WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'efficience des patrimoines d'affectation en droit privé

( Télécharger le fichier original )
par Romain Coquet
Université de Bretagne occidentale - Master 2 Droit privé fondamental 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B- La validité de l'auto-cautionnement ?

Nous venons d'admettre la validité des auto-garanties réelles au détriment de la protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel. Un créancier professionnel peut ainsi exiger une sûreté réelle constituée sur un bien du patrimoine personnel sous réserve d'une obligation d'information. Cette affirmation est justifiée par une interprétation large de l'article L 526-12 alinéa 5 du Code de commerce. Désormais, il convient de se demander si l'entrepreneur peut accorder un cautionnement sur son patrimoine personnel pour garantir les dettes de son patrimoine professionnel.

Le cautionnement repose sur un engagement de la caution envers un créancier. Il permet à celui-ci d'acquérir contre la caution un droit de créance, qui s'ajoute à celui dont il dispose contre le débiteur principal467(*), en vertu de son caractère accessoire. L'article 2288 du Code civil énonce à ce titre que « celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même ». C'est un contrat qui fait intervenir trois personnages : le créancier, la caution et le débiteur.

La jurisprudence a interdit de cumuler les qualités de débiteur et de caution, en affirmant que « celui qui est débiteur d'une obligation à titre principal ne peut être tenu de la même obligation comme caution »468(*). En pratique, l'EIRL revêt alors les deux qualités de débiteur et de caution, ce qui bouleverse la notion de cautionnement. L'auto-cautionnement présente un avantage pour le créancier, celui d'étendre son droit de gage général sur l'ensemble du patrimoine de l'entrepreneur individuel. C'est en réalité l'introduction du patrimoine d'affectation en droit français qui invite à une relecture de la définition du cautionnement. « Il faut très certainement dépasser la lettre pour sonder l'esprit de la législation. Or une lecture compréhensible des règles sur le cautionnement conduit à penser qu'elles exigent trois patrimoines, plus que trois personnes »469(*). L'auto-cautionnement fait disparaître l'affectation et incite à se demander quel est l'intérêt pour l'EIRL de procéder à une déclaration d'affectation. Si l'entrepreneur individuel peut se porter caution de ses propres dettes, le droit de gage général n'est pas rétabli « ergaomnes » mais au profit du créancier qui a conclu le cautionnement. Les autres créanciers sont a priori sacrifiés mais ils peuvent conserver certains avantages au moyen de clauses les liant au débiteur470(*).

La doctrine est donc divisée sur le point de savoir si le débiteur peut s'auto-cautionner sur l'autre patrimoine. Certains auteurs dévoilent à juste titre l'incompatibilité du cautionnement en raison de la nécessaire altérité de la caution471(*). De façon classique, la caution est une personne distincte de celle du débiteur. L'auto-cautionnement remet en cause le cloisonnement des patrimoines qui est la raison d'être de l'EIRL. Enfin, cet objet juridique non identifié implique une renonciation globale à la division patrimoniale au profit d'un seul créancier. L'article L 526-15 du Code de commerce envisage ainsi la renonciation à l'affectation, mais sans préciser s'il s'agit d'une renonciation «ergaomnes » ou « in favorem »472(*).

Le régime du cautionnement a été construit sur la recherche d'un équilibre entre les intérêts de deux personnages : le créancier et la caution. Il est nécessaire de satisfaire le créancier dispensateur de crédit et la caution qui se retrouve dans une situation délicate. C'est pourquoi le créancier a un devoir de ne pas compromettre les intérêts de la caution. Il n'en demeure pas moins que l'auto-cautionnement est né de l'imagination des créanciers soucieux d'étendre indéfiniment leur droit de gage général. Ce nouveau mécanisme n'est pas pertinent d'un point de vue juridique et technique. Admettre l'auto-cautionnement revient à nier l'affectation et la division des patrimoines. En outre, la caution ne peut jouer deux rôles en même temps, son seul rôle est de payer la dette du débiteur principal, en cas de défaillance de celui-ci. Dans le doute, mieux vaut s'abstenir semble affirmer Philippe Simler473(*).

L'auto-cautionnement pourrait en réalité se cacher derrière le mécanisme de la lettre d'intention consacrée par l'ordonnance du 23 mars 2006 portant réforme du droit des sûretés. Selon l'article 2322 du Code civil, « la lettre d'intention est l'engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de son obligation envers son créancier ». Cette définition ne mentionne pas la personne du garant ce qui pourrait autoriser sa confusion avec celle du débiteur. Il nous paraît alors envisageable d'accueillir l'engagement donné par l'EIRL sur son patrimoine personnel pour garantir des créanciers de son activité professionnelle. Tout est une histoire de qualification en droit. Dans ce cas, la lettre d'intention se substituerait par sa souplesse à la rigidité du cautionnement. L'objectif est avant tout de rassurer les créanciers sur la situation du débiteur. Comme le souligne un auteur, il ne s'agit pas d'une solution miracle puisque « le patrimoine personnel risque d'être insuffisant pour garantir les dettes de son activité »474(*).

* 467 L. AYNES et P. CROCQ, « Les sûretés, la publicité foncière », 5ème édition, Defrénois, 2011, p.27.

* 468 Cass. Com, 28/04/1964, Bull.civ.IV, n°215.

* 469 M. MIGNOT, « L'EIRL et les sûretés », colloque de Strasbourg du 10 février 2011. L'auteur nuance toutefois ces propos et invite en réalité à la naissance d'une sûreté personnelle nouvelle.

* 470 E. CEVAER et P-E PERROT, « L'EIRL et les sûretés négatives - Un vin nouveau pour de vieilles outres », JCP E 2011, n°1443. Les deux auteurs mettent en avant des clauses destinées à assurer l'information et la préservation des droits du créancier. Certaines clauses imposent également l'obligation de conférer de nouveaux droits au créancier ? Ainsi la clause « pari passu » ou clause d'alignement est celle par laquelle la partie financée s'oblige pour le cas où elle viendrait ultérieurement à constituer une sûreté au profit d'un tiers, à faire bénéficier son financeur de la même sûreté au même rang.

* 471 S.CABRILLAC, « EIRL et sûretés personnelles ; faute de grives, on mange des merles », CDE, n°3, mai-juin 2011.

* 472 Article L 526-15 du Code de commerce : « En cas de renonciation de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée à l'affectation ou en cas de décès de celui-ci, la déclaration d'affectation cesse de produire ses effets ».

* 473 Le doyen Simler affirme à ce titre que « la caution est et doit rester une personne. La duplication du patrimoine n'emporte pas duplication de la personne. La révolution conceptuelle que représente la fission du patrimoine est d'une ampleur telle qu'il serait profondément inopportun d'en rajouter, d'autant qu'une telle mutation radicale du concept de cautionnement serait de nature à ruiner le cloisonnement voulu par le législateur ». JCP G 2011, p.226, n°1.

* 474 S. CABRILLAC, « « EIRL et sûretés personnelles ; faute de grives, on mange des merles », CDE, n°3, mai-juin 2011, ibid.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci