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Malouet, administrateur en guyane (1776-1778) mise en place d'un projet administratif et technique.

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par Benoît JUNG
Paris Ouest Nanterre - Master 2 2014
  

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2.3.2 L'entrée en scène du baron de Besner

Un premier essai à Tonnegrande

Ce militaire alsacien participe à l'expédition de Kourou comme recruteur, dans la zone rhénane frontalière. Il est envoyé en septembre 1765 en Guyane afin d'enquêter sur les raisons de l'échec de l'expédition. Son arrivée suscite un regain d'espoir auprès des colons, qui craignaient d'être abandonnés par la métropole après l'échec de Kourou664. Très actif, il parcourt la colonie, fait des relevés, observe, prend des notes. Il rédige plusieurs mémoires dans lesquels, petit à petit, il précise sa réflexion sur les moyens d'aménager la Guyane. Par exemple, dans un Précis sur les Indiens665, il propose un plan de « civilisation » propre à attirer dans la colonie des populations amérindiennes et à les y fixer comme travailleurs libres. À l'image du Surinam, il propose d'étudier la dessiccation des zones humides pour étendre la surface agricole fertile666. Dans un Mémoire sur la colonie de Cayenne en 1767, il montre que les échecs successifs de la culture du cacao dans les années 1720 et de l'indigo dans les années 1750 sont davantage dus à une mauvaise évaluation des capacités de la colonie, et n'ont en tout cas rien à voir avec une prétendue malédiction pesant sur la Guyane, la vouant à rester éternellement dans un état de sous-développement :

« L'état de foiblesse dans laquelle la colonie de Cayenne a toujours langui depuis

662 Ibid., p. 89.

663 Barbara TRAVER, « A « New Kourou »: projects to Settle the Maroons of Suriname in French Guiana », Western Society for French History, 2011, no 39, p. 108.

664 ANOM C14/25 F°44.

665 ANOM C14/42 F° 144

666 Michèle DUCHET, Anthropologie et histoire au siècle des lumières, Albin Michel, 2014, p. 46, et p. 132.

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plus d'un siècle a paru jusqu'ici, assés généralement, déposer contre le sol de la nature du climat de la Guyane. La plupart de ceux qui ont rendu compte en ont porté ce jugement, et il étoit naturel de croire qu'un vice phisique devoit dans ce pays être la cause de sa grande infériorité aux autres colonies méridionales. Il ne sera cependant pas difficile de faire voir que ce jugement qui semble condamner la Guyane à un entier abandon , porte sur une hipotèse destituée de fondement, et que les causes simplement morales ont déterminé le sort de la colonie de Cayenne667. »

Le ministre de la marine, le duc de Praslin, ainsi que le premier commis Dubucq, s'intéressent à Besner et à ses projets. Celui-ci fait parvenir en 1768 à Praslin un Projet d'instruction pour l'établissement d'une peuplade d'Européens dans la Guyane. S'inspirant largement du modèle de Kourou, Besner y voit l'occasion d'appliquer son idée de colonie d'Indiens dans la région de Tonnegrande, sous la supervision de quelques survivants de l'expédition de Kourou et de nouveaux colons européens. À cette occasion, la Compagnie de l'Approuague est fondée, avec un capital de 2 400 000 livres. Le projet est très détaillé et envisage de s'appuyer sur Cayenne et le magasin du roi pour soutenir la mise en route de l'établissement : ravitaillement, outil, etc668. Quelques familles sont installées à Tonnegrande, d'autres à Mahury, comme ces cinq familles libres sénégalaises et leurs esclaves. Un certain Guinguin, roi de Badagry (ville côtière au sud de l'actuel Nigeria) fait même savoir qu'il souhaite faire du commerce avec la colonie669. Pourtant démarré sous les meilleurs hospices, semble-t-il, le projet se trouve rapidement en butte à des difficultés. La colonie manque d'habitants. Besner, dès le mois d'octobre 1768, se plaint des nombreux abus commis dans la répartition des terres et des logements car aucun des officiers présents n'est capable de réaliser des opérations d'arpentage670. Maillart-Dumesle fait part de ses doutes quant à la réussite de l'entreprise, dans une lettre du 14 février 1769671 L'opération tourne court. Très vite, la colonie engloutit les 800 000 livres investies par l'État. Les colons désertent petit à petit les lieux si bien qu'il n'y a quasiment plus personne au bout de deux ans. À son retour en métropole au début des années 1770, Besner tombe en disgrâce auprès du nouveau ministre de Boynes, qui lui fait savoir que la Marine se passera définitivement de ses services672. Pourtant, malgré ce nouveau revers, le camp Besner reste

667 ANOM C14/35 F°245.

668 ANOM C14/35 F°266.

669 ANOM C14/38 F°164.

670 Ibid.

671 ANOM C14/38 F°149.

672 Pierre Victor MALOUET, Collection de mémoires, tome 1, op. cit., p. 6.

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optimiste. Le chevalier Benjamin Jacques de Besner, commandant des troupes de Cayenne, frère du baron, écrit au ministre en janvier 1772 que la colonie de Tonnegrande est finalement en passe de réussir. La mortalité, forte au début, est revenue à un niveau analogue à ce qui est généralement constaté ailleurs en Guyane. Il concède cependant qu'un peuplement Blanc réussi est une entreprise particulièrement difficile à mener à bien, mais envisage toutefois d'élargir la tentative de Tonnegrande673.

Un pas vers l'abolition de l'esclavage

En fait, la réflexion de Besner est à mettre en perspective avec le principal problème qui anime la plantocratie des années 1760-1770, qui est celui de la main-d'oeuvre. La correspondance des îles à sucre fait état du progrès du marronnage, qui reste tout au long du XVIIIe siècle un facteur d'inquiétude majeur pour la plantocratie. Celle-ci, en effet, redoute le déséquilibre démographique qui pèse en sa défaveur, si bien que les soulèvements d'esclaves sont sa hantise. De nombreux témoignages dénotent une hostilité latente entre colons et esclaves : affaires d'empoisonnement, incendies des plantations, agressions, suicides... En Guadeloupe, on signale en 1725 des bandes d'esclaves en rébellion, regroupant de 2000 à 3000 individus, réfugiés à l'intérieur des terres. À Saint-Domingue, où l'avance des cultures est plus lente, le marronnage est un phénomène récurrent jusqu'à la fin du siècle. La plus célèbre bande est celle du Maniel, qui s'installe à la limite de la partie française. À l'Île de France, le gouverneur Dumas signale en 1769 des désertions d'esclaves et une grave affaire criminelle674.

Besner, lui-même propriétaire d'une habitation en Guyane près de Montjoli675 n'ignore pas cette problématique. Proche des milieux anti-esclavagistes, le baron affine sa réflexion au contact de Raynal, qui tire argument dans son Histoire des deux Indes d'un mémoire de Besner qui prévoit une amélioration de la condition des esclaves et leur affranchissement progressif676. Ce plan tire les conséquences de l'échec de Kourou qui, pour Besner, montre la nécessité de recourir à la main d'oeuvre locale. Après avoir songé aux Indiens, l'échec de Tonnegrande l'amène à envisager un affranchissement progressif, qui transformerait en vingt ans la masse servile en journaliers libres qui, sûres d'améliorer leur condition, ne songeraient plus à se

673 ANOM C14/43 F°131.

674 Michèle DUCHET, Anthropologie et histoire au siècle des lumières, op. cit., p. 146.

675 Ibid., p. 132.

676 Ibid., p. 130 ; Barbara TRAVER, « A « New Kourou »: projects to Settle the Maroons of Suriname in French Guiana », op. cit., p. 113.

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révolter. D'où l'intérêt du travailleur libre. Une colonie ainsi constituée n'aurait plus à craindre le marronnage, elle serait même un pôle d'attraction pour les esclaves des autres nations677.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille