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Malouet, administrateur en guyane (1776-1778) mise en place d'un projet administratif et technique.

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par Benoît JUNG
Paris Ouest Nanterre - Master 2 2014
  

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2.1.3 Les colonies : utiles au commerce, utiles à la paix

Ce n'est qu'à partir du milieu des années 1790, alors en exil à Londres, que Malouet développe un nouveau prolongement de sa pensée, un complément censé venir parachever une réflexion globale débutée un quart de siècle plus tôt.

« Dans ce laps de temps de vingt-six années, et surtout pendant le cours de la révolution, mes opinions se sont renforcées, mes idées se sont étendues ,
· et loin de me départir des principes que je viens d'exposer, j'en ai médité le complément273. »

Ce complément, pour Malouet, réside dans l'intérêt commun qu'ont les pays européens à préserver les colonies, « lesquels sont en quelques sortes copropriétaires des colonies274. »

« J'ai osé dire que ces manufactures de sucre, de café, de coton, appartiennent collectivement à la république européenne ,
· que la Silésie, la Prusse, l'Autriche, la Pologne, y ont un intérêt proportionnel à leur consommation ,
· que les peuples

271 Jean TARRADE, Le commerce colonial de la France à la fin de l'Ancien Régime, op. cit., p. 14.

272 Alain CLÉMENT, « Du bon et du mauvais usage des colonies », op. cit., p. 107.

273 Pierre Victor MALOUET, Collection de mémoires, tome 4, op. cit., p. 25.

274 Ibid., p. 26.

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consommateurs de denrées coloniales leur doivent un accroissement de travail et

de productions nationales275. »

Malouet étend son raisonnement à l'Europe entière, et on le voit départi des arguments mercantilistes qui fondaient sa réflexion dans les années 1770. En embrassant les idées libérales, notamment celles d'Adam Smith développées dans son Essai sur la richesse des nations qui paraît en 1776, Malouet explique que l'ouverture du commerce colonial aux autres pays européens, qui ne sont pas propriétaires de colonies, ne peut qu'être bénéfique pour l'économie dans son ensemble. Il s'agit d'un cercle vertueux de croissance, non plus fondé sur la possession des métaux précieux au détriment des autres pays, mais sur le travail et la production mis au service d'une demande en produits exotiques à l'échelle européenne. L'ouverture au reste de l'Europe stimule donc la demande qui, en retour, entraîne le développement de la production coloniale276.

« Il suit de là que les colonies, considérées comme manufactures de denrées dont

la consommation et la reproduction se succèdent, intéressent autant les peuples qui les consomment que ceux qui les possèdent277. »

Partant, les peuples européens ont donc tout intérêt à établir une législation commune qui reconnaisse et préserve l'exploitation coloniale contre les deux dangers qui mettent en péril la prospérité des colonies : la guerre et les révoltes serviles278. Malouet, réfugié à Londres depuis 1792 souhaite voir une neutralisation des colonies en cas de conflit armé, afin d'éviter les surcoûts politiques qui grèvent les produits exotiques279. « Ce qui est surprenant de la part d'un homme [...] au fait des politiques internationales de son époque, précise Yves Benot, et qui ne semble pas saisir que l'enjeu du conflit franco-anglais est précisément la domination coloniale280. » Cette position l'amène le 25 février 1793 à signer le traité de Whitehall avec l'Angleterre. Au nom d'une centaine de propriétaires domingois réfugiés à Londres, Malouet conclut un accord avec Sir Henry Dundas, Secrétaire d'État pour le Département des Colonies, qui livre quasiment Saint-Domingue aux Anglais281. Suite aux mouvements insurrectionnels de 1791, l'entrée en guerre contre l'Angleterre, et

275 Ibid.

276 Ibid., p. 27.

277 Ibid.

278 Ibid., p. 30.

279 Abel POITRINEAU, « L'état et l'avenir des colonies françaises », op. cit., p. 48.

280 Yves BENOT, La démence coloniale sous Napoléon, op. cit., p. 190.

281 Charles FROSTIN, « L'intervention britannique à Saint-Domingue en 1793 », op. cit., p. 293.

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face à l'hostilité de la Législative envers les colons de Saint-Domingue, ces derniers font appel aux Anglais. En effet il existe dans l'île un fort courant anglophile qui s'accompagne chez beaucoup d'une nette tendance autonomiste. Un tel état d'esprit s'explique en partie par l'opinion répandue que les colonies anglaises auraient une liberté administrative que ne connaîtraient pas les colonies françaises et que les territoires cédés en 1763 n'auraient pas perdu au change à ce niveau282. Des arguments purement économiques président également à cet appel. Il existe, en effet, une très forte animosité contre le grand commerce français qui, en vertu de l'Exclusif, impose les cours, et envers qui les colons sont le plus souvent lourdement endettés283. Pour beaucoup donc, la sécession d'avec la France et l'appel aux Anglais signifient vendre le sucre au meilleur cours et se libérer des dettes284.

C'est donc dans ce contexte que les planteurs exilés à Londres font appel à Malouet pour négocier leur passage à l'ennemi dans le but de préserver leurs exploitations. On comprend mieux que Malouet n'évoque à aucun moment cet épisode dans ses Mémoires, et qu'il brûle toute sa correspondance compromettante à son retour d'exil. Toutefois, selon Michel Frostin, il reste un temps réticent. Mais la déclaration de guerre à l'Angleterre le 1er février 1793 et l'exemple des Îles du Vent qui proposent de se livrer au roi d'Angleterre s'il en assure la défense, le poussent à négocier, et donc à signer les accords de Whitehall285.

Ainsi, si les colonies sont utiles à la métropole et potentiellement à l'Europe, Malouet estime que le flux commercial doit être contenu dans les limites étroites fixées par l'Exclusif colonial, sous certaines conditions toutefois.

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