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La france doit-elle encadrer la gestation pour autrui

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par Dominique SAVRY
Université Paris 8 - Master II Recherche droit, économie, gestion mention droit de la santé 2010
  

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CHAPITRE II : ARGUMENTS HOSTILES A LA GPA

A. L'ARGUMENT JURIDIQUE MAJEUR

Le maintien de la prohibition de la gestation pour autrui est inscrit à l'article 16 et suivant du Code civil depuis la loi de bioéthique de 1994, constitue une spécificité du droit français. L'indisponibilité du corps humain est le fait qu'une personne n'est pas propriétaire de son corps, et que nul autre ne l'est, ce principe juridique est lié à la dignité de la personne humaine.

L'article 16 fait une distinction entre la personne et l'être humain, puisqu'il garanti la dignité de la personne, et le respect de l'être humain. Puis, l'article 16-1 du Code Civil semble, au niveau terminologique, rapprocher l'être humain du corps humain, puisqu'on leur rattache le terme de « respect ». Par ailleurs, l'article 16-1 introduit la notion d'inviolabilité du corps, c'est-à-dire que l'être humain est en principe protégé contre les atteintes à son corps par le droit civil et le droit pénal, et la notion d'extra patrimonialité, c'est-à-dire que le corps humain est en dehors du patrimoine, incessible et intransmissible.

On ne peut utiliser le corps humain à des fins purement techniques et un enfant n'est pas un objet qui pourrait faire partie du commerce juridique. C'est l'argument du Conseil d'Etat qui dénonce cette marchandisation de l'être humain. L'argument semble assez imparable car si on accepte la GPA, alors on accepte que l'être humaine entre dans le commerce juridique et on accepte alors la vente d'êtres humains. On peut reprendre ainsi les termes de Kant : « les choses ont un prix, la personne une dignité ».

La route serait ouverte à de nouvelles formes d'esclavage. La femme entrerait dans une sorte de « cheptellisation », l'enfant serait considéré comme un « bien ».

B. SUR LE PLAN MEDICAL ET PSYCHOLOGIQUE

On ne peut exclure les risques inhérents à toute grossesse, fausse couche, grossesse extra-utérine, de césarienne, de complications liées au risque d'anesthésie à l'issue d'une césarienne, au diabète, à l'hypertension artérielle, à l'hystérectomie, voire à une hémorragie de la délivrance entraînant le décès. De plus la gestatrice devra subir avant la conception, des traitements hormonaux pour préparer sa matrice à recevoir l'embryon. Ces traitements ne sont pas sans incidence sur sa santé.

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Quant aux risques psychiques, ils sont bien présents pour la mère porteuse particulièrement au moment de la naissance de l'enfant lorsque celui-ci lui est enlevé. Il est indéniable que les liens qui se sont tissées entre la mère et l'enfant, les fantasmes et les projections de la mère gestatrice qui a porté et nourri un foetus pendant neuf mois et a eu avec lui des échanges variés, tant physiologiques que psychologiques ne peuvent s'évanouir comme par magie. Donc pour amoindrir ces complications, il faudrait que la mère porteuse se persuade que l'enfant qu'elle porte en son sein n'est pas le sien. L'un des principaux dangers de cette dissociation du somatique et du psychique est un avortement provoqué.

Une étude86 permet d'affirmer que les cellules foetales restent présentes dans le sang maternel au moins vingt sept ans après la naissance. Chaque grossesse laisse dans le corps de la mère le patrimoine génétique de l'enfant qu'elle a mis au monde. Ce qui prouve que la femme n'est pas un « sac ».

Dans l'hypothèse de légalisation le contrat entre parents commanditaires et gestatrice, seront stipulées des clauses où la mère porteuse devra s'abstenir de tout comportement de nature à mettre en danger la vie de l'enfant ou sa santé. Risquera-t-elle de voir sa responsabilité engagée si elle contracte une maladie, si elle exerce une activité sportive ou adopte un comportement potentiellement dangereux pour l'enfant, par exemple boire de l'alcool, fumer etc. Ce sont des illustrations des nombreux problèmes que peut faire naître la gestation pour autrui et de l'asservissement auquel se trouve réduit celle qui porte un enfant pour le compte d'une autre. Les termes probablement imparfaits en matière d'information sur le déroulement imprévisible de la grossesse et par la perspective attractive de rémunération sont des arguments qui renforcent l'hypothèse que le consentement de la gestatrice serait probablement feinté.

L'argumentaire se fonde sur l'idée que le consentement de la gestatrice est affaibli dès lors que la liberté de choisir la GPA ou d'y renoncer est freinée par un besoin matériel vital. Le risque d'exploitation des femmes les plus vulnérables, les plus démunies est évident.

86 Myriam Szejer, pédopsychiatre et psychanalyste à la maternité Antoine-Béclère.

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Il faut réfléchir également aux conséquences de la GPA sur la famille de la mère porteuse. Comment vont réagir ses propres enfants ? Comment pourront-ils concevoir que leur mère donne « leur petit frère ou petite soeur » à une autre famille.

Comment leur expliquer que leur père n'est pas le père de l'enfant, et que leur mère n'est pas la mère. Mais cet enfant c'est son enfant ? Et nous, nous sommes aussi ses enfants, va-t-elle nous donner ? Des tourments apparaîtront dans la tête de la fratrie et auront obligatoirement des conséquences sur leur développement mental. Les risques psychologiques se retrouvent à toutes les étapes de la GPA pour la gestatrice et pour ses proches.

Il est intéressant de se poser la question qui seront les mères porteuses, des femmes sans emploi à faibles revenus ou de riches rentières nageant dans le bonheur ?

Souvent les partisans pour la GPA associent cette pratique au don d'organe entre vivants. Dans le cas des greffes, les risques pris pour le donneur le sont au nom d'une nécessité impérative pour le receveur. Dans le cas de la gestation pour autrui, la balance entre les risques pris par le donneur et les bénéfices escomptés pour le receveur pose davantage de questions.

On peut constater que les arguments changent en fonction des besoins. Lors de la mise en place de l'AMP avec le don de gamètes, les arguments utilisés se fondaient sur le lien affectif et gestationnel, à valoriser par rapport au lien génétique. On peut donc se demander comment l'argument inverse peut dès lors être soutenu. L'argument privilégié étant cette fois le lien génétique (on utilise les gamètes des futurs parents et on minimise le lien entre foetus et la mère porteuse), comment ne pas s'interroger sur ces arguments qui changent au gré des besoins simplement parce que les gamètes sont devenus accessibles. La fréquence toujours plus élevée de l'utilisation de l'ICSI87 dans la pratique de l'AMP va également dans ce sens, malgré les risques inhérents également à cette pratique88.

87 injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde

88 René Frydman, la Rehcerche, n°420 p56 juin 2008

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L'enfant ne doit pas être oublié, d'abord dès sa vie intra-utérine, on a vu les impacts sur la mère porteuse, il est important de rappeler les sensations du foetus. Le foetus a pendant longtemps été considéré comme un être dénué de capacités perceptives. Les progrès de la science ont permis d'observer intra-utéro le comportement du bébé. Il perçoit tous les stimuli sensoriels dans son environnement. Les sonorités comme, les battements cardiaques et placentaires, les rythmes respiratoires, la voix maternelle et autres bruits comme les borborygmes intestinaux.

Il est aussi sensible aux impacts émotionnels de la mère, le langage, les chants. Ainsi le bébé à la naissance est attiré par la voix de sa mère. Au-delà des rythmes langagiers et musicaux, le bébé a mémorisé in utéro ceux de la marche, de la respiration de sa mère. Toutes ces sonorités perçues à l'intérieur du corps de sa mère lui permettront à sa venue au monde une transition plus aisée. Le descriptif de sa perception intra-utérine est loin d'être exhaustive.

Les enfants ne sont pas exemptés des dangers de la GPA, peuvent survenir des problèmes de prématurité, un placenta prævia89, un faible poids voire même très faible poids (moins de 1800 g), un cordon mal placé entraînant une anoxie90, ou d'autres pathologies survenant à la naissance ou après la naissance (pathologies neurologiques).

Il est incontestable que de sa vie intra-utérine découlera ses traits de caractères et son comportement, cette influence se ressentira également dans son développement psychosocial. Comment pourra-t-il intégrer qu'il a été conçu pour être abandonné. Le conflit rencontré par un adolescent conçu par GPA risque d'être d'autant plus violent que l'enfant ne pourra pas, contrairement aux enfants abandonnés, considérer que la femme qui l'a porté l'a remis à ses parents intentionnels par amour91.

Les partisans de la GPA insistent sur le fait que la gestatrice ne « traite » pas sa grossesse pour autrui comme elle « traitée » ses propres grossesses. Donc on peut en déduire qu'elle est dans le déni de grossesse, ce qui aura des conséquences graves sur le foetus.

89 Le placenta praevia est une localisation anormale du placenta qui peut être responsable d'hémorragies sévères

90 souffrance cellulaire induite par le manque d'oxygène ou l'impossibilité pour les cellules d'utiliser l'oxygène présent dans le sang

91 Marcel Ruffo, pédopsychiatre, chef de service de l'unité d'adolescents CHU Ste-Marguerite Marseille

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Il faut se soucier également des défections, que devient cet enfant, ce n'est pas un cadre juridique qui empêchera des « pseudo-parents » à se débarrasser de l'enfant. Des cas très médiatisés aux Etats-Unis de parents d'intention qui ne souhaitaient plus accueillir l'enfant pour diverses raisons, soit en cas de handicap de l'enfant à la naissance, cas de divorces etc.

On invoque souvent l'égalité de traitement, de quel traitement s'agit-il ? Celui de mettre de corps d'une femme à disposition d'un couple infertile. L'acte même de changer une femme en un outil vivant est contraire à sa dignité et à celle de l'enfant. Même si on la regarde comme une « gestatrice agréée » sera-t-elle pour autant un remède à la stérilité ?

Rappelée par les partisans de l'autorisation de la GPA, l'égalité de traitement fonde également un argument d'opposition à la GPA. En faisant valoir qu'il y a discrimination dès lors qu'une caractéristique contingente d'un groupe de personnes « la capacité reproductive des gestatrices est transformé en objet pour le bénéfice d'autrui ». Il y a alors discrimination et rupture d'égalité de traitement dans le fait d'autoriser la GPA, car cela revient à définir la fécondité des gestatrices comme un outil au service de l'accès des couples infertiles à la parentalité, ces couples devenant à même d'exercer un pouvoir sur le corps des gestatrices92.

L'égalité de traitement, est mobilisée en deuxième temps en cas d'autorisation de la GPA, pour la qualification des personnes susceptibles d'en bénéficier. La restriction de la GPA aux seuls couples hétérosexuels en âge de procréer dont la femme souffrirait d'infertilité utérine serait la même à laquelle est soumis aujourd'hui l'accès à l'Assistance Médicale à la Procréation. Cette restriction maintiendrait un certain nombre de candidats à la gestation pour autrui dans la clandestinité qui seraient confrontés aux mêmes problèmes qu'aujourd'hui en termes d'établissement de la filiation et seraient de surcroît vulnérable aux objections de rupture de l'égalité de traitement.93On sait que des groupes d'homosexuels et des célibataires réclament déjà l'accès à la gestation pour autrui.

92 Debra Staz « markets in women's reproductive «laborphilosophy and public affairs», 1992, 21(2), 107-131 P.124

93 Françoise Héritier « la filiation, état social » Le Monde du 18 avril 2009

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci