WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Malouet, administrateur en guyane (1776-1778) mise en place d'un projet administratif et technique.

( Télécharger le fichier original )
par Benoît JUNG
Paris Ouest Nanterre - Master 2 2014
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2.2.4 Un développement sous l'aile de l'État : l'élevage et la pêche

L'un des grands objectifs ministériels pour la Guyane est d'en faire une base arrière capable d'assurer le ravitaillement des Antilles. Pour ce faire, on fonde de grands espoirs sur l'élevage et la pêche, deux secteurs d'activité relativement marginaux, mais dont les potentialités laissent entrevoir une production et des revenus substantiels.

L'élevage

Bien que l'élevage ne soit qu'une activité annexe en Guyane, c'est un secteur sur lequel la monarchie fonde de grands espoirs pour l'essor futur de la colonie. Toutefois, son développement n'est pas aussi simple que ce que les plans imaginés à Versailles laissent à penser. Malouet se trouve confronté aux réalités locales et doit résoudre les obstacles qui se dressent devant lui, au premier

1001ANOM C14/50 F° 27

233

rang desquels se trouve l'importation des bestiaux. On envisage d'en faire venir du Cap-Vert, selon le circuit historique depuis 1694. Cependant, il constate que c'est impossible et en informe le ministre dès son arrivée à Cayenne. En effet, sous l'action combinée d'une compagnie commerciale peu scrupuleuse et d'une sécheresse désastreuse qui dure depuis cinq années, l'archipel est dans un désarroi économique complet1002. Il se penche alors rapidement sur la question et le 30 novembre de la même année, il écrit au ministre que si l'importation de bestiaux s'effectue, il est inutile car trop coûteux de les faire venir depuis la France ou l'Afrique. En revanche, l'introduction via le Para par la compagnie portugaise de la place représente, selon lui, une alternative intéressante. Malgré les refus répétés de la cour du Portugal de traiter avec les Français, Malouet avance que l'avantage économique est évident pour la colonie, d'une part ; et que cela dispense la France de devoir recourir à des intermédiaires espagnols ou anglais, d'autre part. En conséquence de quoi, l'ordonnateur souhaite ouvrir de nouvelles négociations avec le Portugal. Pour convaincre Lisbonne de changer d'avis, il faut mettre en avant les objectifs de développement pour la Guyane, donc l'intérêt commercial du Portugal en regard des débouchés potentiels. En cas d'un nouvel échec, Malouet pense qu'il faudra malgré tout se résoudre à effectuer la traite du bétail depuis l'Afrique1003.

Concernant les haras, il écrit au ministre que l'État doit intervenir s'il veut assurer un développement plus conséquent. En effet, les chevaux sont rares en Guyane car le terrain est difficilement praticable pour eux. De plus, leur importation est difficile. Des essais infructueux sont tentés par l'Amérique du Sud puis par Saint-Domingue. La filière provenant de la Nouvelle-Angleterre est la solution qui semble avoir le mieux fonctionné, précise Yannick Le Roux1004. Malouet préconise d'employer un Blanc et dix esclaves pour un haras de cent juments, ou une ménagerie de trois cents vaches. Il faut tabler sur vingt carreaux de fourrage par établissement, et assurer un suivi vétérinaire. Il prévoit que « cent mille écus sur quatre ans » devraient suffire pour créer six établissements, qui seront cédés « à crédit au prix coûtant à des hommes sages et intelligents qui y feroient de gros bénéfices ». Le gouvernement doit tabler finalement sur un investissement nécessaire à la création d'une douzaine d'établissements avant de se retirer1005.

Le second problème concerne la situation du cheptel. Le 23 décembre 1776, Malouet explique au ministre qu'il est nécessaire de faire les choses dans l'ordre. Avant de prétendre exporter des bestiaux vers les Antilles, il faut d'abord satisfaire le problème de la demande intérieure. Il constate une dégradation générale du cheptel par l'habitude des habitants qui en dispose de manger de la viande de boucherie tous les jours. « [...] Chaque particulier faisoit tuer et débiter à son gré,

1002ANOM C14/50 F° 84

1003ANOM C14/43 F° 37

1004Yannick LE ROUX, Les communications intérieures en Guyane Française sous l'ancien régime (1664-1794),

http://www.manioc.org/fichiers/V11058, 2010.

