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La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois

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par Ulrich DJIVOH
Université d'Abomey-Calavi - DEA en droits de la personne humaine et démocratie 2009
  

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B) La partialité certaine des ordonnances juridictionnelles du juge d'instruction

Le principe de séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement n'est pas assez précis et affiné. Il ne s'irrigue pas dans les subtilités de la phase d'instruction, où il ne sépare pas l'investigation de la juridiction. La confusion entre les mains du juge d'instruction des deux missions est une menace pour la recherche de décisions juridictionnelles impartiales125(*).

Il est important de prôner  l'institutionnalisation d'un principe de séparation des missions qu'implique la fonction d'instruction , et plus précisément, que les missions d'investigation et de juridiction soient respectivement confiées à des organes distincts.

Dans le même esprit, GARRAUD, depuis 1912 dénonçait ce cumul en reprochant au code d'instruction criminelle d'avoir « confié au juge d'instruction des fonctions inconciliables : celui-ci n'est pas seulement arbitre entre l'accusation et la défense, il est de plus, agent de recherche et de constatation, en un mot il cumul les fonctions de juge et celle d'officier de police judiciaire. Cette situation est encore aggravée depuis 1856 puisque la suppression de la chambre de conseil a donné au juge d'instruction le droit de statuer seul sur les informations qu'il a lui-même dirigées. Quelle impartialité peut-il donc garder et comment peut-il remplir sa fonction de juge dans les conditions qui lui sont faites par les lois et par les moeurs ? »126(*).

La partialité des décisions juridictionnelles paraît si évidente que le préconçu issu des investigations ne fait l'objet d'aucune remise en cause. Le juge d'instruction trouve dès lors l'occasion, en la décision juridictionnelle, de matérialiser ses opinions antérieurement forgées.

On se doit ainsi de partager l'avis de la doctrine qui dénonce les limites du système de protection de l'impartialité des décisions de justice, mis en place. Elle  reproche en effet aux incompatibilités de fonctions non seulement leur existence ponctuelle mais aussi la partialité des décisions juridictionnelles prises sous le double prisme de l'investigation et de la juridiction127(*).

Le reproche porté contre la personne du juge d'instruction ne date pas, en effet d'aujourd'hui et la doctrine a longtemps dénoncé l'exercice par ce dernier de fonctions incompatibles, les unes avec les autres, et plus précisément les fonctions d'investigation et de juridiction128(*).

Il convient néanmoins d'analyser la compatibilité du pouvoir d'enquête d'une part, à celui de la fonction juridictionnelle de clôturer l'instruction ; et d'autre part à celle liée à la détention et à la mise en liberté.

A titre illustratif, il paraît évident que la nature de l'ordonnance de clôture de l'instruction reste irrémédiablement liée aux éléments de preuve qui ont permis ou non de fonder la motivation de l'inculpation. Il en résulte que le pouvoir de clôture de l'information sera instrumentalisé pour donner une forme juridique au pré-jugement né de l'enquête que le juge d'instruction a mené. On pourra en convenir que le juge d'instruction sera partial dans le cumul de ses pouvoirs d'enquête et de juridiction. De ce qui précède, en découle la nécessité de séparation les fonctions d'enquête et de juridiction.

Par ailleurs, toujours pour conforter cette position, on analysera la compatibilité ou non des pouvoirs de clôture de l'instruction à ceux relatifs à la liberté de l'inculpé telle la détention préventive.

La notion de détention préventive doit être circonscrite avant d'aborder le cumul des prérogatives. Le concept de la détention préventive n'est pas figé. Il n'est pas non plus fixé, et le législateur béninois a même élidé la notion. Concept, par essence emprunté au droit civil, la détention est qualifiée tantôt de « préventive » comme cela l'est au Bénin, ou de « provisoire » comme actuellement en France, ou au Sénégal129(*).

Pour Gérard Cornu, il s'agit de « l'incarcération dans une maison d'arrêt d'un individu inculpé de crime ou délit ; avant le prononcé du jugement. »130(*)

Elle est une mesure de précaution utilisée dans des hypothèses précises, telles, empêcher la continuation de l'activité criminelle, ou pour l'opinion peu favorable au maintient en liberté d'individus dangereux.

En effet, s'il faut incarcérer parce qu'il n'est pas aisé de laisser en liberté des individus « dangereux » ou qu'il faut mettre en détention pour faire cesser « l'activité criminelle »,c'est qu'en procédant ainsi, le juge d'instruction reconnaît la forte implication ou la probante commission de l'infraction par l'inculpé

Il parait évident que ces pré-jugements ne peuvent être dans un souci d'impartialité, conciliées avec les pouvoirs de clôture de l'information. Celle-ci dans une moindre mesure, est appelée à servir de fondement à la détention.

Dans une telle logique, l'on peut affirmer sans ambages, qu'il paraît nécessaire de séparer les fonctions d'information, des missions liées à la liberté et à la détention ; liberté et détention ne pouvant être dissociées, car formant tous deux les deux revers d'une même médaille131(*). Cela parait logique, puisque l'incarcération constitue en elle-même, une atteinte grave à la présomption d'innocence ; et l'on comprend aisément pourquoi certaines peuplades s'en sont bien préservées en raison de son incompatibilité avec la liberté132(*).

Une partie de la doctrine, notamment celle inspirée par les professeurs DJOGBENOU et PRADEL semblent bien conforter une telle analyse. En effet, pour le professeur DJOGBENOU, le moyen selon lequel la détention préventive permettrait d'empêcher que l'inculpé commette d'autres infractions, établit par là même une présomption de culpabilité incompatible avec les référents judiciaires du Bénin133(*). Quant au professeur PRADEL, la détention préventive est bien une avant peine d'un pré-jugement, qui reste antinomique de la présomption d'innocence, puisqu'une personne non encore condamnée se retrouve incarcérée134(*). Ce problème est crucial, puisque l'on applique une mesure privative de liberté à une personne, en raison de l'existence contre elle, d'indices laissant supposer qu'elle a commis ou tenter de commettre des faits répréhensibles135(*).

S'il faut dénier à la détention préventive, son assimilation à la peine, il parait indéniable, que celle-ci dispose d'une charge pénale certaine136(*). C'est celle-ci qui innerve les germes d'un pré-jugement incompatible avec toute ordonnance d'instruction déterminant le sort de l'inculpé. Ce pré-jugement auquel s'assimile la mise en détention préventive présente plus que des aspects théoriques. Il est en effet constaté dans la pratique, que la détention préventive couvre la plupart du temps, la peine que prononce la juridiction de jugement, comme pour justifier ou fonder le recours à une telle mesure137(*).

L'on peut dans l'ensemble déduire de ces différentes analyses, que le principe de séparation des fonctions aura mal joué son rôle de garantie d'impartialité s'il permettait au juge d'instruction de cumuler ses lourdes fonctions. L'on pourrait dégager de ce qui précède la nécessité de renforcer la séparation des fonctions de justice répressive, par le principe de séparation des pouvoirs du juge d'instruction. Mais la portée pratique d'un tel principe nécessite une réforme de l'instruction.

* 125 On ne pourra parler de partialité de la décision juridictionnelle du juge d'instruction, que lorsque, dans un premier temps, la mission d'enquête lui permet d'avoir une connaissance du fond du litige, ce qui est le cas. La partialité sera par la suite consacrée via l'ordonnance juridictionnelle, qui sera le moyen pour le juge d'instruction de formaliser le préopiné qu'il s'est forgé lors des investigations

* 126 GARRAUD, Traité théorique et pratique d'instruction criminelle et de procédure pénale, tome 3, Paris, 1912, n° 711, p 20, cité par JOSSERAND (S.), op. cit., p82

* 127 JOSSERAND (S.), op.cit.., p80

* 128 MARTIN (E.), Le rôle du juge des libertés et de la détention en procédure pénale, mémoire de DEA, Université PIERRE MENDES FRANCE, SCIENCES SOCIALES ET HUMAINES DE GRENOBLE, Faculté de droit de Grenoble, 2006, p 9

* 129DJOGBENOU (J.), la privation de la liberté individuelle de mouvement non consécutives à une décision pénale de condamnation, Thèse de doctorat unique en droit, Chaire Unesco/ FADESP/Université d'Abomey-Calavi, 2007, p93

* 130 CORNU (G.), (Sous la direction de), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 7°éd, 2004, p 286

* 131 De la décision de mise en détention l'on peut y lire et en conclure le refus de mise en liberté

* 132 DJOGBENOU (J., la privation de la liberté individuelle de mouvement non consécutives à une décision pénale de condamnation, Thèse de doctorat unique en droit, Chaire Unesco/ FADESP/Université d'Abomey-Calavi, 2007, p 97

* 133 DJOGBENOU (J.), op. cit., p98

* 134 PRADEL (J.), Procédure pénale, Paris, CUJAS, 2006, p 607-608

* 135 MARTIN (E.), Le rôle du juge des libertés et de la détention en procédure pénale, mémoire de DEA, Université PIERRE MENDES FRANCE, SCIENCES SOCIALES ET HUMAINES DE GRENOBLE, Faculté de droit de Grenoble, 2006, p9

* 136 DJOGBENOU (J.), op. cit., p 98

* 137 MARTIN (E.), op. cit., p9

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand