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L'efficience des patrimoines d'affectation en droit privé

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par Romain Coquet
Université de Bretagne occidentale - Master 2 Droit privé fondamental 2012
  

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2- Le retour à l'unité du patrimoine

Le patrimoine fiduciaire constitue en principe le gage commun des créanciers fiduciaires. L'affectation patrimoniale est à la fois « exclusivité et exclusion »145(*). Or paradoxalement, le législateur revient sur sa position et méconnaît l'originalité du patrimoine d'affectation. L'article 2025 alinéa 2 du Code civil dispose en effet que « en cas d'insuffisance du patrimoine fiduciaire, le patrimoine du constituant constitue le gage commun de ces créanciers, sauf stipulation contraire du contrat de fiducie mettant tout ou partie du passif à la charge du fiduciaire ». Il convient alors de se demander qui est le véritable débiteur de l'opération fiduciaire. A priori, les créanciers fiduciaires n'ont pour assiette que le patrimoine fiduciaire qui demeure séparé du patrimoine propre du fiduciaire pendant la durée du contrat. L'étanchéité patrimoniale doit éviter tout risque de concurrence entre les créanciers.

Cet article est à l'origine d'une extension du gage des créanciers fiduciaires. Si le patrimoine ad hoc ne contient que des dettes, il est certain que les créanciers fiduciaires ne seront pas désintéressés. Le patrimoine du constituant devient alors le gage commun des créanciers fiduciaires pour garantir un paiement à l'échéance. Cette solution se justifie par la limitation des prérogatives du fiduciaire. Ce dernier ne peut en effet disposer librement des actifs fiduciaires si bien que l'on peut douter de sa qualité de propriétaire. Comme le souligne Michel Grimaldi, « au cas de fiducie-gestion, la richesse reste manifestement au constituant ». S'il est en outre bénéficiaire, « les actifs lui sont réservés en capital comme en revenus ». En matière de fiducie-sûreté, le constat est identique. « Le dénouement normal de la fiducie-sûreté est le retour au constituant des biens fiduciaires par suite du paiement de la créance garantie »146(*). Le constituant a en réalité la propriété économique des biens mis en fiducie.

Cette solution devient néanmoins intolérable par l'effet du transfert de propriété. Les biens, droits ou sûretés ont quitté le patrimoine du constituant pour rejoindre celui du fiduciaire. Or les actes conclus par le fiduciaire n'engagent que lui, il agit en son nom propre mais dans l'intérêt d'un tiers. La distinction entre la fiducie et le mandat est fort délicate, mais nous pourrions envisager le mécanisme fiduciaire comme un mandat sans représentation147(*). Le fiduciaire agit en son nom propre mais dans l'intérêt d'autrui148(*), en l'occurrence le constituant ou un tiers bénéficiaire. La seule exception à cette qualification réside dans la réunion sur la même tête des qualités de fiduciaire et de bénéficiaire.

Le constituant devient contre son gré responsable et redevable des dettes nées de la gestion des biens fiduciaires. De ce fait, le législateur rétablit l'unité du patrimoine du constituant. L'article 2025 alinéa 2 du Code civil comprend toutefois une exception, « sauf stipulation contraire du contrat de fiducie mettant tout ou partie du passif à la charge du fiduciaire ». Dans cette hypothèse, le constituant est déchargé de son obligation de combler le passif fiduciaire car le fiduciaire accepte son statut de garant. Toutefois, il est peu probable que le fiduciaire professionnel offre son patrimoine propre en garantie, ce qui permet d'affirmer que le constituant joue le rôle d'une caution.

L'article 2025 alinéa 3 du Code civil renferme à son tour une exception à la règle de principe. En effet, « le contrat de fiducie peut également limiter l'obligation au passif fiduciaire au seul patrimoine fiduciaire. Une telle clause n'est opposable qu'aux créanciers qui l'ont expressément acceptée ». En pareil cas, la corrélation actif-passif est effective et l'actif fiduciaire répondra du passif fiduciaire. Le dispositif imaginé par le législateur protège en réalité les créanciers de la fiducie, il leur confère « un droit de gage général, quoique subsidiaire, sur le patrimoine du constituant ou sur celui du fiduciaire »149(*). Mais le créancier devra consentir expressément au cantonnement de son droit de gage général. En définitive, la cloison entre les patrimoines est brisée, et l'affectation fiduciaire n'a plus aucun sens d'où la possible qualification de patrimoine d'affectation imparfait.

* 145 C. KUHN, « Des patrimoines et des hommes », ibid.

* 146 M. GRIMALDI, « Théorie du patrimoine et fiducie », RLDC décembre 2010, n°77, p.74.

* 147 M-L IZORCHE, « A propos du mandat sans représentation », D. 1999 p. 369 ; l'auteur conçoit la représentation comme un élément accidentel du mandat. Il semble dès lors que ce soit l'action « dans l'intérêt du mandant » qui constitue le critère prédominant.

* 148 Telle est la position du professeur Bénabent qui adopte une conception plus soupe du mandat : il est possible d'affirmer que le mandataire agit pour le compte du donneur d'ordre (en l'occurrence le constituant) mais en son nom propre.

* 149 M. GRIMALDI, « Théorie du patrimoine et fiducie » ibid. p.74.

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