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Construction sociale des processus décisionnels en matière d'usage des pesticides par les maraichers de Sèmè-Kpodji

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par Daleb Abdoulaye Alfa
Université d'Abomey-Calavi - DEA 2014
  

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L'évocation des maladies

Les maladies des plants constituent des déceptions permanentes pour les maraichers. « Les maladies des plants sont nos principaux ennemis ici. Ce n'est pas facile notre métier. Il faut sarcler, biner, semer, arroser ; et ce n'est pas tout ! Non seulement, il te faut de l'argent pour acheter du carburant afin de pouvoir drainer l'eau dans le bassin, il te faut également l'argent pour les produits de traitements. Parce que, même quand la plante est en bonne santé il faut traiter pour prévenir les maladies. Mais malgré les traitements de préventions, il arrive très souvent que nos plants soient malades ; tout ça c'est sans compter ce que tu payes aux ouvriers » [Salomé, 36 ans, maraicher à VIMAS]. Tous les maraichers interrogés tiennent le propos de Salomé. Il faut un minimum d'investissement pour faire le maraichage. Le montant varie de 50.000 CFA à 400.000 CFA et est fonction de la superficie emblavée et des cultures faites. Alors, une fois les dépenses déjà engagées ils n'arrivent plus à renoncer en cas de maladies des plantes, et dépensent davantage dans l'achat des produits de traitement. Ainsi ils associent à la maladie la notion de sanction financière, coûts supplémentaires, perte.

Néanmoins, le terme de maladie ne contient pas que des évocations négatives. « Tu ne peux pas être maraicher et dire que tes plants ne seront pas malades, c'est impossible. Moi aussi je tombe malade, donc c'est naturel. La maladie est déjà là ! Donc il faut agir. C'est là aussi on voit qui est qui sur ce site...  » [Grégoire, 30 ans, maraicher à VIMAS]. Ces propos transparaissent à travers les entretiens de 15 maraichers. Nos séances d'observations nous ont permis de constater qu'il arrive que les maraichers échouent dans le traitement des plants. En situation d'échec ils peuvent soit changer de produits soit modifier le dosage ou la combinaison. Ainsi, les maladies sont l'occasion pour les maraichers de se remettre en cause, et de mettre au point de nouvelles combinaisons de traitements. Selon Dejours (2003), le travail n'est pas une activité qui sert uniquement à produire et à gagner de l'argent, il est également indispensable dans la construction de la personne. Le travail sert à s'épanouir, à développer et exprimer sa créativité, son intelligence. Si le rapport au travail peut s'envisager dans ses dimensions techniques ou économiques, il renvoie également à des dimensions personnelles, affectives et identitaires.

Les pesticides, usages et approvisionnements

Le principal moyen de lutte contre les bibi et les wanvou est l'utilisation de pesticides chimiques. Au total, 25 pesticides ont été dénombrés durant la période de collecte des données (confère Tableau n° 2 en annexe). Les dix premiers sont les pesticides recommandés pour la culture du coton par contre les dix autres suivants sont recommandés pour le maraichage. Les 5 derniers n'ont pu encore être classés comme étant des produits recommandés pour le coton ou les cultures maraichères.

La majorité des maraichers ne semblent pas avoir une grande connaissance du spectre d'activité des matières actives et des doses à utiliser en fonction des superficies à traiter. Ils répondent que la plupart des pesticides agissent vers les mêmes cibles, qu'il s'agisse de ravageurs ou de maladies. Cette méconnaissance est souvent imputable à l'utilisation abusive des produits. Si cet état de chose peut s'expliquer par le fait du niveau d'instruction très faible des maraichers, il y a aussi que les maraichers ne sont pas bien encadrés par l'Etat à l'instar des producteurs de cotons. En effet, pour la culture du coton, en plus de l'encadrement, les pesticides « adaptés » sont distribués par l'Etat aux producteurs sous forme de crédit remboursable après la récolte. Par contre, les produits homologués pour les cultures maraichères ne sont pas toujours disponibles dans les centres de promotion agricole et s'ils le sont parfois, leur coût est dissuasif. Les maraichers ne bénéficiant pas alors du même encadrement que les producteurs du coton, se retrouvent seuls faisant leur possible pour avoir de belles récoltes afin de les commercialiser.

La plupart des maraichers, c'est-à-dire 25 sur les 28 interrogés, affirment ne plus avoir une connaissance sur le mode d'action précis des produits qu'ils utilisent. « On ne maîtrise plus rien, les produits ne sont plus efficaces comme avant, finalement on ne sait plus ce qu'ils font exactement » [Phillipe, 28 ans, maraicher à VIMAS]. Et donc, ce qui est recherché, c'est le résultat ; peu importe le type d'emballage, la couleur et l'aspect du produit. Selon eux, pour renforcer l'efficacité du produit, il doit être utilisé en mélange. Cette pratique évite de faire plusieurs passages d'épandage et de ce fait permet de gagner en temps. L'épandage est fait souvent très tôt le matin ou le soir. La raison évoquée est que l'action du soleil ambiant associé au produit pourrait griller la plante.

