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Malouet, administrateur en guyane (1776-1778) mise en place d'un projet administratif et technique.

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par Benoît JUNG
Paris Ouest Nanterre - Master 2 2014
  

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2.1.2 Réformer la justice et réprimer ses abus

Dans un courrier du 17 janvier 1777 adressé au ministre, Malouet présente une situation

897 Marie POLDERMAN, La Guyane française, 1676-1763, op. cit., p. 114.

898 Ibid., p. 120.

899 ANOM C14/44 F °306 et 326

900 ANOM C14/44 F° 306

901 Ciro Flamarion CARDOSO, La Guyane française (1715-1817), op. cit., p. 274-275.

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assez anarchique de la justice en Guyane. Son analyse semble définitive : « Il est impossible de trouver de bons magistrats902 », écrit-il. Toutes les procédures criminelles s'instruisent sur le compte du roi, ce qui entraîne de nombreuses dépenses et accroît la lenteur des procédures903. Son témoignage montre que rendre une justice impartiale et efficace dans une colonie aussi petite est une véritable gageure904.

Ainsi il désigne un premier abus à réprimer. Claude Macaye, procureur général du Conseil supérieur vieillit ; c'est le seul magistrat digne de ce nom de la colonie. Il faut songer à le remplacer, mais il n'y a personne capable de pourvoir à ce poste, ni à ceux de procureurs et de lieutenant de juge d'ailleurs. Ces postes restent vacants905. De fait, l'absence de juristes qualifiés entraîne une application de la justice inconséquente dans laquelle « les parties n'ont aucun secours pour défendre ou établir leurs droits. » Les plaignants doivent comparaître en personne à l'audience et l'exposé des faits est « toujours cruellement embrouillé par les demi-connoissances des mauvais praticiens qui se trouvent ici. » De fait Malouet demande au ministre d'envoyer des procureurs qualifiés, car ceux qui occupent ce poste ici sont « de très-mauvais sujets, dont [il serait] d'avis de purger la colonie. Ces mêmes hommes continuoient donc, sans qualité, à se mêler obscurément de toutes les affaires ; ils les multiplient, les embrouillent, désolent les juges et les plaideurs906. »

Les procédures en matière civile sont donc longues et coûteuses, au point que les habitants les plus fortunés et sachant le mieux se défendre, s'adressent directement au ministre pour obtenir justice. L'interminable affaire Lafitte en est la parfaite illustration. Cet individu est condamné en 1773 par le Conseil supérieur de Cayenne pour une affaire d'impayés avec un négociant bordelais. Sauf que la plupart des conseillers l'ayant condamné sont ses débiteurs : il y a donc un conflit d'intérêt qui engage Lafitte à penser que le Conseil le condamne à dessein, pour ne pas avoir à le rembourser. Depuis, l'affaire se perd dans un labyrinthe de procédures à répétitions, entre les associés de Lafitte, contre ses juges, etc. Quand Malouet prend en main l'affaire dans le courant de l'année 1777, Lafitte assigne en justice tous les magistrats supérieurs et inférieurs de la colonie et ne reconnaît pas le tribunal de Cayenne car tous les conseillers lui doivent de l'argent. Il ne sait donc pas vers quelle juridiction se tourner et s'en remet à l'ordonnateur. Cette affaire « ennuie, scandalise et fait perdre du temps » à Malouet qui botte en touche et renvoie le dossier au ministre907.

Le deuxième volet de son action consiste à réduire les frais de justice. Le principal problème relève des trop nombreuses dépenses qu'entraînent le déplacement des juges. En charge des affaires

902 ANOM C14/50 F° 86

903 ANOM C14/45 F° 213

904 Marie POLDERMAN, La Guyane française, 1676-1763, op. cit., p. 141.

905 ANOM C14/43 F° 32

906 ANOM C14/45 F° 213

907 Pierre Victor MALOUET, Collection de mémoires, tome 1, op. cit., p. 401-402 ; ANOM C14/50 F° 96.

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touchant les officiers civils, les habitants, et théoriquement les esclaves, les juges et les procureurs doivent se rendre dans la juridiction où la plainte a été posée908. Cependant cette façon de faire est particulièrement onéreuse dans un territoire aussi vaste et les frais de transports sont importants. « L'assassinat d'un nègre coûte 4 000 francs. » Les frais de justice, rien que sur Cayenne s'élèvent à 14 000 francs par an909. Sur l'ensemble de la colonie, Malouet estime leur montant à 40 000 écus910. Du fait de la pénurie de magistrat, le juge et le procureur sont débordés, d'autant qu'ils sont mal payés. Ils n'ont aucun intérêt à multiplier les instructions criminelles, donc les criminels sont rarement poursuivis911.

Pour y remédier, Malouet provoque un arrêt de règlement afin d'augmenter les appointements des magistrats pour qu'ils puissent subvenir à leurs dépenses, et supprimer les déplacements en nommant dans chaque quartier un commissaire de justice, pour constater les délits par un procès verbal qu'il envoie au juge. Il demande au ministre de bien vouloir lui expédier rapidement les lettres patentes confirmatives nécessaires afin que sa mesure soit suivie d'effet, car il avoue avoir le plus grand mal à contenir les agissements des magistrats indélicats912.

L'action de Malouet permet donc de remettre quelque peu en ordre les affaires judiciaires de la Guyane. Face à un manque de juristes compétents qui multiplient les affaires et à une organisation dispendieuse, le règlement qu'il adopte donne de la souplesse et de la rationalité au fonctionnement de la justice. Par ailleurs, son plan pour la colonie comporte un point suggéré par le baron de Bessner au gouvernement, concernant un peuplement par le biais des esclaves fugitifs du Surinam et des Amérindiens.

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