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L'efficience des patrimoines d'affectation en droit privé

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par Romain Coquet
Université de Bretagne occidentale - Master 2 Droit privé fondamental 2012
  

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Section 2 : La consécration timide d'un patrimoine d'affectation

L'article 2011 du Code civil dispose que la fiducie est un contrat translatif de biens, droits ou sûretés au profit d'un fiduciaire. Il ressort de cette définition que seuls des éléments d'actif peuvent faire l'objet d'une fiducie, le transfert de dettes en serait exclu. Le constituant transfère des biens au fiduciaire qui doit les gérer dans un patrimoine séparé de son patrimoine propre. Le législateur n'évoque pas expressément la notion de patrimoine d'affectation pour qualifier la fiducie133(*). Du point de vue du droit civil, on peut en effet douter d'une telle qualification, faute de précision du législateur. « La notion de patrimoine d'affectation peut apparaître à bien des égards inconciliable avec celle de l'unité et de l'indivisibilité du patrimoine retenu par le droit français »134(*). En contradiction avec la théorie d'Aubry et Rau, le droit français tend vers une conception objective du patrimoine. Le fiduciaire est en pratique à la tête de deux patrimoines séparés par une cloison a priori étanche. Il en résulte une limitation conventionnelle du droit de gage général des créanciers135(*). Le mécanisme fiduciaire repose en réalité sur un paradoxe : l'affectation est relative en matière de fiducie-gestion (§1), en revanche elle est protectrice des intérêts des créanciers en matière de fiducie-sûreté (§2).

§1- Une affectation relative en matière de fiducie-gestion

Tout patrimoine se révèle être un patrimoine d'affectation, puisque l'actif doit toujours répondre du passif. La fiducie ne semble pas échapper à la règle. En effet, le fiduciaire se retrouve à la tête de deux patrimoines distincts et doit par ailleurs agir dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires136(*). Ce patrimoine d'affectation s'avère pourtant imparfait (A) car le cloisonnement a priori des patrimoines n'est pas optimal, ce qui engendre un retour inéluctable au statu quo ante.

L'unité du patrimoine, inspirée des écrits d'Aubry et Rau, repose sur l'idée selon laquelle un ensemble de biens répond d'un ensemble de dettes déterminées. Ce principe de l'exécution sur les biens s'inspire de l'adage « qui oblige, oblige le sien »137(*). Cet adage célèbre inspira à son tour les rédacteurs du Code civil. A ce titre, l'article 2284 actuel du code dispose que « quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». En outre, l'article 2285 du Code civil précise à son tour que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence »138(*). En tenant le patrimoine fiduciaire « séparé de son patrimoine propre », le fiduciaire porte atteinte aux droits de certains créanciers. Toutefois, la lettre du Code civil invite à qualifier le constituant de caution obligée (B). Le législateur organise ainsi une extension légale du droit de gage des créanciers.

A- L'admission d'un patrimoine d'affectation imparfait

1- Le cloisonnement a priori des patrimoines

Dans le cadre de la fiducie, le constituant est amené à transférer des biens, des droits et des sûretés à un fiduciaire qui les tient séparés de son patrimoine propre. Ces biens se retrouvent alors dans un patrimoine ad hoc. Pendant la durée du contrat, le fiduciaire est titulaire de deux masses patrimoniales distinctes. Le patrimoine fiduciaire est l'oeuvre du transfert de propriété dont la nature est controversée.

L'article 2025 alinéa 1er du Code civil symbolise ce cloisonnement des patrimoines et traite du passif fiduciaire. « Sans préjudice des droits des créanciers du constituant titulaires d'un droit de suite attaché à une sûreté publiée antérieurement au contrat de fiducie et hors les cas de fraude aux droits des créanciers du constituant, le patrimoine fiduciaire ne peut être saisi que par les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion de ce patrimoine ». Le législateur consacre timidement l'existence d'un patrimoine d'affectation à travers la corrélation actif-passif. Cette disposition fait écho au droit de suite relatif aux sûretés réelles et à l'action paulienne de façon à rassurer les créanciers du constituant. En effet, dans cette hypothèse, les créanciers antérieurs peuvent voir leurs droits réduits. C'est pourquoi le législateur se montre clément à leur égard. La fiducie ne fait pas écran s'il y a fraude de la part du constituant139(*)ou si le créancier antérieur bénéficie d'un droit de suite attaché à une sûreté publiée antérieurement140(*).

La protection des créanciers est simplifiée par l'absence de procédure d'opposition. Ils doivent toutefois accomplir une formalité, en l'occurrence enregistrer le contrat de fiducie, à peine de nullité, au service des impôts, en vertu de l'article 2019 alinéa 1er du Code civil. Le patrimoine fiduciaire semble immunisé mais cette immunité n'est que de façade. L'article 2025 alinéa1er du Code civil indique que « le patrimoine fiduciaire ne peut être saisi que par les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion de ce patrimoine ». Cela signifie a contrario que si la nature de la créance n'est ni de conservation ni de gestion, alors c'est le patrimoine du constituant qui sera le gage commun des créanciers.

Cette disposition n'est pas sans rappeler l'article 815-17 alinéa1er du Code civil relatif à l'indivision141(*). Elle établit une distinction entre les créanciers de l'indivision et les créanciers personnels des indivisaires. La jurisprudence a eu l'occasion de préciser que « le créancier personnel d'un indivisaire ne peut saisir la part de son débiteur dans les biens indivis, ni prendre aucune mesure ayant pour effet de rendre cette part indisponible »142(*). Le raisonnement est analogue en matière de fiducie où l'on retrouve la même formulation.

Selon un auteur, « la logique de l'affectation patrimoniale paraît respectée, l'exclusivité des créanciers fiduciaires est affirmée »143(*). Les créanciers personnels du constituant ne peuvent a priori pas saisir les biens contenus dans le patrimoine fiduciaire ce qui est logique compte tenu du cloisonnement144(*). Les créanciers personnels du fiduciaire sont dans la même situation, ils doivent se contenter de son patrimoine propre en cas de défaillance du débiteur. Le cloisonnement des patrimoines engendre une certaine inégalité entre les créanciers. C'est pourquoi l'affectation fiduciaire n'est pas absolue, elle est même friable.

* 133 En revanche, les dispositions comptables de la loi du 19 février 2007 font référence à cette notion de patrimoine d'affectation : « Les éléments d'actif et de passif transférés dans le cadre de l'opération mentionnée à l'article 2011 du code civil forment un patrimoine d'affectation. Les opérations affectant ce dernier font l'objet d'une comptabilité autonome chez le fiduciaire ».

* 134 Proposition de loi instituant la fiducie, Rapport n° 11 (2006-2007) de M. Henri de RICHEMONT, fait au nom de la commission des lois, déposé le 11 octobre 2006.

* 135 Cette limitation conventionnelle du droit de gage général des créanciers peut apparaître injuste mais l'article 2284 du Code civil n'étant pas d'ordre public, l'équilibre est rétabli.

* 136 Telle est la formule retenue à l'article 2011 du Code civil.

* 137 H. ROLAND et L. BOYER, « Adages du droit français », 4ème édition, Lexis Nexis, 1999, n°377, p.749.

* 138 Les articles 2284 et 2285 du Code civil étaient à l'origine les articles 2092 et 2093 du code, la renumérotation est l'oeuvre de l'ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés.

* 139 L'article 1167 du Code civil permet aux créanciers d'agir par la voie de l'action paulienne : « Ils peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits ».

* 140 Le droit de suite se retrouve aux articles 2393, 2398 et 2461 du Code civil, ce dernier article énonce que « les créanciers ayant privilège ou hypothèque inscrits sur un immeuble, le suivent en quelques mains qu'il passe, pourêtre payés suivant l'ordre de leurs créances ou inscriptions ». La jurisprudence a affirmé que le droit de suite est un droit réel opposable à tous, et notamment à tout acquéreur indépendamment de sa bonne ou mauvaise foi, Civ 3ème 06/11/2002, Bull.civ. III, n°109.

* 141 « Les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront payés par prélèvement sur l'actif avant le partage. Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente des biens indivis ».

* 142 L'interdiction de saisir la part de l'indivisaire débiteur a été proclamée dans un arrêt de la 1ère chambre civile en date du 15 juillet 1999, Bull.civ. I, n°243.

* 143 C. KUHN, « Des patrimoines et des hommes », Dr. et pat. février 2012, n° 211, p.32.

* 144 Sous réserve du droit de suite et de la fraude du constituant.

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