Le plus difficile pour nous concernant l'usage des pesticides a été de trancher sur comment les mélanges de pesticides se font. « ...c'est une question compliquée hein ! je ne peux pas vous dire exactement comment je mélange mes produits, je ne peux pas... ça dépend du niveau d'attaque des plants, de la quantité de produit dont je dispose, des produits qui existent en ce moment sur le marché, de ma capacité financière... en tout cas sincèrement, ça dépend... » [Donald, 29 ans, maraicher sur le site de VIMAS]. Aucun des maraichers interrogés sur cet aspect n'a pu fournir d'informations précises. L'observation nous a permis de constater que, le même maraicher pour la même culture, en face du même ravageur, peut soit utiliser les mêmes produits à des doses différentes, soit utiliser carrément d'autres produits, soit faire d'ajout aux précédents. Néanmoins, même si on ne peut pas statuer sur les mélanges de produits, il y a les produits tels que « LAMDA FINER® 25 EC », « PACHA® 25 EC », « LASER® 480 SC » qu'on retrouve systématiquement dans tous les mélanges faits par 23 des maraichers enquêtés.

Les traitements des cultures sont réalisés à titre préventif et à titre curatif. Généralement pour la prévention, les traitements sont réalisés tous les 5 à 8 jours ; et à titre curatif tous les 2 à 3 jours selon le niveau d'attaque de la culture.

Un autre facteur déclenche également les traitements chez une dizaine des maraichers enquêtés. Quand mon voisin traite ses cultures, il faut que je le fasse aussi sinon mes cultures seront contaminées disent-ils. Cette perception résulte du fait que ces maraichers pensent que certains ravageurs ne meurent pas après traitement mais se déplaceraient. « Les acariens et les criquets ne meurent pas facilement, quand tu mets le produit, ils sont dérangés et ils se déplacent pour aller cher celui qui est à côté... » [Sèna, 32 ans, maraicher à VIMAS].

Les circuits d'approvisionnement au niveau local sont multiples. « Accueil Paysan » est la seule boutique de fourniture d'intrants (semences et produits phytosanitaires) à Sèmè-Kpodji. Ce lieu commercial ne fournissant pas des produits coton, les maraichers de VIMAS se rabattent sur les fournisseurs de Cotonou et les vendeurs ambulants pour s'approvisionner. En effet, la responsable de cette boutique est ingénieur agronome et donc consciente du danger de l'utilisation de ces produits en maraichage. En revanche les vendeurs de produits de traitement chez lesquels les maraichers vont s'approvisionner à Cotonou n'ont aucune connaissance scientifique sur les compositions des produits. Ils sont également des maraichers qui ont comme pratique de recruter les ouvriers sur leur site de maraichage. « Il est vrai que j'ai ouvert une boutique pour vendre les pesticides de maraichage, mais je n'ai jamais cessé de faire le maraichage. J'ai engagé des ouvriers expérimentés pour le faire mais je vais voir de temps en temps comment les choses évoluent ». [Agossou, 49 ans, vendeur de pesticides à Cotonou]. Les nouveaux produits avant d'être recommandés aux clients sont expérimentés sur nos cultures affirment les vendeurs.

Les vendeurs de ces produits affirment s'approvisionner surtout en Côte-d'Ivoire, au Ghana et au Togo. Lorsqu'ils doivent s'approvisionner au Togo, ils utilisent leurs motos pour faire le déplacement. Ils déclarent maîtriser des trajets afin de ne pas se faire déranger par les douaniers. En outre lorsque ces produits doivent quitter la Côte-d'Ivoire ou le Ghana, ils sont dédouanés et sont transportés par les grands bus qui font le trajet Côte-d'Ivoire- Ghana- Togo-Bénin. Il arrive parfois que ces produits soient saisis par l'une des douanes de ces frontières en cas de non dédouanement. Certes les vendeurs vont s'approvisionner à l'extérieur du pays mais il arrive aussi que des fournisseurs se déplacent vers eux. Ces fournisseurs viennent à la fois de l'intérieur (le nord) et de l'extérieur du pays (Côte d'Ivoire et Ghana). Ce sont surtout les produits cotons qui leurs sont livrés. « ... il y a même des pesticides qui sont stockés maintenant parce que ce n'est pas bon pour le coton et vous allez voir ça sur le maraichage très prochainement et des milliers de tonnes. Ce qui est dommage quand ils font venir ces produits, ils ne voient pas les conséquences parce que ça va ressortir. On nous a montré à la télévision plusieurs magasins remplis de produits, remplis d'endosulfan vous avez suivi ça non ! » [Agent de l'INRAB]. Il y a donc un détournement de produits destinés au coton pour le maraichage. Et puisque ces produits sont subventionnés par l'Etat, ils ne coûtent plus cher sur le marché informel. Ce qui explique en partie la présence de ces produits avec les maraichers.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein