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La magie de Diaz

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par Mélissa Perianez
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master 2 Histoire de l'art 2013
  

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Section 3. La place du jeu dans l'oeuvre

Le déguisement apparait comme une notion assez prégnante de son oeuvre, qui introduit le merveilleux dans la réalité, ainsi il peint sa seule scène de rue (que l'on sait être une rue seulement par le titre) pour immortaliser deux gais lurons déguisés lors du carnaval le plus populaire du Paris de

165 Heinich, Nathalie, L'Élite artiste, Paris, Gallimard, 2005, p. 92.

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son époque : Descente de la Courtille, deux personnages costumés. La Courtille apparait en 1822 et disparait vers 1860, sous un Second Empire asseyant plus de contrôle sur la capitale.

Lorsqu'il s'endette, Diaz doit à Alfred Sensier « un Tableau de l'Importance de la Fée aux Joujoux, de la vente de 1858 vendu 4500 francs par procès-verbal de Mr Pillet, commissaire-priseur, d'une dimension de 72 1/2 centimètres sur 59 centimètres, que Diaz transforme en une Halte de Bohémiens dans un paysage 166». De cette inscription un peu obscure, on peut retenir plusieurs choses : tout d'abord la Fée aux Joujoux est une pièce importante, dont le prix mémorable a marqué Sensier, et qu'il entend peut-être décupler en demandant une halte de bohémiens, autre succès important, dans un tableau de mêmes dimensions que l'allégorie de la Fée. Ensuite Diaz peut transformer un sujet en un autre, ce que nous développerons plus avant, et qui caractérise le jeu qu'il installe dans son faire. Le métier de peintre est aussi un jeu pour Diaz, qui lui permet de retrouver constamment l'émerveillement et de le susciter chez autrui.

Le caractère ludique de son oeuvre parait particulièrement éclairant pour expliquer à la fois la résurgence du thème de l'enfance et le traitement inégal de ses oeuvres. La Fée aux joujoux peut alors se lire comme une troisième marraine fée ayant veillé sur l'oeuvre et la carrière du peintre, assurant la réussite de l'alliance du jeu et de la profession.

Consoeur de la Fée aux bijoux, la Fée aux joujoux est aussi placée en haut de marches qui lui donnent symboliquement la prestance d'un personnage arrivé au succès. Le jeu a partie liée au succès social de Diaz, et s'apparente à son rapport à l'argent, notamment dans son innovation des ventes aux enchères de ses propres oeuvres qui comme l'a souligné un chroniqueur de son temps s'apparente à une « partie » que l'on joue. Cependant la teneur est différente puisque le jeu évoque dans le tableau est une faculté de jouer de façon désintéressée et indépendante de tout enjeu. La force de l'amusement, et du plaisir, semblent caractériser la teneur symbolique du tableau.

Le ludisme est propice à expliquer le titre de l'oeuvre et des deux autres sujets, dont le phrasé est très particulier et dénote du ludisme chez l'artiste. Dans ces inventions, accolant un attribut symbolique aux marraines Fées de son oeuvre, Diaz prolonge très certainement la démarche qu'avait eue Charles Nodier dans son récit onirique La Fée aux Miettes (1832). Non seulement le même phrasé, unique et sans lien avec aucune tradition à notre connaissance, est partagé dans le titre, mais certains aspects du conte de Nodier peuvent se retrouver dans la relation de ces trois Fées de Diaz avec son oeuvre. Dans La Fée aux Miettes, Charles Nodier met en scène un personnage principal,

166 Compte arrêté entre Diaz et Sensier, l.a.s. signée « approuvé N. Diaz », avec inscription en marge au crayon de papier « Fait et fini en Mai 1864 », conservée à Paris, Bnf, cabinet des Estampes et de la Photographie, voir annexe.

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Michel, qui par trois fois le jour de la Saint-Michel rencontre la fée aux miettes qui le propulse dans une intrigue décousue. Le nom de la fée n'est pas explicité dans le roman de Nodier, tandis que Diaz semble y placer toute la teneur symbolique de ses oeuvres. La proximité avec la démarche de la bohème littéraire de 1830-1840 est encore relayée par la façon dont George Sand se plait également à créer des variantes personnelles sur le thème de la Dame blanche, en inventant une « dame verte » par exemple167. Les fées de Diaz signalent donc une proximité de l'artiste avec les cercles littéraires de Nodier et Sand. La sensibilité de cette dernière est peut-être tout particulièrement importante pour Diaz. Non seulement il produit La mare au diable, mais dans son obsession du déguisement et du jeu des apparences, on peut sentir une réflexion parallèle aux bousculements du genre menés par Sand, qui font d'elle aux yeux des contemporains une « bohémienne ». L'histoire sentimentale qu'a eue Théodore Rousseau en 1846-1847 avec la filleule de George Sand, Augustine168, atteste de la proximité de Sand et des Barbizonniens.

Le déguisement, l'incongruité, renvoient à la même notion d'un écart entre ce qui est présenté et ce que cela cache. Cet écart est lui-même un jeu, petit vide équivoque, qui donne de la souplesse au sens des tableaux. Le jeu ludique induit un interstice laissé vacant, qui laisse libre court à l'imaginaire. Dans sa manière, Diaz joue avec les tons et la touche, en la disposant de façon divisée. Il laisse un jeu entre les formes.

La Fée aux joujoux évoque certainement, après le succès qu'a rencontré son catalogue illustré à sa vente de 1857, la façon dont le public suit ce qui lui procure une joie enfantine. Les tableaux que les uns ne pouvaient acheter leur ont été offerts en images, pour leur simple plaisir. La fée du tableau est pareille à Diaz, satisfaisant aux joies les plus simples et suivi par une petite foule d'heureux admirateurs.

Ces trois fées, qui donnent d'elles-mêmes des clés interprétatives à la peinture de Diaz, close sur elle-même, ouvrent maintenant à réfléchir sur la démarche artistique de Diaz, et le sens qu'il faut attribuer à son titre de « magicien ».

167 Voir Auraix-Jonchière, Pascale, « Rhapsodie sandienne sur la Dame blanche », Bernard-Griffiths, Simone et Bricault, Céline, dir., op. cip., p. 171-187.

168 Miquel, Pierre et Rolande, Théodore Rousseau, Paris, Somogy, 2010, p. 140.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry