de police judiciaire »141(*). Ainsi comme la plupart des réformes, le parquet recueillera les pouvoirs d'investigations du juge d'instruction. Le parquet sera en outre, à l'origine du déclenchement des poursuites, et du règlement de l'instruction. Le magistrat instructeur connaitra du contentieux de la liberté et la chambre d'accusation contrôlera l'information. Cette réforme proposée par le doyen PRADEL présente aussi des limites.

Les limites se rapprochent de celles de la précédente réforme. Tout comme la réforme Donnedieu DE VABRES, elle déplace le problème de l'incompatibilité des fonctions d'investigation et de juridiction du juge d'instruction vers le parquet. On dénoncera ici une partialité du parquet, enquêteur qui instruit. L'inefficacité d'une telle réforme est plus problématique que la précédente. Loin de faire comme à l'accoutumée du juge d'instruction « l'homme le plus puissant »142(*) du système répressif ; elle fait plutôt du parquet  l'institution la plus redoutable. Cette réforme déséquilibre les forces faisant du parquet, relevant de l'exécutif, un magistrat instructeur.

La France, réformes après réformes ne règle les difficultés que de manière parcellaire. En effet, une loi 2000 est venue ajouter un article préliminaire au code de procédure pénale, disposition énonçant, les principes directeurs du procès. En outre, on a assisté à l'avènement d'un nouvel acteur dans l'arène judiciaire. Il s'agit du juge des libertés et de la détention. Ainsi, depuis 2000, le droit de placer en détention ne relève plus du juge d'instruction, mais du juge des libertés et de la détention. Ce dernier a vu ses champs de compétence s'élargir, puisqu'il a été plus tard, investi de la protection des droits fondamentaux du mis en examen143(*).Mais il n'en demeure pas moins que les principaux maux qui minent la procédure pénale, dont l'impartialité ne sont pas véritablement résolus. « L'incompatibilité des fonctions du juge d'instruction a été partiellement corrigée par la création du juge des libertés et de la détention. Mais la confusion des pouvoirs s'est aggravée, puisque le parquet est tantôt enquêteur, tantôt une quasi-juridiction de jugement par le mécanisme des alternatives aux poursuites »144(*).

Malgré, l'institution d'un juge des libertés et de la détention, les problèmes semblent avoir perduré puisque ce dernier n'avait pas un pouvoir indépendant du juge d'instruction, qui agissait à sa guise sans véritable obstacle145(*).Ainsi, il ne suffit pas d'instituer une autre juridiction à côté de la juridiction d'instruction, mais plutôt d'opter d'abords pour une pure et simple suppression de celle-ci. Cela se fait d'autant plus sentir, puisque différents scandales et faits ont commencé par mettre à nue le nouveau juge créé. « Le procès qu'il est désormais convenu de désigner comme * l'affaire d'Outreau* a suscité de nombreuses critiques, tout d'abords contre un homme, puis des choses, ensuite contre une institution toute entière, celle du magistrat instructeur, puis celle de l'instruction prise en son principe même »146(*). On a assisté, depuis l'avènement de l'affaire d'OUTREAU147(*), à la réactualisation du débat relatif à la nécessité ou non de maintenir la juridiction d'instruction148(*). L'on peut, à partir de ces quelques difficultés minant la procédure pénale réfuter l'idée d'une similaire réforme à la française, et opter plutôt pour une suppression du juge d'instruction et l'institutionnalisation d'un juge des enquêtes et des libertés au Bénin.

B) La suppression du juge d'instruction et l'avènement d'un juge des enquêtes et de la liberté

Il est important à présent de porter un regard tout particulier sur la réforme proposée par la commission  « justice pénale et droits de l'homme » dirigée par Mireille DELMAS-MARTY car elle paraît la réforme adéquate à prôner en droit béninois pour une effective impartialité. De plus c'est à partir de son analyse qu'on précisera les grands axes de la réforme qu'on est entrain de proposer.

Celle-ci a élaborée depuis 1990, un diagnostic qui lui a permis de préconiser la suppression du juge d'instruction face au cumul de fonctions dénoncée de tout temps et au déséquilibre des forces des organes judiciaires en présence. Dix huit ans plus tard, son diagnostic présente toujours la même pertinence149(*). . Pour elle, « le parquet dirigerait l'enquête de police, les mesures coercitives étant autorisées ou contrôlées par le juge, ainsi que le respect des délais. La notification des charges par le parquet (accusation) ouvrirait la phase contradictoire de l'enquête, la défense et la partie civile, assistées ou non d'un avocat, bénéficiant de tous les droits d'une partie au procès. La clôture de l'enquête serait soumise au contrôle du juge qui statuerait sur la régularité de la procédure, le parquet saisissant alors la juridiction de jugement »150(*).

On énoncera progressivement les différents points de réforme qui peuvent inspirer le législateur béninois en complétant à chaque fois la justification, la portée d'une telle situation sur tout le système procédural, et enfin les conditions de réalisation de chaque nouvelle transformation préconisée. D'ores et déjà, deux axes, majeurs semblent se dessiner.

1) l'instauration d'un cadre unique d'enquête par le transfert au parquet des pouvoirs d'investigations

Il s'agit ici, de transférer au parquet les prérogatives d'investigation qu'avait le juge d'instruction. En effet, le ministère public est apte à exercer ces fonctions d'investigations qui sont comparables à des fonctions d'enquête approfondies.

Il parait cependant évident qu'une telle réforme qui renforce les pouvoirs du parquet, ne peut être proposée sans un minimum de conditions de rééquilibrage. Trois conditions essentielles sont nécessaires pour une telle réforme. Il faut dans un premier temps prôner l'indépendance du parquet.

C'est dans ce sens, que le Professeur DJOGBENOU soutient la nécessité de supprimer toutes les manifestations organiques de la soumission des acteurs de la justice à l'exécutif. Toute subordination pathologique à l'exécutif doit ainsi être évitée151(*) .

Il est important d'accorder au ministère public béninois, quelques prérogatives liées au statut des parquetiers italiens. En effet le système répressif italien prône sans distinction l'unité et l'indépendance de toute la magistrature. La magistrature debout a la même indépendance que celle assise vis-à-vis de l'exécutif, et elles relèvent tous deux uniquement du Conseil Supérieur de la Magistrature. « La comparaison des statuts du ministère public en Italie, en France, en Belgique et en Allemagne, fait ressortir clairement la question de la dépendance ou de l'indépendance à l'égard de l'exécutif et souligne une fois de plus la singularité italienne dans ce domaine »152(*).

Pour VERDURA-RECHENMAN, l'assimilation progressive du statut du ministère public à celui du magistrat du siège, et la création du CSM, l'organe d'autogestion de la magistrature, ont complètement soustrait l'autorité chargé des poursuites au pouvoir exécutif. De cette indépendance institutionnelle dérive logiquement l'autonomie fonctionnelle du ministère public, soumis comme les autres magistrats uniquement à la loi153(*). Ce postulat d'indépendance de la magistrature debout qui doit remplacer le statut actuel du parquet béninois présente d'énormes avantages.

Le Conseil Supérieur de la Magistrature en Italie est composé de  deux tiers de magistrats élus au scrutin proportionnel par leurs collègues pour un tiers de non magistrats élus par le Parlement et enfin de trois membres de droit, le Président de la République, le procureur général près la Cour de cassation ainsi que le premier président de celle-ci 154(*).

Mais loin d'opter pour une composition similaire du conseil, il faut au contraire en exclure tout membre de l'exécutif. Cette proposition semble être confortée par une doctrine inspirée par le professeur DJOGBENOU. Pour ce dernier, « les représentants de l'exécutif -le Président de la République et le ministre de la justice- devraient cesser de faire partie du Conseil Supérieur de la Magistrature dont la composition devrait concerner les seuls magistrats. Les prérogatives du pouvoir exécutif en ce qui concerne la nomination et la révocation des magistrats devraient également être réexaminées. Le Président de la République ne devrait intervenir que pour la nomination des présidents de juridictions, à la charge pour ces derniers de designer les autres juges et déterminer leur place dans le système, en accord avec le Conseil supérieur de la magistrature »155(*).

La deuxième condition pour l'application du transfert des prérogatives d'investigation au parquet du Bénin, reste le renforcement des droits de la défense. Ceci permettra de faire de l'avocat un véritable acteur et principal contre poids de l'accusation.156(*).

La troisième condition consistera à élargir tout comme à la défense les prérogatives de la partie civile et sa part active dans la manifestation de la vérité judiciaire.

Mais, il ne suffit pas de faire de la suppression du juge d'instruction, une mesure phare, mais en même temps procéder au rééquilibrage des forces en présence en prônant la mise en place du juge des enquêtes et de la liberté.

2) L'institution d'un juge des enquêtes et de la liberté

Il s'agit d'une réforme qui s'impose face à l'incompatibilité des fonctions d'investigation et de juridiction du juge d'instruction. Elle est centrée sur une suppression du juge d'instruction et un rééquilibrage des pouvoirs. Ce rééquilibrage doit s'opérer par le transfert de fonction au parquet certes, mais aussi sous le contrôle d'un juge des enquêtes et de la liberté157(*).

En effet, il revient ici d'instaurer un cadre processuel où se débattra l'ensemble des questions liées à la recherche des preuves, aux manifestations de la vérité judiciaire. Ce procès préalable dans lequel défense et accusation s'affrontent devra s'opérer sous l'oeil vigilant d'un juge des enquêtes et de la liberté. Il sera l'arbitre chargé du contrôle de la régularité de la procédure d'enquête ainsi que celui qui statuera sur toutes les mesures coercitives liées à la liberté du mis en cause158(*).

Il est appelé à avoir pleine compétence pour décerner des mandats, et autoriser toute mesure restrictive de liberté que le parquet initierait. En marge du contentieux de la liberté, il statuera sur la régularité ou non des actes d'enquêtes, et des mesures censées entraîner le renvoi de l'affaire devant la juridiction de jugement 159(*) .En procédant ainsi, à l'institutionnalisation d'un juge des enquêtes et de la liberté, ayant un regard impartial, sans lien direct avec l'enquête, c'est le respect de l'impartialité autrefois non respecté, qui l'est à présent.160(*)

Mais la juridiction d'instruction n'est pas la seule qui fait montre en droit béninois d'une protection limitée de l'impartialité des décisions, car le juge des enfants n'est pas épargné d'un tel constat.

* 138 JOSSERAND (S.), op. cit. p 83

* 139 ibidem

* 140 PRADEL (J.), op. cit. p 606-607

* 141 PRADEL (J.), «La mise en état des affaires pénales. Propos sceptiques sur le rapport de la commission justice pénale et droits de l'homme » D. 1990, chr. p 301 cité par JOSSERAND (S.), op. cit., p 85

* 142 http://www.legavose.fr/blog/olivier-robert-justite-junior cité par LIAMIDI (B), L'exercice des droits de la défense devant le juge d'instruction au Bénin, mémoire de DEA, Chaire Unesco/ FADESP/Université d'Abomey- Calavi, 2010, p. 61

* 143MARTIN (E), Le rôle du juge des libertés et de la détention en procédure pénale, mémoire de DEA, Université PIERRE MENDES FRANCE, SCIENCES SOCIALES ET HUMAINES DE GRENOBLE, Faculté de droit de Grenoble, 2006, p9-10

* 144 DELMAS-MARTY (M.), La phase préparatoire du procès pénal : pourquoi et comment réformer ?, Communication prononcée en séance publique devant l'Académie des sciences morales et politiques, Mai 2009, p 7

* 145 LIAMIDI (B.), L'exercice des droits de la défense devant le juge d'instruction au Bénin, mémoire de DEA, Chaire Unesco/ FADESP/Université d'Abomey- Calavi, 2010, p65

* 146 CONTE (P), «  Les gâleux de la République. A propos de l'affaire d'OUTREAU », JCP G 2006, I. 101, p. 19, cité par MARTIN (E), op. cit.., p 66

* 147 L'affaire d'OUTREAU concernait dix sept personnes, soupçonnées d'avoir participé à un réseau international de proxénétisme d'enfants, puis de les avoir violés. Sept d'entre eux seront reconnus innocents lors du procès en première instance de .Saint- Omer en Mai et Juin 2004, et six seront condamnés. Sur appel de ceux-ci devant la Cour d'assises de Paris. ; celle-ci prononcera un acquittement général le 1er décembre 2005, or certains des accusés avaient passés entre un an et trois ans de détention provisoire.

* 148 MARTIN (E), op. cit., p 66

* 149 Elle préconisait une nouvelle structure. Le parquet sera chargé de l'enquête initiale, celle-ci étant ouverte soit par le parquet, la police judiciaire ou la constitution de partie civile de la victime

* 150 DELMAS-MARTY (M.), La phase préparatoire du procès pénal : pourquoi et comment réformer ?, Communication prononcée en séance publique devant l'Académie des sciences morales et politiques, Mai 2009, p6

* 151 DJOGBENOU (J.), Bénin : Le secteur de la justice et l'Etat de droit, Afrique du Sud, Open Society Initiative for West Africa, 2010, p6

* 152 VERDURA-RECHENMAN (D.), « L'Italie : De l'Etat des juges à la République des Juges », in L'indépendance de la magistrature en France et en Italie, Versailles, coédit.. La Revue Juridique des Barreaux et Dalloz, 1999, p199.

* 153 VERDURA-RECHENMAN (D.), op. cit., p 200

* 154 BOUCOBZA (I.), « Italie : indépendance du parquet. Le cas de l'opération Mani Pulite », in Mouvements 4/2003 (n°29), p3

* 155 , DJOGBENOU (J.), Bénin : Le secteur de la justice et l'Etat de droit, Afrique du Sud, Open Society Initiative for West Africa, 2010, p 6

* 156 Ceci permet de prôner une certaine égalité des armes au cours de l'enquête, contrairement à l'inégalité consacrée par l'actuel système répressif béninois. Il ne s'agit plus de faire intervenir la défense à partir du premier interrogatoire de comparution mais de lui laisser les moyens, d'intervenir comme en procédure accusatoire dès la garde à vue.

* 157 MARTIN (E.), Le rôle du juge des libertés et de la détention en procédure pénale, mémoire de DEA, Université PIERRE MENDES FRANCE, SCIENCES SOCIALES ET HUMAINES DE GRENOBLE, Faculté de droit de Grenoble, 2006, p 35

* 158Le juge des enquêtes et de la liberté, parce que détenant le pouvoir de statuer sur toutes atteintes aux droits fondamentaux, est seul compétent pour décider du prolongement de la garde à vue ou du placement sous contrôle judiciaire, ou en détention provisoire.

* 159 MARTIN (E.),op. cit., 36

* 160 MARTIN (E.),op. cit., p 35

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