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L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006

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par Corneille YAMBU -A- NGOYI
Université de Kinshasa - DES 2005
  

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§2. Fonctionnement des institutions et crise du pouvoir.

Dès la première année de l'indépendance, la machine démocratique au Congo n'a pas tourné. L'on a déploré la paralysie des institutions et nous pouvons parler de l'échec de l'institutionnalisation du pouvoir.

I. Paralysie des institutions sous la loi fondamentale.

La pièce maîtresse de l'architecture institutionnelle congolaise, à savoir, le pouvoir exécutif fut déstabilisé dès sa formation, par le conflit irréductible entre ses principaux acteurs : Le Chef de l'Etat KASA-VUBU et son Premier Ministre LUMUMBA.

On a tenté d'expliquer différemment la méfiance excessive constatée entre les deux personnalités qui conduisit non seulement au retard dans la formation du tout premier gouvernement mais encore et pire à la crise congolaise dont l'impact sur la formation de l'Etat se feront longtemps sentir.

Selon KAMITATU M., « c'est la soif du pouvoir, ou la lutte pour le contrôle de l'appareil étatique entre LUMUMBA et KASA-VUBU, qui seraient à la base de cette situation »... Désigné l'un et l'autre comme membres du collège exécutif national par leurs provinces respectives, Kasa-Vubu et Lumumba qui ont pour la première fois l'occasion de se côtoyer et de travailler ensemble, se méfient beaucoup l'un de l'autre. Autant s'approchait la date du 30 juin et l'impact des responsabilités qu'elles réservent, les deux hommes, jusqu'alors nationalistes convaincus, s'épient et s'observent. Kasa-Vubu, l'aîné voudrait que Lumumba, le démocrate, n'a qu'une pensée : si le peuple lui accorde un suffrage majoritaire, il ne le cédera à personne »244(*).

Le professeur Lumanu Bwana Sefu estime ce constat fondé. Mais l'interprétation sentimentale et confusionniste. Pour lui, « le conflit entre Kasa-Vubu et Lumumba ne relève pas de l'âge. Il résulte d'une opposition idéologique inconciliable »245(*).

Il explique : « A la conscience africaine de situation qui caractérise le nationalisme exclusive et conservateur de Kasa-Vubu s'oppose la conscience nationale qui oriente la stratégie unitariste et continentale de Lumumba »246(*). Nous remarquons que l'interprétation faite par les deux auteurs contient chacune, une part de vérité, si l'idéologie fut au centre du conflit de Kasa-Vubu et Lumumba. Il n'en demeure pas moins vrai que le côté émotionnel soit à constater, et que la soif du pouvoir dans le Chef de deux leaders congolais soit à la base de cette fameuse crise dont nous parlerons encore plus loin. Toujours est-il que le 5 septembre 1960, Kasa-Vubu révoqua le Premier Ministre Lumumba qui à son tour le révoquera aussi. Après sa chute, Lumumba sera traqué, arrêté et assassiné le 17 janvier 1967.

Il est important de noter que derrière Kasa-Vubu et Lumumba se trouvaient deux mondes politiques opposés tant sur le plan interne que sur le plan international. Face à Lumumba se dressaient avec Kasa-Vubu d'autres partis fédéralistes et conservateurs : L'ABAKO, le PUNA, le MNC/K, le PNP ainsi que le bloc occidental avec les Etats-Unis et la Belgique en tête. Tandis que lui-même jouissait de l'appui des partis tels que le Centre de Regroupement africain (CEREA) et le Parti Solidaire Africain (P.S.A)247(*). Dès lors que la charpente institutionnelle de la République se fissurait au sommet, il aurait été impossible que les bas étages ne soient pas affectés, le Parlement avec ses deux chambres devaient en ressentir l'onde de choc.

Aussi le Parlement réagit en annulant d'abord les deux destitutions le 7 septembre 1960248(*). Ici nous pouvons dire que cette initiative était complètement dépourvue de fondement constitutionnel. Elle n'avait aucune empreinte de légitimité. Tandis que Kasa-Vubu agissait sur base de l'article 22 de la loi fondamentale, Lumumba et les deux chambres ne disposaient d'aucune base juridique pour le révoquer. Ensuite, les deux chambres réunies en congrès national décidèrent de constituer une commission « compromissoire » de sages, composée de Okito, Kasongo et Weregemere chargée de la réconciliation de deux dirigeants. Bien que l'initiative fut encouragée par plusieurs autres initiatives comme le montre Ndaywel, notamment celles de l'ambassadeur du Ghana, du Président Nkrumah lui-même, des fonctionnaires de l'ONU et même de Frantz Fanon249(*), et qu'il y eut même un projet d'accord définissant la répartition des compétences entre les deux fonctions250(*), Trop de personnes avaient avantage à ce que la réconciliation échoue251(*).

Le 8 septembre, le Sénat par 41 voix contre 2 et 6 abstentions sur 84 membres, repousse la décision prise par le Chef de l'Etat. Ce vote n'eut aucune incidence sur la décision du Président Kasa-Vubu.

Le 13 septembre, les chambres réunies accordent des pleins pouvoirs sollicités, à Lumumba252(*).

Le 14 septembre, la Commission compromissoire du Parlement chargée de la réconciliation, telle que nous l'avons vu, propose une équipe gouvernementale de large union nationale présidée par Lumumba ayant en son sein toutes les tendances exceptées la CONACAT. Toutes les figures marquantes de l'indépendance, autrefois écartées, y sont reprises : Vice-Premier Ministre, Adoula (PUNA), Affaires économiques, Bolikongo (PUNA), Agriculture, Albert Kalonji. L'ABAKO conserverait ou de la Présidence de la République, les Affaires foncières un ministre d'Etat sans porte feuille, les secrétaires d'Etat et les Ambassadeurs253(*). Mais mécontent de l'appui que les élus du peuple continuèrent à témoigner à Lumumba, le Président Kasa-Vubu ajourna les chambres254(*).

Par cet acte, le Président Kasa-Vubu entraîna le deuxième pouvoir du pays dans le tourbillon de la crise congolaise.

En la même date du 14 septembre le Lieutenant Joseph Désiré MOBUTU Chef d'Etat Major de l'Armée Nationale Congolaise annonce la neutralisation de Kasa-Vubu et de Lumumba.

Nous retiendrons qu'en moins d'une année tous les pouvoirs instaurés par la loi fondamentale se sont écoulés. Il est utile de rappeler les propos de Mpinga Kasenda parlant de l'inadéquation de la loi fondamentale, « la première manifestation de cette inadéquation à la situation politique congolaise fut l'épreuve de force entre le Président de la République et le Premier Ministre, épreuve de force qui déboucha sur une paralysie du système constitutionnel de l'époque ».

* 244 Kamitatu (C.), La grande mystification du Congo-Kinshasa, les crimes de Mobutu, cité par Lumanu Bwana Sefu, op.cit, p. 211.

* 245 Lumanu, (B-S.), op.cit, p. 211.

* 246 idem, p. 211.

* 247 Ndaywel, op.cit, p. 583.

* 248 Lire dans ce sens, Ndaywel, op.cit, p. 583, Lumanu B-S., op.cit, p. 269.

* 249 William J.C. cite par Ndaywel, op.cit. p. 582.

* 250 Gerod L.J. et Verhaegen. B. cité par Ndaywel, op.cit, p. 582.

* 251 Selon Boissonnade (1990, 89), cité par Ndaywel, l'ambassadeur des USA aurait menacé Kasa-Vubu, de lui retirer l'appui de son pays s'il se réconcilier avec Lumumba. Les américains y étaient farouchement opposés, les belges aussi.

* 252 Lumanu B-S., op.cit, p. 269.

* 253 Lumanu (B.S.), op.cit, p. 269.

* 254 Ordonnance du 14 septembre 1960 in Moniteur congolais n° 10 du 3 octobre 1960.

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