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La distribution des dividendes en droit des sociétés commerciales ohada

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par Marc Rostel KANA KENGNI
Université de Dschang - Master en droit des affaires et de l'entreprise 2013
  

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2- Le recours à l'abus de majorité en cas de mise abusive des bénéfices dans les réserves

Voilà déjà plus de dix sept ans que le groupe Apple185(*) n'a pas distribué de dividendes. L'annonce par ce groupe de la distribution des dividendes rompt avec la pratique qui consiste pour ces grandes sociétés de toujours inclure leurs bénéfices dans les réserves. Généralement, ces groupes technologiques186(*)ont pour politique de ne pas distribuer les dividendes, le but étant de garder les réserves pour pouvoir innover. Le principe en droit des sociétés voudrait que la distribution des dividendes soit précédée par la constitution des réserves obligatoires, statutaires et éventuellement facultatives. Ces dernières suscitent généralement des conflits entre associés majoritaires, soucieux d'une affectation de la totalité des bénéfices en réserve, et minoritaires qui ne peuvent percevoir de cette affectation aucun dividende187(*). S'il est prévu la possibilité pour les associés de ne pas distribuer les bénéfices et de les mettre en réserve pour assurer l'autofinancement de la société, cette affectation n'est légitime que si elle est faite dans l'intérêt de la société. C'est dire que la non distribution des dividendes est légitimée par l'intérêt de l'entreprise188(*) ou par le besoin de financement de la société189(*)

Dès lors, une mise en réserve systématique des bénéfices est contraire à la finalité de la société qui est constituée en vue de partager les bénéfices qui pourront en résulter. Il faut éviter que la société ne devienne comme « Harpagon amassant les écus d'or pour le seul plaisir de les contempler »190(*). La mise en réserve est une bonne chose pour la société. Toutefois, il ne faudrait pas qu'elle traduise la perversion des associés majoritaires et l'avilissement des associés minoritaires. Ceux-ci peuvent lorsque c'est le cas, recourir à l'abus de majorité pour obtenir l'annulation de la délibération.

À cet effet, l'article 130(2) de l'AUSCGIE prévoit qu'il « y a abus de majorité lorsque les associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul intérêt, contrairement aux intérêts des associés minoritaires, et que cette décision ne puisse être justifiée par l'intérêt de la société ».Ce fut le cas dans cet arrêt de la Cour de cassation française du 1er juillet 2003191(*). En l'espèce, une SARL Mécano soudure fut constituée entre Antoine (850 parts), Ettore (840 parts) et René (860 parts). Ettore désigné comme gérant était rémunéré et bénéficiait d'une procuration générale de René (ce qui faisait de lui un associé majoritaire). Lors des assemblées générales, plusieurs décisions furent prises notamment l'affectation des bénéfices des années 1990 et 1992 aux réserves, l'octroi d'une prime de bilan au gérant pour les exercices de 1990 et 1992 qui furent approuvées lors des assemblées de 1992 et 1993.

Le sieur Antoine, sans doute après avoir été débouté en instance, demanda et obtint de la CA de Colmar l'annulation de ces différentes résolutions. La SARL Mécano soudure et les sieurs René et Ettore introduisirent un pourvoi estimant entre autres que l'arrêt a violéles dispositions de l'article 1382car, l'incorporation systématique des bénéfices dans les réserves est conforme à l'intérêt social parce qu'elle permet à la société de mieux faire face à l'avenir. Mais, d'après la Cour de cassation, la CA a retenu à bon droit que la mise en réserve n'avait aucun effet sur la politique d'investissement. En effet, la rémunération du dirigeant était quatre fois le montant du bénéfice de certains exercices.

La CA d'appel a ainsi fait ressortir que l'affectation systématique des bénéfices aux réserves n'a répondu ni à l'objet,ni à l'intérêt de la société et que cette décision afavorisé les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires. En présence d'une telle caractérisation de l'abus de majorité, la Cour de cassation rejeta le pourvoi.

Cependant, il n'existe pas de critères légaux permettant de dire si une mise en réserve est abusive. La jurisprudence se fonde parfois sur le nombre d'annéesd'incorporation192(*). Des fois, l'abus de majorité est retenu lorsque les bénéfices affectés en réserve dépassent de manière exorbitante le montant du capital social193(*).

Dès lors, le législateur OHADA et le juge devraient retenir en matière de distribution des dividendes trois critères d'abus de majorité non cumulatifs si les associés se plaignent. Premièrement, lorsque la dotation aux réserves n'est pas faite pour assurer un investissement et ne répond ni à l'objet, ni à l'intérêt de la société. Deuxièmement, lorsque la décision d'affectation systématique se fait depuis trois ans alors que la société est financièrement prospère.Troisièmement, lorsque la décision d'affectation des réserves entraine que celles-ci soient supérieures à cinq fois le montant du capital social. Dans toutes ces situations, l'autofinancement n'est pas en cause. Le juge pourra recourir à ces critères en attendant d'éventuelles règlementations.

Ces critères permettront aux associés de bénéficier de leurs dus et préserveront leur vocation aux dividendes même si le législateur n'a pas exploré tous les pans de cette vocation.

* 185Apple , anciennement Apple Computer, est une entreprise multinationale américaine qui conçoit et vend des produits électroniques grand public, des ordinateurs personnels et des logiciels informatiques. Pour plus d'information, voir le site fr.wikipedia.org

* 186 Il faut aussi citer les groupes comme Microsoft, Google.

* 187NGOUE Willy James, OHADA, Pratique du droit des sociétés commerciales : la société à responsabilité limitée, collection droit des affaires, PUL, Douala 2007, p. 280; MEUKE Yves Bérenger, « De l'intérêt social dans l'AUSCGIE de l'OHADA » Penant, n° 859, Juillet-Septembre 2007, p. 338.

* 188ANOUKAHA François, CISSE Abdoullah, DIOUF Ndiaw, NGUEBOU TOUKAM Josette, POUGOUE Paul Gérard, SAMB Moussa, op. cit., p.125.

* 189Tribunal Régional de Niamey - Jugement civil n° 96 du 26 mars 2003, ABASSHAMMOUD c/ JACQUES CLAUDE LACOUR, Ohadata J-04-78, www.ohada.com

* 190 COZIAN Maurice, VIANDIER Alain et DEBOISSY Florence, 17e éd op cit, p.174.

* 191Cass. Com., 1er juillet 2003, www.legifrance.gouv.cm

* 192Cass. Com., 22 avril 1976, www.legifrance.gouv.cm. Ici les réserves avaient été incorporées pendant 20 ans.

* 193Cass com., 6 juin 1990, www.legifrance.gouv.cm. Les réserves étaient de 22 fois le capital social.

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