1005ANOM C14/50 F° 84

234

boeufs, vaches, veaux », écrit-il, « chacun pour son compte ; il en résultoit une grande incertitude dans l'approvisionnement de l'hôpital, des habitans malades, et de tous ceux qui, n'ayant point de ressources en volaille et en poisson, ont grand besoin de viande de boucherie. » De plus, après avoir consulté le recensement des bestiaux, il avance qu'il faut impérativement empêcher la destruction

des souches de bétails1006. En conséquence de quoi, il s'est « décidé à établir une boucherie », pour
juguler les excès d'abattage et approvisionner plus équitablement la colonie en viande « au plus bas prix1007. »

Alors, pour amorcer le mouvement, Malouet se rapproche de M. Delaforest. Ensemble, ils passent un marché dans lequel Delaforest s'engage à transformer son habitation de Sinnamary en ménagerie. Il doit créer des parcs, aménager des écuries, planter des vivres et du fourrage. Une fois en rapport, il doit tout céder au roi. En contrepartie, Malouet s'engage à lui racheter la totalité à 200 livres le carreau de vivre et de fourrage en rapport1008. Par ailleurs, il mobilise les missionnaires installés à Couani pour procéder à des essais d'élevage. Il fait envoyer douze vaches, des moutons et quelques cabris. Il recommande à Préville, son successeur, d'envoyer en soutien « un Blanc intelligent et deux esclaves1009. »

De fait, malgré un bilan qui décrit une situation compliquée de l'élevage, Malouet montre dans quelle direction l'intervention étatique doit aller, et il entreprend avec l'aide d'un habitant zélé de former une ménagerie devant servir d'exemple. Dans le même ordre d'idée, l'action de l'État doit favoriser l'exploitation des ressources halieutiques.

La pêche

Nous l'avons vu, la pêche est une source d'approvisionnement importante pour les colons. C'est une activité généralement productive1010 dont il conviendrait de développer la capacité exportatrice en regard de son potentiel, notamment en ce qui concerne la pêche au lamantin. Dans une lettre du 6 décembre 1776, Malouet constate que cette activité est encore très marginale, pour deux raisons. La première est qu'il n'y a qu'un seul pêcheur, M. Limbourg. La seconde est que la demande est trop modeste. Limbourg, en effet, parvient difficilement à écouler sa production de 10

1006Ibid.

1007ANOM C14/43 F° 90

1008ANOM C14/50 F° 96

1009Ibid.

1010Marie POLDERMAN, La Guyane française, 1676-1763, op. cit., p. 401.

235

000 lamantins salés. Pour l'ordonnateur, il faut rationaliser ce secteur, ce qui permettrait de dynamiser l'économie locale, et ferait réaliser des économies diminuant les envoies de boeuf séchés depuis la France. Il achète donc à Limbourg la moitié de sa cargaison pour nourrir les esclaves du roi. Il propose également au ministre de lui fournir un meilleur bateau afin qu'il puisse écouler plus facilement une partie de sa production en Martinique1011.

Suivant les objectifs du plan, il convient de mettre des moyens suffisants dans la pêche pour, à terme, pouvoir approvisionner toutes les Antilles. Malouet pense qu'il faut, d'une part, augmenter la capacité de production. Il demande au ministre de lui envoyer « huit pêcheurs et saleurs de Grandville, quatre bateaux pontés de vingt à trente tonneaux ainsi que tous les ustensiles de pêches. » D'autre part, il insiste sur la nécessité d'intéresser de nouveaux entrepreneurs à investir dans la pêche. Pour ce faire, l'État doit prendre à sa charge l'ouverture de nouveaux débouchés en achetant toute la production invendue, et en octroyant « aux saleurs de poisson une petite gratification de huit pour cent sur le produit de la pêche. » Malouet évalue le coût pour le roi entre 8 000 et 10 000 francs par an, ce qui reste très modeste « et ne peut pas être mis en parité avec les avantages qui doivent en résulter1012. »

Dans l'ensemble, le développement de la pêche semble requérir une intervention étatique moins lourde que l'élevage, pour des résultats visibles plus rapidement. En soutien du développement économique de la colonie, l'ordonnateur défend un ambitieux programme de mise en valeur des terres basses, qui mobilise savoirs techniques et savoirs agronomiques.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille