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Malouet, administrateur en guyane (1776-1778) mise en place d'un projet administratif et technique.

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par Benoît JUNG
Paris Ouest Nanterre - Master 2 2014
  

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2.2.3 La promotion de nouveaux secteurs d'activité : les épices et les bois

La monarchie se soucie en effet du développement des plantes commerciales, mais également de la recherche qui permette de les cultiver avec un meilleur rendement, d'acclimater des espèces exogènes. Cette attention portée à l'Histoire Naturelle pousse l'administration coloniale à devoir prendre en compte la gestion du transfert de plantes et aux savoirs indispensables à leur adaptation au climat colonial988. Ainsi, dès le 21 août 1776, Malouet propose de profiter de son passage au large de Madère pour se procurer un arbre à pain et tenter son acclimatation en Guyane989. Mais les principaux efforts de l'ordonnateur montrent un intérêt particulier pour l'exploitation des bois. Celui-ci se manifeste dans deux directions. La première s'intéresse à son exploitation. La seconde concerne la création d'une pépinière.

L'exploitation des bois

L'exploitation du bois pour la construction navale est une des préoccupations majeures de l'administration coloniale, nous l'avons vu. Toutefois, avant de se lancer dans la production, Malouet a besoin d'un état des lieux, de savoir si l'entreprise peut être réellement rentable, et quelles sont les conditions de sa mise en place. Le rapport que lui fournit M. Bagot laisse entrevoir des possibilités réelles, bien que nécessitant beaucoup de travail et un investissement conséquent. Bagot dresse un inventaire de ses besoins en cas de mise en route de ce projet : il lui faut des ouvriers spécialisés, comme « des charpentiers, des constructeurs, des scieurs de long, un ou plusieurs taillandiers avec leurs outils, un ou même deux chirurgiens, [...] quelque remèdes nécessaires, la quantité de nègres que l'on voudra y emploler », au moins soixante d'une « bonne nation », affectés à la scie, au charroi et au transport990. Bagot a également besoin d'outillage et de fournitures diverses. Il demande « des scies, haches, serpes, sabres ou machettes, pics, arminettes, palettes, limes, meules, fusil, poudre, plomb, balle, criq, [...] barre de justice, menottes, cordages, poulies, cabestans, clous, marteaux, vrilles, tarrières, etc. » Il ajoute les vivres indispensables, la boisson, le vin. Il sollicite le recours « d'Indiens qui serviront à transporter les vivres, à la chasse et à la pêche », ainsi que « quatre charpentiers pour construire des embarquations (sic) propres aux

988 Julien TOUCHET, Botanique et colonisation en Guyane (1720-1848), op. cit., p. 26 ; François REGOURD, Sciences et colonisation sous l'Ancien Régime, op. cit., p. 253.

989 ANOM C14/43 F° 210

990 ANOM C14/45 F° 394

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transports des bois sur les dessins [qu'il] leur [donnera]991. » Si ces conditions sont réunies, Bagot avance une production de 30 à 35 milles pièces la première année, puis 90 000 à 100 000 la seconde, toujours avec la même équipe992. Sur ces travaux, Malouet informe le ministre en juin 1777 que le projet promet d'être rentable. Il assure que Bagot est capable, avec une équipe de cinquante esclaves scieurs de long de fournir 100 000 pieds cube de bois à 50 sous le pied. « En y ajoutant cinq sous de fret, le bois de Guyane reviendra à Brest à 55 sous : ce qui ne seroit pas cher », précise-t-il993.

Le développement de ce secteur laisse donc entrevoir des perspectives intéressantes pour la colonie. Dans un but d'exploitation raisonnée, Malouet couple l'exploitation du bois avec la mise en place d'une pépinière.

La création d'une pépinière

Très rapidement, l'ordonnateur engage des recherches et des travaux dans le but de mettre en place une pépinière. Il s'agit de rassembler en un même endroit les espèces de bois exploitables, répondant à la fois au problème de dispersement des différentes essences dans la forêt, à la difficulté de les exploiter, et favoriser le reboisement des zones défrichées laissées à l'abandon. Malouet informe le ministre le 1er février 1777 qu'il a fait délimiter et défricher un terrain sur 300 arpents autour de Cayenne, où il fait venir des plants et des graines994. Toutefois, comme le fait remarquer Julien Touchet, ce projet trouve ses origines chez le baron de Bessner qui, en 1775, propose la création d'une pépinière en Guyane. Il faut d'abord inventorier les différentes espèces utiles, tâche pour laquelle le baron propose son frère, et ensuite les multiplier dans une pépinière. Son entretien ne sera pas dispendieux : Bessner estime qu'un petit nombre d'esclaves, sous la supervision d'un jardinier et d'un élève fera l'affaire. Le gouverneur Fiedmond s'oppose en partie à l'emploie du chevalier de Bessner car il estime que ses compétences en botanique sont trop succinctes. En revanche il donne son aval pour qu'il dirige la pépinière et s'occupe du dessin des plantes995.

De fait, la réalisation d'un tel projet nécessite un personnel compétent. Le ministre Sartine écrit donc à Malouet le 21 août 1776 qu'il engage le jardinier Millet, et que ce dernier embarquera

991 ANOM C14/45 F° 395

992 ANOM C14/45 F° 396

993 ANOM C14/44 F° 168

994 Pierre Victor MALOUET, Collection de mémoires, tome 1, op. cit., p. 328.

995 Julien TOUCHET, Botanique et colonisation en Guyane (1720-1848), op. cit., p. 145-148.

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du Havre avec lui996. Reste que les travaux prennent du retard, du fait du problème récurrent de la main-d'oeuvre. Malouet réclame au ministre qu'on lui alloue une trentaine d'esclaves pour avancer les travaux, car le terrain sur lequel il commence à installer la pépinière, qui court des remparts et s'étend vers la mer, est inondé et couvert de palétuviers qu'il faut abattre997.

Ce projet de rationalisation de l'exploitation forestière en se focalisant sur des espèces « utiles » élevées en pépinière, volonté des Lumières d'ordonner la Nature, se prolonge par un effort dirigé vers la culture des épices.

Les épices

En 1772, l'ordonnateur Maillard-Dumesle charge un certain Dallemand de trouver des terrains propices à recevoir les premiers plants de girofliers et de canneliers, expédiés depuis l'Île de France par Pierre Poivre. Dallemand parcoure la Guyane pendant trois mois et identifie les terres du quartier de la Côte comme les plus propices : ce sont des terres grasses, abritées et irriguées par de nombreux petits ruisseaux, idéales pour le giroflier. Parmi les 28 personnes visitées, Dallemand retient 4 habitants chez qui seront distribuées les épices : Macaye (2 girofliers, 1 cannelier, 1 james rosa), Mme de Billy (1 giroflier, 1 cannelier), Courant (1 giroflier, 1 cannelier, 1 james rosa), et Boutin (1 giroflier, 1 cannelier, 1 james rosa)998. Quand les premiers plants arrivent à Cayenne en 1773, il n'existe pas encore de lieu dédié à la culture des épices. L'administration les confie aux habitants les plus éclairés. Cette dispersion des plants est vraisemblablement aussi un moyen de répondre à la menace de destruction par le premier corsaire venu, avance Julien Touchet999.

Quand Malouet arrive à Cayenne, la culture des épices en est encore à ses balbutiements. Dans son dernier compte rendu d'activité pour l'année 1778, il se félicite toutefois des premiers succès rencontrés. Il informe le ministre de la première récolte de cannelle, ainsi que des premiers clous de girofle. Le muscadier de M. Noyer ne produit rien pour le moment, mais il est en fleur1000. Un second courrier daté du 14 août 1778 est plus détaillé et met en avant le besoin prégnant de nouvelles dispositions à l'endroit de la culture des épices. Malouet annonce au ministre que les trois girofliers sont en plein rapport. Leur récolte est même suffisamment abondante pour envisager de

996 ANOM C14/43 F° 209

997 Julien TOUCHET, Botanique et colonisation en Guyane (1720-1848), op. cit., p. 149.

998 Ibid., p. 90.

999 Ibid., p. 151-152. 1000ANOM C14/50 F° 96

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faire des semis. Un des trois girofliers est transplanté chez M. Courant. Il souligne également que, bien que les succès soient encore modestes, les plants de girofliers sont précieux et il désapprouve le fait que Courant ait refusé une garde militaire pour le transport de son arbre. Il pense que le cadre de l'habitation privée ne convient plus pour la culture des épices, car il faut de la place pour accueillir les nouveaux plants issus des semis. Ainsi, conformément à ce qu'il annonçait à M. Maurepas avant son départ pour Cayenne, Malouet informe que l'administration a dores et déjà « déterminé deux emplacemens différens pour la plantation des clous qui proviendront de cette récolte. » En outre, il lui paraît indispensable de regrouper les épices en un seul lieu et de « prendre des mesures efficaces pour la sûreté et le régime d'une culture aussi intéressante1001. » Ce qui préfigure le transfert en 1781 des cultures d'épices sur les montagnes de la Gabrielle, sous la houlette de Guisan.

La mobilisation de Malouet en faveur de la mise en valeur du patrimoine forestier et de son exploitation raisonnée repose sur la volonté ministérielle de faire de la Guyane un chantier naval, exportateur de bois de construction. L'aspect commercial est renforcé par le développement de la très lucrative culture des épices. En parallèle, l'ordonnateur se charge d'insuffler un souffle nouveau à des activités peu dynamiques jusqu'à présent, en sollicitant l'intervention de l'État.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci