WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'efficience des patrimoines d'affectation en droit privé

( Télécharger le fichier original )
par Romain Coquet
Université de Bretagne occidentale - Master 2 Droit privé fondamental 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy
2- La propriété fiduciaire : une propriété non exclusive

En second lieu, la propriété de droit commun est exclusive. Le propriétaire détient un pouvoir d'attraction sur sa chose excluant ainsi autrui. « Il a le pouvoir d'interdire à autrui d'établir une relation avec le bien »89(*). Dans cette optique, le caractère exclusif de la propriété s'entend d'une maîtrise de la chose et de ses utilités par le seul propriétaire. En matière fiducie-gestion, le fiduciaire est l'unique gestionnaire des biens contenus dans le patrimoine fiduciaire. Le bénéficiaire et dans une moindre mesure le constituant jouent a priori un rôle passif. En effet, la fiducie est un contrat reposant sur la confiance nouée entre les parties. Il convient alors d'affirmer que le fiduciaire devient propriétaire des biens transférés par la seule volonté du constituant.

Cette exclusivité de gestion est toutefois relative. Le constituant peut user de son pouvoir discrétionnaire de contrôle sur la gestion des biens placés en fiducie. L'article 2018 6° du Code civil détermine l'étendue des pouvoirs du fiduciaire. Ce dernier ne peut donc se voir appliquer l'adage « plena in repotestas ». De même l'article 2022 alinéa 1er du Code civil précise que « le contrat de fiducie définit les conditions dans lesquelles le fiduciaire rend compte de sa mission au constituant ». Le fiduciaire est en outre responsable des fautes commises dans l'exercice de sa mission en vertu de l'article 2026 du Code civil.

Concernant la fiducie-sûreté, seul le fiduciaire est apte à obtenir le paiement de sa créance sur le bien en question. Un rapport d'exclusivité se crée en principe entre cette chose et le fiduciaire, eu égard au droit de suite qui permet de suivre le destin du bien. Or il n'acquiert en réalité la libre disposition du bien qu'à l'issue du contrat de fiducie, si la dette n'est pas honorée par le débiteur. Le fiduciaire est à la tête d'un abusus hypothétique.

Le constituant peut exercer un contrôle de l'exercice de la propriété fiduciaire, ce qui tempère l'idée d'une exclusivité au profit du fiduciaire90(*). En faisant appel à un mandataire ad hoc, il supervise davantage la mission du fiduciaire. Le sénateur Marini, à l'origine de la loi instituant la fiducie, qualifie alors la propriété fiduciaire de « propriété d'un nouveau type » et de « propriété avec charge ». Nous sommes très proches d'une copropriété avec gestion privative au profit du seul fiduciaire.

La situation du fiduciaire devient même instable à la lecture de l'article 2027 du Code civil. Cette disposition prévoit notamment la faculté de remplacement du fiduciaire qui est conventionnelle ou légale. Son comportement peut être sanctionné s'il manque à ses devoirs ou met en péril les intérêts qui lui sont confiés. Certains évènements peuvent contribuer à sa substitution comme l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire à son encontre. Dans ces hypothèses, « le constituant, le bénéficiaire ou le tiers désigné ... peut demander en justice la nomination d'un fiduciaire provisoire ou solliciter le remplacement du fiduciaire ». Si le juge fait droit à leur demande, sa décision « emporte de plein droit dessaisissement du fiduciaire originaire et transfert du patrimoine fiduciaire en faveur de son remplaçant »91(*).

Il serait plus juste de parler de copropriété fiduciaire car le constituant a finalement plus de pouvoirs que le fiduciaire. Le sujet actif est en réalité bridé dans sa gestion par les décisions d'autres protagonistes. Peut-on alors concevoir une propriété sans liberté accordée au fiduciaire ? Selon un auteur, c'est impossible puisque la propriété est « le gage de l'indépendance du citoyen », elle est « dégagée de toute obligation personnelle »92(*). D'un point de vue philosophique, la propriété est une liberté or la propriété fiduciaire est avilissante. Romain Boffa rejette ainsi la qualification de propriété sur le fait que le fiduciaire « doit non seulement respecter la destination du bien fixé par le constituant, mais doit aussi et surtout employer les biens dans l'intérêt d'autrui »93(*). En revanche, Magali Bouteille oppose dans sa thèse la propriété conditionnelle « libre » à la propriété fiduciaire « affectée » ou « asservie » sans rejeter la qualification de propriété pour cette dernière94(*). Les auteurs admettent ce dualisme : la propriété est un droit et une liberté fondamentale. « C'est parce qu'il est liberté et donc faculté dans l'ordre des choses que le droit de propriété est, contrairement aux autres droits, qui ne sont pas intrinsèquement facultatifs, imprescriptible »95(*). De même les droits réels et en particulier le droit de propriété sont des « libertés privées »96(*). Le propriétaire exerce la plénitude de ses pouvoirs sur sa chose or le fiduciaire n'est pas propriétaire des biens pendant la durée du contrat de fiducie. Il peut accomplir des actes de disposition car les biens qu'il est amené à gérer sont de nature fongible, or la fongibilité induit une destruction immédiate du bien par la consommation. François Barrière tente de démontrer que le fiduciaire est un propriétaire libre. « La liberté du sujet de droit récipendiaire du droit de propriété est aussi préservée puisqu'il connaît nécessairement les modalités affectant le droit qu'il accepte »97(*).

Il apparaît dès lors difficile voire impossible de reconnaître au fiduciaire un droit de propriété exclusif sur les biens placés en fiducie. Il s'agit d'une exclusivité en réalité démembrée, selon Michel Grimaldi. « Un même bien se trouve faire l'objet de deux exclusivités : une exclusivité de gestion, qui constitue la propriété du fiduciaire, une exclusivité économique, qui constitue la propriété du fiduciant ou du bénéficiaire de la fiducie »98(*). Il convient alors d'opérer une distinction entre la propriété juridique qui appartient au fiduciaire et la propriété économique qui appartient au constituant. L'esprit de la fiducie semble en parfaite contradiction avec la notion de propriété à moins d'y voir une propriété apparente.

* 89 M. GRIMALDI, « La propriété fiduciaire », in La fiducie dans tous ses états, colloque organisé le 15 avril 2010 par l'Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, 2010.

* 90 Au terme de l'article 2017 du Code civil, « le constituant peut, à tout moment, désigner un tiers chargé de s'assurer de la préservation de ses intérêts dans le cadre de l'exécution du contrat et qui peut disposer des pouvoirs que la loi accorde au constituant ».

* 91 Il est possible de rapprocher cette situation de celle du débiteur en liquidation judiciaire, en effet l'article L 641-9 du Code de commerce précise que « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ».

* 92 M. XIFARAS, « La propriété. Etude de philosophie du droit », PUF, 2004 p 89.

* 93 R. BOFFA, « La destination de la chose », op.cit. n° 397.

* 94 M. BOUTEILLE, « Les propriétés conditionnelles », préface Pérochon, PU Aix-Marseille, 2008, n°793 s.

* 95 F. ZENATI, « Pour une rénovation de la théorie de la propriété », RTD civ. 1993 p. 316.

* 96 H. CAPITANT, « Sur la nature des droits réels », in Mélanges N. Sugiyama, Tokyo, 1940, p. 29 s.

* 97 F. BARRIERE, « La réception du trust au travers de la fiducie », préface Michel Grimaldi, Lexis Nexis, Bibliothèque de droit de l'entreprise,2004. n° 409.

* 98 M. GRIMALDI, « La fiducie : réflexions sur l'institution et sur l'avant-projet de loi qui la consacre », Defrénois, n° 17, 1991 p. 897.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway